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La légende noire des pirates

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Présentation au sujet: "La légende noire des pirates"— Transcription de la présentation:

1 La légende noire des pirates
A l'abordage ! La légende noire des pirates Fabrice Delsahut Université Inter âges

2 Conférence 4: La légende noire (1ère partie)

3 I. Pirate et négrier SIR JOHN HAWKINS ( )

4 A la cuillère L’Age d’Or de la piraterie (XVIIème et XVIIIème siècles) correspond également aux beaux jours du commerce d’esclaves dans l’Atlantique. La relation entre la piraterie et la traite des Noirs est complexe et ambiguë. Certains pirates participent au commerce d’esclaves et ont la même attitude que leurs compatriotes envers les Africains dont ils se servent comme monnaie d’échange. C’est ainsi le cas de John Hawkins ( ) qui découvre le premier que la traite des Noirs peut être un négoce rentable. Il entasse les esclaves dans la calle « à la cuiller », ajustés les uns contre les autres. Ils sont revendus quarante ducats par tête ce qui, au regard des risques encourus et des frais engagés, représente un commerce des plus fructueux.

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6 La traite dans le royaume de France
Pour Antoine Loisel, jurisconsulte français du XVIIeme, « Sitôt qu’un esclave a atteint les marches d’ice-lui, se faisant baptiser, il est affranchi. » Cela fait écho au parlement du Guyenne qui déclare via un arrêt en 1571 que « La France, mère des libertés, ne permet aucun esclave ». Malgré cela, aucune loi n’interdit la traite en dehors des frontières du pays et les flibustiers du Ponant voit ainsi dans les esclaves noirs un objet de commerce. Certains (les Havrais par ex) vont traiter dans les colonies portugaises du Cap Vert, d’Angola, de Guinée et Sierra Leone avant de gagner l’Amérique. D’autres, plus confiants en leur armement préfèrent intercepter les négriers. En 1570, le capitaine havrais Cacheux met la main sur une caravelle avec 55 noirs. Ce commerce débute dés le début du XVIeme siècle et une lettre de l’Ambassadeur d’Espagne à Paris en 1579 dénonce les Français qui volent des Noirs en Guinée et vont les vendre à très bas prix aux Indes. Le flibustier « Adrian » (Adrien Letellier ?) vient aux Antilles avec 250 noirs d’Angola pour les échanger en 1591.

7 Les pirates esclaves Tous les pirates ne participent pas au commerce des esclaves. Certains sont eux-mêmes d’anciens esclaves en fuite, qui rejoignent les pirates au cours de leur voyage depuis l’Afrique, ou qui désertent les plantations, ou encore qui sont envoyés comme esclaves pour travailler à bord des navires. Le nombre d’esclaves est nettement plus important sur les navires pirates que sur ceux de commerce ou de guerre. La marine en général offre plus d’autonomie aux Noirs que la vie dans les plantations, mais la piraterie, plus particulièrement, peut offrir une chance d’être libre pour un Africain dans l’Atlantique du XVIIIème siècle. A bord, l’abolitionnisme semble être de rigueur sur le pont des navires pirates dans la mesure où aucun équipage pirate n’interdit aux Noirs de porter une arme ou ne les empêche d’accéder aux responsabilités collectives comme le montrent de nombreux exemples tout au long de l’histoire de la piraterie. Les échanges culturels entre les pirates, les marins et les Africains sont considérables. On retrouve ainsi certaines similitudes de forme entre les chansons africaines et les chants de marins. En 1743, des matelots sont accusés et jugés en cour martiale pour avoir chanté une « chanson nègre » en « provocation à la discipline ».

8 Une alliance crainte L’alliance des pirates avec les esclaves est particulièrement crainte par les autorités. En 1715, le Conseil de la Colonie de Virginie s’inquiète des liens entre le « ravage des pirates » et « une insurrection de nègres ». Un an plus tard, on souligne que les esclaves d’Antigua se montrent « très impudents et insultants » et que bon nombre « rejoignirent ces pirates qui ne semblent pas faire grand cas des différences raciales. » Diverses alliances ont lieu entre des communautés « marronnes » (de l’espagnol cimarron, « vivant sur les cimes ») et des équipages pirates comme ceux de Francis Drake. En 1538, les esclaves locaux aident les pirates français à mettre à sac La Havane et des révoltes d’esclaves éclatent au moment où la flotte de Drake approche de Lima, Carthagène et Hispaniola (Haïti). Conséquence de ces alliances, les Noirs pris sur les bateaux pirates au XVIIème siècle ne sont pas jugés car considérés comme des esclaves. Ce n’est plus le cas au XVIIIème siècle où ils sont exécutés au même titre que leurs compagnons blancs

9 Des préjugés raciaux tenaces
Si la traite est généralisée et semble être effectuée sans états d’âme par de grands flibustiers à l’instar de Granmont, Montauban, Dampier, certaines voix commencent à s’élever. En 1681, les capucins Epiphanes de Moirans et Francisco de Jaca condamnent l’esclavage et promettent aux maitres la damnation s’ils n’affranchissent pas leurs esclaves. Certains esclaves deviennent associés comme le mulâtre Diego, devenu capitaine. Lorenzo de Roxas, « mulâtre catholique de 24 ans » fait partie d’un équipage pirate français. Un quart des 200 hommes d’équipage du navire du Capitaine Bellamy, le Whydah, sont noirs. Beaucoup d’entre eux sont d’anciens esclaves noirs. L’historien de la piraterie, Kenneth Kinkor, prétend que même si le Whydah est à l’origine un navire négrier, les noirs qui se trouvent à bord lors du naufrage sont bien des membres de l’équipage et non des esclaves. Le sort le plus enviable que peut espérer un pirate noir lorsqu’il est capturé est d’être vendu comme esclave, qu’il soit affranchi ou non. Lorsque Barbe Noire est capturé par la Royal Navy en 1718, cinq de ses dix-huit hommes d’équipages sont noirs, et, selon le Conseil du Gouverneur de Virginie, les cinq noirs sont « autant impliqués que le reste de l’équipage dans les mêmes actes de piraterie. » Selon Raveneau de Lussan, « ils rendent souvent de bons offices à nos flibustiers lorsqu’ils les prennent et les embarquent avec eux, sous promesse de participer aux prises qu’ils font ensemble, ce qu’on ne manque pas d’exécuter fidèlement, car si on les avait trompés une fois, il ne faudrait plus compter sur eux. » « S’il est incontestable que les pirates n’hésitaient pas à embarquer des Noirs et que certains, captifs au départ, purent s’imposer par leurs qualités et accéder à des positons importantes. Pourtant, la mentalité des pirates restait dominée par les préjugés raciaux de l’époque : aussi, pour la majorité des Noirs, la situation ne changea guère. On s’en rend compte dans cette description de l’île de la Providence : « ils [les pirates] s’y sont fortifiés et ont trois cents Noirs d’une prise, qu’ils font travailler à des retranchements. » » Jean-Pierre Moreau

10 Ce coup de maître fait entrer Hawkins dans la légende.
Le pirate de la reine John Hawkins, constructeur de navires, riche négociant et navigateur, entreprend une première expédition négrière en 1562 avec une flotte modeste car les investisseurs se sont limités à une « mise pour voir ». Les bénéfices sont tels que la reine lui propose en 1564, le prêt d’un de ses plus gros vaisseaux de guerre, le Jesus of Lubeck, pour faire la traite. Le désormais « pirate de la reine » se fournit sur la côte de Sierra Leone en esclaves qu’il revend dans l’Amérique espagnole, avec de très larges profits, tant pour lui que pour ses bailleurs. Le domaine colonial espagnol attise aussi sa convoitise. Après avoir quitté Plymouth en octobre 1567 pour la Guinée et la Sierra Leone puis revendu l’année suivante au Venezuela et en Colombie une bonne partie des cinq cents esclaves embarqués, il est pris sur le chemin du retour dans une tempête qui le pousse à se réfugier sur un îlot nommé San Juan de Ulúa au large de Veracruz. Sur le chemin, il adjoint à sa flotte quelques navires marchands espagnols qui ont le malheur de naviguer dans le secteur. Le port de San Juan de Ulúa, dans le golfe du Mexique, est considéré comme un des ports majeurs de l’Empire espagnol et ce dernier vient d’être pris par Hawkins sans qu’un seul coup de canon ne soit tiré par lui. Les autorités portuaires pensent qu’il s’agit de la flotte de l’or espagnole tant attendue. Ce coup de maître fait entrer Hawkins dans la légende.

11 L’arribada maliciosa L’arribada maliciosa est un accord entre les différentes nations concernant les escales forcées. Tout navire ayant subi une avarie ou fuyant une tempête peut être accueilli dans n’importe quel port, y compris celui d’un ennemi. Cette solidarité des gens de mer est susceptible de tirer Hawkins d’un mauvais pas, du moins le pense-t’il. Bien qu’ayant manifesté ses intentions pacifiques et faisant en sorte que celles-ci soient exposées aux autorités de Mexico, Hawkins se sait en fâcheuse posture en cas d’escale de la Flotte espagnole. La chance semble l’abandonner avec l’arrivée de don Martin Enriquez de Almansa, nouveau vice-roi de la Nouvelle-Espagne à bord d’un des deux vaisseaux de guerre escortant des navires marchands. Une situation sans précédent se présente. L’Espagne de Philippe II est alors alliée à l’Angleterre d’Elisabeth et comme le souligne Michel le Bris, « le commerce de l’Angleterre avec l’Espagne, et plus encore avec les Pays-Bas sous domination espagnole, était de première importance pour les deux pays, Elisabeth avait autant besoin du soutien ou de la neutralité de l’Espagne pour assurer son règne que l’Espagne avait besoin de son alliée pour contrer l’adversaire français. » Il est dans un premier temps décidé d’échanger dix gentilshommes comme garantie de non-attaque mais les promesses sont de courte durée, le vice roi ayant essayé de déguiser quelques matelots en nobles gens. Enfin, le vice-roi décide d’une attaque surprise avec l’aide d’hommes venus de Veracruz. La méfiance d’Hawkins a raison de la traîtrise espagnole et conscient de l’extrême danger, Hawkins coupe les amarres pour se déhaler. La légende veut que Hawkins, au cœur de la mitraille et ripostant bordée par bordée, continue d’encourager ses hommes et commande même une chope de bière à son page, Samuel, qu’il boit dans une coupe en argent à la santé de ses hommes. A l’image de la coupe qui vole sous une balle adverse, trois des cinq navires de Hawkins sont pris. Hawkins à bord du Minion et son cousin Francis Drake à bord du Judith parviennent à s’échapper en ayant pris soin de transborder du Jesus son chargement d’or, d’argent et le reste de vivres. Les espagnols ne les prennent pas en chasse, trop occupés à piller les épaves et à fêter leur victoire. A court de vivres et d’eau, passablement endommagé et surpeuplé, le Minion doit accoster au Mexique pour débarquer une centaine d’hommes et récupérer quelques nourritures. La traversée de l’Atlantique est aussi héroïque qu’épouvantable et c’est une épave que les Portugais voient arriver fin décembre 1568.

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13 Le premier acte de guerre
Cet acte de guerre, le premier du genre entre l’Espagne et l’Angleterre, est rapporté par Hawkins à la reine. Il a d’importantes conséquences quant aux relations entre les deux grandes puissances européennes. D’une part, le commerce autorisé ou toléré qui s’est mis en place est profondément bouleversé et il n’y a plus de collectes d’esclaves sur les côtes africaines les années suivantes. D’autre part, le ressentiment laissé par cette trahison est telle que cela ouvre la porte à une nouvelle ère de la piraterie dans laquelle les « chiens de mer » d’Elisabeth ont toute latitude pour faire payer aux espagnol l’affront subi à San Juan. Hawkins connait un nouveau fait de gloire à bord du navire-amiral la Victory au cours de la défaite de l’invincible Armada en Outre sa participation active au combat, il préconise d’abaisser le fardage des navires anglais, les rendant ainsi plus manœuvrables et plus rapides que les navires espagnols ou « Galeases », imposants bateaux à large coque bien peu maniables. De même, ses relations avec son héros de cousin sir Francis Drake lui font une réputation bien au-delà de ce que ce triste personnage mérite. Il quitte Plymouth en août 1595 avec Drake pour une nouvelle expédition dans les Indes occidentales. Il meurt dans les eaux de Porto Rico et est enseveli en mer. 

14 II. La buse et le cryptogramme
ou le mythe du trésor

15 Le cryptogramme Saint-Paul, île Bourbon (île de La Réunion), le 7 juillet 1730, à 17 heures. Olivier le Vasseur, dit La Buse en raison de sa rapidité à fondre sur sa proie, monte sur l’échafaud. Avant d’expier ses crimes de pirates, celui qui est l’un des derniers pirates de Madagascar jette à la foule un cryptogramme et s’écria : « Mes trésors à qui saura comprendre ! ». Depuis plus de deux siècles et demi, l’océan Indien, des îles Seychelles à la pointe de Madagascar, est le centre de recherches incessantes et foisonne de documents cryptés, de rébus et de signes gravés qui tous, selon la tradition, se rapportent aux prodigieux trésors de La Buse.

16 La Vierge du Cap Olivier Levasseur nait à Calais vers De son père capitaine, il hérite de La Reine des Indes, navire avec lequel il s’attaque aux bateaux transportant des pèlerins en mer d’Oman. Il est par la suite recruté par le capitaine Taylor dont la réputation de pirate est plus établie. La Buse se voit confier le commandement du Victory, Taylor prenant celui du Défense. Les deux vaisseaux approchent de Saint-Denis, ville côtière de l’île Bourbon, au petit matin du 20 avril Taylor et La Buse repèrent La Vierge du Cap, riche vaisseau portugais de soixante-douze canons qui est à l’ancre, désemparé par une tempête. Le capitaine se rend aux premiers coups de semonce. Le Portugais a perdu une partie de ses canons et de ses hommes, et surtout ne peut pas manœuvrer. A bord du vaisseau se trouvent son Excellence le comte d’Ericeira, et l’archevêque de Goa, Don Sebastian de Andrado. De telles personnalités sont normalement rançonnées en d’autres conditions mais le butin que contient le bateau suffit amplement aux pirates. Rivières de diamants, bijoux, perles, barres d’or et d’argent, meubles, tissus, bois précieux et ivoire, vases sacrés, cassettes de pierres précieuses et la crosse d’or de Goa constellée de rubis et pesant une centaine de kilos représentent des objets d’une inestimable valeur. Pour Daniel Vaxelaire, le butin équivaut, rien que pour les diamants, à trois ou quatre millions de piastres, soit quinze millions de livres tournois, soit soixante à quatre-vingt millions d’euros : de quoi acheter quinze milles tonnes de café, soixante-quinze milles tonnes de viande de bœuf ou quatre-vingt mille chevaux ! La Vierge du Cap, radoubée et remise à neuf, devient le vaisseau de La Buse et prend le nom de Le Victorieux.

17 Les pirates repentis Les mers deviennent dangereuses pour les pirates notamment à cause du pavillon de Duguay-Trouin qui flotte glorieusement de l’Equateur au cap de Bonne-Espérance. Après quelques autres belles prises, les capitaines se séparent : Taylor s’enfuit aux Antilles et La Buse se retire à l’île Sainte-Marie près de la côte de Madagascar. La Charte de clémence offerte par le roi de France permet à de nombreux pirates de cesser leurs activités et de devenir, autant que faire se peut, de paisibles colons, dont certains prennent femme et fondent une lignée. L’île Bourbon accueille de nombreux pirates repentis. La Buse fait partie des derniers à accepter la charte. Cette temporisation lui cause peut-être sa perte. En effet, de nombreux mystères entourent le personnage. En septembre 1724, il demande l’amnistie pour lui et quarante de ses compagnons. L’amnistie lui est accordée mais La Buse ne vient jamais à l’île Bourbon. Il tente de se faire oublier quelques années dans un coin des plus reculés de Madagascar, vivant d’expédients jusqu’à son arrestation. Vers 1729, alors qu’il exerce le métier de pilote dans la baie d’Antongil (côte orientale de Madagascar), il monte à bord du vaisseau La Méduse, de la Compagnie des Indes, qui veut entrer dans le port. La Buse s’imagine alors oublié, et surtout amnistié de fait. Il n’en est rien. Le nouveau gouverneur Pierre Benoît Dumas tient peut-être à tourner une page d’histoire en mettant à mort la dernière grande figure vivante de la piraterie. Le Capitaine d’Hermitte, commandant de bord, le reconnait, et se souvenant que le pirate a arraisonné des navires de sa compagnie, l’arrête. Il est amené et interrogé puis jugé sur l’île de Bourbon avant d’être jeté aux cachots à Saint Denis.

18 Le mystérieux trésor de la faille
Du lieu d’accostage en baie de Saint Denis, il est amené sur le lieu de la pendaison. Ils grimpent les collines, traversent la ravine à Malheur, lieu hautement symbolique. Selon la légende, le gouverneur de La Hure (1671), prévenu d’un attentat contre sa personne fomenté par ses propres esclaves, leur tend une embuscade et les fait jeter dans le fond de la ravine par quelques hommes en arme lui étant restés fidèles. Quand La Buse, en route pour Saint Paul, passe sur le pont qui traverse la faille, il aurait dit à ses gardiens cette phrase demeurée célèbre : « Avec ce que j’ai caché ici, je pourrais acheter l’île ». Accusé du crime de piraterie, il est condamné, selon l’extrait de jugement « à faire amande honorable devant la principale porte de l’église de cette paroisse, nu en chemise, la corde au col et tenant en sa main une torche ardente du poids de deux livres, pour là, dire et déclarer à haute et intelligible voix que méchamment et témérairement il a fait pendant plusieurs années le métier de forban, dont il se repent et demande pardon à Dieu, au Roy. » Un nouveau mystère persiste : bien qu’en décembre 1727, le régime de pardon aux pirates cesse, c’est bel et bien un ancien pirate amnistié qui est pendu. Cette injustice est-elle donc liée au trésor ? Il y a nécessairement une autre explication que la punition de crimes vieux de dix ans et pardonnés. Le Gouverneur Dumas, lui même un ancien pirate, veut peut-être mettre la main sur le trésor en échange d’une possible liberté. En jetant ce cryptogramme à la foule amassée sur la place, en face des entrepôts de la Compagnie des Indes, Olivier Le Vasseur ne se doute pas qu’aujourd’hui, deux cent quatre vingt ans après sa mort, des adorateurs inconnus déposent des pièces sur sa tombe en lui demandant des faveurs innommables et que le mystère du trésor mythique rend à jamais inoubliable la date du 21 avril 1721.

19 Le mythe du trésor Si le trésor est indissociable du pirate dans notre imaginaire, son existence est historiquement plus critiquable. « Si je suis un peu réservé sur la réalité de la plupart des trésors pirates, je ne le suis pas du tout sur ces navires marchands et de guerre qui transportèrent des valeurs et disparurent en mer. Ce fut le cas pour des milliers d’entre eux dès les débuts de la navigation sur toutes les mers du monde. » Par ces propos, Jean-Pierre Moreau a le mérite de ramener le mythe du trésor pirate à sa juste valeur. Le vieux rêve de fortune des aventuriers constitue des légendes tenaces et séduisantes mais qui sont, à ce jour, bien peu vérifiées. La vie dangereuse des pirates liée au combat ou à la maladie, engendre une forme de résignation qui fait de leur destin une expérience qu’ils savent succincte mais qu’ils veulent joyeuse. Alexandre-Olivier Oexmelin est l’un des premiers à rapporter cette vision à court terme de l’existence. « Quand on leur demande quel plaisir ils prennent à dépenser en si peu de temps et avec tant de prodigalité les richesses qu’ils amassent avec tant d’efforts et de peine, ils vous répondent ingénument : Exposés comme nous le sommes à une infinité de dangers, notre destinée est bien différente de celles des autres hommes. Aujourd’hui vivants, demain morts, que nous importe d’amasser et de ménager ? Nous comptons que sur le jour que nous avons vécu et jamais sur celui que nous avons à vivre. Tout notre soin est plutôt de passer la vie, que d’épargner de quoi la conserver. » Les véritables richesses sont dilapidées auprès des marchands, des joueurs et des filles dans les tavernes. L’argent rime alors avec beuveries, ripailles et jeux. Les lippées de rhum ou de « sang-gris » (sangria espagnole), les salmigondis de viandes qui constituent « la charpente du ventre » et les volutes de « cigales » ou « bouts de pétun », cigares postprandiales, ont tôt fait de vider les coffres des pirates pour ceux des cabaretiers. « A part Pierre le Grand, explique Oexmelin, il n’est que dans les fables que le loup se fasse ermite, ou bourgeois. Gras, un loup ? » Pour les chefs, favorisés par un partage inégal des richesses, le capital sert davantage à négocier leur liberté et leur sécurité auprès d’autorités complaisantes en Nouvelle-Angleterre ou aux Bahamas. Les trésors sont enfin rarement enterrés ou tout au moins provisoirement afin d’éviter toute réquisition ou vol entre flibustiers. Le but est l’enrichissement pas la thésaurisation.

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21 Des trésors archéologiques et…romantiques
Parmi les rares trésors retrouvés, celui du Whydah semble le plus intéressant, archéologiquement parlant. Le navire du capitaine Samuel Bellamy sombre dans une tempête au large de Cap Cod, en L’Américain Barry Clifford, un des plus célèbres chercheurs d’épaves, consacre quinze années de recherche avant de trouver l’épave, en Ils y ont trouvé des armes, des pièces de monnaie, des bijoux et divers objets. Seules huit mille pièces de huit, soit deux cent seize kilos d’argent ont été trouvés. En 2002, il a aussi retrouvé, à l’île aux Forbans (près de Sainte-Marie) dans le lagon Saint Marien, l’Adventure Galley, navire amiral de William Kidd, corsaire et pirate ayant laissé derrière lui une carte au trésor encore irrésolue. Ces deux épaves ont surtout le mérite d’apporter quelques informations sur la vie maritime des aventuriers. Les instruments de navigation (astrolabe) possèdent une réelle valeur marchande en plus de leur inestimable valeur scientifique et muséographique. Les véritables trésors sont ses découvertes! Les trésors dorment encore sous terre ou plus vraisemblablement sous les mers, dans les galions de la flotte de l’or et les navires de la compagnie des Indes qui sombrent par centaines. Le véritable legs des pirates est l’exotisme et le romantisme que l’on veut bien octroyer à leurs aventures. Leurs seules richesses résident dans l’imaginaire enfantin qu’ils développent générations après générations. Roger Caillois perce en quelques mots l’objet du mythe : « Le mot trésor, silencieux et éteint pour l’adulte, tient à l’enfant d’éloquents discours et brille à ses yeux du plus lumineux éclat. Les syllabes que l’âge, l’expérience et la réflexion rendent bientôt presque inutilisables, resplendissent alors à l’égal des richesses qu’elles désignent. Elles étincellent comme des doublons entassés par d’antiques pirates au fond des cavernes sombres, comme les rubis, les émeraudes et tant de pierres rayonnantes à l’instant où les ramènent au jour les mains terreuses qu’elles emplissent de feux… C’est peu dire que les enfants croient au trésor. Ils en possèdent… Sans qu’ils s’en rendent bien compte, les soins et les goûts des flibustiers ne sont qu’un écho démesuré des leurs. »

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23 III. La ballade du capitaine Kidd

24 « Au banc des condamnés, je dois conduire mes pas.
Les Sea Chanties Au cours du XVIIIème siècle, les marins anglais composent des chansons intitulées des Sea Chanties reprises à bord des navires. Ces complaintes des mers évoquent souvent des évènements dramatiques liés à des faits marquants et à la grande aventure de la piraterie. « La ballade du capitaine Kidd » raconte l’histoire de ce corsaire anglais chargé de réprimer la piraterie et qui succombe aux sirènes de la fortune rapide en se joignant aux écumeurs des mers. Elle dit, en substance : « Au banc des condamnés, je dois conduire mes pas. Où s’attrouperont des foules de gens, mais il va falloir que je l’endure et meure. Accourez jeunes et vieux, venez me voir périr. Accourez voir mon or, car c’est par lui que j’ai perdu mon âme et maintenant j’en meurs. Que ça vous serve de leçon. Fuyez les mauvais compagnons, de crainte de suivre le même chemin, car je vais en mourir. »

25 Le procès Le procès de William Kidd se tient à Londres le 27 mars Les membres de la Chambre des Communes écoutent avec un grand intérêt ses déclarations. Sa défense est insuffisante pour le sauver de l’inéluctable. Il espère s’appuyer sur les documents officiels qui le discréditent mais ces derniers ont disparu étrangement. Il s’agit de lettres de marque, de passeports et sauf-conduits des navires qu’il a pris et qui prouvent, selon lui, que tous voyagent sous protection française et peuvent, par conséquent, être interceptés. Incapable de produire ces documents, il ne peut qu’être condamné. Le second chef d’accusation porte sur la mort de son canonnier. Le 30 octobre 1697, une querelle éclate entre Kidd et un certain William Moore. Dans la bagarre, Kidd frappe Moore avec un seau en fer, lui fracassant la tête. Moore meurt le lendemain. Ce moment semble être décisif quant à son avenir et, sous le coup d’une possible condamnation de la justice, le destin fait basculer l’honorable capitaine en écumeur des mers. En l’absence de preuves prouvant sa bonne foi, Kidd se borne à déclarer que s’il a enfreint la loi, « la faute en incombait à d’autres mieux versés que lui en la matière. » Il est pendu à Execution Dock le 23 mai 1701, et son corps, enduit de goudron, est exposé dans une cage en fer à l’entrée du port pendant plusieurs années.

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27 Les premières prises William Kidd, nait en 1645 à Greenock (Écosse) puis émigre vers le Nouveau Monde où il s’installe à New York, colonie anglaise en pleine prospérité. Son mariage avec une jeune veuve, Sarah Bradley Cox Oort, le met à l’abri du besoin et lui confère une importante respectabilité de marchand. L’appel du large se fait alors ressentir et Kidd, au cours d’un voyage commercial en Angleterre, se voit proposer un contrat de corsaire en Guillaume III d’Angleterre lui attribue une lettre de marque pour attaquer les navires marchands français. Après la paix avec ces derniers, il organise une opération contre les pirates qui infestent l’océan Indien. L’investissement est supporté par des notables du royaume. De puissants membres de l’aristocratie new-yorkaise s’associent au projet et le gouverneur de la ville, Lord Bellomont, est le premier d’entre eux à prêter des sommes importantes dans l’espoir de vastes profits grâce aux prises que ne manquera pas de faire son ami.

28 Un pirate innocent ? En 1696, avec l’appareillage de son navire l’Adventure Galley pour Madagascar, la légende noire du pirate bourgeois débute. Refusant d’abord de donner la chasse à des navires que sa commission de course l’autorise pourtant à pourchasser, le meurtre de Moore le mue petit à petit en véritable forban des mers. Les prises succèdent aux prises jusqu’au 30 janvier 1698, où il capture le Quedah Merchant, un magnifique bateau arménien, lourdement et richement chargé. Kidd décide alors de se retirer et retourne vers sa patrie avec le Quedah Merchant alors rebaptisé l’Adventure Prize. Sa réputation étant fort établie, la Chambre des Communes ayant ordonné une enquête à son sujet, il juge prudent d’éviter l’Angleterre pour aller se réfugier à New York où il dispose d’appuis solides. La légende veut qu’il ait, sur le chemin du retour, caché sa fortune sur une île gardée par le spectre d’un pirate. Son arrestation est effective dès les premiers jours en ville. Ses amis l’abandonnent, des commanditaires et souvent des hommes politiques influents, craignant d’apparaître comme les complices d’un pirate. En outre, les lettres de marque qui l’autorisent à mener de telles activités ont été signées par le roi d’Angleterre dont il faut protéger le nom. Les autorités s’empressent de l’envoyer à Londres, avec la plupart de ses compagnons d’armes, où, en attendant son procès, il est gardé emprisonné dans la tristement célèbre Newgate Prison. Les soutiens politiques de Kidd sont bien embarrassés de ce jugement surtout que Kidd clame son innocence jusqu’au bout et proteste contre cette forfaiture qui va lui coûter la vie. Curieusement, les documents légalisant ses activités seront retrouvés deux cents ans plus tard. Kidd était-il réellement coupable ? Nul ne le sait et l’histoire de cette énigme marque la littérature sous les plumes d’Edgar Allan Poe dans Le scarabée d’or, nouvelle parue en juin 1843 dans le journal de Philadelphie Dollar Newspaper, et de Robert Louis Stevenson dans L’Île au trésor, roman d'aventures paru en 1883.

29 Prochaine conférence:
Edward Teach, dit « Barbe Noire »


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