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Zola, le moment naturaliste, et son dépassement

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Présentation au sujet: "Zola, le moment naturaliste, et son dépassement"— Transcription de la présentation:

1 Zola, le moment naturaliste, et son dépassement
Gustave Courbet : Charles Baudelaire : Édouard Manet : Paul Cézanne : Émile Zola : Claude Monet : Références 3 Zola, le moment naturaliste, et son dépassement Mes haines, causeries littéraires et artistique, A. Faure, Paris, 1866. Mon Salon, Librairie centrale, Paris, 1866. Édouard Manet, étude biographique et critique, E. Dentu, Paris, 1867. Le Roman expérimental, Charpentier, Paris, 1880; nouvelle édition commentée, GF-Flammarion, 2006. Nos auteurs dramatiques, Charpentier, Paris, 1881. Les Romanciers naturalistes, Charpentier, Paris, 1881. Le Naturalisme au théâtre, les théories et les exemple, Charpentier, Paris, 1881. Documents littéraires, Charpentier, Paris, 1881. Une campagne ( ), Charpentier, Paris, 1882. Nouvelle campagne (1896), Fasquelle, Paris, 1897. Version Travail : toute suggestion pour compléter ou amender cette présentation sont bienvenues. Certaines diapositives ont un texte complémentaire. Il suffit de quitter l’affichage diaporama et de passer en affichage/page de commentaire. 64 dia.

2 1 / le réalisme avant l’étiquette du réalisme
2 / l’Académisme comme repoussoir 3 / le choix de Courbet comme chef de file du réalisme Les artistes engagés face à la caricature 4 / l’admiration pour Manet : les trois scandales face au bon goût 5 / Les déceptions de Zola. On ne peut être sensible à l’impressionnisme si l’on maintient l’esthétique réaliste ou naturaliste 6 / Le droit au rêve : Gauguin et l’ouverture symboliste

3 Quitter les chemins du Louvre pour revenir à l’observation de la vie : la vérité en peinture selon Diderot Eustache LE SUEUR (Paris, 1616-Paris, 1655) Un Chartreux dans sa cellule, dit aussi Saint Bruno en prière C. 1650 Cent fois j'ai été tenté de dire aux jeunes élèves que je trouvais sur le chemin du Louvre, avec leur portefeuille sous le bras : " Mes amis, combien y a-t-il que vous dessinez là ? Deux ans. Eh bien ! C’est plus qu'il ne faut. Laissez-moi cette boutique de manière. Allez-vous-en aux Chartreux ; et vous y verrez la véritable attitude de la piété et de la componction. C'est aujourd'hui veille de grande fête : allez à la paroisse, rôdez autour des confessionnaux, et vous y verrez la véritable attitude du recueillement et du repentir. Demain, allez à la guinguette, et vous verrez l'action vraie de l'homme en colère. Cherchez les scènes publiques ; soyez observateurs dans les rues, dans les jardins, dans les marchés, dans les maisons, et vous y prendrez des idées justes du vrai mouvement dans les actions de la vie. Tenez, regardez vos deux camarades qui disputent ; voyez comme c'est la dispute même qui dispose à leur insu de la position de leurs membres. Examinez-les bien, et vous aurez pitié de la leçon de votre insipide professeur et de l'imitation de votre insipide modèle. Que je vous plains, mes amis, s' il faut qu'un jour vous mettiez à la place de toutes les faussetés que vous avez apprises, la simplicité et la vérité de Le Sueur ! Et il le faudra bien, si vous voulez être quelque chose. DIDEROT, Essais sur La peinture Né à Paris en 1616 dans un milieu d’artisans (son père était tourneur en bois), Eustache Le Sueur entra vers 1632 dans le fameux atelier de Simon Vouet. Pendant une dizaine d’années, il y reçut une formation de peintre et de décorateur qu’il compléta – à défaut du traditionnel voyage à Rome – par la visite des palais royaux, comme Fontainebleau, et des premières collections parisiennes. Son style souple et élégant se fait jour dès la série de modèles de tapisseries inspirés du Songe de Poliphile (vers ). De la même époque datent des scènes mythologiques, bibliques ou historiques, pleines de brio, voire de sensualité, aux coloris clairs et raffinés. En 1644 ou 1645, Le Sueur est reçu maître-peintre. Son art prend une orientation nouvelle, au contact des modèles fournis par Raphaël et Poussin. En 1645, il reçoit la commande d’une suite de vingt-deux tableaux relatant la Vie de saint Bruno, pour la Chartreuse de Paris (aujourd’hui au Louvre). Son inspiration se fait plus austère, son style plus rigoureux. Cette tendance est plus généralement celle de la peinture parisienne au moment où se constitue l’Académie royale de peinture et de sculpture, dont Le Sueur fut l’un des membres fondateurs en Le peintre travaille alors surtout pour une riche clientèle privée qui fait décorer ses demeures ou ses chapelles. Il multiplie les sujets sérieux tirés de la Bible et de l’histoire ancienne. Mais son inspiration sait se faire plus aimable dans l’hôtel du financier Nicolas Lambert de Thorigny, où il décore le Cabinet de l’Amour ( ), ensemble précieux, hélas démantelé, où les peintures mythologiques se détachaient sur une riche ornementation, puis la Chambre des Muses ( ) et l’exquis plafond du Cabinet des Bains. Avec la fin de la Fronde en 1653, les commandes royales reprennent. Le peintre travaille au Louvre, où il réalise plusieurs allégories politiques pour les appartements d’Anne d’Autriche et du jeune Louis XIV. Il s’essaie aux grands formats avec deux cartons de tapisseries pour l’église Saint-Gervais ( , Louvre et musée de Lyon). Il faut ajouter à ces compositions monumentales, où le souvenir de Raphaël demeure prédominant, d’autres commandes émanant d’ordres religieux provinciaux. Le Sueur y concilie élégance décorative et rigueur de la construction. L’émotion s’y dissimule derrière la simplicité du ton. Une mort précoce interrompit, à trente-huit ans, cette belle carrière. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les réalisations d’un Le Brun à Versailles rejetèrent quelque peu dans l’ombre un peintre sans doute trop discret. Pourtant, sa leçon de pureté et de grâce devint, pendant le XVIIIe siècle, une référence essentielle pour les artistes qui préparèrent le renouveau classique. À partir du langage ample et facile créé par Vouet, le peintre de Saint Bruno avait développé des recherches formelles de plus en plus radicales, dont s’est nourri tout un courant pictural français attaché au jeu quasi musical des lignes et des couleurs. Réunion d’amis, vers 1640, Louvre

4 El Greco L'adoration des bergers 1613, Museo del Prado, Madrid
Le « Maniérisme » de l'italien maniera qui signifie style est un mouvement artistique apparu dans les milieux florentins vers 1520, que l’on qualifie également de « Renaissance tardive » et qui fait la transition avec le mouvement baroque. Il s’étend jusqu’à la fin du XVIème siècle. Le maniérisme cherche avant tout à se distancer de la réalité pure en attachant une importance marquée aux sentiments de l’artiste lui-même. Domaine peinture Auteur / Exécutant LE SUEUR Eustache (?) Précision auteur Paris, 1617 ; Paris, 1655 Ecole France Titre Un Chartreux dans sa cellule, dit aussi Saint Bruno en prière Période 2e quart 17e siècle Millésime 1650 vers Description Huile sur toile Dimensions H. 188, L. 143 Lieu de conservation Grenoble ; musée de Grenoble Musée de France au sens de la loi n° du 4 janvier 2002   renseignements sur le musée Statut juridique don ; Grenoble ; musée de Grenoble Date acquisition 1888 N° inventaire MG 863 Bibliographie . CHOMER (Gilles) ; THUILLIER (Jacques) préf. - Peintures françaises avant 1815 : la collection du musée de Grenoble. - Paris : Réunion des Musées Nationaux, / isbn / - Cat. n° 78, reprod. en n. et b. p. 184 Droits photo © Jean-Luc Lacroix Copyright notice © musée de Grenoble, © Videomuseum, © Direction des musées de France,2007   El Greco L'adoration des bergers 1613, Museo del Prado, Madrid Retour sommaire

5 2 / l’Académisme comme repoussoir

6 Nature morte fruits fleurs
Hiérarchie des genres codifiée en 1667 « Celui qui fait parfaitement des païsages est au-dessus d'un autre qui ne fait que des fruits, des fleurs ou des coquilles. Celui qui peint des animaux vivans est plus estimable que ceux qui ne représentent que des choses mortes & sans mouvement ; & comme la figure de l'homme est le plus parfait ouvrage de Dieu sur la Terre, il est certain aussi que celui qui se rend l'imitateur de Dieu en peignant des figures humaines, est beaucoup plus excellent que tous les autres ... un Peintre qui ne fait que des portraits, n'a pas encore cette haute perfection de l'Art, & ne peut prétendre à l'honneur que reçoivent les plus sçavans. Il faut pour cela passer d'une seule figure à la représentation de plusieurs ensemble ; il faut traiter l'histoire & la fable ; il faut représenter de grandes actions comme les historiens, ou des sujets agréables comme les Poëtes ; & montant encore plus haut, il faut par des compositions allégoriques, sçavoir couvrir sous le voile de la fable les vertus des grands hommes, & les mystères les plus relevez. » André Félibien : préface des Conférences de l'Académie (orthographe d'époque !) + Noble Peinture allégorique Peinture d’histoire Portrait Scène de genre Peinture animalière Nature morte gibiers poissons Nature morte fruits fleurs coquillages Marine Paysage - Noble

7 L’art « Pompier » l’Académisme
Cabanel par Zola : « Et tout est pour le mieux dans le meilleur des tableaux possible ! » Prenez une Vénus antique, un corps de femme quelconque dessiné d'après les règles sacrées, et, légèrement, avec une houppe, maquillez ce corps de fard et de poudre de riz ; vous aurez l'idéal de monsieur Cabanel. […] Voyez au Champ-de-Mars la Naissance de Vénus. La déesse noyée dans un fleuve de lait, a l'air d'une délicieuse lorette, non pas en chair et en os, - ce serait indécent, - mais en une sorte de pâte d'amande blanche et rose. Il y a des gens qui trouvent cette adorable poupée bien dessinée, bien modelée, et qui la déclarent fille plus ou moins bâtarde de la Vénus de Milo : voilà le jugement des personnes graves. Il y a des gens qui s'émerveillent sur le sourire de la poupée, sur ses membres délicats, sur son attitude voluptueuse : voilà le jugement des personnes légères. Et tout est pour le mieux dans le meilleur des tableaux du monde. Emile Zola, nos peintres au Champ-de-Mars, 1867 William Bouguereau appartient à la peinture académique française qui a eu droit à tous les triomphes officiels comme au mépris et à l'oubli des historiens de l'art moderne

8 … dans le goût classique, les toiles de M. Cabanel et de M
… dans le goût classique, les toiles de M. Cabanel et de M. Bouguereau, le triomphe de la propreté en peinture, des tableaux unis comme une glace, dans lesquels les dames peuvent se coiffer.                                 Emile Zola, le salon de 1875 Pompier ? allusion aux personnages casqués de certaines compositions. Une peinture officielle, conventionnelle et solennelle produites sous l'influence des Académies. Utilisation des thèmes historiques ou mythologiques, avec tonalité moraliste. l' Académisme a été étroitement associé à L'Art Néoclassique. Adolphe William Bouguereau, Cabanel, Jean-Léon Gérôme résument ce modèle. William Bouguereau : premier baiser

9 William Bouguereau (1825-1905)
De concert avec M. Cabanel [M Bougereau] a inventé la peinture gazeuse, la pièce soufflée. Ce n' est même plus de la porcelaine, c' est du léché flasque ; c'est je ne sais quoi, quelque chose comme de la chair molle de poulpe. La naissance de Vénus, étalée sur la cimaise d' une salle, est une pauvreté qui n'a pas de nom. La composition est celle de tout le monde. Une femme nue sur une coquille, au centre. Tout autour d'autres femmes s'ébattant dans des poses connues. Les têtes sont banales, ce sont ces sydonies qu'on voit tourner dans la devanture des coiffeurs ; mais ce qui est plus affligeant encore, ce sont les bustes et les jambes. Prenez la Vénus de la tête aux pieds, c'est une baudruche mal gonflée. Ni muscles, ni nerfs, ni sang. Les genoux godent, manquent d'attaches; c'est par un miracle d' équilibre que cette malheureuse tient debout. Un coup d'épingle dans ce torse et le tout tomberait. La couleur est vile, et vil est le dessin. C'est exécuté comme pour des chromos de boîtes à dragées ; la main a marché seule, faisant l'ondulation du corps machinalement. C'est à hurler de rage quand on songe que ce peintre qui, dans la hiérarchie du médiocre, est maître, est chef d'école, et que cette école, si l'on n'y prend garde, deviendra tout simplement la négation la plus absolue de l'art ! Huysmans Salon de 1879 paru dans l'Art moderne William Bouguereau ( ) La naissance de Vénus : 1879 M Orsay

10 Une âme emportée au ciel : 1878
Les danses : 1850 Retour sommaire

11 Le chant des anges : 1881 Bougueraud : la Charité 1878 Retour sommaire

12 3 / le choix de Courbet comme chef de file du réalisme
Les artistes engagés face à la caricature

13 Courbet selon Zola : « voulait peindre en pleine viande… » !
Bouguerreau : Nymphes et Satyre : 1873 il se sentait entraîné par toute sa chair — par toute sa chair, entendez-vous? —vers le monde matériel qui l'entourait, les femmes grasses, les hommes puissants, les campagnes plantureuses et largement fécondes. Trapu et vigoureux, il avait l'âpre désir de serrer entre ses bras la nature vraie; il voulait peindre en pleine viande et en plein terreau; Zola Mon Salon Courbet : Baigneuses,1853, Musee Fabre, Montpellier

14 Courbet est sacré par la critique comme le chef des réaliste aux côtés de Champfleury.
Les provocations, les propos tenus à la brasserie Andler, lieu de réunion du cénacle expliquent une célébrité tapageuse. Etienne Carjat Gustave Courbet, entre 1857 et 1865

15 L’appellation est-t-elle contrôlé par le peintre ?
Lorsque Courbet, à l'Exposition internationale de 1855, décide d'organiser une présentation séparée de ses oeuvres, il s'explique dans son catalogue : « Le titre de réaliste m'a été imposé comme on a imposé aux hommes de 1830 le titre de romantiques. [...] Être a même de traduire les moeurs, les idées, l'aspect de mon époque, selon mon appréciation, [...] en un mot faire de l'art vivant, tel est mon but. » Peinture socialiste selon Proudhon son ami lorsqu’il voit Les casseurs de pierres (Salon de ). Courbet avoue « C'est sans le vouloir, simplement en peignant ce que j'ai vu, que j'ai soulevé ce qu'ils appellent la question sociale. » Deutsch: Die SteinklopferEnglish: The Stone BreakersYear1849TechniqueDeutsch: Öl auf LeinwandDimensionsDeutsch: 165 × 257 cmCurrent locationDeutsch: GemäldegalerieDeutsch: DresdenNotesDeutsch: Gemälde 1945 verbranntSourceThe Yorck Project: Meisterwerke der Malerei. DVD-ROM, ISBN Distributed by DIRECTMEDIA Publishing GmbH. Bonnat, Jalabert, Jules Breton, Philippe Rousseau, Meissonnier, Gustave Boulanger, Courbet. Dessin de Alfred Le Petit, "On n'entre pas", Le Grelot n° 55, 28/4/1872.

16 La légende Courbet va naître beaucoup plus tard lors de la Commune de Paris en 1870
Dessin de Stick, Au grand maître la Patrie reconnaissante, Courbet fait le vieux et le neuf, Peintures en tous genres Courbet est un Républicain convaincu. La guerre de 1870, et les événements de la Commune bouleversent le cours de sa vie. Il est Président de la commission nommée par les artistes pour veiller à la conservation des musées et richesses d'art et joue le rôle d'un directeur des beaux-arts. Il se signale dans une pétition du 14 septembre 1870 demandant le déboulonnage de la colonne Vendôme, « monument dénué de toute valeur artistique, tendant à perpétuer par son expression les idées de guerre et de conquêtes que réprouve le sentiment d'une nation républicaine ». il est présent lorsqu'on abat la Colonne le 16 mai 1871. Quand la commune est noyée dans le sang, Courbet le « révolutionnaire » est arrêté, traduit en conseil de guerre, condamné à six mois de prison qu’il purge à Sainte-Pélagie. Là, le peintre donne certains de ses tableaux les plus savoureux de texture, en particulier une série de natures mortes aux fruits, ou peint de mémoire marines et paysages avec un dépouillement et un amour qui émeuvent.

17 Dessin de Bertall, « Le citoyen Courbet », Le Grelot n° 4, 30/4/1871.

18 « Souvenirs de la Commune » n° 21, sd.
Dessin de Eugène Cottin, « Une échéance », La Timbale n° 25, 4/10/1873. Dessin de Cham, Courbet craignant qu’on ne lui fasse payer la revue, voyant les troupes se former en colonne » Le Charivari, 10/7/1873.

19 La critique des caricaturistes ne ménage pas Zola
Dessin de Louis Legrand, « Naturalisme », Le Courrier français n° 13, 30/3/1890. Dessin de Albert Robida, « Le triomphe du naturalisme », La Caricature, 7/2/1880. Dessin de Lenepeveu, sans titre, Le Musée des horreurs, 11/1899. La critique des caricaturistes ne ménage pas Zola

20 "N°1 Une odalisque en garni ou comme on fait son lit on se couche (scène d'intérieur)" "N°2 Les fruits de la réflexion, tombés avant leur maturité pour avoir passé 6 mois à l'ombre francs le tas !"  La Chronique illustrée, 6/5/1872. Dessin de Gyp, « La vérité en marche », Le Rire, 21/5/1898. Retour sommaire

21 4 / l’admiration pour Manet : les trois scandales face au bon goût
Edouard Manet Edouard Manet en 1874 photographié par Nadar Edouard Manet Autoportrait à la Palette, 1879

22 Le Déjeuner sur l'Herbe la toile scandale
Manet Le Déjeuner sur l'Herbe la toile scandale 1862 Le tableau, d'abord intitulé Le Bain, puis La Partie carrée, provoque un scandale lorsqu'il a été proposé au Salon de Paris. Mais la polémique, en réalité, venait moins du style de la toile que de son sujet : si le nu féminin était déjà répandu et apprécié, à condition d’être traité de façon pudique et éthérée, il était véritablement choquant de faire figurer dans la même composition deux hommes tout habillés, a fortiori vêtus des costumes de l’époque. Une telle mise en scène, dénuée de toute hypocrisie, excluait en effet la possibilité d’une interprétation mythologique et donnait au tableau une forte connotation sexuelle. Le critique Ernest Chesneau, résumant ce malaise, affirmait ne pouvoir « trouver que ce soit une œuvre parfaitement chaste que de faire asseoir sous bois, entourée d’étudiants en béret et en paletot, une fille vêtue seulement de l’ombre des feuilles »[6]. Le Déjeuner sur l’herbe ne faisait pourtant que s’inspirer d’une œuvre de Raphaël représentant deux nymphes, et du Concert champêtre du Titien, la seule différence avec ces deux peintures étant l’habillage contemporain des deux hommes. Manet, de cette manière, relativisait et ridiculisait les goûts et les interdits de son époque. Le Salon des Refusés est créé en 1863 pour apaiser le ressentiment des nombreux peintres rejetés par le Salon officiel. Manet y expose "Le Déjeuner sur l'Herbe", tableau qui est jugé indécent et fait scandale car il représente une jeune femme nue assise entre deux hommes en costume, en pleine nature.

23 Emile Zola, Edouard Manet 1867
Le Déjeuner sur l'herbe est la plus grande toile d'Edouard Manet, celle où il a réalisé le rêve que font tous les peintres: mettre des figures de grandeur naturelle dans un paysage. […] Cette femme nue a scandalisé le public, qui n'a vu qu'elle dans la toile. Bon Dieu! quelle indécence: une femme sans le moindre voile entre deux hommes habillés! Cela ne s'était jamais vu. Et cette croyance était une grossière erreur, car il y a au musée du Louvre plus de cinquante tableaux dans lesquels se trouvent mêlés des personnages habillés et des personnages nus. Mais personne ne va chercher à se scandaliser au musée du Louvre. La foule […] a cru que l'artiste avait mis une intention obscène et tapageuse dans la disposition du sujet, lorsque l'artiste avait simplement cherché à obtenir des oppositions vives et des masses franches.                                                                          Emile Zola, Edouard Manet 1867 Manet : portrait d'Emile Zola 1868 Musée d'Orsay

24 L’œuvre d’art ou le choc de l’inattendu
La situation en elle-même ne choque pas, c’est même un classique, lorsqu’elle est rapportée à la mythologie… la moralité est sauve ! Dans cette allégorie de Poésie, on voit deux femmes nues (Calliope et Polymnie, Muses de la poésie épique et lyrique) en compagnie de deux jeunes hommes bien habillés, l'un d'eux jouant du luth. La scène se situe dans un paysage arcadien. Manet a repris ce thème mais les personnages sont modernes, et il s’agit d’un « picnic en forêt ». Si le Déjeuner est devenu de fait un manifeste c’est qu’il a choqué l’horizon d’attente du public, ses habitudes de pensée. Bel exemple de ce que l’on appellera l’esthétique de la réception. Pour faire bref : la découverte que le sens, la force, l’émotion que dégage une œuvre dépend tout autant de l’attente, de la culture de son public, de son goût que de l’œuvre elle-même. Le Titien (Tiziano en italien vers : Concert champêtre ou Pastorale ( ) L'essentiel de la notion est étudié dans Pour une esthétique de la réception, aux pages Jauss y définit l'horizon d'attente comme «le système de références objectivement formulable qui pour chaque œuvre au moment de l'histoire où elle apparaît, résulte de trois facteurs principaux: l'expérience préalable que le public a du genre dont elle relève, la forme et la thématique dont elle présuppose la connaissance, et l'opposition entre langage poétique et langage pratique, monde imaginaire et réalité quotidienne» (p. 49). Cette première conception ne prend en compte que des aspects intra-littéraires. Elle sera plus tard modifiée et remplacée par une notion plus complexe dans la conférence présentée à l'Université de Constance en 1972: «Kleine Apologie der ästhetischen Erfahrung», traduite en français sous le titre «Petite apologie de l'expérience esthétique» in Pour une théorie de la réception (pp ). Jauss y reconnaît les limitations du concept, tel qu'il l'avait introduit et ajoute que la reconstitution du code des normes esthétiques du public «pourrait et devrait être modulé sociologiquement, selon les attentes spécifiques des groupes et des classes, et rapporté aussi aux intérêts et aux besoins de la situation historique et économique qui déterminent ces attentes» (p. 258). Jauss propose ensuite d'introduire une distinction entre deux types d'horizons d'attente: «l'horizon d'attente littéraire» ou intra-littéraire, c'est-à-dire impliqué par l'œuvre, et «l'horizon d'attente social» ou extra-littéraire, qui dépend du lecteur, son code esthétique, sa disposition d'esprit, son expérience de vie. Selon cette théorie, la fonction sociale de la littérature ne se restreint pas à une simple représentation de la vie sociale. L'œuvre prédétermine sa réception par des renseignements préalables qu'en ont ses lecteurs. Indications, avertissements implicites ou explicites, signaux connus ou parfois indirects, ce sont des moyens par lesquels l'œuvre évoque l'horizon d'attente et les règles du jeu qui sont familiers au lecteur. Ces indications intra-littéraires seront tout de suite changées, corrigées, transformées, ou peut-être même reproduites par le récepteur. Quand l'horizon d'attente de l'œuvre dépasse celui du destinataire, la lecture devient une nouvelle forme d'accès à la réalité, elle libère le lecteur, lui permet d'anticiper des expériences sans les avoir effectivement vécues et ainsi elle élargit les limites de son comportement social. La littérature aurait en conséquence un caractère formateur, capable de modifier la perception quotidienne, de susciter des aspirations, des exigences et des buts nouveaux chez les lecteurs. La valeur et le sens d'une œuvre sont modifiés par sa réception au cours des temps. Le chercheur va à la rencontre des textes avec un intérêt et une culture bien datés. C'est à partir de sa propre époque qu'il reconstitue le rapport de l'œuvre aux publics des différentes générations. Il en découle qu'on ne sera jamais capable de reconstituer l'horizon d'attente d'une époque passée de façon identique à celui qu'il était effectivement. Il y aura toujours une fusion d'horizons comme conséquence de la tension entre l'horizon contemporain et le texte du passé. Jauss explique cette relation de tension entre le lecteur et le texte de la façon suivante: «Une analyse de l'expérience esthétique du lecteur ou d'une collectivité de lecteurs, présente ou passée, doit considérer les deux éléments constitutifs de la concrétisation du sens ̵ l'effet produit par l'œuvre, qui est en fonction de l'œuvre elle-même, et la réception, qui est déterminée par le destinataire de l'œuvre ̵ et comprendre la relation entre texte et lecteur comme un procés établissant un rapport entre deux horizons ou opérant leur fusion» (Pour une esthétique de la réception, p. 259). « horizon d’attente » : système de normes et de conventions définissant une génération historique. Concept central de l’esthétique de la réception : «Une analyse de l'expérience esthétique du lecteur ou d'une collectivité de lecteurs, présente ou passée, doit considérer les deux éléments constitutifs de la concrétisation du sens ̵ l'effet produit par l'œuvre, qui est en fonction de l'œuvre elle-même, et la réception, qui est déterminée par le destinataire de l'œuvre ». , [H.R. Jauss, Esthétique de la réception, trad. Française 1978]

25 Faut-il qu’un tableau nous dise quelque chose ?
Le scandale se renouvelle avec "Olympia", oeuvre qui est acceptée cette fois au Salon officiel. Cette "Olympia" avait à nouveau soulevé la protestation de la critique et du public, très choqués par le réalisme de la nudité représentée dans cette nouvelle toile. Initialement prévue pour le Salon des Refusés de la même année, l'œuvre ne sera finalement dévoilée par le peintre que deux ans plus tard. L'œuvre, qui allait susciter une controverse encore plus féroce que le Déjeuner sur l'herbe, représente une prostituée semblant issue d'un harem à l'orientale et s'apprêtant visiblement à prendre un bain. Le tableau, qui associe et fait ressortir avec puissance le contraste entre la femme blanche et la femme noire, s'inscrit en réalité dans la longue tradition artistique et très académique dite de « l'odalisque à l'esclave » : ainsi des Odalisques d'Ingres, ou encore de l'Odalisque de Benouville et de celle de Jalabert dans les années 1840. Bien que Manet ait à l'évidence cherché le scandale, l'avalanche de récriminations dont il fut la victime l'accabla assez fortement, et le soutien de son ami Charles Baudelaire l'aida à passer ce cap difficile de sa vie. Analyse [modifier] Olympia, avant tout, se veut une référence audacieuse à la célèbre Vénus d'Urbin du Titien. Manet s'inspire aussi pour cette toile de la maja denuda (97x190 cm) de Francisco Goya. Le modéle de la Vénus d'Urbin posséde une pose identique à celle de l'olympia mais cette reprise de la posture va être transformée. Effectivement dans le premier cas l'on a une figure chaste et innocente, le chien est un symbole de fidélité et les deux servantes rangent des affaires dans un coffre de mariage. La présence de l'Olympia est troublante avec un regard qui fixe le spectateur. Si la main cache le sexe, elle présente un modelé vigoureux. L'atmosphère générale d'érotisme, surtout, est renforcée par la présence du chat noir à la queue relevée, aux pieds de la jeune fille. L'animal fut ajouté par Manet, non sans humour, afin de remplacer l'innocent chien figurant dans la Vénus d’Urbin, et peut-être également afin de désigner par métaphore ce que la jeune fille cache précisément de sa main. Ce chat traduit une présence vraisemblablement masculine. Cette version est renforcé par la présence du bouquet de fleur apporté par la servante. La seconde œuvre est plus proche des implications sexuelles de l'Olympia. Cependant la femme n'a pas un regard aussi froid que le modéle de Manet. L'on peut ainsi dire que l'amour passion est dans l'olympia remplacé par l'amour vénal. En effet, la toile représente une scène qui évoque la prostitution sous le Second Empire et le sujet va être d'autant plus strident que le traitement va être réaliste. Le caractère désintéressé et hautain de l'Olympia est traduit par le fait que la femme de chambre au second plan se fond avec la couleur du mur. Tandis qu'elle manifeste un intérêt certain à apporter à l'Olympia les fleurs qu'elle vient de recevoir, celle-ci n'y prête aucune attention et continue à poser et à aguicher les spectateurs que nous sommes d'un regard franc et provocant. Contrairement au Déjeuner sur l'herbe, Olympia n'est donc pas tant choquante par son thème que par la manière dont ce thème est traité. Outre qu’elle soit entièrement nue, le modèle (Victorine Meurent) s'affiche avec une insolence et une provocation indéniables. D'autres éléments de la composition ont longtemps perturbé les critiques : c'est le cas du bouquet de fleurs, nature morte s'invitant de manière incongrue dans un tableau de nu, mais aussi du bracelet (qui appartenait à la mère du peintre !) et de l'absence d'une perspective construite. De plus, au XIXs siècle le nu n'est concevable que s'il est dans un autre espace temps. Dans cette toile, le modèle est fortement individualisé ce qui s'oppose à la traditionnelle idéalisation des nus. Effectivement, Manet peint ici Victorine avec ses jambes courtes, sa petite poitrine, son menton pointu et son visage carré.Cette individualisation va de pair avec une certaine dureté dans le nu. Ce personnage ne présente aucune sensualité et la tendresse, la pudeur, l'abandon sont écartés au profit d'une représentation non expressive qui s'observe dans le rendu des chairs. Contrairement au Déjeuner sur l'herbe, Olympia n'est donc pas tant choquante par son thème que par la manière dont ce thème est traité et les critiques d'art vont être véritablement choqués par le caractère iconoclaste du tableau qui inaugure la modernité. Ainsi, Paul de Saint Victor parle de « l'olympia faisandé de monsieur Manet ». Il vous fallait une femme nue, et vous avez choisi Olympia, la première venue; il vous fallait des taches claires et lumineuses, et vous avez mis un bouquet; il vous fallait des taches noires, et vous avez placé dans un coin une négresses et un chat. Qu'est-ce que tout cela veut dire ? vous ne le savez guère, ni moi non plus. Mais je sais, moi, que vous avez admirablement réussi Emile Zola, Edouard Manet 1867

26 Olympia inspirée d'une toile italienne célèbre du Titien,
la "Vénus d'Urbino" Copie par Manet de la Vénus d’Urbino La question de la citation dans les tableaux de Manet, pose celle de la citation en peinture pour les modernes. La référence est vidé de sa signification littéraire. Le modèle n’est plus qu’un simple schèmes formel, une structure préexistante. L’histoire de l’art n’est plus un domaine sacré et intouchable, modèle suprême à imiter, mais elle devient un matériau disponible pour des jeux d’assemblages et de détournements inédits

27 Nullement découragé, il tente de revenir au salon en 1869 pour présenter son "Déjeuner à l'Atelier" et le "Balcon" où est représentée Berthe Morisot rencontrée quelque temps auparavant dans les galeries du Louvre. Ces toiles sont une nouvelle fois très mal accueillies, car on considère que ses personnages sont privés de tout contenu émotif et que ce sont en quelques sortes des natures mortes, car ils sont présentés sans perspective. Sous l'influence de Berthe Morisot mais aussi de Eva Gonzales qu'il rencontre cette année là, il décide alors de réaliser des toiles de "plein air". Edouard Manet : Le Balcon 1868, Musée d'Orsay

28 L’artiste et ses doutes
Le public est seul juge… soit mais quel public ? Manet à Baudelaire : Je voudrais bien vous avoir ici mon cher Baudelaire, les injures pleuvent sur moi comme grêle, je ne m’étais pas encore trouvé à pareille fête… J’aurais voulu avoir votre jugement sain sur mes tableaux car tous ces cris agacent, et il est évident qu’il y a quelqu’un qui se trompe. (mai 1865) Baudelaire à Mme Paul Meurice, le 24 mai 1865 Quand vous verrez Manet, dites-lui ce que je vous dis, que la petite ou la grande foutaise, que la raillerie, que l’insulte, que l’injustice sont des choses excellentes, et qu’il serait ingrat, s’il ne remerciait l’injustice. Je sais bien qu’il aura quelque peine à comprendre ma théorie : les peintres veulent toujours des succès immédiats ; mais vraiment, Manet a des facultés si brillantes et si légères qu’il serait malheureux qu’il se décourageât. Jamais il ne comblera les lacunes de son tempérament. Mais il a un tempérament, c’est l’important ; et il n’a pas l’air de se douter que plus l’injustice augmente, plus sa situation s’améliore, - à condition qu’il ne perde pas la tête (vous saurez dire tout cela gaiement, et sans le blesser…) Baudelaire, Lettre à Manet du 11 mai 1865 Il faut donc que je vous parle encore de vous. Il faut que je m’applique à vous démontrez ce que vous valez. C’est vraiment bête ce que vous exigez. On se moque de vous ; les plaisanteries vous agacent ; on ne sait pas vous rendre justice, etc., etc. Croyez-vous que vous soyez le premier homme dans ce cas ? Avez-vous plus de génie que Chateaubriand et que Wagner ? On s’est bien moqué d’eux cependant ? Ils n’en sont pas morts. Et pour ne pas vous inspirer trop d’orgueil, je vous dirai que ces hommes sont des modèles, chacun dans son genre, et dans un monde très riche et que vous, vous n’êtes que le premier dans la décrépitude de votre art.

29 Manet vu par Zola : le retour à l’observation directe et l’oubli des écoles
Voici comment je m'explique la naissance de tout véritable artiste, celle d'Edouard Manet, par exemple. Sentant qu'il n'arrivait à rien en copiant les maîtres, en peignant la nature vue à travers des individualités différentes de la sienne, il aura compris, tout naïvement, un beau matin, qu'il lui restait à voir la nature telle qu'elle est, sans la regarder dans les œuvres et dans les opinions des autres. Dès que cette idée fut venue, il prit un objet quelconque, un être ou une chose, le plaça au fond de son atelier, et se mit à le reproduire sur une toile, selon ses facultés de vision ou de compréhension. Il fit effort pour oublier tout ce qu'il avait étudié dans les musées; il tâcha de ne plus se rappeler les conseils qu'il avait reçus, les œuvres peintes qu'il avait regardées. Il n'y eut plus là qu'une intelligence particulière servie par des organes doués d'une certaine façon, mise en face de la nature et la traduisant à sa manière. Emile Zola, Extrait de Edouard Manet, Etude biographique et critique. 1867 Edouard Manet : le citron, 1880 , Musée d'Orsay

30 Manet : oublier toutes les leçons apprises
" Non, me répondait-il, je ne puis rien faire sans la nature. Je ne sais pas inventer. Tant que j'ai voulu peindre d'après des leçons apprises, je n'ai produit rien qui vaille. Si je vaux quelque chose aujourd'hui, c'est à l'interprétation exacte, à l'analyse fidèle que je le dois. " Là est tout son talent. Il est avant tout un naturaliste.   Emile Zola, l'Evènement illustré, 10 mai 1868 L'évasion de Rochefort, 1881, Zürich, Kunsthaus

31 Le Beau n’est plus un absolu il varie selon les tempéraments
Le dogme naturaliste Chaque grand artiste est venu nous donner une traduction nouvelle et personnelle de la nature. La réalité est ici l’élément fixe, et les divers tempéraments sont les éléments créateurs qui ont donné aux œuvres des caractères différents. C’est dans ces caractères différents, dans ces aspects toujours nouveaux, que consiste pour moi l’intérêt puissamment humain des œuvres d’art. Je voudrais que les toiles de tous les peintres du monde fussent réunies dans une immense salle, où nous pourrions aller lire page par page l’épopée de la création humaine. Et le thème serait toujours la même nature, la même réalité, et les variations seraient les façons particulières et originales, à l’aide desquelles les artistes auraient rendu la grande création de Dieu. C’est au milieu de cette immense salle que la foule doit se placer pour juger sainement les œuvres d’art ; le beau n’est plus ici une chose absolue, une commune mesure ridicule ; le beau devient la vie humaine elle-même, l’élément humain se mêlant à l’élément fixe de la réalité et mettant au jour une création qui appartient à l’humanité. C’est dans nous que vit la beauté, et non en dehors de nous. Que m’importe une abstraction philosophique, que m’importe une perfection rêvée par un petit groupe d’hommes. Ce qui m’intéresse, moi homme, c’est l’humanité, ma grand-mère ; ce qui me touche, ce qui me ravit, dans les créations humaines, dans les œuvres d’art, c’est de retrouver au fond de chacune d’elles un artiste, un frère, qui me représente la nature sous une face nouvelle, avec toute la puissance ou toute la douceur de sa personnalité. [Zola, Edouard Manet, étude biographique et critique, 1867]

32 Un atelier aux Batignolles en 1870
Henri Fantin-Latour Un atelier aux Batignolles en 1870 Zola dit de Manet : "Autour du peintre vilipendé par le public s’est créé un front commun de peintres et d’écrivains le revendiquant comme un maître". Edmond de Goncourt n’est pas tendre pour Zola, ce « distributeur de gloire aux génies de brasserie », dit-il dans son journal ! Les attitudes sont sobres, les costumes sévères, les visages presque graves. Fantin-Latour souhaite que ces jeunes artistes, alors très décriés, soient perçus comme des personnalités sérieuses et respectables. L'atmosphère générale de l'atelier est également empreinte de sobriété : peu de détails, peu d'éléments de décor. Seuls deux accessoires rappellent au spectateur certains choix esthétiques de la nouvelle école : la statuette de Minerve témoigne du respect dû à la tradition antique, le pot en grès japonisant évoque l'admiration de toute cette génération d'artistes pour l'art japonais. Dans ce portrait de groupe exposé au Salon de 1870, chacun semble poser pour la postérité. Cette oeuvre affirme les liens qu'entretient Fantin-Latour avec l'avant-garde de l'époque et Manet en particulier. Elle est un écho à l’opinion de Zola sur Manet : "Autour du peintre vilipendé par le public s’est créé un front commun de peintres et d’écrivains le revendiquant comme un maître". Edmond de Goncourt, lui, raille dans son journal celui qu’il nomme "le distributeur de gloire aux génies de brasserie". Les Batignolles étaient le quartier où vivaient Manet et un certain nombre des futurs impressionnistes. Fantin-Latour rassemble autour de Manet, consacré chef d'école, de jeunes artistes aux idées novatrices. De gauche à droite, Otto Schölderer, Manet, assis devant son chevalet ; Auguste Renoir, coiffé d'un chapeau ; Zacharie Astruc, sculpteur et journaliste ; Emile Zola, porte-parole du renouveau de la peinture ; Edmond Maître, fonctionnaire à l'Hôtel de Ville ; Frédéric Bazille, qui sera fauché quelques mois plus tard, à l'âge de vingt-six ans, pendant la guerre de 1870 ; enfin, Claude Monet.

33 Manet, Lola de Valence (1862)
Il est parfaitement vrai que Lola de Valence est un bijou rose et noir ; le peintre ne procède déjà plus que par taches, et son Espagnole est peinte largement, par vives oppositions ; la toile entière est couverte de deux teintes. Et l’aspect étrange et vrai de cette œuvre a été pour mes yeux un véritable “ charme inattendu ”. Zola, Le bon combat (rééd. Hermann, 1974, p. 86) LOLA DE VALENCE Entre tant de beautés que partout on peut voir, Je comprends bien, amis, que le désir balance ; Mais on voit scintiller en Lola de Valence Le charme inattendu d’un bijou rose et noir. Baudelaire La notion de « tache » marque l’autonomie croissante des éléments plastiques par rapport au motif. Le tableau devient progressivement un objet pictural spécifique délaissant l’imitation ou le « récit ».

34 Manet et le triomphe de la tache
Ah ! Seigneur, ai-je rompu des lances pour le triomphe de la tache ! J’ai loué Manet , et je le loue encore, d’avoir simplifié les procédés, en peignant les objets et les êtres dans l’air où ils baignent, tels qu’ils s’y comportent, simples taches souvent que mange la lumière. Mais pouvais-je prévoir l’abus effroyable qu’on se mettrait à faire de la tache, lorsque la théorie si juste de l’artiste aurait triomphé : au Salon, il n’y a plus que des taches, un portrait n’est plus qu’une tache, des figures ne sont plus que des taches, rien que des taches, des arbres, des maisons, des continents et des mers. Et ici le noir reparaît, la tache est noire, quand elle n’est pas blanche. On passe sans transition de l’envoi d’un peintre, cinq ou six toiles qui sont simplement une juxtaposition de taches blanches, à l’envoi d’un autre peintre, cinq ou six toiles qui sont une juxtaposition de taches noires. Noir sur noir, blanc sur blanc, et voilà une originalité ! Rien de plus commode. Et ma consternation augmente. Zola Stéphane Mallarmé par Manet en 1876 date de la publication de l’Après-midi d’un faune, long poème illustré de gravures de Manet. Leur amitié remonte à 1873 et, pendant presque 10 ans, ils se rencontrent quotidiennement pour discuter peinture, littérature, nouvelle esthétique mais aussi chats et mode féminine. Comme il l'avait fait avec Zola en 1866, Manet remercie Mallarmé pour un article paru dans une revue anglaise. On remarquera l’évolution de Manet dans l’évolution décriée par Zola où la tache prend le dessus sur le dessin…

35 Un bar aux Folies Bergère 1881-82. Une des dernières œuvres de Manet
Un bar aux Folies Bergère Une des dernières œuvres de Manet. Bien que postérieur au portrait de Mallarmé, on voit bien à l’ouvre le procédé des tâches ou la lumière et l’ombre mangent les contours des objets. Peut-on en dire autant de ce portrait de Clemenceau ? Le modèle lui-même ami de Monet et qui avait apporté un appui décisif pour l'entrée de l'Olympia de Manet au Louvre en 1907 disait : « Mon portrait par Manet ? Très mauvais, je ne l'ai pas et cela ne me peine pas. Il est au Louvre, je me demande pourquoi on l'y a mis » ! Un bar aux Folies Bergère est un tableau réalisé par le peintre Édouard Manet au début des années Il s'agit de la dernière œuvre majeure de Manet avant sa mort. La scène, contrairement aux apparences, n’a pas été peinte au bar des Folies Bergère mais a été entièrement recréée en atelier. La jeune femme servant de modèle, Suzon, est en revanche une véritable employée de ce célèbre café-concert. Les nombreux éléments présents sur le marbre du bar, qu’il s’agisse des bouteilles d’alcool, des fleurs ou des fruits, forment un ensemble pyramidal allant trouver son sommet, non sans malice, dans les fleurs qui ornent le corsage de la serveuse elle-même. Mais l’aspect ayant le plus retenu l’attention des critiques a été le reflet de Suzon dans le miroir. Ce dernier ne semble pas renvoyer une image exacte de la scène, tant en ce qui concerne la posture de la jeune femme que la présence de l’homme en face d’elle, si rapproché qu’il devrait logiquement tout cacher aux yeux du spectateur. Il est difficile de conclure si cette anomalie est le fruit de la volonté de l’artiste ou une simple erreur d’appréciation, ce qui n’a pas été sans amuser Huysmans. Ce dernier décrit avec délectation la manière dont le tableau « stupéfie les assistants qui se pressent en échangeant des observations désorientées sur le mirage de cette toile ».

36 Manet : Nana 1877 le réel et tout le réel social
La toile est refusée au Salon de Paris. Manet y représente sans une courtisane, on disait « créature » entretenue. Le réalisme en peinture c’est aussi de représenter toute la réalité fut-elle triviale. Il de l’actrice Henriette Hauser, il est fort probable que le titre ait été donné par Manet lorsqu’il apprend le titre du futur roman de Zola qui paraît trois ans après le tableau.

37 Le sujet en peinture : un prétexte à peindre ?
Les peintres, surtout Edouard Manet, qui est un peintre analyste, n'ont pas cette préoccupation du sujet qui tourmente la foule avant tout; le sujet pour eux est un prétexte à peindre tandis que pour la foule le sujet seul existe. Ainsi, assurément, la femme nue du Déjeuner sur l'herbe n'est là que pour fournir à l'artiste l'occasion de peindre un peu de chair. Ce qu'il faut voir dans le tableau, ce n'est pas un déjeuner sur l'herbe, c'est le paysage entier, avec ses vigueurs et ses finesses, avec ses premiers plans si larges, si solides, et ses fonds d'une délicatesse si légère; c'est cette chair ferme modelée à grands pans de lumière, ces étoffes souples et fortes, et surtout cette délicieuse silhouette de femme en chemise qui fait dans le fond, une adorable tache blanche au milieu des feuilles vertes, c'est enfin cet ensemble vaste, plein d'air, ce coin de la nature rendu avec une simplicité si juste, toute cette page admirable dans laquelle un artiste a mis tous les éléments particuliers et rares qui étaient en lui.      Zola, Edouard Manet 1867 Retour sommaire

38 5 / Les déceptions de Zola
5 / Les déceptions de Zola. On ne peut être sensible à l’impressionnisme si l’on maintient l’esthétique réaliste ou naturaliste Claude Monet, Autoportrait au béret, 1886 Edgar Degas, Autoportrait au chapeau mou Maurice Denis, Portrait de l'artiste à l'âge de dix-huit ans1889 Claude Monet Edgar Degas Maurice Denis

39 Edouard Manet, Argenteuil, 1874,Tournai
Sous l'influence de ses amis, il se consacre donc à des toiles de "plein air",  et passe son été 1874 à Genevilliers, auprès de Monet et de Renoir. Il se lie aussi d'amitié avec Stéphane Mallarmé. C'est pour lui une période qui marque sa peinture de notes beaucoup plus claires et le conduit à une peinture proche des impressionnistes . "Argenteuil", "Monet et sa femme sur le bateau-atelier" sont les toiles les plus représentatives de cette période. « Parmi ces peintres [qui aiment leur temps, les sujets modernes], au premier rang, je citerai Claude Monet. Celui-là a sucé le lait de notre âge, celui-là a grandi et grandira encore dans l’adoration de ce qui l’entoure. Il aime les horizons de nos villes, les taches grises et blanches que font les maisons sur le ciel clair... » [Zola, Mes salons 1868] Edouard Manet : Monet et sa Femme sur le Bateau-Atelier,1874 Pinakothek Munich

40 Monet : Impression soleil levant -1872
avril 1874, exposition dans l’atelier de Nadar Louis Le Roy, critique au Charivari, ironise sur ces peintres en rupture avec l’académisme. Il intitule son article «L'exposition les impressionnistes», d'après le titre du tableau de Monet : Impression soleil levant (1872) «Impression, impression, j'en étais sûr. Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l'impression là-dedans». Le mot d’impressionistes est né. Monet Cézanne Degas Pissaro Renoir Monet : Impression soleil levant -1872 LA RUPTURE : 1879 : “Tous les peintres impressionnistes pèchent par insuffisance technique. [Monet] paraît épuisé par une production hâtive ; il se contente d’à-peu-près ; il n’étudie pas la nature avec la passion des vrais créateurs. Tous ces artistes-là sont trop facilement satisfaits.” 1880 : Le Naturalisme au Salon « M. Monet a trop cédé à sa facilité de production. Bien des ébauches sont sorties de son atelier dans des heures difficiles, et cela ne vaut rien, cela pousse un peintre sur la pente de la pacotille. » une trentaine de peintres exposent leurs oeuvres dans l'atelier de leur ami, le photographe Félix Tournachon, plus connu sous le pseudonyme Nadar, au 35, boulevard des Capucines. Claude Monet a eu la révélation de sa vie à Londres, où il s'était réfugié en pour échapper à la guerre franco-prussienne. Alors âgé de 30 ans, il découvre dans les musées l'oeuvre deJoseph William Turner, mort 20 ans plus tôt. Celui-ci a peint comme personne avant lui les nuances de la lumière et les reflets du soleil sur l'eau. À son retour en France, en 1872, de passage au Havre, Claude Monet représente le port de sa fenêtre, à la manière de Turner. Il baptise sa toile faute de mieux Impression, Soleil levant.Deux ans plus tard, il la présente à l'exposition de son ami Nadar. La toile va être achetée par l'amateur Ernest Hoschedé pour 800 francs. Le peintre, à Londres, comme à Paris et plus tard dans sa maison de Giverny, en Normandie, s'illustre par la multiplication de «séries» qui illustrent les variations de la lumière autour d'un même motif: la Tamise, un port, la gare Saint-Lazare, des locomotives ou des cheminées d'usine, les nymphéas de Giverny, la lagune de Venise,... Nombre d'entre eux ont déjà participé onze ans plus tôt au«Salon des Refusés» autour d'Édouard Manet.

41 Lucien Métviet (1863-1930) In Le Rire, no
Lucien Métviet ( ) In Le Rire, no , Une caricature de Monnet peintre de plein air. Claude MONET 1840 – 1926 Vers 1920

42 Meules, milieu du jour 1890 Discussion of the work This is one of eight paintings of stacks of wheat that Monet began in the late summer and. autumn of Of these eight paintings, six, including the Australian National Gallery's picture, share a similar format of two stacks with the nearer one at the right silhouetted against a field, a band of trees, hills and sky.2 The stacks were in a field adjoining Monet's own property at Giverny, a village in the Seine Valley about 80 kilometres north-west of Paris.3 Painting the stacks 'contre-jour', against the sun, Monet would have been facing south-west over the field to the hills that rise on the far bank of the Seine between Port Villez and Le Grand Val. Monet continued to paint the stacks of wheat in his neighbour's field through the winter of , producing seventeen more canvases of the stacks seen singly or in pairs, so that by the spring of 1891 he had twenty-five paintings of the same subject. To this might be added a further five paintings of stacks made in the autumn and winter of , bringing the total number of paintings in similar configuration to at least thirty. From these Monet chose fifteen (although this does not seem to have included the Gallery's painting) as the centrepiece of an exhibition of twenty-two recent paintings that opened at Durand-Ruel's gallery on 4 May The exhibition was a spectacular critical and financial success. Almost the entire series of paintings of stacks was sold within the year, with the majority being bought by American collectors. Mrs Berthe Honoré Palmer of Chicago, the wife of wealthy real estate magnate Potter Palmer, bought no less than nine from the series — including the Canberra painting — either directly from the artist or through Monet's dealers.6 The first clear evidence that Monet was at work on the stacks of wheat paintings appears in a letter dated 7 October 1890 to his friend Gustave Geffroy: I am hard at it; I am adamant about doing a series of different effects (stacks), but at this time of the year thesun sets so quickly that I can't follow it … I am becoming so slow in my work that it exasperates me, further I go, the more I see that it is necessary to work a great deal in order to achieve what I am looking for: 'instantaneity especially the 'enveloppe', the same light spreading everywhere; and more than ever, things that come all at once disgust me. Finally I am more and more driven by the need to realise what I feel, and I vow not to be weak, because it seems to me that I am making progress.7 Clearly it was the changing effects of light, rather than the stacks themselves, that fascinated Monet. As he told one visitor to the exhibition at Durand-Ruel in 1891: 'For me, a landscape does not exist in its own right, since its appearance changes at every moment; but its surroundings bring it to life, through the air and the light, which continually vary …'.8 Monet's sensitivity to the rapidity with which light changed (sharpened by three decades of painting in the open air) was accompanied by an equally acute awareness of the complexities of these shortlive effects as they suffused the atmospheric 'enveloppe'. Hence his dilemma and frustration; it took him longer to paint shorter and shorter effects of light. This paradox was compounded by his 'disgust' for 'things that come all at once'-the quick sketch. In 1892 he told Theodore Robinson that he was now only satisfied by 'a long continued effort'. 'If what I do no longer has the charm of youth, I hope it has some more serious qualities, that one might live for longer with one of these canvases.'9 The Gallery's painting was certainly the result of 'a long continued effort'. In the broad strokes that form the substructure of this painting can be detected Monet's first attempt to capture the general impression and lay out the major elements of the scene. In this process some grass was even mixed up in the paint and remains in the bottom right-hand edge of the painting. However, the layers of paint subsequently built up on the surface and certain significant changes in the composition suggest a protracted period of successive reworkings, presumably carried out both before the motif and in the studio. Monet made a number of quite significant changes to the composition. With the assistance of the diagram based on X-rays, the ghost of these changes in the textured brushstrokes of the painting itself can still be seen. The large stack is about twice its original size, and its shadow was modified accordingly. Simultaneously Monet shifted the smaller stack twice, towards the left, finally cropping it at the edge of the canvas. 10 These changes would be consistent with Monet altering his physical viewpoint, moving closer and closer to the right-hand stack and thus increasing the interval to the left stack. Perhaps his immediate concern with the enlargement of the right stack was to make a more dramatic silhouette, as it now pushes its peak above the horizon, catching the glare from behind. Or perhaps it just grew under the kneading of his constant attention, so transformed by the act of looking and painting that the resulting image is paradoxically both very specific and barely tangible. The telescoping vision evident in the changes of the Gallery's painting parallels a progressively close-up focus on the stacks as the summer series progressed, culminating in a dramatic cropped silhouette of a single large stack. The layered paint structure also suggests sessions of reworking and refinement over time, as the whole canvas was gradually keyed up to the shimmering corona of light which edges the central stack as it catches the glare of the sun from behind. That intense contour, inflected with tiny touches of red-orange at the top of the stack, reverberates in the pink that flecks the stubble-field, the touches of orange in the sky and the shimmering yellow outline of the trees in the background, so that the whole surface vibrates with the haze of the midday heat. The paint layer is so thick that in places it rises above the contour of the stacks, literally recording Monet's preoccupation with the unity of the 'enveloppe', the same ambient light suffusing background, field and sky alike.11 Michael Lloyd & Michael Desmond European and American Paintings and Sculptures in the Australian National Gallery 1992 p.72. « Je pioche beaucoup, je m'entête à une série d'effets différents (des meules), mais à cette époque le soleil décline si vite que je ne peux le suivre . . .Je deviens d'une lenteur à travailler qui me désespère, mais plus je vais, plus je vois qu'il faut beaucoup travailler pour arriver à rendre ce que je cherche: "I'instantanéité", surtout l'enveloppe, la même lumière répandue partout, et plus que jamais les choses faciles venues d'un jet me dégoûtent. Enfin, je suis de plus en plus enragé du besoin de rendre ce que j'éprouve et fais des voeux pour vivre encore pas trop impotent, parce qu'il me semble que je ferai des progrès ». Monet, lettre à Gustave Geffroy : 7 Octobre 1890

43 « Meules, fin de l'été, effet du matin » 1890
« Meule, soleil couchant » « Les Meules, effet de gelée blanche »

44 Huismans : Les « impitoyables poses » de Degas
Ici c'est une rousse, boulotte et farcie, courbant l'échine, faisant poindre l'os du sacrum sur les rondeurs tendues des fesses ; elle se rompt, à vouloir ramener le bras derrière l'épaule afin de presser l'éponge qui dégouline sur le rachis et clapote le long des reins ; […] Telles sont, brièvement citées, les impitoyables poses que cet iconoclaste assigne à l'être que d'inanes galanteries encensent. Il y a, dans ces pastels, du moignon d'estropié, de la gorge de sabouleuse, du dandinement de cul-de-jatte, toute une série d'attitudes inhérentes à la femme même jeune et jolie, adorable couchée ou debout, grenouillarde et simiesque, alors qu'elle doit, comme celle-ci, se baisser afin de masquer ses déchets par ses pansages. Huysmans, Certains, Degas Initialement prévue pour le Salon des Refusés de la même année, l'œuvre ne sera finalement dévoilée par le peintre que deux ans plus tard. L'œuvre, qui allait susciter une controverse encore plus féroce que le Déjeuner sur l'herbe, représente une prostituée semblant issue d'un harem à l'orientale et s'apprêtant visiblement à prendre un bain. Le tableau, qui associe et fait ressortir avec puissance le contraste entre la femme blanche et la femme noire, s'inscrit en réalité dans la longue tradition artistique et très académique dite de « l'odalisque à l'esclave » : ainsi des Odalisques d'Ingres, ou encore de l'Odalisque de Benouville et de celle de Jalabert dans les années 1840. Bien que Manet ait à l'évidence cherché le scandale, l'avalanche de récriminations dont il fut la victime l'accabla assez fortement, et le soutien de son ami Charles Baudelaire l'aida à passer ce cap difficile de sa vie. Analyse [modifier] Olympia, avant tout, se veut une référence audacieuse à la célèbre Vénus d'Urbin du Titien. Manet s'inspire aussi pour cette toile de la maja denuda (97x190 cm) de Francisco Goya. Le modéle de la Vénus d'Urbin posséde une pose identique à celle de l'olympia mais cette reprise de la posture va être transformée. Effectivement dans le premier cas l'on a une figure chaste et innocente, le chien est un symbole de fidélité et les deux servantes rangent des affaires dans un coffre de mariage. La présence de l'Olympia est troublante avec un regard qui fixe le spectateur. Si la main cache le sexe, elle présente un modelé vigoureux. L'atmosphère générale d'érotisme, surtout, est renforcée par la présence du chat noir à la queue relevée, aux pieds de la jeune fille. L'animal fut ajouté par Manet, non sans humour, afin de remplacer l'innocent chien figurant dans la Vénus d’Urbin, et peut-être également afin de désigner par métaphore ce que la jeune fille cache précisément de sa main. Ce chat traduit une présence vraisemblablement masculine. Cette version est renforcé par la présence du bouquet de fleur apporté par la servante. La seconde œuvre est plus proche des implications sexuelles de l'Olympia. Cependant la femme n'a pas un regard aussi froid que le modéle de Manet. L'on peut ainsi dire que l'amour passion est dans l'olympia remplacé par l'amour vénal. En effet, la toile représente une scène qui évoque la prostitution sous le Second Empire et le sujet va être d'autant plus strident que le traitement va être réaliste. Le caractère désintéressé et hautain de l'Olympia est traduit par le fait que la femme de chambre au second plan se fond avec la couleur du mur. Tandis qu'elle manifeste un intérêt certain à apporter à l'Olympia les fleurs qu'elle vient de recevoir, celle-ci n'y prête aucune attention et continue à poser et à aguicher les spectateurs que nous sommes d'un regard franc et provocant. Contrairement au Déjeuner sur l'herbe, Olympia n'est donc pas tant choquante par son thème que par la manière dont ce thème est traité. Outre qu’elle soit entièrement nue, le modèle (Victorine Meurent) s'affiche avec une insolence et une provocation indéniables. D'autres éléments de la composition ont longtemps perturbé les critiques : c'est le cas du bouquet de fleurs, nature morte s'invitant de manière incongrue dans un tableau de nu, mais aussi du bracelet (qui appartenait à la mère du peintre !) et de l'absence d'une perspective construite. De plus, au XIXs siècle le nu n'est concevable que s'il est dans un autre espace temps. Dans cette toile, le modèle est fortement individualisé ce qui s'oppose à la traditionnelle idéalisation des nus. Effectivement, Manet peint ici Victorine avec ses jambes courtes, sa petite poitrine, son menton pointu et son visage carré.Cette individualisation va de pair avec une certaine dureté dans le nu. Ce personnage ne présente aucune sensualité et la tendresse, la pudeur, l'abandon sont écartés au profit d'une représentation non expressive qui s'observe dans le rendu des chairs. Contrairement au Déjeuner sur l'herbe, Olympia n'est donc pas tant choquante par son thème que par la manière dont ce thème est traité et les critiques d'art vont être véritablement choqués par le caractère iconoclaste du tableau qui inaugure la modernité. Ainsi, Paul de Saint Victor parle de « l'olympia faisandé de monsieur Manet ». Fille se séchant, 1885,Paste, N.G.A,. Washington

45 Femme se peignant, pastel, c. 1886,Hermitage
Miss Lola, au Cirque Fernando, 1879, National Gallery, London

46 Chanteuse au gant, c. 1878, Cambridge
L'étoile OR La danseuse sur la scène 1878, Musee d'Orsay

47 Degas : La classe de danse, 1874
Classe de danse, c.1874

48 Degas, Place de la Concorde,1875, Hermitage
Se rappeler qu'un tableau — avant d'être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote — est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. Maurice Denis Blanchisserie, (Silhouette), c New York

49 Ce n’est pas après avoir vécu pendant plusieurs années avec les morts qu’on peut peindre les vivants. Il faut que nos jeunes artistes sucent dès l’enfance le sein âpre de la réalité. Alors seulement, ils verront la vie et sauront en interpréter les grandeurs vraies. Zola   Degas : Blanchisseuses menant des draps à la ville, c Coll. privée Il est indispensable que la grande peinture puisse trouver des sujets dans la vie contemporaine. Je ne sais pas qui sera le peintre génial qui saura extraire l’art de notre civilisation et je ne sais comment il s’y prendra. Mais il est incontestable que l’art ne dépend ni des draperies ni du nu antique ; il prend racine dans l’humanité elle-même et par conséquent chaque société doit avoir sa conception individuelle de la beauté

50 Le naturalisme des bas fond…
Degas est un peintre de la ville. Il aime peindre les lieux clos des spectacles, des loisirs et des plaisirs. Dans un café, un homme une femme assis côte à côte mai muré dans une solitude silencieuse, regard vide, traits défaits, air accablé. S’agit-il d’une dénonciation des fléaux de l'absinthe, en voie d’interdiction ? On rapproche la toile du roman de Zola, L'Assommoir, écrit quelques années plus tard. Zola avoue à Degas : « J'ai tout bonnement décrit, en plus d'un endroit dans mes pages, quelques-uns de vos tableaux ».  La dimension réaliste et documentaire est attestée : il s'agit de "La Nouvelle Athènes", place Pigalle, lieu de réunion des artistes modernes et de la bohème. Le cadrage décentré donne le sentiment d'un instantané photographique, pris par un témoin assis à une table voisine. Impression trompeuse car l'effet de réel est le d’un minutieux travail d’élaboration, exécuté en atelier. Il est tellement réussi que la comédienne Ellen André et Marcellin Desboutin peintre-graveur, qui ont servi de modèle porteront plainte obligeant Degas à préciser publiquement qu'ils ne sont pas alcooliques ! Degas : L'absinthe, 1876, Musée d'Orsay Représentation d’une belle chose ou belle représentation d’une chose ? La question kantienne pour distinguer le beau naturel et le beau artistique

51 Trente ans après le Salon des refusés de 1886 Zola va au Salon de 1896. Déception. Ce qui était novateur trente ans auparavant est devenu travail d’Ecole. Il s’en éloignera quand ces derniers se préoccuperont plus spécifiquement de valeurs picturales. Pourtant, il ne faut pas oublier que Zola, dans sa jeunesse comme à la fin de sa vie, avait un penchant pour l’idéalisme un peu mièvre de Greuze ou d’Ary Scheffer. Zola a ceci de commun avec Balzac qu’il ne comprend pas grand-chose à la peinture( ! ) Van Gogh Ils emportèrent leur boîte de couleurs dans les champs et dans les prés, dans les bois où murmurent les ruisseaux, et tout bêtement, sans apprêt, ils se mirent à peindre ce qu’ils voyaient de leurs yeux autour d’eux : les arbres au feuillage tremblant, le ciel où voguent librement les nuages. La nature devint la souveraine toute-puissante, et l’artiste ne se permit plus d’estomper une seule ligne sous prétexte de l’ennoblir Cette défense du tempérament, héritage romantique, est pour lui essentielle : elle répond à sa volonté de s’imposer et à sa mythologie personnelle. A travers l’image idéalisée de son père, François Zola, relayée par celle de Louis Hachette, il applique au domaine des lettres le modèle du capitalisme conquérant qui lui fournissait des exemples de réussites rapides et prestigieuses. La difficulté à laquelle il se heurte est de concilier le tempérament avec l’analyse du réel, l’observation exacte, la méthode scientifique. Cet effort caractérise le naturalisme proprement zolien[9].             La nature est unique mais l’homme infini. C’est la nature vue à travers l’infinité humaine qui satisfait Zola. Le beau existe non pas en tant qu’il est absolu mais qu’il est relatif à chaque être humain. Zola a une soif de découvrir la nature au travers de multiples peintres pour peu que ceux-ci placent leur personnalité au cœur de leurs œuvres. Le Zola photographe n’agira pas autrement. Ce sont ses sentiments, sa personnalité qui sont au cœur de ses clichés. Rappelons-nous la formule de Michel Tournier : « Si Zola écrit avec son cerveau et son imagination, c’est avec son cœur qu’il photographie. » Pourtant l’humanité présente chez les impressionnistes est multiple. Si la nature y est belle, parfois l’humanité est dure, brutale, violente. Ces caractères sont absents des clichés zoliens comme nous l’avons vu et expliqué au chapitre II.             Pourtant, Zola s’est progressivement détaché des peintres impressionnistes. Il s’agit d’en comprendre les raisons et d’y voir les conséquences sur son œuvre photographique.

52 L’abus de la note claire…
Hier, je battais encore avec Cézanne le rude pavé de Paris, dans la fièvre de le conquérir. Hier, j’étais allé à ce Salon de 1866, avec Manet, avec Monet et avec Pissarro dont on avait rudement refusé les tableaux. Et voilà, après une longue nuit, que je m’éveille et que je me rends aux Salons du Champ-de-Mars et du palais de l’Industrie. […] Autrefois, lorsqu’on accrochait une toile de ceux-ci dans une salle, elle faisait un trou de lumière parmi les autres toiles, cuisinées avec les tons recuits de l’École. C’était la fenêtre ouverte sur la nature, le fameux Plein air qui entrait. Et voilà qu’aujourd’hui il n’y a plus que du plein air, tous se sont mis à la queue de mes amis, après les avoir injuriés et m’avoir injurié moi-même. Allons, tant mieux ! Les conversions font toujours plaisir. Même ce qui redouble mon étonnement, c’est la ferveur des convertis, l’abus de la note claire qui fait de certaines œuvres des linges décolorés par de longues lessives. Les religions nouvelles, quand la mode s’y met, ont ceci de terrible qu’elles dépassent tout bon sens. D’un point de vue technique, les impressionnistes travaillent directement sur le motif, ils ne mélangent pas les teintes sur la palette, mais juxtaposent directement sur le tableau des touches de couleur pure. Décomposition donc tonale de la peinture. Pour capter un maximum de lumière, ils n’utilisent pas de non-couleur (comme le noir), les ombres sont rendues par de la couleur, le plus souvent du bleu ou du mauve. D’un point de vue visuel, l’information d’un tableau impressionniste est éclatée, c’est la capacité du cerveau humain à reconstituer un ensemble à partir de données éparses qui permet de recomposer la vision à distance. Ce qui intéresse ces peintres est bien sûr la subtilité de la lumière. Ils vont utiliser la technique du flocage ou reconstitution de la lumière telle qu’elle tombe sur les objets. On trouve également des lignes de couleurs sur l’eau, on ne peut pas vraiment distinguer ce qu’elles représentent, mais les sujets au-dessus nous permettent de saisir l’ensemble. On parvient à distinguer l’eau dans son jeu de reflets et de réponses, entre le reflet et l’onde. A travers les silhouettes des arbres, on devine des ombres grises et bleues, donnant une impression de calme. L’impressionnisme s’est aussi développé sur le principe des couleurs complémentaires : quand on décompose en couleurs primaires, on réalise que toutes ces couleurs sont en fait complémentaires. Le principe des couleurs complémentaires crée une harmonie visuelle. Avec Monet, on dépasse ce principe de rendu fidèle de la réalité. Il s’attache plus aux harmonies des couleurs, il veut rendre une impression face à un état particulier de la lumière. Tout ce qui se passe paraît se fondre dans la brume, ce n’est pourtant pas ce qu’il veut représenter, c’est la lumière seule. L’aboutissement de l’impressionnisme serait bien le blanc, que l’on obtient en poussant la lumière à l’extrême. Par transparence, le blanc traverse la peinture, arrive jusqu’à l’œil, qui lui renvoie également la peinture. Ceci fait que l’œuvre jouit d’une luminosité plus intense. On a l’impression que la lumière provient du tableau. L’impressionnisme finit même par dissoudre la couleur et la forme dans la lumière. A la fin de l’année 1870, Claude Monet, qui a trente ans, s’installe à Londres où il va demeurer plusieurs mois. C’est là qu’il découvre les œuvres de William Turner ( ), notamment celles, exposées à la National Gallery, appartenant au legs fait par le peintre à la nation britannique. A la même époque, il visite probablement l’atelier de James Whistler ( ), où il peut voir les premiers “Nocturnes” de l’artiste d’origine américaine - lequel, très jeune, lors de ses premiers séjours à Londres, s’était lui aussi intéressé à l’œuvre de Turner. S’inscrivant à la suite de Turner et de Whistler, Monet va s’attacher à représenter ce qu’il appelle lui-même des « effets de brouillard », sur la Tamise et sur la Seine. Au delà de l’aspect proprement esthétique correspondant à ses recherches, ces œuvres traduisent la pollution du ciel (souvent observée par les contemporains du peintre), noyé par les fumées sortant de hautes cheminées d’usine. Monet reprendra ce motif d’une manière extraordinaire, bien plus tard, lors de ses séjours à Londres, dans de véritables « campagnes de peintures » qui constituent l’un des sommets de son œuvre. Claude Monnet : La pie 1868  musée d'Orsay

53 S’il y a des reflets dans la nature, trop de reflets tuent la nature…
Mais où ma surprise tourne à la colère, c’est lorsque je constate la démence à laquelle a pu conduire, en trente ans, la théorie des reflets. Encore une des victoires gagnées par nous, les précurseurs ! Très justement, nous soutenions que l’éclairage des objets et des figures n’est point simple. Que sous des arbres, par exemple, les chairs nues verdissent, qu’il y a ainsi un continuel échange de reflets dont il faut tenir compte, si l’on veut donner à une œuvre la vie réelle de la lumière. Sans elle, celle-ci se décompose, se brise et s’éparpille. Si l’on ne s’en tient pas aux académies peintes sous le jour factice de l’atelier, si l’on aborde la nature immense et changeante, la lumière devient l’âme de l’œuvre, éternellement diverse. Nymphéas est en botanique le nom savant des nénuphars blancs. Monet les cultive dans le jardin d'eau qu'il fait aménager en 1893 dans sa propriété de Giverny. A partir des années 1910 et jusqu'à la mort du peintre en 1926, le jardin et son bassin, en particulier, deviennent son unique source d'inspiration. Il dit : "J'ai repris encore des choses impossibles à faire : de l'eau avec des herbes qui ondulent dans le fond. En dehors de la peinture et du jardinage, je ne suis bon à rien. Mon plus beau chef-d'oeuvre, c'est mon jardin". Evacuant l'horizon et le ciel, Monet concentre le point de vue sur une petite zone de l'étang, perçue comme un morceau de nature presque en gros plan. Aucun point ne retient l'attention plus qu'un autre, et l'impression dominante est celle d'une surface informe. Le format carré renforce cette neutralité de la composition. Cette absence de repère donne au fragment les qualités de l'infini, de l'illimité. Jamais la touche du peintre n'a été aussi libre dans sa gestualité, aussi dégagée de la description des formes. Si l'on regarde la toile de près, on a le sentiment d'une totale abstraction, tant les traces de peinture déposées par la brosse l'emportent sur l'identification des plantes ou de leurs reflets. Le spectateur doit faire un constant effort optique et cérébral pour reconstituer le paysage évoqué. L'inachèvement des bords laissés non peints accentue encore cette insistance sur la peinture, comme surface couverte de couleurs, ce dont se souviendront après la Seconde Guerre mondiale les peintres, notamment américains, nommés "paysagistes abstraits" ou "abstraits lyriques". Monnet, Nymphéas bleus, ca.1916 et Zola n’a pu voir cette toile postérieur à sa mort en Elle est représentative de l’évolution amorcée de son vivant par certains impressionnistes vers ce qui s’achèvera par les paysagistes abstraits ou les abstraits lyriques… Cette tendance ne peut être considérée que comme une dérive pour le naturalisme strict de Zola… qui ne suit plus la logique de radicalisation et de recherche d’un Monnet.

54 Dès que le raisonnement s’en mêle, « on en arrive à la caricature…
Seulement, rien n’est plus délicat à saisir et à rendre que cette décomposition et ces reflets, ces jeux du soleil où, sans être déformées, baignent les créatures et les choses. Aussi, dès qu’on insiste, dès que le raisonnement s’en mêle en arrive-t-on vite à la caricature. Et ce sont vraiment des œuvres déconcertantes, ces femmes multicolores, ces paysages violets et ces chevaux orange qu’on nous donne, en nous expliquant scientifiquement qu’ils sont tels par suite de tels reflets ou de telle décomposition du spectre solaire. Oh ! les dames qui ont une joue bleue, sous la lune, et l’autre joue vermillon, sous un abat-jour de lampe ! Oh ! les horizons où les arbres sont bleus, les eaux rouges et les cieux verts ! C’est affreux, affreux, affreux ! Monet et Pissarro, les premiers, je crois, ont délicieusement étudié ces reflets et cette décomposition de la lumière. Mais que de finesse et que d’art ils y mettaient ! L’engouement est venu, et je frissonne d’épouvante ! Maurice Denis, Taches de soleil sur la terrasse, 1890

55 Rien n’est fâcheux comme la peinture d’idée… Simplifier soit…mais garder la logique de l’anatomie
L'explosion des couleurs et de la lumière : Elle passe avant le contour ou même la forme; elle déborde, elle explose. Les taches de couleur sont d'une taille supérieure à celle des objets réels qui les portent; c'est bien l'impression qui est peinte……… La lumière s'introduit partout, elle brouille les formes et les réduit en taches de couleur. La troisième dimension : Le peintre impressionniste travaille l'épaisseur plus qu'il ne travaille le contour. Il est à contre-courant de la peinture classique, plate et précise. Reflets et taches : Le reflet dans l'eau est souvent utilisé, il permet de s'affranchir encore plus de la forme; alors les taches de couleur se juxtaposent en symphonie. Oh ! de grâce pas de peinture d’âmes ! Rien n’est fâcheux comme la peinture d’idées. Qu’un artiste mette une pensée dans un crâne, oui ! mais que le crâne y soit et solidement peint, et d’une construction telle qu’il brave les siècles. La vie seule parle de la vie, il ne se dégage de la beauté et de la vérité que de la nature vivante. Dans un art, matériel comme la peinture surtout, je défie bien qu’on laisse une figure immortelle, si elle n’est pas dessinée et peinte humainement, aussi simplifiée qu’on voudra, gardant pourtant la logique de son anatomie et la proportion saine de ses formes. Et à quel effroyable défilé nous assistons depuis quelque temps, ces vierges insexuées qui n’ont ni seins ni hanches, ces filles qui sont presque des garçons, ces garçons qui sont presque des filles, ces larves de créatures sortant des limbes, volant par des espaces blêmes s’agitant dans de confuses contrées d’aubes grises et de crépuscules couleur de suie ! Ah ! le vilain monde, cela tourne au dégoût et au vomissement !

56 L’art condamné au renouvellement L’ennui du connu
Le danger des Écoles : formules et procédés Ces toiles claires, ces fenêtres ouvertes de l’impressionnisme, mais je les connais, ce sont des Manet, pour lesquels, dans ma jeunesse, j’ai failli me faire assommer ! Ces études de reflets, ces chairs où passent des tons verts de feuilles, ces eaux où dansent toutes les couleurs du prisme, mais je les connais, ce sont des Monet, que j’ai défendus et qui m’ont fait traiter de fou ! Ces décompositions de la lumière, ces horizons où les arbres deviennent bleus, tandis que le ciel devient vert, mais je les connais, ce sont des Pissarro, qui m’ont autrefois fermé les journaux, parce que j’osais dire que de tels effets se rencontraient dans la nature ! Et ce sont là les toiles que jadis on refusait violemment à chaque Salon, exagérées aujourd’hui, devenues affreuses et innombrables ! Les germes que j’ai vu jeter en terre ont poussé, ont fructifié d’une façon monstrueuse. Je recule d’effroi. Jamais je n’ai mieux senti le danger des formules, la fin pitoyable des écoles, quand les initiateurs ont fait leur œuvre et que les maîtres sont partis. Tout mouvement s’exagère, tourne au procédé et au mensonge, dès que la mode s’en empare. Il n’est pas de vérité, juste et bonne au début, pour laquelle on donnerait héroïquement son sang, qui ne devienne, par l’imitation, la pire des erreurs, l’ivraie envahissante qu’il faut impitoyablement faucher.

57 Seuls les maîtres restent
Le génie créateur enfante de la vie et de la vérité Ce que j’ai défendu, je le défendrais encore, car c’était l’audace du moment, le drapeau qu’il s’agissait de planter sur les terres ennemies. Nous avions raison, parce que nous étions l’enthousiasme et la foi. Si peu que nous ayons fait de vérité, elle est aujourd’hui acquise. Et, si la voie ouverte est devenue banale, c’est que nous l’avons élargie, pour que l’art d’un moment puisse y passer. Et puis, les maîtres restent. D’autres viendront dans des voies nouvelles; mais tous ceux qui ont déterminé l’évolution d’une époque demeurent, sur les ruines de leurs écoles. Et il n’y a décidément que les créateurs qui triomphent, les faiseurs d’hommes, le génie qui enfante, qui fait de la vie et de la vérité ! Zola 1896

58 Cézanne : du Musée à la nature
Je crains bien que tous les tableaux des anciens maîtres et représentant des choses en plein air n'aient été faits de chic, car cela ne me semble pas avoir l'aspect vrai et surtout original que fournit la nature.  à Zola 1866 p 99 ...Pour l'heure présente, je continue à chercher l'expression de ces sensations confuses que nous apportons en naissant. A Joachim Gasquet 1896 p 227 Mais après avoir vu les grands maîtres qui y reposent (au Louvre ), il faut se hâter d'en sortir et vivifier en soi, au contact de la nature, les instincts, les sensations d'art qui résident en nous. A Charles Camoin 1903 p 255 Retour sommaire

59 6 / Le droit au rêve : Gauguin et l’ouverture symboliste
Autoportrait à l’auréole, 1889 Autoportrait 1894 Autoportrait 1888

60 Le Christ jaune, 1889

61 De l’impressionnisme au symbolisme
Gauguin : D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Boston Ce que nous demandions à Cézanne, à Gauguin et à Van Gogh, ils le trouvaient chez Verlaine, chez Mallarmé, chez Laforgue : « De toute part, disait Albert Aurier dans l'article manifeste de la revue Encyclopédique 1892, on revendique le droit au rêve, le droit aux pâturages de l'azur, le droit à l'envolement vers les étoiles niées de l'absolue vérité. La copie myope des anecdotes sociales, l'imitation imbécile des verrues de la nature, la plate observation, le trompe l'œil, la gloire d'être aussi fidèlement, aussi banalement exact que le daguerréotype ne contente plus aucun peintre, aucun sculpteur digne de ce nom »

62 L'art pour eux (Gauguin et Van Gogh) comme pour leurs prédécesseurs, c'est le rendu d'une sensation, c'est l'exaltation de la sensibilité individuelle. Tous les éléments d'excès et de désordre provenant de l'impressionnisme, ils les exaspèrent d'abord, et ce n'est que peu à peu qu'ils prennent conscience de leur rôle novateur, et qu'ils s'aperçoivent que leur synthétisme et leur symbolisme est précisément l'antithèse de l'impressionnisme. Gauguin : L’esprit de la mort veillant.1892Albright-Knox Art Gallery, Buffalo,

63 L'art est une abstraction, tirez-la de la nature en rêvant
Un conseil, ne peignez pas trop d'après nature. L'art est une abstraction, tirez-la de la nature en rêvant devant et pensez plus à la création qui résultera p 40 Je m'éloignerai autant que possible de ce qui donne l'illusion d'une chose et, l'ombre étant le trompe-l’œil du soleil, je suis porté à la supprimer. 45 D'ailleurs, qu'il y ait ou non des ombres bleues, peu importe : si un peintre voulait demain voir les ombres roses ou violettes, on n'aurait pas à lui en demander compte, pourvu que son œuvre fût harmonique et qu'elle donnât à penser. 138 Dessiner franchement, ce n'est point affirmer une chose vraie de la nature mais se servir de locutions picturales qui ne déguisent pas la pensée. 163 Gauguin, Oviri Écrits d'un sauvage. Rééd. folio essais Paris 1989. Paul Gauguin, Cheval Blanc

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Merci de votre visite ! Retour sommaire Présentation conçue et réalisée par C. Merlant Toutes les suggestions seront les bienvenues pour compléter ou améliorer la présentation. Usage strictement pédagogique Version 05/08


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