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Jean-Marie Gustave Le Clézio

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Présentation au sujet: "Jean-Marie Gustave Le Clézio"— Transcription de la présentation:

1 Jean-Marie Gustave Le Clézio

2 JMG Le Clézio, un romancier de la solitude et de l'errance
Jean-Marie Gustave Le Clézio, qui vient de recevoir le Nobel de littérature 2008, est un des maîtres de la littérature francophone contemporaine, auteur d’une oeuvre prolifique perçue comme une critique de la civilisation urbaine agressive et de l’Occident matérialiste. Ce grand voyageur, romancier de la solitude et de l’errance, admirateur de Stevenson et de Conrad, est depuis longtemps en France un auteur-culte, qui peut se targuer de vendre beaucoup de livres en maintenant un haut niveau d’exigence. Grand blond aux yeux bleus et à l’allure photogénique de cow-boy élégant, J.M.G Le Clézio est un homme lumineux et pudique, moins sauvage qu’on ne le dit parfois, qui parle d’une manière aussi sereine qu’affirmée. On l’appelle «l’écrivain nomade», «un indien dans la ville» ou «le panthéiste magnifique»: surnoms justifiés parce qu’il est un amoureux de la nature, parce qu’il a créé un univers imaginaire où les Mayas dialogueraient avec les Embéras (indiens de Panama) et les nomades du sud marocain avec des Marrons, esclaves échappés des plantations mauriciennes. Son oeuvre, largement traduite, atteste en effet d’une nostalgie des mondes premiers. Jusqu’aux années 80, il avait une image d’écrivain novateur et révolté, autour des thèmes de la folie et du langage, mais ensuite, il a écrit des livres plus sereins où l’enfance, le souci des minorités, l’attrait du voyage passaient au premier plan, touchant un plus large public. J.M.G Le Clézio est né le 13 avril 1940 à Nice d’une famille bretonne (son nom signifie «les enclos» en breton) émigrée à l’Ile Maurice au 18e siècle. Son père était un Anglais, médecin de brousse en Afrique (en fait, un homme né à l’Ile Maurice d’origine bretonne) et sa mère une Française. Après sa licence de lettres, il travaille à l’Université de Bristol et de Londres. Autour des années 70, il voyage au Mexique et au Panama où il vit plusieurs mois auprès des Indiens. «Cette expérience a changé toute ma vie, mes idées sur le monde de l’art, ma façon d’être avec les autres, de marcher, de manger, de dormir, d’aimer et jusqu’à mes rêves», a dit ce révolté calme. On a parlé à son propos de «métaphysique-fiction»: dans ses romans, à l’écriture classique et limpide, parfois faussement simple, il remet en question les fondements de la littérature traditionnelle sans se contenter du superficiel mais avec la volonté de «fouiller au plus tragique, au plus vrai, pour trouver la langage déchirant qui soulève les émotions et transforme peut-être la nuit en ombre». «J’ai le sentiment d’être une petite chose sur cette planète et la littérature me sert à exprimer ça. Si je me hasardais à philosopher, on dirait que je suis un pauvre rousseauiste qui n’a rien compris», a-t-il dit. J.M.G Le Clézio, qui fait partie du jury français Renaudot depuis 2002, a débuté en fanfares: à 23 ans, il publie «Le procès-verbal» qui lui vaut d’emblée le succès et le prix Renaudot. Il a poursuivi avec «La fièvre», «Le déluge», «L’extase matérielle», «Terra amata», «Le livre des fuites», «La guerre», «Voyages de l’autre côté», «Désert» (un de ses meileurs livres), «Le chercheur d’or», «Voyage à Rodrigues», «Onitsha», «Etoile errante», «Diego et Frida», «Le poisson d’or», «Révolutions», «Ourania» et son dernier, en 2008, «Ritournelle de la faim». Il vit depuis longtemps, avec sa femme Jémia et leurs deux filles, à Albuquerque (Nouveau-Mexique, Etats-Unis). On dit qu’il ne lit pas la presse et n’écoute pas la radio. Cela ne le coupe pas de la France: il se rend souvent à Nice et dans sa demeure bretonne de la baie de Douarnenez et considère que «c’est avec la langue, avec les livres, qu’on peut encore parler de la France d’aujourd’hui, la voir exister dans la convergence de courants».

3 Ouverture à la somptuosité du monde
Ouverture à la somptuosité du monde. Expérience de la misère, de l’injustice subie. Sentiment d’un mystère caché sous l’éclat des apparences. Contact avec l’innocence d’une nature impolluée. Attention aux signes, au vol d’un oiseau, à la forme d’un nuage.

4 Le Clézio est un Créole jusque dans son esprit de révolte, son indignation devant l’exploitation coloniale, son rejet de la barbarie industrielle, mais aussi dans son attrait pour la mer, la lumière et les espaces toujours libres du rêve.

5 Ne penser à rien: moyen de participer non pas activement certes, mais par l’aventure illimitée des sens à la vie extérieure. Fuir une réalité bruyante, excitée, bavarde.On se rend étranger, on cesse d’entrer dans le jeu, mais on plonge délibérément dans ce qui est réputé insignifiant.

6 Les personnages de Le Clézio n’ont pas de métier, aucun projet.
Ce sont des êtres nus, tels quels. Chez ces individus non récupérés, intacts, sensibles,émotifs, imaginatifs, le vagabondage n’est pas vide, il est créatif. Il peut être source de poésie.

7 CITATIONS

8 “Le chercheur d’or” Gallimard,1985
L’île Maurice. Sa maison. Sa mère. “ C’est tout ce que je sais d’elle maintenant, c’est tout ce que j’ai gardé d’elle, la douceur de sa voix…Le sens des paroles a disparu comme les cris des oiseaux et la rumeur du vent de la mer. Seule reste la musique douce,légère, presque insaisissable.” “Le chercheur d’or” Gallimard,1985

9 “Le temps semble ne plus exister […]rester ainsi sans bouger à regarder voler les guêpes et les mouches, à écouter le chant des insectes cachés.” “Elle voit chaque détail du paysage de pierre, chaque touffe d’herbe.” “ Désert” Gallimard, 1980

10 “ Aimer brûler, sans limite, sans mesure, être celui qui est hors du temps, hors des lois des hommes, hors du cadastre. Brûlés d’une simple flamme, aux rayons qui vont toucher l’infini réel, brûler sa vie […] Être hors de soi-même, avoir franchi sa propre frontière pour entrer dans l’inconnu.” “l’inconnu sur la terre” Gallimard 1978

11 “Il y a tant de choses à apprendre, à voir
“Il y a tant de choses à apprendre, à voir Personne ne s’émerveille de rien. Les gens vivent au milieu de miracles, et ils n’y prennent pas garde. […] Il y a des oiseaux, les crayons à bille, des montres, des encriers, les rétroviseurs, les bouteilles de soda[…] La Guerre, Gallimard 1970 Regarder “pour rien” parce que la chose existe et que son existence est inépuisable. Regarder sans intention, regarder pour regarder.

12 L’intégration au monde sensible.
Un mot fréquent: le mot vie. La vie est un brasier, elle a l’élan de la flamme: loin du feu, on régresse vers le froid, l’immobile, le répétitif et toutes les horreurs du rationnel.

13 VOIR Condition préalable; tout le reste en dépend. Seulement, il faut apprendre à voir, apprendre à ouvrir les yeux.

14 SENTIR L’odorat n’est que sensation, donc inexprimable, synthétique. On le suggère à coups de métaphores. Le Clézio évoque souvent l’odeur d’un corps aimé, sorte de mythe qui rayonne de chaque être. Odeurs vivantes qui donnent chaud au cœur.Il donne à respirer à travers ses textes.

15 LE BRUIT Particulièrement odieux les vacarmes mécaniques, ceux des machines. Agressions contre lesquelles il n’y a pas de défense. La rage des moteurs s’anime par moments d’une espèce de volonté de faire mal avec un “ bruit de menace et de haine”. La ronde et autres faits divers, Gallimard 1982 Créant dans la ville un climat de violence. Les bruits naturels sont aussi subtils et complexes que les odeurs. Tel le bruissement du désert quand on l’écoute en fermant les yeux. Le bruit de la nuit. “ Le grésillement “ des étoiles. Le bruit de la lumière.

16 LE BRUIT “Cela fait un bruit très doux sur le sol, comme un bruissement de balai de feuilles ou un rideau de gouttes qui avance.” Mondo et autres histoires, Gallimard,1978 Parmi les sons les plus raffinés, il y a la voix humaine dont les tonalités complexes sont si personnelles. “ La voix est la partie la plus identifiable de l’être humain.”

17 LE TOUCHER Il est omniprésent et toujours exalté.
“L’écume légère entourait les jambes de Daniel, creusait des puits autour de ses talons. […] À chaque vague, il sentait le sable filer entre ses orteils écartés, puis revenir.” Mondo et autres histoires, Gallimard 1978

18 LA CHALEUR Mondo et autres histoires, Gallimard 1978
Peu d’écrivains ont fait une telle place à cette sensation. Une durée vide, sans projet, sans désir, dans laquelle on se laisse engluer. “C’est comme si tout s’était arrêté, pris par la chaleur sèche, paralysé, frappé par les milliers d’étincelles.” La Ronde et autres histoires,Gallimard,1982 La chaleur extrême confine à la mort, elle pèse sur la tiédeur comme une menace. Elle hante l’œuvre de Le Clézio; elle décompose, dessèche, mais purifie; elle fait de la terre une poussière, elle fait de la lumière un fléau. “ Qu’y-a-t-il de plus important pour vous au monde?Le soleil!” P.Lhoste. Conversation avec Le Clézio-Seghers,1971 Lallaby ne quitte l’école que pour retrouver ses forces en renversant sa tête. “ pour boire le soleil” Mondo et autres histoires, Gallimard 1978

19 LA MER La mer est, avec la lumière, un thème obsessionnel par excellence. La mer enracine la pensée de l’illimité, une sorte d’absolu ressenti comme une délivrance, une Tout-Autre. “Où la mer est si belle […] que l’on devient pareil à l’eau et au ciel, lisse et sans pensée. Peut-être qu’on n’a plus ni raison, ni temps, ni lieu.” Le chercheur d’or, Gallimard,1985 “ La mer est ce qu’il y a de plus important au monde.” Mondo et autres histoires, Gallimard 1978 Elle arrache à l’inanité du multiple, et elle met en présence de la totalité. Ce qu’il faut susciter, c’est la mer que nous portons dans notre être l’autre n’est qu’un point d’appui. L’important c’est d’explorer l’océan spirituel dont les vagues sont des rêves. “ Pendant toutes ces années terribles, ces années mortes, c’est celle que j’attendais. Je n’ai pour ainsi dire pas quitté la mer des yeux.”

20 LE VENT Le Clézio a célébré :“ Le vent qui va vers l’infini, au-delà de l’horizon, au-delà du ciel, jusqu’aux constellations figées, à la voie lactée, au soleil.” “ Désert” Gallimard, 1980 Le vent se joue des obstacles; comme la mer il lui arrive de devenir fou. Mais il chasse l’impur, il brasse l’air, il sèche les plaies, il nettoie le désert: quand il souffle sur le sable, il “met à nu le socle des montagnes” et, parce qu’il purifie, il est sacré. Lalla, au sommet de la dune marine, “ penchée contre le vent”, voue un culte spontané à ce dieu qui l’enivre d’espace et de liberté: “ Il est grand , transparent, il bondit sans cesse au-dessus de la mer, il franchit en un instant le désert […], il danse là-bas au pied des montagnes, au milieu des oiseaux et des fleurs.” Lalla pense qu’il est beau, transparent comme l’eau, rapide comme la foudre. […]Il s’appelle Woooohhhh. Le Clézio est un vrai vivant, en étroit contact avec les forces et les spectacles de la nature.

21 LE MONDE à DEUX FACES La Face d’ombre, la face de lumière.
Nous partirons de l’antique récit de Aanna Houriya. Elle est assise sur le seuil d’une baraque en planches dans l’affreux camp de concentration de Nour Charms. La vieille femme adore raconter à l’approche de la nuit des histoires de Djenoun; la jeunesse du camp fait cercle et l’écoule en silence. C’est l’histoire du paradis perdu qui s’appelait Findous, “ un jardin plein de fleurs et d’arbres où chantaient sans cesse les fontaines et les oiseaux, un jardin où les hommes vivaient en paix en mangeant seulement les fruits et le miel.” “ Maintenant, c’est la terre sans eau, la terre âpre et nue, sans aucun arbre, sans aucune fleur et les hommes y sont devenus si méchants qu’ils s’y livrent une guerre. Sans merci, sans que les Djenoun les aident.” “Étoile Errante”, Gallimard, 1992 Ce mythe concentre toute la vision du monde de Le Clézio, sa nostalgie des origines, de la vie innocente et de la paix, son horreur de la “ guerre” introduite dans le monde pour le malheur et pour la faute des hommes, avec la perversion qui en est résultée.

22 L'école À l’école, les enfants ont du mal à s’habituer parce qu’il faut réduire la qualité et la quantité de leurs perceptions, afin de mieux les structurer et manipuler. On leur interdit de rêver. Ils perdent ainsi leurs facultés naturelles de participation poétique, imaginative, à la fois au monde, aux autres et à eux-mêmes. Ces relations vivantes s’effacent et les laissent sans qualités, sans défense contre les interprétations officielles, réduits à l’état d’individus abstraits dans une multitude abstraite. Le Clézio a gardé un affreux souvenir des filières de la culture utile et préfabriquée à la société qui prétendait l’engager. Le lycée de Nice est pour lui une “ magnifique prison de pierre grise, avec ses tourelles, ses meurtrières, ses grilles ornées de piques.” “Étoile Errante”, Gallimard, 1992 Dans ces machines à modeler les cervelles, on enseigne une culture sans rapport avec la vie instinctive. Une vraie culture devrait nourrir la vie: elle naît de l’expérience. “ La culture n’est rien; c’est l’homme qui est tout.” “ L’Extase matérielle”, Gallimard, 1967 La culture ne devrait servir qu’à approfondir une expérience concrète: les écrivains, les artistes vont plus loin que les autres dans le contact, la participation, la création parallèle. Ils nous guident. Dès qu’on se laisse aller vers les idéologies, on se paie de mots, on n’est plus dans le réel; la culture devient un poids mort, un obstacle à la vie.

23 LA VILLE La ville est un lieu d’excès qui énerve et rend dépendant comme la drogue. La ville évoque la cruauté, l’insensibilité et la mort. La ville avec ses maisons, ses routes et ses tunnels a tout stérilisé. Quand on parcourt les banlieues interminables on se demande parfois s’il est possible de sortir de la ville, si le labyrinthe n’a pas déjà recouvert la planète. Le visage fermé des passants: gens pressés, expressions dures, personne ne sourit. Encagés les hommes deviennent méchants, bien pire que des sauvages qui, eux, respirent dans leur culture traditionnelle. Dans les quartiers pauvres de Nice, à l’Ariane, il règne « un silence âpre et froid, un silence crissant de poussière de ciment, épais comme la fumée sombre qui sort des cheminées de l’usine de crémation, » La Ronde et autres faits divers, Gallimard, 1982 

24 La foule Les personnages de Le Clézio sont en général des solitaires attirés par le désert. Dans une ville: « On comprend- c’est horrible-qu’on ne sera jamais seul. » La guerre, Gallimard, 1970 La foule a certes des comportements inhumains; elle est indifférente, elle peut-être cruelle. C’est tout juste si Saba, en s’évanouissant sur le trottoir, ne se fait pas marcher dessus.

25 Les choses «  Quand j’ai vu ces choses étalées partout, sous mes yeux, j’ai senti une espèce de tristesse claire s’emparer de mon esprit. J’ai compris que tout était évident, pur et glacé, se consumant éternellement sans chaleur ni scintillation, comme des étoiles dans le vide. » La Fièvre, Gallimard, 1965 Comment ne pas être acculé par la quantité! Le multiple n’est que poussière. Pas de pensées individuelles, plus de désirs. Le multiple est absurde parce qu’il ne converge pas: il s’ajoute. Même un tas de sable peut avoir une forme, mais le multiple n’est rien. «  Il n’y avait jamais rien! Au-dessus, au-dessous, devant, derrière, à gauche, à droite, il y avait DES CHOSES. » La Guerre, Gallimard, 1970 Le désir de possession fait de l’homme une chose; il est donc stérile, il accroît les haines, les injustices et l’épaisseur de la jungle dans laquelle nous vivons. Le chercheur d’or respire quand il constate enfin que le trésor a disparu: «  Jamais nous n’avons été aussi gais, depuis que nous savons que les cachettes du trésor sont vides. Pour la première fois, je crois, je goûte le temps qui passe sans impatience ni désir. » Le Chercheur d’or, Gallimard, 1985

26 UN MONDE CRUEL Un monde régulé par l’argent est naturellement impitoyable. L’indignation de Le Clézio contre l’indifférente froideur de la société moderne s’est accrue et approfondie au cours de ses voyages qui lui ont montré l’horreur de la domination blanche; elle s’est intensifiée au contact des victimes des racismes et des génocides. Elle donne à l’œuvre une vibration de colère. Une tendresse pour les êtres faibles, vulnérables, paumés, incapables d’affronter une sauvage réalité. Ce n’est pas sans raison que Le Clézio participe avec tant d’ardeur aux actions entreprises par les écologistes, aux luttes contre la menace atomique, contre les pollutions, les désertifications, les pêches intensives, les génocides de toutes sortes. Il sait bien que l’errance n’est pas une solution. La fuite en avant n’est pas une solution, pas plus que la régression vers l’état infantile: la solution est dans un approfondissement intérieur de la présence au monde, dans l’effort de participation: « Le rêve n’est pas seulement une recherche extérieure, il est aussi la quête de soi-même, de sa propre conscience…Un moyen de rencontrer l’autre partie de soi même. » « La mer est à l’intérieur de ma tête, et c’est en fermant les yeux que je la vois et l’entends le mieux. » Le Chercheur d’or, Gallimard, 1985

27 Etape d'une délivrance L'errance
Tous les romans de Le Clézio commencent par un départ. Ainsi Alexis embarqué sur le Zéta, moderne navire Argo. « Il me semble que j’ai brisé quelque chose, que j’ai rompu un cercle. Quand je reviendrai tout sera changé, nouveau. » « Je vais vers l’espace, vers l’inconnu, je glisse vers une fin que je ne connais pas. » Le mot exode conviendrait mieux puisqu’il désigne un retour dans la patrie, une sortie de captivité, et parfois la sortie d’esclavage d’un peuple entier. De tels déplacements ne sont plus seulement fuite, vacances, ce sont des pèlerinages vers l’essentiel: Si tu veux vivre : « tu dois aller au bout de ce que tu cherches, au bout du monde.  Le Chercheur d’or, Gallimard, 1985

28 L'ENFANT Il y a dans la plupart des écrits de Le Clézio un petit garçon ou une jeune fille; ils en sont souvent les protagonistes. Ces enfants, curieusement, n’ont pas de parents et ont quitté leur école. Ces enfants sont souvent isolés, sans camarades, sans maison; ils vivent en marge, au jour le jour, au hasard des rencontres; ils n’ont rien à faire d’autre qu’à regarder les hommes et contempler la nature. D’un côté, leur regard est à la fois critique et étonné: ils se sentent séparés, incompris, repoussés, ils sont déçus, parfois indignés. Leur regard est innocent, les yeux sont « lisses et dures », ils voient ce que nous avons cessé de voir; ils ne sont pas encore habitués; ils ne jugent pas, mais ce qu’ils voient nous donne mauvaise conscience. Sans les enfants, son œuvre serait franchement noire, avec eux, on retrouve le pur, le sacré, le merveilleux. Lorsque ces enfants-là disparaissent on retombe dans la grisaille. Mondo parti « c’était comme s’il y avait un nuage invisible qui recouvrait la terre, qui empêchait la lumière d’arriver tout entière. »

29 LE SAUVAGE Le sauvage fascine encore plus que l’enfant. Mais qu’est-ce qu’un « sauvage »? D’abord un être farouche, qui vit loin des villes, dans la nature, en symbiose avec les éléments et les forces comiques. Denis, le petit compagnon d’Alexis ,est un cafre fils de pêcheur : il sait tout sur les arbres, l’eau, la mer; il connaît le nom de tous les poissons, il connaît toutes les plantes : on ne s’ennuie jamais avec lui. Opposer à une existence artificielle, monotone, gavée de biens, mais étroitement réglementée, le rêve romantique d’une vie d’aventures perpétuelle, dangereuse, souvent difficile, mais libre. Le Hartani se sent vraiment frère de l’épervier: « Ils ont le même regard, le même courage, ils partagent le silence interminable du ciel, du vent et du désert. »

30 MARGINAUX Le marginal n’est pas né sauvage il l’est devenu; il est sorti du système. Il n’est donc pas naturel, c’est un sous-produit, un évadé de la civilisation. Le marginal est un être déplacé, égaré: il ne lui reste que l’existence, une existence nue, sans mode d’emploi. C’est un asocial, imprévisible, livré aux aléas, sans statut, sans avenir, sans principes. Seules subsistent des pulsions d’instinct brut, dans un climat général d’échec et de dégoût. Mondo est un vagabond « arrivé un jour par hasard. » Martin vit dans un bidonville et refuse le nouvel HLM. Ainsi l’échec social, le refus de réussir, les infractions et les déviances, le cynisme et le sans-gêne, parfois le crime, deviennent les signaux d’un désordre majeur qui est le désordre de l’ordre.

31 Expériences libératrices
Le sacré Tout n’est pas encore profané. Il y a dans la nature des signes porteurs de joie. Ainsi ce couple de pailles-en queue, ces deux oiseaux blancs qu’en 1892 contemplaient déjà chaque soir Alexis et sa sœur. «  Dans le ciel de lumière ils viennent très haut, en glissant lentement comme des astres…Nous ne sentons plus la faim ni la fatigue ni l’inquiétude du lendemain. » En 1925, à l’instant où reparaît Ouma, les deux oiseaux surgissent encore, fidèles messagers de bonheur et d’éternité. Un lieu resté sacré c’est le merveilleux atoll de Saint-Brandon où s’épousent, dans la lumière féérique, le terrestre et le marin: « L’eau du lagon me purifie de tout désir, de toute inquiétude. » « Là-bas, dit le timonier, l’eau est si transparente que vous glissez sur elle dans votre pirogue, sans la voir, comme si vous étiez en train de voler au-dessus des fonds…j’ai cru que j’arriverais au paradis. »

32 Le désert Le désert occupe une place considérable dans cette œuvre. C’est que dans le désert tout redevient possible. Lieu absolu, sans repère, sans nom: « le désert lave tout dans son vent, efface tout. »(Désert 19).Les nomades sont purs; ils sont pauvres, mais ils possèdent l’espace et la lumière. Chez les nomades la terre est largement ouverte: il n’y a pas de maîtres, de monuments, de routes: on est libre. Et ce qui libère, c’est la stérilité, la sécheresse. Celui qui ne possède rien est un autre homme : «Quand on n’a pas mangé pendant des jours, le ciel paraît plus propre aussi, plus bleu et lisse au-dessus de la terre blanche. Les bruits résonnent plus et la lumière semble plus pure et plus belle. » Désert, Gallimard, 1980 « C’était comme s’il n’y avait pas de noms, ici, comme s’il n’y avait pas de paroles. Le désert lavait tout dans son vent, effaçait tout. Les hommes avaient la liberté de l’espace dans le regard, leur peau était pareille au métal. La lumière du soleil éclatait partout. »

33 Vers les icebergs Paru en 1978, ce poème en prose servira de conclusion. Dans ce poème étrange les pôles d’attraction habituels de Le Clézio s’inversent: la chaleur c’est la ville son agitation, son climat de «  guerre. » Le froid c’est le calme, l’immobilité dans une atmosphère pure, transparente, hors du temps: l’itinéraire va de cette chaleur poussiéreuse et tendue, vers un grand Nord, ultime séjour de l’absolu. C’est d’abord, un voyage, ou plutôt une errance, une dérive. Le paquebot humanité avance; on entend les machines. On flotte certes : « au milieu d’un océan indéchiffrable. » mais on sait que l’on s’éloigne: les blancs immeubles de la ville se rapetissent, plus de murs, de rues, de fils téléphoniques. On erre, perdus, abandonnés. On n’entend, on ne voit, on ne sent rien; Des vigies guettent en haut des mâts: « quelque chose va apparaître. » C’est le cri désespéré de l’espérance. « Il y a un minuscule trou dans le fond de l’espace. » et quand on y arrive se révèlent les icebergs. Ces icebergs sont une concrétion onirique de l’absolument pur:  « statues des dieux qui n’écoutent jamais les hommes. » Où règnent une indifférence, une solitude, une froideur qui transportent hors du temps. On ne cherche plus rien, on ne désire plus rien. On est figé dans l’absolu, si longtemps cherché, de la mer, du ciel, de la lumière. Jamais on n’a été si près de la mort. Il n’y a aucun espoir de retour. Ce poème est aussi celui du langage, de la fonction révélatrice, messianique du langage. La poésie est l’ultime invitation de l’esprit.

34 TOUT DIRE Surmonter les barrières du langage, pour tenter de dire toute la réalité, même de ce qui est au-delà des mots, tout en se servant des mots. « Faire de la musique avec mes mots, pour embellir mon langage et lui permettre de rejoindre les autres langages du vent, des insectes, des oiseaux, de l’eau qui coule. » L’inconnu sur la terre, Gallimard, 1978 Le Clézio s’est livré à cette lutte contre un langage abstrait qui l’a déçu. Après 1978 et surtout 1980, l’écrivain semble s’être résigné aux contraintes de ce langage commun: les choses qu’il avait à dire étaient graves et devaient atteindre un plus large public; il entrait dans la problématique sociale et politique, il s’engageait. L’espoir donc de voir un jour apparaître un langage capable de faire surgir magiquement les choses subsiste. S’apercevoir que les mots patinent à la surface des choses et nous séparent, finalement, du réel au lieu de nous l’ouvrir . Ils sont usés, polis par l’usure et sans prise. Il faut donc tenter de retourner les mots aliénés contre l’aliénation qui les rend impuissants. Les mots , au lieu de n’être que des signes, devraient « redevenir » des réalités. Les mots sont faits pour représenter . « dessiner avec application chaque détail, chaque nuage, chaque feuille d’herbe et leur donner la vie. » Les substantifs se pressent; les verbes, les adjectifs, essaient de s’effacer , les phrases nominales, listes de noms propres. Plaisir des sons, des anaphores, des allitérations, noms exotiques, étranges, évocateurs de lointains, de villes, d’animaux, de plantes inconnues, choisis pour leur sonorité, sans le moindre commentaire.

35 Tonalités, le style oral
Notre auteur a le sens aigu du dialogue. Il tutoie parfois son lecteur, ce qui crée une ambiance familière. Il s’adresse à lui:  « Dites, vous voyez Naja, Naja danse… » Voyages de l’autre côté, Gallimard, 1975 On n’a plus l’impression de lire mais d’entendre quelqu’un qui vous parle. Ne pas faire de phrases, écrire « comme on vit », tantôt vite, tantôt lentement, en effaçant, autant que possible, derrière soi la trace de l’écriture. Par contre, dans les grands moments, on se voit hausser du niveau d’un style oraculaire. « libérez-vous;…n’attendez plus…vous êtes sourds… » Vocifération à tue-tête : Voici la foule sur le trottoir « O limaces, O méduses, O clowns tristes et barbares. »

36 LE CONTEUR Un conte c’est de l’imagination en liberté, un roman cela suppose une vraisemblance. Le Clézio, lui, est un gosse qui adore les histoires. Comme Alexis, qui dévorait les nouvelles de l’illustrated London News, il a ressenti la «  réalité du fictif », plus puissante, plus intéressante, peut-être, au fond, plus vraie que l’autre, parce que c’est dans nos rêves que nous existons sans contraintes. Le conte vous emporte hors du temps, rend présent l’invraisemblable et possible l’impossible. Il écarte le présent et, en délassant , rend le malheur presque supportable. Un conteur doit faire voir, sentir, entendre ce qu’il raconte: Le Clézio n’oublie jamais de solliciter tous les sens, de trouver des images concrètes, de suggérer les rythmes pour l’écriture, de mettre son lecteur en présence de scènes racontées. Un conte doit être composé. Il faut faire croître la curiosité, cacher le dénouement le plus longtemps possible.

37 LES IMAGES Les sensations ne peuvent pas être analysées ou décrites. Elles ne peuvent être que suggérées à l’aide de métaphores vives, empruntées à tous les ordres de la perception. Les adjectifs sont généraux, donc inefficaces puisque chaque sensation, quand on l’approfondit, est absolument unique. Le but est donc de donner à percevoir, à coups d’analogies, la chose même, saisie sur le vif. Dans la création d’images saisissantes, ce n’est pas la vraisemblance ou la proximité de la transposition qui jouent le plus: c’est souvent la fantaisie, c’est-à-dire l’extrême souplesse d’une imagination qui cherche ses comparaisons très loin, tantôt matérialisant l’impalpable, tantôt vaporisant le dense, animant l’immobile, fixant le fluide, inversant les associations attendues. Images d’animation et d’animalisation. M. Ferne, qui faisait courir sa main sur le clavier « comme un animal maigre et nerveux. » Le visage d’une mourante largement décrit évoque le mouvement répugnant d’une anémone de mer. « Le visage large, plein de cartilages et de chair, à la peau livide, se refermait en son centre à la manière d’une anémone de mer. » Les métaphores d’animation alternent avec les images opposées celles qui, au contraire, matérialisent, solidifient l’impalpable. La lumière du soleil « pleut »; les couleurs elles-mêmes « sautent et piquent comme des guêpes. Elles font des petits bruits stridents. »

38 L'INFIME ET L'INSIGNIFIANT
L’infime est gratuit, intouché; son innocence libère en substituant au regard-pour-agir ( stylisé, réducteur), le regard pour contempler ( pur, accueillant, étonné). Il y a chez Le Clézio un refus radical du monde tel que l’homme prétend l’organiser. Le Clézio nous prend la tête et nous force à voir: «  Je laisse s’échapper les vues d’ensemble pour retenir les caractéristiques minuscules. » « Je suis myope, avoue Le Clézio, j’ai tendance à regarder les choses de très près, à voir dans chaque détail un infini. » Ce qu’on appelle l’être , Le Clézio s’y est heurté physiquement. Cette expérience vivante du réel est à la base de tout. Elle est à l’origine de ses contradictions, de ses vertiges; ce choc il l’éprouve dès qu’il observe la moindre parcelle du monde. Le Clézio nous fait tout le temps voyager de l’autre côté, là où les choses sont ce qu’elles devraient être, jeunes, vivantes, ouvertes au rêve. Cette œuvre enchante ceux qui ont conservé un peu de l’esprit d’enfance et s’en souviennent comme d’une partie perdue. Il faut donc s’attendre à ce qu’elle impatiente, en revanche, les esprits positifs, ceux qui, mûris pour l’expérience, les connaissances, l’esprit objectif et surtout la culture ambiante, se défendant contre ces sortes de nostalgies, parce qu’ils refusent ce qu’ils appellent des régressions. Ces gens-là ne sont pas disposés à prendre une telle œuvre au sérieux. Les lecteurs de Le Clézio forment ainsi une collectivité particulière, assez bien délimitée, de rêveurs qui adorent fuir ces réalités qui, au contraire, intéressent la plupart des gens. C’est pourquoi Le Clézio a l’oreille des jeunes qui se reconnaissent aussi bien dans ses détresses que dans ses joies, dans ses cauchemars que dans ses rêves. Il écrit pour le plaisir d’écrire: chez lui l’écriture précède et commande, elle est directe, spontanée autant qu’irrépressible.


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