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construire la « civilisation de l’amour »

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Présentation au sujet: "construire la « civilisation de l’amour »"— Transcription de la présentation:

1 construire la « civilisation de l’amour »
POURQUOI L’ÉGLISE A-T-ELLE UNE DOCTRINE SOCIALE ? Avec l’aimable autorisation de: l’auteur Abbé Marc-Antoine Fontelle et des éditions Téqui

2 POURQUOI L’ÉGLISE A-T-ELLE UNE DOCTRINE SOCIALE ?

3 I. Les trois grandes raisons de l’intervention de l’Église
Depuis la fin du XIXe avec Léon XIII, l’Église a écrit des encycliques sur la Doctrine Sociale de l’Église, dont la dernière date de 1991, Centesimus annus. Présenté de la sorte, nous pourrions croire que l’Église s’est inventé de toutes pièces un enseignement de circonstance sur le comportement des personnes dans la société. Penser ceci, signifie ne pas connaître l’enseignement social de l’Église. Dès le premier siècle, l’Église s’est préoccupée d’éclairer les hommes sur leurs comportements dans la société pour trois raisons.

4 a. Dieu a un dessein sur sa création
Dieu veut sauver sa création, et permettre au plus grand nombre d’avoir accès à la vie éternelle. “Je ne désire pas la mort de quiconque, oracle du Seigneur Yahvé. Convertissez-vous, et vous vivrez” (Ez 18, 32). Saint Pierre écrira plus tard : “Il (Dieu) use de patience envers vous voulant que personne ne périsse, mais que tous arrivent au repentir” (2 Pe 3, 9). La preuve suprême que Dieu veut nous sauver, est qu’il a envoyé son Fils : “Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par Lui” (Jn 3, 17). Saint Paul conclura en disant : “Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, Lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi est le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme Lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous” (1 Tim 2, 4-5).

5 Nouvelle évangélisation
L’Église doit proclamer ces paroles de la Sainte Écriture et faire que les hommes reconnaissent que Dieu, Auteur de la vie, les aime jusqu’au point d’avoir envoyé son propre Fils pour nous réconcilier avec Lui par le Sacrifice de la Croix, et les appelle à la vision béatifique. Le 1er mars 1991, Jean-Paul II, lors de la visite ad limina des évêques d’Émilie-Romagne, nous rappelle ce que doit être l’annonce de l’Église aujourd’hui : “La nouvelle évangélisation, que je ne me lasse pas d’invoquer et de proposer, doit insister sur cette heureuse annonce : Dieu, Auteur de la vie, a pour chacun un projet très spécial de bonheur et d’éternité. Il nous demande seulement d’adhérer à ce projet, de nous confier à son amour, d’orienter vers Lui toute notre vie personnelle et sociale, en acceptant de le connaître, de l’aimer, de le servir.”

6 b. L’Église est ‘Mère et Maîtresse’
L’Église, ‘Mère et éducatrice’ des consciences,[1] doit conduire chaque personne à sa destinée surnaturelle à travers les réalités terrestres de la vie quotidienne. Léon XIII nous enseigne à ce sujet : “L’Église ne se contente pas d’indiquer où se trouve le remède, elle l’applique au mal de sa propre main. Elle est tout occupée à instruire et à élever les hommes d’après ses principes et sa doctrine. Elle a soin d’en répandre les eaux vivifiantes aussi loin et aussi largement qu’il lui est possible, par le ministère des évêques et du clergé. Puis elle s’efforce de pénétrer dans les âmes et d’obtenir des volontés qu’elles se laissent conduire et gouverner par la règle des préceptes divins. Sur ce point capital et de très grande importance, parce qu’il renferme comme le résumé de tous les intérêts en cause, l’action de l’Église est souveraine. [1] Jean XXIII nous dit dans l’Encyclique Mater et Magistra (n°1) : “Jésus-Christ a constitué l’Église Mère et éducatrice des peuples, afin qu’au cours des siècles, tous ceux qui viendraient à elle, trouvent en son sein le salut dans la plénitude d’une vie supérieure. A cette Église, colonne et soutien de la vérité, son très saint Fondateur a confié la double mission d’engendrer des fils et de les enseigner et diriger, en veillant avec une sollicitude maternelle sur la vie des individus et des peuples, dont elle a toujours fidèlement respecté et protégé l’éminente dignité.”

7 se conformer au dessein divin
Les instruments dont elle dispose pour toucher les âmes, lui ont été donnés à cette fin par Jésus-Christ, et ils portent en eux une efficacité divine. Ils sont les seuls aptes à pénétrer dans les profondeurs du cœur humain, les seuls capables d’amener l’homme à obéir aux injonctions du devoir, à maîtriser ses passions, à aimer Dieu et son prochain d’une charité particulière et souveraine, à briser courageusement tous les obstacles qui entravent sa marche dans la voie de la vertu.”[1] L’Église doit apprendre aux hommes à conformer tous leurs actes à la loi morale, exprimée par les commandements de Dieu et par l’Évangile. Elle doit enseigner à se conformer au dessein divin sur l’humanité. Nous ne pouvons nous conformer à ce dessein qu’en accomplissant du mieux possible nos devoirs d’état, à commencer par ceux envers Dieu et notre prochain.[2] [1] Encyclique Rerum novarum, n°22, 1. [2] Saint Augustin a écrit cette page magnifique à propos de notre Mère l’Église : “Ô Église catholique, Mère très véritable des chrétiens, tu as le mérite non seulement de nous enseigner le culte très pur et très chaste que nous devons à Dieu, et qui devient la meilleure joie de notre vie, mais de faire tellement tiennes la dilection et la charité envers le prochain que nous trouvons chez toi, souverainement efficaces, tous les remèdes aux maux nombreux dont souffrent les âmes à cause du péché. Tu exerces et tu instruis l’enfance avec simplicité, la jeunesse avec force, la vieillesse avec délicatesse, tenant compte des besoins du corps comme ceux de l’âme. C’est par toi que le fils se soumet à ses parents, pour ainsi dire, dans une libre servitude, et que les parents commandent à leur fils avec l’autorité de l’amour. C’est toi qui, par un lien religieux, plus fort et plus étroit que le lien non seulement de vie commune, mais d’une certaine fraternité, unis les citoyens aux citoyens, les races aux races, en un mot, tous les hommes entre eux, en leur rappelant leur commune origine. Tu enseignes aux rois le dévouement envers leurs peuples, aux peuples l’obéissance envers leurs rois. Avec quel soin tu nous apprends à qui se doit l’honneur, à qui l’affection, à qui le respect, à qui la crainte, à qui l’encouragement, à qui l’avertissement, à qui l’exhortation, à qui la correction, à qui le reproche, à qui le châtiment ; montrant que si tout ne se doit pas également à tous, la charité, pourtant, doit être pour tous et l’injustice pour personne” (De moribus Ecclesiae catholicae, Livre I, ch. 30).

8 c. L’Église est gardienne de l’unité et de la charité
L’Église doit préserver l’unité et la charité au sein du Corps Mystique du Christ. Pour cela, elle doit dénoncer les atteintes portées à la foi, à la morale et à la dignité de la personne humaine, car l’Église est “gardienne et interprète de la doctrine de Jésus-Christ”,[1] et “gardienne, par la volonté de Dieu et par mandat du Christ, de l’ordre naturel et surnaturel”.[2] Le maintien de l’unité et de la charité ne peut se faire que dans la communion du Corps Mystique du Christ que représente l’Église. Cette communion s’opère dans les membres de ce Corps par la même et unique confession de foi, par la participation aux mêmes sacrements et par la soumission au même gouvernement ecclésial. S’il manque un seul de ces trois points, la communion est plus ou moins rompue.[3] 1] Léon XIII, Encyclique Diuturnum illud. [2] Pie XII, Radio Message du 24/12/1942. [3] Le Code de Droit Canonique de 1983 dit au Canon 205 : “Sont pleinement dans la communion de l’Église catholique sur cette terre les baptisés qui sont unis au Christ dans l’ensemble visible de cette Église, par les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique.”

9 II. L’Église a le devoir d’intervenir en matière sociale a
II. L’Église a le devoir d’intervenir en matière sociale a. Nécessaire intervention de l’Église L’Église a plus que le droit d’intervenir en matière sociale, elle en a le devoir dès que la nécessité s’en fait sentir,[1] en conformité avec son pouvoir indirect découlant de sa nature même. Ce droit et ce devoir viennent des trois grandes raisons que nous avons étudiées plus haut. L’Église s’est toujours reconnue ce droit d’intervention dans le domaine temporel selon diverses modalités suivant les situations historiques. Si l’Église s’arroge un droit de regard sur le temporel, ce n’est pas pour s’accaparer un pouvoir, mais pour éclairer les hommes sur leurs devoirs et les aider, voire même de façon concrète par des œuvres caritatives, et ceci en raison de sa compétence provenant de sa mission.[2] [1] Le Code de Droit Canonique est très clair en disant : “L’Église à qui le Christ Seigneur a confié le dépôt de la foi afin que, avec l’assistance du Saint-Esprit, elle garde saintement la vérité révélée, la scrute plus profondément, l’annonce et l’expose fidèlement, a le devoir et le droit inné, indépendant de tout pouvoir humain, de prêcher l’Évangile à toutes les nations, en utilisant aussi les moyens de communication sociale qui lui soient propres. Il appartient à l’Église d’annoncer en tout temps et en tout lieu les principes de la morale, même en ce qui concerne l’ordre social, ainsi que de porter un jugement sur toute réalité humaine, dans la mesure où l’exigent les droits fondamentaux de la personne humaine ou le salut des âmes” (Canon 747). [2] Pie XI nous dit : “Sans doute, c’est à l’éternelle félicité et non pas à une prospérité passagère seulement que l’Église a reçu la mission de conduire l’humanité ; et même ‘elle ne se reconnaît point le droit de s’immiscer sans raison dans la conduite des affaires temporelles’. A aucun prix toutefois elle ne peut abdiquer la charge que Dieu lui a confiée et qui lui fait une loi d’intervenir, non certes dans le domaine technique, à l’égard duquel elle est dépourvue de moyens appropriés et de compétence, mais en tout ce qui touche à la loi morale. En ces matières, en effet, le dépôt de la vérité qui Nous est confié d’En-Haut et la très grave obligation qui Nous incombe de promulguer, d’interpréter et de prêcher, en dépit de tout, la loi morale, soumettent également à Notre suprême autorité l’ordre social et l’ordre économique. Car, s’il est vrai que la science économique et la discipline des mœurs relèvent, chacune dans sa sphère, de principes propres, il y aurait néanmoins erreur à affirmer que l’ordre économique et l’ordre moral sont si éloignés l’un de l’autre, si étrangers l’un à l’autre, que le premier ne dépend en aucune manière du second. Sans doute les lois économiques, fondées sur la nature des choses et sur les aptitudes de l’âme et du corps humain, nous font connaître quelles fins, dans cet ordre, restent hors de la portée de l’activité humaine, quelles fins au contraire elle peut se proposer, ainsi que les moyens qui lui permettront de les réaliser, de son côté, la raison déduit clairement de la nature des choses et de la nature individuelle et sociale de l’homme la fin suprême que le Créateur assigne à l’ordre économique tout entier. Mais seule la loi morale nous demande de poursuivre, dans les différents domaines entre lesquels se partage notre activité, les fins particulières que nous leur voyons imposées par la nature ou plutôt par Dieu, l’auteur même de la nature, et de les subordonner toutes, harmonieusement combinées, à la fin suprême et dernière qu’elle assigne à tous nos efforts. Du fidèle accomplissement de cette loi, il résultera que tous les buts particuliers poursuivis dans le domaine économique, soit par les individus, soit par la société, s’harmoniseront parfaitement dans l’ordre universel des fins et nous aideront efficacement à arriver comme par degrés au terme suprême de toutes choses, Dieu, qui est pour Lui-même et pour nous le souverain et l’inépuisable Bien” (Encyclique Quadragesimo anno, n°45-47). Le Concile Vatican II confirmera cet enseignement en disant : “Certes, la mission propre que le Christ a confiée à son Église n’est ni d’ordre politique, ni d’ordre économique ou social : le but qu’il lui a assigné est d’ordre religieux. Mais, précisément, de cette mission religieuse découlent une fonction, des lumières et des forces qui peuvent servir à constituer et à affermir la communauté des hommes selon la loi divine. De même, lorsqu’il le faut et compte tenu des circonstances de temps et de lieu, l’Église peut elle-même, et elle le doit, susciter des œuvres destinées au service de tous, notamment des indigents, comme les œuvres charitables et autres du même genre” (Constitution pastorale Gaudium et spes, n°42, 2).

10 l’Église porte un jugement moral
Le Catéchisme de l’Église Catholique nous rappelle que “l’Église porte un jugement moral, en matière économique et sociale, ‘quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent’ (Gaudium et spes, n°76, 5). Dans l’ordre de la moralité elle relève d’une mission distincte de celle des autorités politiques : l’Église se soucie des aspects temporels du bien commun en raison de leur ordination au souverain Bien, notre fin ultime. Elle s’efforce d’inspirer les attitudes justes dans le rapport aux biens terrestres et dans les relations socio-économiques”.[1] [1] Catéchisme de l’Église Catholique, n°2420.

11 b. La théorie des ‘deux glaives’
Le pouvoir spirituel de l’Église, qui commande et ordonne le bien commun surnaturel, et le pouvoir temporel de la société civile, qui commande et ordonne le bien commun naturel, ne s’opposent pas. Ils se complètent et doivent s’aider mutuellement sachant que le pouvoir spirituel prime sur le pouvoir temporel.[1] Les deux ont le même objectif sous des modalités différentes : le bien des âmes. [1] Saint Thomas nous explique la subordination des fins dans le De Regno : “La fin ultime de la multitude rassemblée en société n’est donc pas de vivre selon la vertu, mais, par la vertu, de parvenir à la fruition de Dieu. Mais si l’on pouvait parvenir à cette fin en vertu de la seule nature humaine, il reviendrait au roi de diriger les hommes vers cette fin. En effet, nous entendons par le nom de roi, celui à qui est confié le suprême gouvernement dans les choses humaines ; un gouvernement est d’autant plus élevé qu’il est ordonné à une fin plus haute. Car toujours celui qui a charge de la fin ultime commande à ceux qui opèrent les choses qui sont ordonnées à cette fin ultime ; ainsi le ministre de la marine commande au constructeur quelle sorte de navire il doit faire ; le pouvoir politique qui a besoin du pouvoir militaire commande à l’artisan les armes qu’il doit fabriquer. Mais puisque l’homme n’atteint pas sa fin, qui est la fruition de Dieu, par une vertu humaine, mais par une vertu divine, selon cette parole de l’Apôtre (Rm 6, 23) : ‘La grâce de Dieu, c’est la vie éternelle’, conduire à cette fin n’appartiendra pas à un gouvernement humain, mais à un gouvernement divin. Un gouvernement de ce genre revient donc à ce roi, qui est non seulement homme, mais Dieu, c’est-à-dire à notre Seigneur Jésus-Christ, qui, en faisant les hommes fils de Dieu, les a introduits dans la gloire céleste. ... Donc le ministère de ce royaume, afin que le spirituel soit distingué du temporel, est confié non aux rois terrestres mais aux prêtres, et principalement au Grand-Prêtre, successeur de Pierre, Vicaire du Christ, le Pontife Romain, auquel tous les rois de la chrétienté doivent être soumis comme à notre Seigneur Jésus-Christ lui-même. Car à celui à qui revient la charge de la fin ultime, doivent être soumis ceux qui ont la charge des fins antécédentes, et ils doivent être dirigés par son imperium” (Livre I, ch. 14).

12 position de l’Église sur sa compétence dans le domaine temporel
Nous pouvons remonter dans le temps et rechercher dans le magistère et la Tradition la position de l’Église sur sa compétence dans le domaine temporel. Dès les origines, elle s’est reconnue ce pouvoir. Les Pères de l’Église ont abondamment écrit à ce sujet. L’ouvrage le plus célèbre est La cité de Dieu de saint Augustin. Les Papes ont rappelé souvent la doctrine de l’autorité de l’Église sur le domaine temporel, à cause de ses ennemis qui ne veulent pas qu’elle intervienne car elle gêne et donne mauvaise conscience à certains princes qui abusent de leur autorité pour servir leurs intérêts personnels. La plus grande tentation qu’éprouveront les princes au cours des siècles, illustrée parfaitement par la querelle du Sacerdoce et de l’Empire, sera de vouloir supprimer le pouvoir indirect de l’Église à leur profit ou encore de vouloir soumettre l’Église à leur autorité.

13 l’avoir présente à l’esprit
La philosophie politique moderne, qui a commencé à voir le jour à partir de Machiavel et de Hobbes, en passant par Montesquieu, Rousseau, Tocqueville et Marx, nous a fait oublier la doctrine de l’Église en matière sociale et politique. Les notions de bien commun, de salut des âmes ont été remplacées par les notions de contrat social, de souveraineté de la volonté et de liberté. Mais ce n’est pas parce que la philosophie politique moderne ignore la doctrine de l’Église, lorsqu’elle ne la combat pas ouvertement, que nous ne devons pas l’avoir présente à l’esprit.

14 doctrine des deux glaives
Le Souverain Pontife Boniface VIII, résuma l’ensemble de la doctrine des deux glaives dans la Bulle Unam Sanctam du 18/11/1302 : “Les paroles de l’Évangile nous enseignent : cette puissance comporte deux glaives, à savoir le spirituel et le temporel... Tous deux sont donc au pouvoir de l’Église, le glaive spirituel et le glaive matériel. Mais celui-ci doit être manié pour l’Église, celui-là par l’Église. Celui-là par la main du prêtre, celui-ci par celle des rois et des chevaliers, au consentement et au gré du prêtre. Le glaive doit donc être subordonné au glaive et l’autorité temporelle soumise à l’autorité spirituelle... La puissance spirituelle doit l’emporter en dignité et en noblesse sur toute espèce de puissance terrestre, nous devons le reconnaître d’autant plus nettement que les choses spirituelles ont le pas sur les temporelles... La vérité l’atteste : la puissance spirituelle peut établir la puissance terrestre et la juger si elle n’est pas bonne... Si donc, la puissance terrestre dévie, elle sera jugée par la puissance spirituelle, mais si la puissance spirituelle inférieure dévie, elle le sera par la puissance supérieure. Si la puissance suprême dévie, Dieu seul pourra la juger et non pas l’homme. L’Apôtre en témoigne : ‘L’homme spirituel juge de tout et n’est jugé par personne’ (1 Co 2, 15).”

15 replacer la Bulle dans son contexte historique
Il faut replacer la Bulle dans son contexte historique où le pouvoir civil reconnaissait la primauté du pouvoir spirituel, mais cela ne retire rien au principe que l’Église a le droit et même le devoir de regarder ce que font les princes, car de ce qu’ils font, dépend le bien ou le mal des âmes : “De la forme donnée à la société, en harmonie ou non avec les Lois divines, dépend et s’infiltre le bien ou le mal des âmes, c’est-à-dire, si les hommes, appelés tous à être vivifiés par la grâce du Christ, respireront dans les contingences terrestres du cours de leur vie, l’air sain et vivifiant de la vérité et des vertus morales, ou le microbe morbide et souvent mortel de l’erreur et de la dépravation.”[1] [1] Pie XII, Radio Message du 1/6/1941, n°5.

16 L’Église détient le pouvoir spirituel
L’Église détient le pouvoir spirituel. Le gouvernement civil détient le pouvoir temporel. Ce dernier doit respecter le Décalogue, la Loi Nouvelle du Sermon sur la Montagne, et laisser une liberté suffisante à l’Église pour remplir sa mission : “Elle (l’Église) ne manifeste pas de préférence pour les uns ou pour les autres, pourvu que la dignité de l’homme soit dûment respectée et promue, et qu’Elle-même se voit laisser l’espace nécessaire pour accomplir son ministère dans le monde.”[1] En ce sens, il y a subordination du pouvoir civil à l’Église pour le salut des âmes. La subordination ne signifie pas confusion des pouvoirs et encore moins théocratie. Par conséquent, il faut obéir à l’Église pour ce qui concerne tout ce qui a rapport au salut, plutôt qu’au pouvoir civil, et il faut obéir au pouvoir civil pour ce qui concerne l’organisation de la cité, plutôt qu’au pouvoir spirituel.[2] [1] Jean-Paul II, Encyclique Sollicitudo rei socialis, n°41. [2] Saint Thomas explique dans le Commentaire de Sentences : “Le pouvoir spirituel et le pouvoir séculier proviennent l’un et l’autre du pouvoir divin. Le pouvoir séculier est donc soumis au pouvoir spirituel dans la mesure où Dieu l’y a soumis, c’est-à-dire pour ce qui se rapporte au salut de l’âme ; et c’est pourquoi, en ces matières, il faut plutôt obéir au pouvoir spirituel qu’au pouvoir séculier. Mais dans les matières qui se rapportent au bien de la cité, il faut plutôt obéir au pouvoir séculier qu’au pouvoir spirituel selon la parole de Saint Matthieu : ‘Rendre à César ce qui est à César’.”

17 servir le bien commun de la société
L’ordre temporel est au service de la fin surnaturelle de l’homme, mais cela ne signifie pas que l’ordre temporel ne possède pas une autonomie et une finalité propre : l’ordre temporel possède sa finalité propre qui est d’organiser le monde matériel pour servir le bien commun de la société, sachant que le bien commun de la société ne peut pas exister en niant la finalité de l’homme qui est de trouver son repos en Dieu.

18 théorie des deux glaives trois principes fondamentaux
En résumé, la théorie des deux glaives repose sur trois principes fondamentaux : Le premier principe est que “le droit divin qui vient de la grâce ne détruit pas le droit humain qui vient de la raison naturelle”.[1] L’Église est de droit divin, tandis que la société civile est de droit humain. Les deux sont distincts. Le second principe est que chacune de ces sociétés a une finalité propre. La société spirituelle s’occupe de tout ce qui concerne le salut. La finalité de la société civile est double : veiller sur le bien commun, et organiser la vie de façon à aider les personnes à aimer Dieu. À cause de cette seconde finalité, le pouvoir temporel est soumis au pouvoir spirituel. Le troisième principe est que le pouvoir temporel est subordonné au pouvoir spirituel à cause de la seconde fin de la société civile. En d’autres termes, il y a une complémentarité entre les deux pouvoirs, mais en aucun cas une opposition. Le chrétien doit donc appartenir aux deux sociétés pour remplir intégralement sa mission dans le monde. [1] Saint Thomas, Som. Th., IIa-IIae, Q. 10, a. 10.

19 c. L’Église face à la laïcisation des institutions
Revenons au XIXe siècle où la situation historique et sociale est bien différente. L’enseignement de l’Église est très attaqué par un athéisme virulent. Il ne suffit plus de réaffirmer un principe pour qu’il soit accepté. Il faut le défendre, en montrer le bien-fondé et le promouvoir. C’est pour cela que nous pouvons lire dans l’Encyclique Rerum novarum au numéro 1, 2 : “Mais la conscience de notre charge apostolique nous fait un devoir de le traiter (le sujet de la condition des ouvriers) dans cette Encyclique plus explicitement et avec plus d’ampleur, afin de mettre en évidence les principes d’une solution conforme à la vérité et à l’équité.” Au numéro 13, 1, le pape poursuit : “C’est avec assurance que nous abordons ce sujet, et dans toute la plénitude de notre droit. La question qui s’agite est d’une nature telle, qu’à moins de faire appel à la religion et à l’Église, il est impossible de lui trouver jamais une solution efficace. Or, comme c’est à nous principalement qu’ont été confiées la sauvegarde de la religion et la dispensation de ce qui est du domaine de l’Église, nous taire serait aux yeux de tous négliger notre devoir.”[1] [1] Benoît XV expliquait ainsi au clergé la nécessité de l’intervention de l’Église : “Qu’aucun membre du clergé ne s’imagine que pareille action est étrangère au ministère sacerdotal sous prétexte qu’elle s’exerce sur le terrain économique : car c’est précisément sur ce terrain que le salut éternel des âmes est en péril. Aussi voulons-Nous que les prêtres considèrent comme une de leurs obligations de se consacrer le plus possible à la science et à l’action sociale, par l’étude, l’observation et le travail, et de favoriser de tout leur pouvoir ceux qui, sur ce terrain, exercent une saine influence pour le bien des catholiques” (Lettre à l’Évêque de Bergame du 11/3/1920). De façon plus juridique, la Sacrée Congrégation du Concile, s’adressant à Mgr Liénart en 1929, nous dit au numéro 0, 2 : “Avant tout, la Sacrée Congrégation juge opportun de rappeler qu’on ne saurait mettre en doute la compétence de l’Église en pareille matière, sous le prétexte qu’il s’agit d’intérêts purement économiques.” Le Synode des Évêques de 1971 confirmera cet enseignement en disant : “L’Église a reçu du Christ la mission de prêcher le message évangélique, qui comprend la vocation à se convertir du péché à l’amour du Père, la fraternité universelle et, par là, l’exigence de justice dans le monde. C’est pourquoi l’Église a le droit et le devoir de proclamer la justice à l’échelle sociale, nationale et internationale, et de dénoncer les situations d’injustice quand les droits fondamentaux et le salut même de l’homme l’exigent. L’Église n’est pas seule responsable de la justice dans le monde ; dans ce domaine, cependant, elle a une responsabilité spécifique et propre, qui s’identifie avec sa mission de rendre témoignage devant le monde de l’exigence d’amour et de justice contenue dans le message chrétien, témoignage qu’elle devra réaliser dans ses propres institutions ecclésiales et dans la vie des chrétiens” (Document du Synode des Évêques Justitia in mundo du 30/11/1971, n°39). Jean-Paul II, dans l’Encyclique Centesimus annus au numéro 5, nous dit de l’Encyclique Rerum novarum : “En publiant Rerum novarum, le Pape donnait pour ainsi dire ‘droit de cité’ à l’Église dans les réalités changeantes de la vie publique. Cela devait se préciser davantage encore par la suite. En effet, l’enseignement et la diffusion de la Doctrine Sociale de l’Église appartiennent à sa mission d’évangélisation ; c’est une partie essentielle du message chrétien, car cette doctrine en propose les conséquences directes dans la vie de la société et elle place le travail quotidien et la lutte pour la justice dans le cadre du témoignage rendu au Christ Sauveur. Elle est une source d’unité et de paix face aux conflits qui surgissent inévitablement dans le domaine économique et social. Ainsi, il devient possible de vivre les nouvelles situations sans amoindrir la dignité transcendante de la personne humaine ni en soi-même ni chez les adversaires, et de trouver la voie de solutions correctes.”

20 l’introduction de l’Encyclique Mater et Magistra
Au début des années soixante, Jean XXIII nous éclaire bien dans l’introduction de son Encyclique Mater et Magistra aux numéros 2 à 6 : “La doctrine du Christ, en effet, unit pour ainsi dire la terre au ciel, car elle saisit l’homme dans sa totalité, corps et âme, intelligence et volonté, et elle lui demande d’élever sa pensée au-dessus des conditions changeantes de l’existence présente vers les régions de la vie céleste, où il jouira un jour d’un bonheur et d’une paix sans fin. Si le rôle de l’Église est avant tout de sanctifier les âmes et de les faire participer aux biens célestes, elle s’intéresse cependant aussi aux besoins quotidiens des hommes, à leur subsistance, à leurs conditions de vie et même à leur bien-être et à leur prospérité, sous toutes les formes qu’ils prennent au cours des temps. Ce faisant, elle met en pratique l’enseignement du Christ, son Fondateur. Car, en disant : ‘Je suis le chemin, la vérité et la vie’ et ailleurs : ‘Je suis la lumière du monde’, Il a surtout en vue le salut éternel de l’homme ; mais lorsque, contemplant une multitude affamée, Il s’écrie comme en gémissant : ‘J’ai pitié de cette foule’, Il montre que les besoins matériels des peuples Lui tiennent également à cœur. Et Il ne le montre pas seulement par ses paroles, mais aussi par ses actes quand, pour apaiser la faim de la foule, à diverses reprises Il multiplie miraculeusement le pain. Par ce pain, donné en nourriture au corps, Il voulut en même temps préfigurer le pain céleste qu’Il devait donner aux hommes la veille de sa Passion. Il n’est pas étonnant que, pendant deux mille ans, des premiers diacres à nos jours, l’Église, prenant modèle sur le Christ et fidèle à son commandement, ait constamment maintenu très vive la flamme de la charité, par ses préceptes et par ses exemples. La charité, unissant le précepte de l’amour et sa pratique, réalise parfaitement la double mission de donner, assignée à l’Église, mission qui renferme en germe tant sa doctrine que son action sociale.”

21 Conclusion Nous pouvons désormais répondre à notre question : pourquoi l’Église a-t-elle une doctrine sociale ? L’Église, se trouvant face à des situations nouvelles, va interpréter l’enseignement constant de la Tradition. Elle va traduire les principes immuables de sa doctrine en normes d’actions concrètes et moralement bonnes, afin de permettre aux fidèles de vivre chrétiennement les situations nouvelles. C’est pour cela qu’à chaque changement important au sein de la société civile, l’Église va publier des encycliques sociales répondant aux difficultés nouvelles que soulèvent les mutations sociales, économiques et politiques depuis un siècle et demi.

22 encycliques sociales Si l’Église n’a commencé à publier des encycliques sociales qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, c’est parce qu’avant le besoin ne s’en faisait pas sentir. La complexité des situations sociales nouvelles demandes des réponses mûrement réfléchies que seule la sagesse de l’Église peut donner. Il ne suffit plus d’appliquer à la lettre tel précepte ou tel autre de façon systématique ; il faut observer, analyser, tenir compte de l’objectif de perfection chrétienne à atteindre mais aussi de ce qui est possible de réaliser. Plus le temps passe, plus les situations deviennent complexes où les péchés personnels des hommes engendrent de véritables structures de péché. L’Église ne pouvant pas répondre à toutes les questions posées, elle essaye d’éclairer sur les interdits éthiques et sur les principes à appliquer dans les cas concrets. Étant donné que chaque cas est différent, l’application des principes est laissée à la sagesse des pasteurs légitimes et à la réflexion des fidèles.

23 III. L’Église proclame la vérité et dénonce l’erreur
“L’Église en même temps qu’elle enseigne les exigences imprescriptibles de la loi divine, annonce le salut et ouvre par les sacrements les voies de la grâce, laquelle fait de l’homme une nouvelle créature, capable de répondre dans l’amour et dans la vraie liberté au dessein de son Créateur et Sauveur, et de trouver doux le joug du Christ.”[1] Cette annonce du salut est l’annonce de la vérité. [1] Paul VI, Encyclique Humanae vitae, n°25.

24 a. Qu’est-ce que la vérité ?
“Voilà pourquoi une société n’est dûment ordonnée, bienfaisante, respectueuse de la personne humaine, que si elle se fonde sur la vérité, selon l’avertissement de saint Paul : ‘Rejetez donc le mensonge ; que chacun de vous dise la vérité à son prochain car nous sommes membres les uns des autres’ (Eph 4, 25). ... L’ordre propre aux communautés humaines est d’essence morale. En effet, c’est un ordre qui a pour base la vérité, qui se réalise dans la justice, qui demande à être vivifié par l’amour et qui trouve dans la liberté un équilibre sans cesse rétabli et toujours plus humain. Cet ordre moral – universel, absolu et immuable dans ses principes – a son fondement objectif dans le vrai Dieu transcendant et personnel, Vérité première et Souverain Bien, source la plus profonde de vitalité pour une société ordonnée, féconde et conforme à la dignité des personnes qui la composent.”[1] [1] Jean XXIII, Encyclique Pacem in terris, n°35,

25 1. Importance de l’existence d’une vérité
La question de la vérité est fondamentale, aussi bien pour la théologie morale que pour la vie en société. Nous lisons dans l’Évangile de saint Jean l’attitude que le Christ a eue devant Pilate : “Jésus répondit : Tu le dis, je suis Roi. Je ne suis né et je ne suis venu dans le monde que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. – Pilate lui dit : qu’est-ce que la vérité ?” (Jn 18, 38). Après cette réponse, Le Christ n’essaiera plus de discuter avec Pilate, ni d’éclairer son intelligence. Hors de la vérité, la raison n’a plus de prise, il n’y a plus de discussion possible.

26 Sans vérité Sans vérité, il n’y a plus de possibilité d’organiser la société sur des bases stables, puisque ces dernières peuvent changer du jour au lendemain suivant l’évolution du contenu et du sens du mot vérité. Sans vérité, il n’y a plus d’idéal, plus d’espérance, puisque demain sera un autre jour avec d’autres valeurs. Sans vérité, il n’y a pas de bonheur : il ne peut pas y avoir d’amour vrai puisque l’amour repose sur la vérité. A contrario, la vérité sans l’amour dessèche le cœur de l’homme, qui finit tôt ou tard par errer.

27 Deux ordres dans la vérité
La question de la vérité ne se réduit pas à une simple question de morale : le mensonge est-il permis ? Doit-on toujours dire la vérité ? Le problème est beaucoup plus vaste et grave. Il y a la vérité sur Dieu, sur le monde, les hommes, la société. Il y a deux ordres dans la vérité : un ordre naturel et un ordre surnaturel. Pour comprendre, il faut distinguer les deux.

28 2. Diverses conceptions erronées de la vérité
Certains pensent que la vérité est relative à chacun et ne séparent pas les deux ordres naturel et surnaturel.

29 a. Le nominalisme Une erreur est apparue dans l’histoire de la pensée avec Guillaume d’Occam ( ) et le nominalisme[1] qui buttent sur la difficulté suivante : comment peut-il exister une connaissance universelle de l’intelligence par des concepts, alors que les sens ne perçoivent que la réalité changeante et multiple ? Par conséquent, quelle valeur donner à ces concepts universaux prétendant exprimer l’essence des choses ? La réponse sera qu’il ne peut pas y avoir de concepts universaux exprimant l’essence objective des choses. Alors, la première conclusion à tirer est qu’il n’y a pas de vérité universelle que l’homme puisse découvrir par son intelligence. Les mots n’ont qu’une valeur de signes conventionnels ; ce ne sont que des noms donnés aux choses sans en exprimer l’essence profonde. [1] Pour comprendre la difficulté que pose la question de la vérité, il faut revenir aux origines du problème : la querelle des universaux. Cette querelle concerne l’origine de la connaissance et son objectivité. Résumons la pensée de saint Thomas qui permet de résoudre cette difficulté. (La psychologie moderne a développé la pensée de saint Thomas en mettant en évidence le conflit entre la flexibilité et la rigidité du système de reconnaissance visuel. Cela se fait en deux temps : une étape de construction où les réseaux neuronaux sont agrandis ; une étape d’intégration où les réseaux sont reliés en eux. Notre propos n’étant pas d’entrer dans les détails de la psychologie moderne, nous nous limiterons à l’enseignement synthétique de saint Thomas.) La difficulté réside dans la relation de la connaissance sensible du monde matériel en mutation continuelle, ce que nos sens perçoivent du monde extérieur dans le temps, avec la connaissance intellectuelle, qui classe les informations transmises par les sens, puis les transforme en concepts ou idées avant de porter un jugement de valeur pour dire si cela est ou si cela n’est pas ; puis l’intelligence peut raisonner à partir de ces concepts pour remonter à l’essence de la chose perçue. Les concepts ainsi formés dans l’intelligence ne retiennent que le caractère essentiel de la chose : l’essence d’une chose est identique pour toutes les choses partageant la même nature. Cela revient à dire que le concept est universel et permanent. Pour comprendre cela, prenons un exemple concret. J’ai devant moi le pont du Gard. Il existe hors de ma volonté. Mes sens, la vue par exemple, vont percevoir sa singularité. Mes yeux vont transmettre les informations à mon imagination qui va reproduire en elle l’image du pont du Gard, mais cette image sera très générale. Essayons d’imaginer un pont, nous aurons dans l’imagination une représentation vague de pont. Nous aurons ce qu’on appelle une image générale de pont. Puis essayons d’imaginer le pont du Gard avec toutes ses arcades. Nous n’y arriverons pas. Nous verrons l’image générale du pont du Gard, mais nous ne pourrons pas compter le nombre de ces arcades, ni estimer la hauteur, la longueur. Cette image générale va être mémorisée et disponible en rappel. A partir de cette image générale, l’intelligence va extraire la réalité intelligible, c’est-à-dire l’essence même de la chose et en faire un concept qui aura un caractère universel. Reprenons notre pont du Gard. Nous avons dans l’imagination l’image générale du pont. L’intelligence va venir extraire l’idée de pont contenue dans l’image générale du pont du Gard. Puis, elle va en faire un concept universel de pont, qui vaudra pour tous les ponts de tous les temps et de tous les lieux. Avec les concepts ainsi formés, l’intelligence va raisonner, elle va jouer avec les concepts, les regrouper, les séparer, les classer etc., pour arriver à des conclusions. En regroupant le concept de pont avec celui d’arcade, avec celui de pierre, avec celui de hauteur etc., l’intelligence conclura qu’il s’agit du pont du Gard. En conclusion, nous pouvons dire que nous avons connaissance en premier de la réalité singulière, puis ensuite, à partir d’elle, de son essence universelle. En quelques mots, nous venons de résumer le schéma de la connaissance, qui part toujours du réel pour aller vers l’intelligence. Ce qui revient à dire qu’il n’y a pas d’idées innées. L’intelligence connaît toujours la réalité par l’intermédiaire des images formées dans l’imagination. L’objet de l’intelligence est uniquement l’essence des choses. L’étymologie du mot intelligence est intus-legere, c’est-à-dire lire au-dedans, lire dans une chose sa raison d’être, son essence. (Pour tout approfondissement, lire saint Thomas : Som. Th., Ia, Q ). La véritable connaissance consiste à mettre en lumière l’essence des choses, à travers la multiplicité des êtres partageant la même nature. Il s’agit de découvrir l’essence à partir de l’existence, qui est toujours particulière, changeante, concrète. Si on ne peut découvrir l’essence qu’à partir de l’existence, cela signifie qu’il n’existe d’essences en soi qui seraient indépendantes de toute existence. C’est là la grande erreur de Platon, qui considère qu’il existe des idées en soi indépendamment de toute existence. En d’autres termes philosophiques, il faut extraire ‘l’un’ du ‘multiple’. Nous devons faire aussi une petite remarque sur l’erreur. Elle ne se situe jamais dans les sens car ils reproduisent fidèlement ce qu’ils perçoivent, à moins que ceux-ci soient infirmes, ou qu’ils ne transmettent qu’une partie de la chose perçue. C’est pour cela qu’il faut se servir de tous nos sens afin de communiquer à l’intelligence le maximum d’informations pour ne pas nous tromper. Prenons l’exemple du miel et de la cire. Les deux ont la même couleur mais pas le même goût. Alors, si nous ne transmettons à l’intelligence que les informations de la vue, nous pouvons nous tromper dans notre jugement de valeur puisqu’il manque des informations de la part des autres sens qui nous permettent de ne pas faire d’erreur. L’erreur peut se glisser dans l’image générale qui se forme dans l’imagination. Si nous faisons appel à la mémoire, nous pouvons très bien avoir oublié une partie de l’image générale, ou encore nous pouvons être le jouet d’une illusion. Saint Thomas nous dit à propos de l’erreur dans l’intelligence : “L’objet de l’intellect est la quiddité (l’essence). Aussi, à parler absolument, n’y a-t-il pas d’erreur dans l’intelligence, au sujet de la quiddité. Mais l’intelligence peut se tromper sur les éléments qui ont rapport à l’essence ou quiddité, lorsqu’elle ordonne un élément à l’autre par composition, division ou même raisonnement. L’intelligence ne peut pas non plus se tromper sur les jugements qui sont compris dès qu’on connaît le sens de leurs termes, comme il arrive pour les premiers principes. Ce sont eux qui assurent l’infaillibilité de la vérité, en donnant aux conclusions la certitude de la science. Il peut y avoir des causes par accident qui trompent l’intellect sur la quiddité des êtres composés. Cela ne vient pas de l’organe, puisque l’intelligence n’en emploie pas, mais de la composition qui est requise pour établir une définition” (Som. Th., Ia, Q. 85, a. 6). Par conséquent, la source de l’erreur ne vient pas de l’acte intellectuel qui extrait de l’image l’essence de la chose, mais du développement de la pensée humaine par mode de composition, division, définition, raisonnement. L’erreur est la discordance entre la réalité et la pensée.

30 refuser la réalité Le terme de nominalisme vient de ce système de pensée. Ce dernier consiste à refuser la réalité exprimée par les mots. Le mot n’a qu’une simple valeur de signe ; il n’est qu’une convention pratique pour classer les choses. La conséquence directe est qu’il n’y a plus de vérité objective. Elle s’élabore au cours des siècles, elle est changeante suivant les époques. La vérité devient dépendante de chacun selon ce qu’il a vécu, et ce qu’il vit aujourd’hui. Le sommet de ce relativisme s’exprime dans cet adage : ‘A chacun sa vérité’. La vérité est ainsi soumise aux courants de la mode.[1] Le dogme catholique, qui a un caractère général et universel, est relativisé.[2] [1] Soljénitsyne met en garde contre ce danger de soumettre la vérité au courant de la mode : “L’Occident, qui ne possède pas de censure, opère pourtant une sélection pointilleuse en séparant les idées à la mode de celles qui ne le sont pas - et bien que ces dernières ne tombent sous le coup d’aucune interdiction, elles ne peuvent s’exprimer vraiment ni dans la presse périodique, ni par le livre, ni par l’enseignement universitaire. L’esprit de vos chercheurs est bien libre juridiquement, mais il est investi de tous côtés par la mode” (Discours de Harvard, Le déclin du courage, éd. Seuil, 1978, p. 30). [2] Le libéralisme et le modernisme, fils du nominalisme d’Occam, ne supportent pas l’idée d’une vérité universelle. La vérité n’existe pas, elle s’élabore avec le temps et les personnes. Il en est de même pour la morale. Il n’y a plus de normes objectives de conduite, mais le comportement humain est relativisé par rapport au temps et aux situations, c’est ce qu’on appelle la morale de situation. Il n’y a plus de hiérarchie objective des valeurs.

31 b. L’idéalisme Une autre erreur existe, l’idéalisme.
Elle est l’opposé du nominalisme ; c’est un durcissement de la vérité par les sciences empiriques. Elle a été développée par les philosophes tels que Platon et Hegel. Pour eux, la réalité est entièrement contenue dans l’idée. En d’autres termes, la réalité est réduite à ce que nous en percevons. L’idée est la mesure de la réalité et exprime infailliblement la vérité, car elle est dégagée de l’illusion qu’apportent les sens.

32 coupé du réel et désincarné
La vérité devient un concept philosophique coupé du réel et désincarné. On essaye de vouloir l’enfermer dans des idées, dans des formules. En résumé, on voudrait la réduire à ce qu’on en perçoit, et ensuite réduire la réalité à la conception de la vérité qu’on s’est ainsi représentée. Peu importe la réalité, tout doit se plier au système. Les deux derniers siècles ont vu naître divers systèmes philosophiques et politiques qui pour être appliqués demandaient en premier lieu d’exterminer tout ce qui ne faisait pas partie du système. Les exemples les plus parlants sont ceux du national-socialisme, du socialisme anticlérical, du marxisme-léninisme et du maoïsme.

33 3. “Veritas est adaequatio rei et intellectus”
La première chose à rappeler est qu’il existe une vérité objective. L’objectivité de la connaissance nous permet d’affirmer avec certitude l’existence d’une vérité universelle. Dans l’ordre naturel, la vérité peut se retrouver par la raison, qui découvre l’essence des êtres et des choses à partir de leur existence concrète. En ce qui concerne l’ordre surnaturel, il fallut la Révélation pour nous en apprendre les vérités de foi, car il n’y a pas de commune mesure entre l’ordre naturel perceptible par nos sens et l’ordre surnaturel imperceptible par nos sens. La seule chose que l’intelligence peut établir avec certitude par l’observation du réel, est l’existence d’un ordre surnaturel avec un Dieu Créateur de tout l’univers matériel et spirituel.[1] [1] Saint Thomas, au début de sa Somme Théologique (Ia, Q. 2, a. 3), donne cinq voies pour prouver l’existence de Dieu par la raison : “La première et la plus manifeste est celle qui se prend du mouvement. Il est évident, nos sens l’attestent, que dans ce monde certaines choses se meuvent. Or, tout ce qui se meut est mû par un autre. ... Il faut donc que tout ce qui se meut soit mû par un autre. Donc, si la chose qui meut est mue elle-même, il faut qu’elle aussi soit mue par un autre, et celle-ci par un autre encore. Or, on ne peut ainsi continuer à l’infini, car dans ce cas il n’y aurait pas de moteur premier, et il s’ensuivrait qu’il n’y aurait pas non plus d’autres moteurs, car les moteurs seconds ne meuvent que selon qu’ils sont mus par le moteur premier, comme le bâton ne meut que s’il est mû par la main. Donc il est nécessaire de parvenir à un moteur premier qui ne soit lui-même mû par aucun autre, et un tel être, tout le monde comprend que c’est Dieu. La seconde voie part de la notion de cause efficiente (la cause efficiente est ce par qui ou ce par quoi une chose ou un être arrive à l’existence). Nous constatons, à observer les choses sensibles, qu’il y a un ordre entre les causes efficientes ; mais ce qui ne se trouve pas et qui n’est pas possible, c’est qu’une chose soit la cause efficiente d’elle-même, ce qui la supposerait antérieure à elle-même, chose impossible. Or, il n’est pas possible non plus qu’on remonte à l’infini dans les causes efficientes. ... Il faut donc nécessairement affirmer qu’il existe une cause efficiente première, que tous appellent Dieu. La troisième voie se prend du possible et du nécessaire, et la voici. Parmi les choses, nous en trouvons qui peuvent être et ne pas être : la preuve, c’est que certaines choses naissent et disparaissent (prenons l’exemple d’un homme qui naît par génération et qui meurt et donc disparaît), et par conséquent ont la possibilité d’exister et de ne pas exister. Mais il est impossible que tout ce qui est de telle nature existe toujours ; car ce qui ne peut pas exister n’existe pas à un certain moment. Si donc tout peut ne pas exister, à un moment donné, rien n’a existé. Or, si c’était vrai, maintenant encore rien n’existerait ; car ce qui n’existe pas ne commence à exister que par quelque chose qui existe. Donc, s’il n’y a eu aucun être, il a été impossible que rien commençât d’exister, et ainsi, aujourd’hui, il n’y aurait rien, ce qu’on voit être faux. Donc, tous les êtres ne sont pas seulement possibles, et il y a du nécessaire dans les choses. Or, tout ce qui est nécessaire, ou bien tire sa nécessité d’ailleurs, ou bien non. Et il n’est pas possible d’aller à l’infini dans la série des nécessaires ayant une cause de leur nécessité, pas plus que pour les causes efficientes, comme on vient de le prouver. On est donc contraint d’affirmer l’existence d’un Être nécessaire par lui-même, qui ne tire pas d’ailleurs sa nécessité, mais qui est cause de la nécessité que l’on trouve hors de lui, et que tous appellent Dieu. La quatrième voie procède des degrés que l’on trouve dans les choses. On voit en effet dans les choses du plus ou moins bon, du plus ou moins vrai, du plus ou moins noble, etc. Or, une qualité est attribuée en plus ou en moins à des choses diverses selon leur proximité différente à l’égard de la chose en laquelle cette qualité est réalisée au suprême degré. ... Il y a donc quelque chose qui est souverainement vrai, souverainement bon, souverainement noble, et par conséquent aussi souverainement être, car, comme le fait voir Aristote dans la Métaphysique, le plus haut degré du vrai coïncide avec le plus haut degré de l’être. D’autre part, ce qui est au sommet de la perfection d’un genre donné, est cause de cette même perfection en tous ceux qui appartiennent à ce genre. ... Il y a donc un être qui est, pour tous les êtres, cause d’être, de bonté et de toute perfection. C’est lui que nous appelons Dieu. La cinquième voie est tirée du gouvernement des choses. Nous voyons que des êtres privés de connaissance, comme les corps naturels, agissent en vue d’une fin, ce qui nous est manifesté par le fait que, toujours ou le plus souvent, ils agissent de la même manière, de façon à réaliser le meilleur ; il est donc clair que ce n’est pas par hasard, mais en vertu d’une intention qu’ils parviennent à leur fin. Or, ce qui est privé de connaissance ne peut tendre à une fin que dirigé par un être connaissant et intelligent, comme la flèche par l’archer. Il y a donc un être intelligent par lequel toutes les choses naturelles sont ordonnées à leur fin, et cet être, c’est lui que nous appelons Dieu.”

34 Dieu peut être connu par les lumières de la raison
Le Concile Œcuménique Vatican I  a défini comme dogme de foi que Dieu peut être connu par les lumières de la raison : “La même sainte Église, notre Mère, tient et enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des choses créées : Depuis la création du monde, ses perfections invisibles se laissent voir à l’intelligence, par ses œuvres (Rm 1, 20).”[1] ] Constitution dogmatique Dei Filius, chapitre 2.

35 “Adaequatio rei et intellectus”
La définition la plus classique de la vérité est “Adaequatio rei et intellectus” (l’adéquation entre la chose et l’intelligence). La vérité est la réalité des êtres et des choses, que notre intelligence peut retrouver. Il y a une multitude de vérités, par exemple : la voiture roule sur la route, la lumière éclaire dans l’obscurité, Paris est en France... L’ordre des vérités est varié. Une vérité historique ou géographique n’est pas du même ordre qu’une vérité mathématique ou de science physique, qui sont encore moins du même ordre qu’une vérité de foi. Il y a des vérités qui sont d’ordre partiel et superficiel, telle une vérité sur un fait historique ou géographique ; il y a des vérités d’ordre plus général comme les lois physiques ou morales qui expriment l’ordre des choses. Par conséquent, la réalité est composée d’une multitude de vérités hiérarchisées et ordonnées entre elles, et le tout forme ce que nous appelons la Vérité. En résumé, il ne faut pas confondre les vérités particulières, avec la Vérité universelle.

36 La res (la chose) La res (la chose) n’est pas seulement une chose matérielle, mais aussi la réalité objective, objet de l’intelligence. L’objet par excellence de l’intelligence est Dieu, origine de tout l’univers créé, puis l’ordre naturel des choses, la personne humaine, etc. Cette réalité objective se manifeste et se révèle de nombreuses manières comme par les vertus morales, la beauté, le bon, le bien... La connaissance de ces réalités est la condition pour l’affirmation de la vérité. La res est la source de la vérité, et non pas notre intelligence. Elle est l’objet de l’intelligence hors duquel l’intelligence est réduite à l’imagination.

37 L’intellectus (l’intelligence)
L’intellectus (l’intelligence) n’est pas seulement la raison abstraite, mais bien toute l’intelligence comprenant la volonté, l’imagination et la sensibilité (les passions). Cette intelligence est vivante, active et cherche à agir dans la vérité. L’intelligence avec toutes ses facultés, peut comprendre et pénétrer la res au delà de sa simple manifestation extérieure, elle peut remonter de l’effet à la cause, et ceci par l’objectivité de la connaissance. L’essence même de l’intelligence est de rechercher la Vérité et de pouvoir la saisir autant que la perfection de cette intelligence le peut.[1] [1] Que penser de ceux qui disent qu’ils sont trop intelligents pour adhérer à la vérité ? Chesterton donne cette réponse : “Se développer, progresser intellectuellement, ne signifie-t-il pas que l’on a des convictions de plus en plus nettes ? ... Le cerveau humain est une machine à conclure ; s’il n’y parvient pas, c’est qu’il est rouillé. Quand on vient nous parler d’un homme trop intelligent pour (adhérer fermement à une vérité) c’est presque une contradiction dans les termes. C’est comme si l’on parlait d’un clou trop bon pour fixer un tapis au parquet, d’un verrou trop bon pour maintenir une porte close. Il n’est guère exact de définir l’homme : un animal qui fabrique des instruments ; car les fourmis, les castors et beaucoup d’autres animaux en fabriquent... Quand, par un scepticisme de plus en plus raffiné... l’homme refuse de s’attacher à aucun système, quand il prétend se placer au-delà des définitions, il rétrograde lentement, en vertu de son procédé même, vers la vague mentalité des animaux errants et vers l’inconscience de l’herbe. Les arbres ne croient à rien. Les navets ont une singulière largeur d’esprit” (Cité par J. Ousset dans Fondements de la cité, p. 70).

38 L’adaequatio (l’adéquation)
L’adaequatio (l’adéquation) est le lien qui s’établit entre la res et l’intellectus. C’est le lien entre l’être et le paraître. En effet, on qualifiera de vrai une res à qui l’être correspond à son paraître. Le vrai sera une res qui montrera pleinement son être à connaître, sans qu’il puisse y avoir d’erreur. Quand on dit qu’une personne est fausse, cela signifie que son paraître ne correspond pas avec son être. De même, quand on offre une fausse montre à un enfant. L’objet existe bien, mais l’aspect extérieur trompe sur l’essence ; il n’y a que le boîtier sans le mécanisme essentiel permettant d’indiquer l’heure. La fausseté vient de l’écart entre l’être, l’essence, et le paraître, ce qu’on en perçoit. Le faux trompe, entretient l’illusion, engendre l’erreur et par conséquent déçoit.

39 dire ceci est vrai ou ceci est faux
L’adaequatio est le lien de connaissance entre l’être et le paraître qui permet à l’intelligence de porter un jugement de valeur et ainsi de dire ceci est vrai ou ceci est faux. Ce lien est toujours à perfectionner, d’ailleurs plus on connaît, plus on a le goût, le désir de connaître davantage, sachant que la connaissance permet l’amour et que ce dernier est facteur de connaissance. Il y a dans l’homme une inclination naturelle à la connaissance de la vérité, et même plus, il y a un amour naturel de la vérité au plus profond de sa conscience. En raison de cette inclination naturelle, l’homme a le droit de rechercher la vérité. À ce droit correspond un devoir qui l’oblige moralement.[1] Ce devoir s’impose à nous comme une exigence intérieure à laquelle il faut répondre. [1] “Tous les hommes sont tenus de chercher la vérité surtout en ce qui concerne Dieu et son Église ; et quand ils l’ont connue, de l’embrasser et lui être fidèles. ... En vertu de leur dignité, tous les hommes, parce qu’ils sont des personnes, c’est-à-dire doués de raison et de volonté libre, et, par suite, pourvus d’une responsabilité personnelle, sont pressés, par leur nature même, et tenus, par obligation morale, à chercher la vérité, celle tout d’abord qui concerne la religion. Ils sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu’ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de cette vérité” (Concile Vatican II, Déclaration Dignitatis humanae, n°1, 2 et 2, 3).

40 degrés dans les vérités d’ordre naturel.
Il est nécessaire de distinguer plusieurs degrés dans les vérités d’ordre naturel. Suivant le degré dans lequel nous nous situons, une chose peut être vraie à un endroit et fausse ailleurs : la chose représentant une parcelle de vérité, elle est vraie lorsqu’elle est associée à d’autres parcelles de vrai sans lesquelles elle perd sa véracité. Prenons l’exemple des microclimats ou de la géométrie. Dans cette dernière matière on dit que par un point pris hors d’une droite, on ne peut mener qu’une parallèle à cette droite. Ceci est vrai dans un système euclidien, mais faux dans un espace sphérique. Il faut remarquer que nous sommes dans deux systèmes géométriques distincts où les axiomes et postulats de base sont différents. La conséquence première est qu’un postulat ou un axiome est vrai dans un système, mais peut s’avérer faux dans l’autre. C’est pour cela, qu’il faut toujours préciser le contexte dans lequel se situe la res et dans quel ordre de vérité elle se trouve, sous peine de confusions graves et d’incompréhensions.

41 b. ‘Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie’ (Jn 14, 6)
Après avoir défini le mot vérité et la possibilité d’arriver à l’établissement d’une vérité objective prenant sa source dans l’essence des êtres, nous allons étudier le sens du mot vérité dans la Bible. Nous avons vu que le vrai est la conformité de l’intelligence avec l’essence des êtres, avec le réel. Le mot vérité dans le langage biblique prend un sens différent. Dans l’Ancien Testament, la vérité signifie la fidélité à l’Alliance : quelqu’un est vrai lorsqu’il garde scrupuleusement l’Alliance, l’observance du Décalogue et des nombreuses prescriptions rituelles. Par contre, le sens du mot vérité va revêtir une autre signification dans le Nouveau Testament : la vérité est la plénitude de la Révélation, c’est-à-dire le Christ.

42 1. La vérité dans l’Ancien Testament
La racine hébraïque[1] du mot vérité (èmèt), signifie : être solide, sûr, digne de confiance. Ainsi, une paix de vérité, une paix véritable (Jr 14,13), est une paix stable, durable, solide. La racine hébraïque appliquée à Dieu se traduit par la fidélité de Dieu envers nous et en réponse, il nous invite à Lui faire entière confiance (Dt 7, 9-10) : “Tu sauras donc que Yahvé ton Dieu est le vrai Dieu, le Dieu fidèle qui garde son alliance et son amour pour mille générations, à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements, mais qui punit en leur propre personne ceux qui le haïssent” (cf. Ps 30, 6 ; Is 49, 7). Cette même racine est souvent associé à l’idée de sainteté (Ps 70, 22) et de justice : “Et moi je serai leur Dieu dans la fidélité et la justice” (Za 8, 8). Les psaumes chantent la vérité des lois divines (Ps 18 ; 110 ; 118). La vérité est ce qu’il y a de plus fondamentale dans la parole de Dieu qui demeure pour l’éternité. La vérité de Dieu est aussi le dessein de Dieu sur sa création (Dn 10, 21). Elle est la véritable foi et la seule religion d’Israël (Dn 8, 12). [1] Dans la langue hébraïque primitive, les mots étaient peu nombreux et avaient surtout un sens matériel, pratique. Avec l’évolution du temps, ces mêmes mots ont acquis un sens spirituel. Sur une même racine, de nombreux sens vont se développer. Par exemple la racine du mot vérité est èmèt, ce qui donnera le mot aman que l’on retrouve en amen dans la liturgie (cette même racine est aussi à l’origine des mots croire, confiance, fidélité). A l’origine, ce mot signifiait l’action de la mère en train de porter son enfant dans son sein puis dans ses bras. Tout le monde sait qu’une mère ne laissera jamais tomber son enfant, par conséquent l’enfant est en sûreté dans les bras de sa mère, lui fait entière confiance, et il sait que ces bras sont solides et ne le laisseront pas tomber. De ce sens pratique, va naître le sens spirituel que nous trouvons dans l’Ancien Testament. Nous retrouvons associés les deux ordres dans les images où Dieu est comparé à une mère portant son enfant pour exprimer sa fidélité envers nous (Is 66, 12-13), ou à l’inverse, c’est l’homme qui fait confiance à Dieu et espère en Lui (Ps 130). Le Catéchisme de l’Église Catholique précise : “En hébreu, Amen se rattache à la même racine que le mot croire. Cette racine exprime la solidité, la fiabilité, la fidélité. Ainsi on comprend pourquoi l’Amen peut être dit de la fidélité de Dieu envers nous et de notre confiance en Lui” (n°1062).

43 Le sens de vérité Cette racine, appliquée aux hommes, exprime une attitude de fidélité envers Dieu. Les hommes de vérité sont des hommes de confiance et craignant Dieu (Ex 18, 21 ; Ne 7, 2). Le sens de vérité prend donc une coloration de fidélité à Dieu et de morale droite. L’homme de vérité sera donc le juste qui vit dans la sainteté.

44 2. La vérité dans le Nouveau Testament : le Christ
Le Nouveau Testament reprend la signification du mot vérité qui existait précédemment. Saint Paul emploie la formule ‘la vérité de Dieu’ pour exprimer la fidélité de Dieu à ses promesses (Rm 3, 7 et 15, 8). L’Apôtre emploiera aussi le mot de vérité pour le bon comportement moral et la pratique de la justice. L’Évangile va donner un sens nouveau à la vérité, qui sera le fondement de la notion de vérité chrétienne. Il s’agit de la vérité révélée par l’Évangile. Les hommes doivent accepter cette vérité par la foi qui ne peut pas se faire sans un amour préalable de la vérité (2 Th 2, 10-13). Mais cette vérité exige la sainteté de celui qui y adhère (Ep 4, 24).

45 Jésus - La vérité est en Lui
L’objet de la vérité n’est pas une doctrine abstraite, mais la personne même de Jésus. La vérité est en Lui (Ep 4, 21). C’est la parole qu’il nous enseigne et qui nous amène à croire en Lui. La signification profonde que le Christ est la Vérité, est qu’il porte en Lui-même la plénitude de la Révélation qu’il doit nous transmettre de la part du Père. Il est le Chemin qui conduit vers le Père, car en Lui est la Vérité, la plénitude de la Révélation, et ainsi Il peut nous communiquer la véritable Vie, c’est-à-dire l’inhabitation de la très Sainte Trinité dans notre cœur (Jn 14, 23).[1] [1] Saint Thomas commente “Je suis le chemin, la Vérité et la vie” (Jn 14, 6) ainsi : “Le chemin c’est le Christ Lui-même, et c’est pourquoi il dit : Moi je suis le chemin. Cela se comprend bien, puisque par Lui nous avons accès auprès du Père. Mais parce que ce chemin n’est pas éloigné du terme, parce qu’il y est joint, au contraire, Jésus ajoute : La vérité et la vie ; et c’est ainsi que Lui-même est à la fois le chemin et le terme. Le chemin en tant qu’homme : Moi, je suis le chemin ; en tant que Dieu, Il ajoute : la vérité et la vie. Ces deux derniers mots désignent parfaitement le terme du chemin. Car le terme de ce chemin, c’est la fin que recherche le désir humain. Or, l’homme désire principalement deux choses : d’abord la connaissance de la vérité, ce qui lui est propre ; ensuite la continuation de son existence, ce qui est commun à tous les êtres. Or, le Christ est le chemin pour parvenir à la connaissance de la vérité, alors pourtant qu’il est Lui-même la vérité : Conduis-moi, Seigneur, dans ta vérité, et j’entrerai sur ton chemin. Et le Christ est le chemin pour parvenir à la vie, alors pourtant qu’Il est Lui-même la vie : Tu m’as fait connaître les chemins de la vie. C’est pourquoi Il a désigné le terme de ce chemin par la vérité et la vie. L’une et l’autre, plus haut, ont été attribuées au Christ. D’abord, Il est Lui-même la vie : En Lui était la vie ; ensuite, Il est la vérité, puisqu’il était la lumière des hommes ; or la lumière, c’est la vérité. Si donc tu cherches par où passer, prends le Christ, puisque Lui-même est le chemin : C’est le chemin, suivez-le. Et Augustin commente : ‘Marche en suivant l’homme et tu parviendras à Dieu.’ Car il vaux mieux boiter sur le chemin que marcher à grands pas hors du chemin, plus il marche vaillamment, plus il s’éloigne du terme. Si tu cherches où aller, sois uni au Christ, parce qu’Il est en personne la vérité à laquelle nous désirons parvenir : C’est la vérité que ma bouche proclame. Si tu cherches où demeurer, sois uni au Christ, parce qu’Il est en personne la vie : Celui qui me trouvera, trouvera la vie et il obtiendra du Seigneur le salut. Sois donc uni au Christ, si tu veux être en sûreté : tu ne pourras pas t’égarer puisque Lui-même est le chemin. C’est pourquoi ceux qui sont unis à Lui ne marchent pas dans un pays sans routes, mais par un chemin droit. En outre, le Christ ne peut pas se tromper, parce qu’Il est Lui-même la vérité et enseigne toute vérité. Il dit en effet : Je suis né, je suis venu pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Enfin il ne peut être mis en échec, parce que c’est Lui-même qui est la vie et qui donne la vie, ainsi qu’Il le dit : Moi, je suis venu pour qu’ils aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance” (Commentaire de l’Évangile de saint Jean, 14, 2).

46 L’Esprit de Vérité La Vérité n’est plus quelque chose d’abstrait, mais une réalité vivante, c’est le Christ. Dès lors, avoir la vérité signifie vivre en parfaite conformité avec la Loi évangélique et porter dans son cœur Celui qui est la Vérité par la vie de la grâce. L’Esprit de Vérité sera donc le Saint Esprit envoyé par le Fils pour nous instruire. C’est pourquoi seule la Vérité nous rendra libres. Libres de quoi et de qui ? Libres du péché et du démon qui nous tient esclaves du péché. Alors les expressions tel que “marcher dans la vérité” (2 Jn 4) signifie marcher dans le précepte de la charité et se laisser guider par le Christ qui demeure en nous ; ou “adorer le Père en Esprit et en Vérité” (Jn 4, 23s) signifie rendre un culte à Dieu sous l’inspiration de l’Esprit Saint et du Christ. En d’autres termes, tout ce qui n’est pas le Christ, est la négation de la Vérité, c’est-à-dire l’erreur.

47 Si l’on affirme que le Christ est la Vérité, tout le reste n’est qu’apparence de vérité, tout le reste n’est qu’illusion et fausseté. Dans ce domaine, il n’y a pas une juste mesure, soit on adore l’unique Vérité, soit on adore le démon, ou soit on est indifférent à tout ce qui est surnaturelle et cela s’appelle l’athéisme.

48 Le Christ nous dit clairement
Le Christ nous dit clairement afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté : “Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui n’amasse pas avec moi dissipe” (Mt 12, 30 ; Lc 11, 23) ; “Méfiez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous déguisés en brebis, mais au-dedans sont des loups rapaces. C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Cueille-t-on des raisins sur des épines ? ou des figues sur des chardons ? Ainsi tout arbre bon produit de bons fruits, tandis que l’arbre gâté produit de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un arbre gâté de bons fruits. Tout arbre qui ne donne pas un bon fruit, on le coupe et on le jette au feu. Ainsi donc, c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez” (Mt 7, 15-20).

49 la vérité, au sens chrétien du terme
En conclusion, on peut dire que la vérité, au sens chrétien du terme, n’est pas le domaine de l’être, de l’essence de la res, mais c’est la vérité de l’Évangile qui seule peut nous sauver. Cette vérité est objective puisque c’est la Parole du Père, c’est Jésus-Christ. Il faut bien distinguer les deux ordres de vérités. Il y a les vérités d’ordre naturel que l’intelligence peut retrouver, et il y a la Vérité de l’ordre surnaturel qui est le Christ. Toutes les vérités d’ordre naturel sont ordonnées, ou devraient l’être, à la Vérité, seule fin de la nature humaine.

50 c. L’Église doit proclamer la vérité
“Je t’adjure devant Dieu et devant le Christ Jésus, qui doit juger les vivants et les morts, au nom de son Apparition et de son Règne : proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, réfute, menace, exhorte, avec une patience inlassable et le souci d’instruire. Car un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine, mais au contraire, au gré de leurs passions et l’oreille les démangeant, ils se donneront des maîtres en quantité et détourneront l’oreille de la vérité pour se tourner vers les fables. Pour toi, sois prudent en tout, supporte l’épreuve, fais œuvre de prédicateur de l’Évangile, acquitte-toi à la perfection de ton ministère” (2 Tim 4, 1-5).

51 garder intact et inviolé le dépôt de la foi divine
Pie IX disait au siècle dernier : “L’Église, de par son institution divine, doit mettre le plus grand soin à garder intact et inviolé le dépôt de la foi divine, veiller sans cesse de tous ses efforts au salut des âmes et faire très grande attention à éloigner et à éliminer tout ce qui peut être contraire à la foi et mettre en péril, de quelque façon, le salut des âmes. C’est pourquoi l’Église, en vertu du pouvoir qui lui a été confié par son divin fondateur, a non seulement le droit mais le particulier devoir de ne pas tolérer et même de proscrire et de condamner toutes les erreurs, si l’intégrité de la foi et le salut des âmes le commandent.”[1] Et plus récemment, le  Concile Vatican II affirme que “par la volonté du Christ, en effet, l’Église catholique est maîtresse de vérité ; sa fonction est d’exprimer et d’enseigner authentiquement la vérité qui est le Christ, en même temps que de déclarer et de confirmer, en vertu de son autorité, les principes de l’ordre moral découlant de la nature même de l’homme”.[2] L’Église doit dénoncer l’erreur dans l’ordre des vérités surnaturelles et dans l’ordre des vérités naturelles dès qu’elles touchent à l’ordre surnaturel. [1] Pie IX, Lettre à Mgr Scherr, 11/12/1862, FC [2] Déclaration Dignitatis Humanae, n°14, 3.

52 L’Église n’est pas concernée par les erreurs mathématiques de tel scientifique, mais par contre elle est concernée par certaines questions médicales qui touchent à la morale et ainsi à l’ordre surnaturel.[1] “La recherche scientifique de base comme la recherche appliquée constituent une expression significative de la seigneurie de l’homme sur la création. La science et la technique sont de précieuses ressources quand elles sont mises au service de l’homme et en promeuvent le développement intégral au bénéfice de tous ; elles ne peuvent cependant indiquer à elles seules le sens de l’existence et du progrès humain. La science et la technique sont ordonnées à l’homme, dont elles tirent origine et accroissement ; elles trouvent donc dans la personne et ses valeurs morales l’indication de leur finalité et la conscience de leurs limites. Il est illusoire de revendiquer la neutralité morale de la recherche scientifique et de ses applications. D’autre part, les critères d’orientation ne peuvent être déduits ni de la simple efficacité technique, ni de l’utilité qui peut en découler pour les uns au détriment des autres, ni, pis encore, des idéologies dominantes. La science et la technique requièrent de part leur signification intrinsèque le respect inconditionné des critères fondamentaux de la moralité ; elles doivent être au service de la personne humaine, de ses droits inaliénables, de son bien véritable et intégral, conformément au projet et à la volonté de Dieu.”[2] [1] “Foi et science : ‘Bien que la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais avoir de désaccord entres elles. Puisque le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi a fait descendre dans l’esprit humain la lumière de la raison, Dieu ne pourrait se nier Lui-même ni le vrai contredire jamais le vrai’ (Concile Vatican I : DS 3017). ‘C’est pourquoi la recherche méthodique, dans tous les domaines du savoir, si elle est menée d’une manière vraiment scientifique et si elle suit les normes de la morale, ne sera jamais réellement opposée à la foi : les réalités profanes et celles de la foi trouvent leur origine dans le même Dieu. Bien plus, celui qui s’efforce, avec persévérance et humilité, de pénétrer les secrets des choses, celui-là, même s’il n’en a pas conscience, est comme conduit par la main de Dieu, qui soutient tous les êtres et les faits ce qu’ils sont’ (Concile Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes, n°36, 2)” (Catéchisme de l’Église Catholique, n°159). [2] Catéchisme de l’Église Catholique, n°2293 et 2294.

53 raisonnement hypothético-déductif de la métaphysique
Il y a des domaines communs à la foi et aux sciences lorsque ces dernières ont besoin du raisonnement hypothético-déductif de la métaphysique. La dénonciation des erreurs a pour but de préserver les fidèles afin qu’ils conservent une foi intègre. Elle a aussi pour objectif de soigner et guérir, tel un médecin, les personnes professant ces erreurs et les ramener à l’unique adoration en esprit et en vérité du seul vrai Dieu, Jésus-Christ. Pie XII nous dit : “Comme Vicaire de Celui qui, en une heure décisive, devant le représentant de la plus haute autorité terrestre d’alors, prononça la grande parole : Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité ; quiconque est de la vérité écoute ma voix (Jn 18, 37), il n’est rien dont Nous Nous sentions davantage débiteur envers Notre charge et envers Notre temps, que de rendre, avec une apostolique fermeté, témoignage à la vérité : testimonium perhibere veritati.

54 pratiquant la vérité dans la charité
Ce devoir comprend nécessairement l’exposé et la réfutation d’erreurs et de fautes humaines, qu’il est nécessaire de connaître, pour qu’il soit possible de les soigner et de les guérir : vous connaîtrez la vérité et la vérité vous délivrera (Jn 8, 32). Dans l’accomplissement de ce devoir qui Nous incombe, Nous ne Nous laisserons pas influencer par des considérations terrestres ni arrêter par des défiances et des oppositions, par des refus et des incompréhensions, ou par la crainte de méconnaissances et de fausses interprétations. Mais Nous le remplirons toujours, animé de cette charité paternelle, qui, tandis qu’elle souffre des maux qui tourmentent ses fils, leur indique le remède ; c’est-à-dire que Nous Nous efforcerons d’imiter le divin modèle des pasteurs, le Bon Pasteur Jésus, qui est à la fois lumière et amour : pratiquant la vérité dans la charité (Ep 4, 15).”[1] [1] Pie XII, Encyclique Summi Pontificatus, 20/10/1939.

55 l’annonce est plus importante que la dénonciation
Toutefois, cette dénonciation des erreurs doit toujours se faire de pair avec l’annonce de la vérité dans la charité. Jean-Paul II nous dit : “L’accomplissement du ministère de l’évangélisation dans le domaine social, qui fait partie de la fonction prophétique de l’Église, comprend aussi la dénonciation des maux et des injustices. Mais il convient de souligner que l’annonce est toujours plus importante que la dénonciation, et celle-ci ne peut faire abstraction de celle-là qui lui donne son véritable fondement et la force de la motivation la plus haute.”[1] [1] Encyclique Sollicitudo rei socialis, n°41.

56 l’homme est fait pour le beau, le bien
Il est important de dénoncer les erreurs, mais il est nécessaire de se rappeler que dénoncer le mal n’est pas un principe éducateur. Il est utile de redire que l’homme préfère regarder un beau tableau d’un grand maître, qu’une décharge à ordure avec toutes les mauvaises odeurs qui l’accompagnent. Sans entrer dans les détails, il est un constat que l’homme est fait pour le beau, le bien et non pour le mauvais, le laid. Ce principe vaut aussi pour la vie spirituelle.[1] Chacun de nous a pu faire l’expérience que la critique, sans l’action charitable que requiert le devoir de la correction fraternelle qui suit ce discours dangereux, n’élève pas notre âme ; elle nous enfle d’orgueil et en fin de compte, n’ayant plus le bien sous nos yeux, nous tombons dans des fautes plus graves contre la charité et voire même le désespoir. Ceci est d’autant plus graves que nous sommes censés être au-dessus de cela par la lucidité de nos critiques. [1] Sainte Thérèse d’Avila nous dit avec d’autres termes : “Aussi croyez-moi, vous pratiquerez beaucoup mieux la vertu en considérant les perfections divines qu’en tenant toujours le regard fixé sur votre propre limon” (Livre des demeures, éd. Seuil, 1949, Première demeure, ch. 2, p. 826).

57 Le mal ne remplit pas l’âme mais la pousse au désespoir : à force de contempler le laid, certaines personnes vont jusqu’au suicide. Le bien dilate l’âme, il lui permet d’espérer, de se fixer des objectifs, etc. Pourquoi ? La réponse se trouve dans le traité des passions de saint Thomas, où il nous montre que le moteur de toutes les passions, c’est-à-dire de la sensibilité, est l’amour.[1] L’homme est créé pour tendre vers son Créateur, vers le Bien absolu. Tout en lui, doit lui permettre de réaliser cette vocation surnaturelle soit en désirant le bien, soit en ayant la force de combattre le mal. Néanmoins pour combattre ce mal, encore faut-il savoir qu’il existe et sous quelle forme. Nous devons rechercher un grand équilibre entre la dénonciation des erreurs et l’annonce du message évangélique, sachant qu’il vaut mieux montrer le but à atteindre et enseigner les moyens qui y mènent, plutôt que maintenir les âmes dans les erreurs de notre temps sous prétexte qu’on ne connaît jamais assez. [1] Voici rapidement l’enchaînement des passions pour acquérir un bien ardu : “Le premier mouvement est l’amour du bien considéré en lui-même. Par le fait même que le bien est aimé, l’obstacle qui nous en sépare apparaît comme un mal et devient objet de haine. Simultanément s’éveillent le désir du bien et l’aversion pour l’obstacle. Selon que l’obstacle apparaît surmontable ou insurmontable, naissent l’espoir ou le désespoir. Chacun donne lieu à un développement parallèle. L’espoir engendre l’audace : on marche vers l’obstacle, – puis la colère au moment où on l’aborde, – enfin la délectation quand l’obstacle est vaincu et le bien possédé. Parallèlement, le désespoir engendre la crainte : on recule devant l’obstacle. Il n’y a pas de mouvement de colère puisqu’on ne se trouve pas au contact de l’obstacle. La crainte engendre donc directement la tristesse puisque le bien désiré n’est pas possédé” (Verneaux, Philosophie de l’homme, éd. Beauchesne, p. 65).

58 Jean XXIII nous met en garde sur la nécessité et le devoir de toujours garder la charité envers ceux qui sont dans l’erreur : “C’est justice de distinguer toujours entre l’erreur et ceux qui la commettent, même s’il s’agit d’hommes dont les idées fausses ou l’insuffisance des notions concernent la religion ou la morale. L’homme égaré dans l’erreur reste toujours un être humain et conserve sa dignité de personne à laquelle il faut toujours avoir égard. Jamais non plus l’être humain ne perd le pouvoir de se libérer de l’erreur et de s’ouvrir un chemin vers la vérité. Et pour l’y aider le secours providentiel de Dieu ne lui manque jamais. Il est donc possible que tel homme, aujourd’hui privé des clartés de la foi ou fourvoyé dans l’erreur, se trouve demain, grâce à la lumière divine, capable d’adhérer à la vérité. Si, en vue de réalisations temporelles, les croyants entrent en relation avec des hommes que des conceptions erronées empêchent de croire ou d’avoir une foi complète, ces contacts peuvent être l’occasion ou le stimulant d’un mouvement qui mène ces hommes à la vérité.”[1] [1] Encyclique Pacem in terris, n°158.

59 En conclusion, nous devons dire deux mots sur l’œcuménisme qui en soi est une très grande œuvre de charité : vouloir amener à la Vérité tous ceux qui en sont éloignés. Aujourd’hui, certaines personnes confondent œcuménisme et syncrétisme. À ce sujet Jean-Paul II nous rappelle : “La véritable activité œcuménique signifie ouverture, rapprochement, disponibilité au dialogue, recherche commune de la vérité au sens pleinement évangélique et chrétien ; mais elle ne signifie d’aucune manière, ni ne peut signifier, que l’on renonce ou que l’on porte préjudice quelconque aux trésors de la vérité divine constamment professée et enseignée par l’Église. ... Il est noble d’être disposé à comprendre chaque homme, à analyser chaque système, à donner raison à ce qui est juste ; mais cela ne signifie nullement perdre la certitude de sa propre foi ou affaiblir les principes de la morale, dont l’absence se fera vite sentir dans la vie de sociétés entières en y provoquant, entre autre, ses déplorables conséquences.”[1] [1] Encyclique Redemptor hominis, n°6.


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