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Le sourire et les émotions dans la culture pop

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Présentation au sujet: "Le sourire et les émotions dans la culture pop"— Transcription de la présentation:

1 Le sourire et les émotions dans la culture pop
Guy Lanoue, Université de Montréal, Le chat de Chesire, Alice au pays des merveilles

2 La culture pop fonctionne sur la base du recyclage; pour recycler, les composants sont simplifiés pour être recombinés. (La simplification est une instance de ritualisation – définir une frontière autour d’un espace, dans ce cas, sémiotique; les composants sont vidés d’une partie de leur signification « normale » pour former de chaines métonymiques). Il semble donc fort probable que ceci puisse expliquer, en partie, le réseautage frénétique de jeunes adeptes de cette culture, dont le contenu de blogues, de twits, de friending sur Facebook, font appel à une gamme d’émotions simplifiées pour alimenter cette dynamique. De plus, le déracinement historique et géographique qui accompagne l’émergence de cette culture a tendance à isoler les personnes, les obligeant d’augmenter les manifestations de l’individualité, surtout le niveau émotif. Elles aboutissent en privilégiant les émotions primordiales comme véhicule où se (re)constitue le social fragilisé par le néolibéralisme (voir Tim Jensen, « On the Emotional Terrain of Neoliberalism », The Journal of Aesthetics and Protest, ). Ironiquement, cette photo de la Mordine & Company Dance Theatre, Chicago ( de leur production Lifespeak (avril 2011) est censée incarner la narrativité, et donc la communication intime. Pourtant, aucune danseuse n’est positionnée pour communiquer avec les autres.

3 Le problème de la manifestation des émotions n’est pas simple
Le problème de la manifestation des émotions n’est pas simple. Jadis, certains chercheurs avaient tendance à se référer à deux dimensions de l’individu, un « vrai » Moi inviolable orienté aux conditions psychiques et émotives, et un Soi « façade », où les institutions et pratiques laissent leurs traces sur la présentation du Soi: bref un individu « psychologue » et un individu « sociologue ». Par contre, s’inspirant d’Elias et de Michel Foucault (la normalisation/somatisation du pouvoir se transforme en autogouvernance), plusieurs sont désormais convaincus qu’on ne peut scinder l’individualité (p.e., la position du philosophe américain George Herbert Mead [Mind, Self and Society, Chicago, 1947], pour qui le Moi se développe en fonction de ses interactions avec l’Autre; le psychologue Alfred Adler s’opposait à l’orthodoxie freudienne et était prêt à accepter que le Soi social domine le Moi intime). La vraie question n’est pas le degré d’adaptation du Moi à l’Autre, mais la façon dont l’interpénétration du Moi et du Soi définit l’individualité. L’intime est peut-être « l’armure » du Moi, mais plus résiste l’individu, plus est-il sensible à l’importance de l’Autre. Autrement dit, plus la ritualisation du rapport à l’Autre (la politesse, censée isoler et protéger le Moi) est-elle rigide, plus grand est le contrôle du Soi. La politesse devient le véhicule par lequel le social laisse ses traces sur le Moi. Un Moi en otage à l’Autre; selon la vision dualiste, derrière la soumission, les instincts restent intacts et ne sont pas modifiés par cette situation temporaire. Mais si on répète l’expérience plusieurs fois, qu’arrive-t-il aux instincts (ou « l’être ») censés êtres « primordiaux » ou à la base du Soi? Pour « instincts » on peut substituer l’être.

4 Le sociologue allemand Norbert Elias a suggéré (Sur le processus de civilisation, 1939) que la socialisation et l’individualisation ne sont pas de processus opposés, comme le prétend l’idéologie un peu partout en Occident. Nous ne sommes ni robots hyperconformes aux règles de la vie sociale, ni des iconoclastes. Il a tenté de démontrer l’interdépendance de l’individu et des réseaux en examinant la persistance centenaire d’un ensemble culturel fortement impliqué dans la présentation du Soi. Partant de règles de courtoisie (les rituels de politesse) de la cour européenne médiévale, à fur et à mesure que les réseaux du pouvoir sont devenus plus complexes et plus étendus avec la centralisation croissante du pouvoir, les courtiers ont développé une notion de réserve corporelle, de contrôler l’expression des émotions, surtout celles liées à la honte. Ceci a été repris par les bourgeois désireux d’établir un gradin dans la hiérarchie sociale. .com/wp-content/uploads/etiquette.jpg

5 Puisque, pour quelques siècles dans la plupart des régions de l’Occident, la cour était au centre de la vie politique et incarnait l’oscillation entre le pouvoir central et l’agir individuel. Cet «habitus du Soi» (pour adapté un concept de Pierre Bourdieu) que Freud avait identifié avec le surmoi ou superégo (une forme de conscience sociale) s’est concrétisé pour toujours comme la forme dominante de la présentation du Soi: les formes de violence, du comportement sexuel, des fonctions corporelles, de bonnes manières à la table, et des formes «correctes» de parler. Ceci devient la base de la politesse, du bon déportement, et de la somatisation du pouvoir. Oui Non 1pjEAhbI/AAAAAAAAB40/BPyrWMg2G8g/s400/tparty2.jpg

6 Parenthèse: Pourquoi soulever le petit doigt en buvant, ou parfois, quand on signale un geste «huppé»? Il indique la délicatesse, la nuance, les bonnes manières. Notez les mains de la paysanne (en bas). Ce n’est pas un hasard si l’artiste les a placées au centre de la composition. Les paysans travaillent avec leurs mains. En vieillissant, leurs doigts deviennent courbés, signes corporels de leur vie dure et de leur statut inférieur. Le petit doigt soulevé est donc signe que la personne ne travaille pas les champs, qu’elle n’est pas soumise. C’est un symbole de classe supérieure, urbaine, civilisée, reconnaissable même pour un personne moralement corrompue. Head of a Peasant Woman, Sir George Clausen, c.1882 Notez qu’on n’est pas obligé de connaitre l’origine et l’histoire de ce signe pour l’utiliser. Le geste est tellement somatisé dans la culture de l’Occident qu’il peut être utilisé comme métonymie ironique du haut statut, même par des enfants qui jouent en «imitant» la vie adulte. -content/uploads/2008/10/j jpg /z jpg

7 La puissance de ce symbole est due à la polysémie de la main (typique des parties du corps). Dans un monde où le pouvoir se base sur la richesse agricole, c.-à-d., sur la richesse créée avec les mains (surtout celles des esclaves!), la main devient signe de puissance politique et surtout de la communauté imaginaire, dont la vie civilisée dépend entièrement de la capacité de produire un surplus qui sera transféré à la ville. Ce n’est pas un hasard qu’on se donne la main quand on se rencontre. Cela est signe de collaboration dans le travail de l’imaginaire, de la volonté de participer dans la communauté. Dans le mariage morganatique (quand le rang social de l’époux dépasse tellement le statut de l’épouse que ni elle ni les enfants ne peuvent transmettre le rang dynastique), le marié tient la main droite de son épouse avec sa main gauche, pour symboliser l’asymétrie de leur union. Voir Robert Hertz, Prééminence de la main droite, 1909 (plus facilement disponible en anglais, avec la traduction de R. Needham, Death and the Right Hand, 1960. Des standards romains, signes des légions, source de leur pouvoir impérial. wp-content/uploads/2010/10/handshake.jpg

8 Bref, la politesse établit un gradin social assez précis
Bref, la politesse établit un gradin social assez précis. Plus sont détaillées les règles, plus fins sont les découpages possibles. Mais, il faut souligner que la politesse n’est pas seulement une façon d’établir un gradin. Du point de vu d’une personne défavorisée, les règles, qui à première vu ne semble pas l’avantager car elles sont déterminées par une élite, sont aussi une forme de protection du Soi. Tant qu’elle les accepte et tante de les mettre en scène, même imparfaitement, elle est à l’abri de critique ou d’insulte, car elle a signalé qu’elle accepte le statut quo. La politesse protège le Soi dans cet espace de l’imaginaire. Elle est également un préalable à la culture pop: pas dans le sens que cette dernière est en « rébellion » contre la prétendue hypocrisie de la politesse, mais comme champ rituel partagé et imposé sur tout le monde: On apprend la simplification et surtout comment lire en envoyer de messages sous-textuels. Signe traditionnel de déférence : toucher la touffe , dans ce cas, symboliquement, en touchant le front. Ceci est lié à un salut traditionnel, enlever ou lever son chapeau.

9 La recherche sur la communication non verbale s’est souvent concentrée sur le rapport entre certaines expressions standardisées et de dynamiques psychoémotives « cachées ». Les émotions sont considérées primordiales parce que les anthropologues et sociologues (surtout nord-américains), avec quelques exceptions (comme Margaret Mead, avec Coming of Age in Samoa, 1928), ont ignoré la somatisation du pouvoir, laissant le champ libre aux psychologues et aux linguistes. Les chercheurs américains ont disputé les modèles anthropologiques qui proposaient que l’expression des émotions soit culturellement déterminée en d’identifiant les racines universelles de la communication non verbale. Forcément, ils se sont concentrés sur des expressions «fortes» et sans équivoques, comme la haine, le dégout, l’excitation sexuelle.

10 La cécité des chercheurs est en partie liée au rejet du racisme «scientifique» de la fin du 19e siècle, où idéologues et chercheurs avaient tenté d’identifier les physionomies «inférieures» sur le plan racial et de classe. Au 20e siècle, ce projet malheureux continue avec les Nazis. Quelques «types» criminels, selon Cesare Lombroso (le père de la criminologie «scientifique», actif dans la 2e moitié du 19e siècle). En fait, il avait renversé la logique dominante de l’époque, en proposant que l’activité criminelle émerge d’une physionomie «criminelle» et pas par leur génétique. Les personnes étiquetées comme telles, signalées par leur physionomie, finissent par assumer leur destin. Cependant, cette apparence n’était pas un hasard de la génétique, mais censée être la manifestation d’un caractère primitif et atavique. Ils étaient de sauvages contemporains, selon cette vision.

11 Notez que les expressions ici (et dans la diapo précédente) sont «fortes» et donc limitées à des conditions temporaires et agressives, c.-à-d., que les personnes représentées sont activement engagées dans un geste de communication, dont la manifestation est peut-être involontaire, mais avec un message conscient. Une fois le message est-il communiqué, le visage retourne au repos. Ces émotions sont peut-être liées à des conditions primordiales de la psyché, mais ignorent totalement le symbolisme attaché à la structure sociale. Les chercheurs ont-ils ignoré cet aspect parce que les idéologies occidentales « cachent » cette dimension de la gouvernance? Autrement dit, le visage au repos ne l’est pas: il communique des conditions sociales somatisées. Deux, il faut s’interroger à propos des exemples choisis.

12 Il y a donc de la communication inconsciente, somatisée
Il y a donc de la communication inconsciente, somatisée. Ces expressions « composées » sont « permanentes », à longue durée, possiblement parce qu’elles ne sont pas liées aux émotions « primordiales » mais à l’imaginaire du social. Elles peuvent incarner le privilège qui signale un statut supérieur, au moins dans l’imaginaire. Par contre, ce sont les conditions « culturelles » (et non génétiques) qui signalent le statut social et qui laisse de traces permanentes sur le visage et sur le déportement. Autrement dit, les émotions « fortes » ne laissent pas de traces autant que les signes de l’imaginaire, censé représenter la continuité de la société. Ces traces sont donc plus facilement somatisées de façon permanente. Ceci les transforme en signes « atemporels » et donc « permanents ». Ils sont donc tellement bien connus qu’ils émergent, comme le petit doigt soulevé, dans des parodies sans que les personnes connaissent le signifié du signe. Ici, le nez en l’air, les yeux semi-fermés, les sourcils élevés signalent le pouvoir et le privilège: non seulement le roi est-il sur son trône (et donc plus haut de ses sujets), il ne doit pas les accorder le privilège de reconnaitre leur existence: en tant que roi défenseur du royaume, il est censé voir tout sur le plan horizontal-géographique (p.e., les intentions des ennemis-voisins), mais est aveugle aux menaces potentielles attachées à l’oppression des gradins inférieurs de l’échelle sociale « en bas ». La cécité symbolique est une forme de reproduction sociale. X0yI/AAAAAAAATos/0VGedaCf3fY/s400/haughty1.jpg

13 La question de l’«Américain souriant» est complexe: les Américains ont-ils vraiment le sourire plus facile? Est-ce simplement un stéréotype, parfois invoqué par des Européens qui veulent se moquer de «l’innocence» américaine? Est-ce possible à mesurer la fréquence du sourire? « Spaniards often think that Americans are ignorant fools because they are outgoing and smiling all the time.” That’s what I was told by an American who has lived in Spain for the last 20+ years. It may seem like a strange statement but it’s entirely true. It just needs to be explained to be understood. Americans smile all the time when approaching and talking to strangers or when being introduced to someone for the first time. Smiling and using body language that appears welcoming with strangers is the normal American default behavior. » L’auteur explique que les Espagnols ne sourient peu comparés aux Américains parce qu’ils ont eu un passé difficile; ils seraient censés cacher leurs émotions. Oui, c’est vrai C’est relativement facile de trouver des images conformes quand, inconsciemment, on veut appuyer et confirmer nos opinions préconçues. Mais, en revanche …. /Business/images/joseph-stalin-smiling.JPG /files/caglecartoons02/bush_smiling_2004_11_04.jpg

14 Il existe deux types de sourires sur le plan physiologique: le sourire «simple» et le sourire Duchenne (dont le nom dérive du chercheur français qui l’a identifié au 19e siècle). Ce dernier est considéré le «vrai» sourire, car les muscles autour des yeux sont impliqués, et, semble-t-il, il est impossible de contrôler ces muscles volontairement. On peut sourire volontairement qu’avec les muscles de la bouche, ce qui nous permet de distinguer un sourire forcé ou faux d’un «vrai» sourire (involontaire). Attention! Le «vrai» sourire crée des rides. Seulement les humains peuvent sourire; les chats, non. Il s’agit d’un hasard dû à l’angle de la caméra. vII/AAAAAAAADZQ/DwrEc4r2Sx4/s640/smile.jpg Oui Non thespoof/pdi/ Hillary.jpg

15 En fait, il y a plusieurs hypothèses populaires à propos du «sourire américain», mais aucune recherche sérieuse sur le sujet, que je le sache. L’opinion majoritaire semble être que les manifestations des émotions sont universellement reconnues par toutes les sociétés, mais que l’interprétation culturelle d’une telle manifestation varie d’un peuple à l’autre. La question d’interpréter les émotions et leurs manifestations (dont le sourire, évidemment) a été réduite à une seule dimension. Ce n’est pas important de décider ce que signifie le sourire ontologiquement, comme s’il était un objet abstrait dont les paramètres peuvent être précisés comme la définition dictionnaire d’un mot. Du point de vue ethnologique, le problème est d’identifier les occasions dans lesquelles se manifestent le sourire; les conditions dans lesquelles il est obligatoire, ou, en contraste, facultatif; sa fréquence; et sa signification selon les circonstances. Ces dimensions font partie du «travail émotif» du Soi (expression utilisée par Arlie Hochschild dans les années 1980s; The Managed Heart, 1983). _movie_image_cheryl_hines__keri_russell_and_adrienne_shelly.jpg Par exemple, il existe certaines catégories de travailleurs qui sont obligés de faire un «travail émotif», de gérer une technologie des émotions selon un code professionnel, qui n’est pas nécessairement conforme aux attentes culturelles. Les infirmières, les institutrices, les vendeuses, et surtout les serveuses sont souvent obligées de sourire au public. Notez que les femmes sont davantage victimes de cette pratique que les hommes; on dit, du maternage, mais l’équivalent masculin n’existe pas.

16 Bien entendu, le problème n’est pas une simple opposition entre les émotions «vraies» et les «fausses». Aujourd’hui, les émotions, selon Hochschild, doivent être gérées selon des critères totalement nouveaux. Les émotions ont évolué dans un contexte où elles servaient à faire le pont entre les institutions du pouvoir (le cours) et l’intime, mais ce rapport a été bouleversé par l’industrialisation et la dépersonnalisation des rapports due à l’aliénation capitaliste. Cependant, avec la croissance du secteur tertiaire (restauration, ventes, etc.), la dimension intime des rapports interpersonnels semble de nouveau dominer l’interaction sociale, sauf que l’intimité a été redéfinie, car a) à la base de cette «intimité» est un rapport commercial, sans lequel «l’intimité» émotive ne se manifeste.

17 1930: les tensions se situent à l’usine
b) la mondialisation a déplacé l’«intime» du contexte local à un contexte lointain, où les personnes doivent apprendre à gérer de nouvelles manifestations d’«intimité» dans un contexte dominé par la distance sociale qui traditionnellement émerge sous forme de tensions ethniques (p.e., les femmes philippines qui travaillent au Canada et en Arabie saoudite, les Portugaises en France, les aux-paires suédoises en Grande-Bretagne, les nanny anglaises aux États-Unis, etc.); c) les individus sont psychiquement confus, car c’est uniquement dans l’environnement du travail (selon la Hochschild, pas selon moi; voir les présentations sur le «sémiopouvoir»: mode, maison, design, etc.) où ils trouvent de l’appui psychique pour les compétences du Soi. Les époux/ses indifférentes, la parenté lointaine, le manque de temps pour s’engager dans les tâches domestiques traditionnelles sur lesquelles reposait l’intimité d’antan (p.e., la cuisine) contribuent à aliéner les personnes de l’intimité familiale. C’est l’inverse du social «industrialisé» typique de l’époque avant la 2e Guerre mondiale, où les problèmes psychiques émergeaient du contact avec le monde du travail. Les personnes ressentent le caractère éphémère et fugace de cette nouvelle intimité et affirment davantage que la famille est importante: ironiquement, elles créent un champ rhétorique dont les paramètres bien définis ne font que souligner la stérilité de l’intimité familiale: on dit «famille», on fait «travail». 1930: les tensions se situent à l’usine 2010: les tensions émergent autour de la famille roundtables/roundtable7/section2_files/1930sfactory.jpg

18 À cette confusion psychique, on peut ajouter, d) les problèmes qui émergent autour les hiérarchies sociales normalisés. Le système mondial souvent oblige les personnes à ignorer les hiérarchies traditionnelles. Les idéologies et les rhétoriques de classe qui jadis entouraient le statut sont de moins en moins appuyées : nous sommes tous «libres», affirmant nos « droits » humains (déterritorialisés, et donc « garantis » par aucun organisme). Une des dimensions les plus importantes de cette reconfiguration de l’appareil culturel qui encadre le statut est celle des rapports hommes-femmes (voir la présentation Le féminin). Si les nouvelles technologies du Soi nous poussent vers de formes inédites du sourire et de l’émotif, et si le sourire, dans le contexte plus ouvert favorise le maternage dans un contexte où le «paternage» était censé dominer les espaces publics, GaVz13nAI/AAAAAAAAAN8/0mzIA—HHKg /s1600-R/John-Krasinski-01.jpg Un homme souriant ne devient ni beau ni séduisant; en fait, il neutralise son pouvoir masculin. Cependant, une femme augmente son pouvoir féminin et sa beauté en souriant, selon les valeurs implicites du discours populaire. Le sourire féminin serait-il une façon de dépersonnaliser le féminin et donc de réduire son individualité? la nouvelle économie politique du sourire renforce l’agir limité et la condition subalterne du féminin et des femmes. /blog/wp-content/uploads/2009/02 /jennifer-img_1156-copy1.jpg

19 Les nouvelles tensions qui entourent la manifestation d’émotions ont possiblement encouragé les personnes, surtout les jeunes qui doivent affronter cette situation sans les armes psychiques d’un encadrement émotif classique, de participer au réseautage social. Les réseaux sont une façon non seulement de partager les émotions, mais surtout de normaliser les conditions censées les produire. «Réseauter» est le nouveau verbe de l’agir individuel. C’est le sémiopouvoir sans référence aux objets. /geekandpoke/images/2007/09/26/wgtc1.jpg -content/uploads/2007/11/social-networking.jpg

20 Ce n’est pas uniquement le nouveau social qui décuple le besoin de présenter un Soi émotif pour se lier facilement à d’autres. Apparemment, on n’est conditionné de le faire dès un très jeune âge, ce qui suggère que la nouvelle émotivité est normalisée, car c’est désormais une pratique du corps incarnée dès la socialisation de l’enfant. Par exemple, les fillettes de l’émission américaine Toddlers and Tiaras ( ont le destin signalé dès la naissance, car elles sont entrainées (par leurs mères) à sourire continuellement. Elles ont également des noms du monde du spectacle (Eden, Brittany, Makenzie), qui signalent la dimension médiatique de leur communauté de référence.

21 À gauche, la famille Bundy; à droit, les Bunker.
Ce ne sont pas uniquement des émotions « positives » et « maternelles » traditionnellement associées au féminin qui assument un nouveau rôle pour tracer les paramètres du social où les lignes de force ne sont souvent pas évidentes. Le simulacre de l’intimité chaleureuse est aussi accompagné par de nouvelles manifestations de l’agression dans la culture pop, surtout par le timbre de voix, par le registre communicatif, par le vocabulaire et par le cible. Cette agression est véhiculée par l’ironie obligatoire qui de la culture pop, dans le sens que le sous-texte ambigu, mais « amusant » qui domine le discours des espaces publics cache l’agression (et, dans un sens, l’encourage, quand les personnes tentent de rendre plus intelligible la communication brouillée par l’ironie). À gauche, la famille Bundy; à droit, les Bunker. Par exemple, les insultes dans la famille Bundy étaient monnaie courante (Married With Children, ); Al (dont le nom est devenu symbole iconique d’un père incapable) est vendeur de souliers (mais gagne peu) et ne fait que revivre ses années de gloire comme joueur de football à l’école secondaire; sa femme Peg est une mère inattentive et épouse grincheuse; autant que la fille Kelly soit une adolescente aux mœurs légères, le fils Bud vit l’intimité entièrement dans sa tête. Cette situation est évoluée de All in the Family ( ), la première émission où les insultes étaient permis. Mais la mère Edith était toujours souriante et maternelle. Jadis, les familles étaient présentées sous forme de stéréotype idéalisé; p.e., My Three Sons ( ), structuralement dysfonctionnelle, car le père était veuf, mais émotionnellement solidaire, ou même Lost in Space, , où la famille Robinson erre d’une planète à l’autre, mais leur vrai ennemi n’est pas le monstre du jour, mais le Professeur Smith, passager clandestin qui cherche à empoisonner les rapports familiaux.

22 Les Bundy et les Bunker s’insultent allégrement, mais ils adoptent la politesse typiquement petite-bourgeoise avec les personnes d’autrui (Archie Bunker est un raciste borné, avec des mots âpres pour les Noirs et pour les homosexuelles, mais il est super respectueux des institutions sociales et gouvernementales). Par contre, Modern Family situe la menace à l’extérieur de la famille. Ici, ils tentent désespérément de s’appuyer, de s’aimer, mais ne savent comment le faire, alors la communication s’effectue par la métaphore ou par l’indicible (surtout incarné par le caractère Phil Dunphy, père d’une des trois familles protagonistes et apparentées); il n’est pas surprenant que l’émission soit présentée comme un mockumentary (faux documentaire), avec les protagonistes qui occasionnellement « rompent » avec leur rôle pour parler directement à la caméra: ce sont les seuls moments où ils sont capables de parler ouvertement de leurs émotions. En contraste avec les émissions précédentes (et un contraste avec leur comportement dans l’intimité familiale), les protagonistes sont agressifs uniquement avec des inconnus ou avec des « amis »: les frontières ont été résémiotisées. Claire n’aime pas Dylan, le copain de sa fille Haley; son mari Phil et sa 2e fille Alex n’ont pas d’amis; Cam et Mitchell (le couple homosexuel) ont des amis, mais uniquement pour vivre leur « gayness » (comme ils disent); pour eux, les amis et les rencontres sont une corvée; leur malaise avec leur fillette adoptée vietnamienne est une métaphore pour le mépris généralisé envers les étrangers; Jay est incapable d’exprimer ses sentiments envers son frère sans l’insulter; son petit-fils Manny est considéré trop bizarre pour avoir des amis. La seule qui est présentée comme sociable et ouverte à la possibilité d’amitiés est la mère de Manny et épouse de Jay, Gloria, dont la beauté suscite de la jalousie, au point de l’isoler.

23 Selon François Furet (Le passé d'une illusion
Selon François Furet (Le passé d'une illusion. Essai sur l'idée communiste au XXe siècle, 1995), les États-Unis n’ont pas de classe bourgeoise parce que le pays est né sur une base idéologique d’individualité, de négociation, de mercantilisme, de rejet de la tradition, de déplacement social et géographique – bref, c’est un pays où tout le monde partage ces mêmes valeurs bourgeoises, et donc la bourgeoisie, catégorie européenne née dans une dimension parallèle et opposée à l’ancien régime, n’a plus de point de repère, car elle n’est plus en opposition au système établi de statut et de pouvoir. Sans l’appui idéologique de la confrontation pour justifier l’individualité rehaussée typique de l’orientation bourgeoise, il n’y a pas de frontière rigide de classe, et donc ses paramètres sont à découvrir, à venir, à émerger. Le social est un lieu où non seulement se présente le Moi, mais est également une dimension où l’individu participe obligatoirement dans la construction de la réalité qui encadre le Moi transformé en Soi (voir le classique d’Erving Goffmann, The Presentation of Self in Everyday Life, 1959, où il présente l’idée du rôle social utilisant la métaphore du rôle dramatique; voir également Victor Turner, The Ritual Process, 1969). Goffman s’inspire des théories de George Herbert Mead, mais on peut trouver des parallèles dans l’œuvre du sémiologue Juri Lotman et même dans les théories du psychologue Alfred Adler: à l’époque où la majorité cherchait de lois universelles sur lesquelles était censées s’ériger, appuyer et reproduire la société, ces personnes cherchaient à comprendre comment l’individu agit. Ils refusaient l’idée de l’individu-robot qui miroite les « lois » du social.

24 Personnel dentaire Organisation Mondiale de la Santé World Health Statistics 2010, WHO
Disponible dans le rapport PDF à: [cliquez], Member State Number Density (per population) United States 16 Canada 38 310 12 Israel 7 814 11 Argentina 35 592 9 Norway 4 108 Sweden 7 541 8 Germany 63 100 Japan 95 197 7 France 41 422 Italy 37 000 6 Spain 24 515 Switzerland 3 847 5 Costa Rica 1 905 Chile 6 750 4 United Kingdom 25 914 United Arab Emirates 1 368 Kuwait 810 3 Uzbekistan 4 748 2 Romania 4 360 Saudi Arabia 6 049 China 1 Notez le nombre de personnels par tranche de 10,000 de population. Le rapport à l’apparence du sourire est complexe, mais il n’est pas conditionné par l’argent, quand on examine les données du Kuwait, par exemple, ou quand on compare l’Allemagne avec la Grande-Bretagne, ou quand on compare l’Espagne «sombre» avec l’Italie «souriante» (ils ont le même rapport). Admettons qu’en Allemagne et en Suède, les soins dentaires font partie du système d’assurance maladie, comme en Norvège pour les enfants, mais pas aux États-Unis ni au Canada, ni en Israël (apparemment, en 2010 ils ont adopté un plan gratuit pour les enfants).

25 R I T U A L S E É M O N À gauche, des émoticônes; en haut, les équivalences entre les émoticônes graphiques désormais standardisées en code ASCII, et les émoticônes textuelles, ainsi que leurs définitions. Les émoticônes ne sont pas universelles: il existe le style manga, et le style South Park. l/2009/8/11/ /Emoticon-faces-on-compute-001.jpg

26 Cette idée durkheimienne (inspiré par sa notion du totem, que les individus créent dans l’imaginaire pour définir un espace neutre, la «société», qui par la suite se présente à l’homme sous forme sacrée; l’adoration du sacré et, donc, l’ensemble de la religion, pour Durkheim, n’est qu’une tentative de concrétiser la cohésion sociale tellement souhaitée) est une apte description des États-Unis: les frontières de classe sont poreuses et en évolution constante, le statut est négociable, et la société est «ouverte», dans le sens que les valeurs idéologiquement appuyées soulignent la nouveauté, l’émergent, la souplesse. Le sourire constant serait signe de cette ouverture, de cette orientation vers le futur à construire et à définir, de désir (et, on pourrait dire, la nécessité) de construire des rapports qui deviennent la microcommunauté décrite par Goffman. Le sourire éternellement figé est l’homologue du recyclage autoréférentiel de la culture populaire, une dynamique rendue possible par la dénudation des dimensions complexes de ses composants. La culture populaire et le sourire sont deux instances de signes élémentaires et primordiaux - toujours à devenir, mais jamais réalisés. Image standardisée d’un soi-disant «totem» haida. En effet, les totems comme technologie symbolique qui créent un système cohérent (mais pas nécessairement logique) pour représenter le monde peuvent assumer plusieurs formes, indépendamment de leur importance économique ou généalogique. Un totem des Aborigènes australiens d’Arnhem Land, kangourou femelle urinant. À droit, un totem américain -content/uploads/2010/02/smile1.jpg


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