Sémiologie des états dépressifs et des états maniaques « L’humeur, à savoir cette disposition affective fondamentale, riche de toutes les instances instinctives et émotionnelles, qui donne à tous nos états d’âme une tonalité agréable ou désagréable, oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur » Jean Delay
Forme typique de la dépression : l’état dépressif majeur Perturbations - émotionnelles - psychomotrices - conatives - cognitives - végétatives
Mode de début progressif ++ (quelques jours ou semaines) parfois brutal souvent facteur déclenchant - psychologique - physiologique (maladie infectieuse, chirurgie, post partum) - pharmacologique (cortisone)
Perturbations émotionnelles (1) humeur dépressive : la douleur morale - tristesse, abattement, découragement, désespoir - inhabituelle et mal explicable -incontrôlable, persistante, rebelle à tout raisonnement, inconsolable, persistante, lancinante - contenue, retenue, cachée, déniée - intérêt de l’interrogatoire d’un proche - perte de l’insouciance, de la légèreté, du rire
Perturbations émotionnelles (2) anhédonie dépressive (absence de plaisir) lassitude, désintérêt généralisé anesthésie affective incapacité culpabilisante à éprouver des sentiments hyperthymie douloureuse hypersensibilité maladive aux désagréments, les émotions avivent la douleur dépressive
Perturbations émotionnelles (3) labilité de l’humeur pathologique - en intensité (prédominance matinale, mieux-être vespéral : fluctuations nycthémérales) - en qualité (alternance de tension et d’apathie) remplacée parfois par une dysphorie - tension intérieure, irritabilité, humeur bougonne, revêche - colères agressives soudaines, inaccoutumées, disproportionnée et durables
Perturbations émotionnelles (4) Anxiété associée - se manifeste à des degrés divers, rarement absente - tension nerveuse, musculaire, secousses, tressautements - hyperactivité du système nerveux autonome : gêne respiratoire, tachycardie, sécheresse buccale, nausées, pollakiurie, gorge nouée, troubles digestifs,… - hypervigilance, agitation improductive, raptus agressifs ou suicidaires
Symptômes psychomoteurs (1) Ralentissement moteur (masqué parfois par l’agitation psychomotrice) - lenteur - posture sans tonus - rareté des gestes - pauvreté de la mimique (hypomimie ou amimie) - discours pauvre, raccourci, inachevé - voix monocorde - inertie, temps de latence augmenté
Symptômes psychomoteurs (2) Ralentissement psychique (bradypsychie) - pensée lente, laborieuse, appauvrie, sans souplesse ni fluidité - difficultés à aborder de nouveaux thèmes - pensée fatigable - impression de tête vide, d’impuissance intelectuelle - sentiment de stagnation du temps - ruminations sur sa souffrance, pouvant aller jusqu’au monoidéisme
Symptômes conatifs - diminution des capacités d’effort et d’initiative (hésitations, passivité) - fléchissement des tendances à agir (apragmatisme) et de la volonté (aboulie) - laisser-aller, incurie - sentiment d’épuisement, de perte d’énergie - vécus comme une déchéance
Troubles cognitifs (1) fonctions cognitives globales Difficultés d’attention (hypoprosexie, aprosexie) Difficultés de concentration Difficultés mnésiques (mémoire à court terme, amélioration à l’effort) Diminution du flux idéique Hypersensibilité douloureuse au bruit
Troubles cognitifs (2) la psychologie dépressive Trouble du jugement (distorsion cognitive) rigidité, perte de la souplesse évaluative des situations restriction des capacités de décentrement, subjectivation absence de relativisation persévérations pessimistes malgré les données de l’expérience Vision négative de soi du monde de l’avenir
Troubles cognitifs (3) la psychologie dépressive - sentiment d’infériorité intellectuelle et morale - d’impuissance - de culpabilité (auto-accusations) - de déchéance - d’échec - auto-dépréciation - perte de l’estime de soi - pessimisme - désespoir - idées hypocondriaques
Troubles cognitifs (4) la psychologie dépressive avenir sans espoir de solution, d’amélioration « tout est perdu d’avance » sentiment d’être incompris, maltraité, menacé, persécuté rejetant parfois sur les autres l’origine de ses misères isolement, repli sur soi
Suicide (1) Risque majeur des états dépressifs (15 % dans les formes graves) Aboutissement logique de la logique dépressive (auto-dépréciation, culpabilité, perte d’espoir) Différents degrés simple idée passagère et théorique solution à la situation vécue par le déprimé idée obsédante préparatifs plus ou moins minutieux
Suicide (2) suicidé – suicidant – suicidaire morts par an 1 suicide chez la femme pour 7 suicides chez l’homme –1 TS chez l’homme pour 3 chez la femme –2ème cause de mortalité chez les moins de 25 ans Prédicteurs du risque : Antécédents + Idéations avec plan + Intensité dépressive Isolement social sexe masculin Après TS Hospitalisation de quelques jours Évaluation des facteurs de risque
Signes végétatifs (1) Asthénie aggravée à l’effort (fatigabilité), mais présente en permanence - prédominance matinale - traits tirés, teint terne, œil éteint Troubles du sommeil - insomnie le plus souvent (endormissement si anxiété, milieu de nuit, matutinale, souvent associés) - hypersomnie plus rarement (20 %) - sommeil non réparateur, perturbé (diminution de la latence d’apparition du sommeil paradoxal)
Signes végétatifs (2) Perturbation de l’appétit - anorexie le plus souvent, avec amaigrissement - hyperphagie ou crises de boulimie plus rarement (20 % des cas), avec prise de poids Troubles sexuels - perte d’intérêt, diminution de la libido - perte du plaisir, dégoût - impuissance, frigidité - plus rarement, sexualité compulsive contra-dépressive
Signes végétatifs (3) Troubles digestifs (transit, douleurs, ballonnements,…) Urinaires (pollakiurie, brûlures, dysurie) Cardio-vasculaires (pression artérielle, fréquence cardiaque) Neuromusculaires (contractures, crampes, paresthésies, douleurs, céphalées, vertiges, douleurs cénesthésiques)
Evolution Très variable selon les cas (et les causes) Spontanément résolutif en 6 à 12 mois Résolutif en 2 à 3 mois en cas de traitement Parfois chronique Terminaison progressive (ou brutale, notamment si inversion de l’humeur)
Formes cliniques selon l’intensité (1) Mélancolie symptomatologie intense (douleur morale, ralentissement anorexie, amaigrissement, aggravation matinale) sentiment de faute, d’indignité, d’incurabilité risque suicidaire élevé Mélancolie délirante congruents à l’humeur ou catathymiques : culpabilité, ruine, damnation, hypocondriaque, damnation, possession, négation = sd de Cotard non congruents : persécution, pensées imposées, … Mélancolie stuporeuse (suspension de l’activité motrice)
Formes cliniques selon l’intensité (2) Formes légères fatigue inexpliquée morosité irritabilité troubles cognitifs discrets moins handicapantes dans le fonctionnement quotidien mais invalidantes à terme si méconnues
Formes symptomatiques Dépression anxieuse ou agitée Dépression hostile ou agressive Dépression pseudo-démentielle Dépressions « masquées » (somatisations dépressives, dépressions hypocondriaques) Equivalents dépressifs (névrotiques, addictifs, sexuels, alimentaires, de la personnalité)
Formes selon l’âge Chez l’enfant désintérêt pour le jeu troubles du caractère, angoisse de séparation phobie ou baisse du rendement scolaires Chez l’adolescent troubles des conduites : fugues, prises de toxiques repli marginal, difficultés scolaires Chez la personne âgée pseudo-démence formes délirantes formes hypocondriaques
Formes selon la culture Symptomatologie assez universelle Particularités concernant le thème des idées dépressives Plaintes subjectives dépendent des représentations culturelles concernant les croyances et représentations médicales
Formes selon l’étiologie Dépressions primaires (uni- ou bipolaires) Dépressions secondaires - autre trouble mental (tous) - affection physique (hypothyroïdie, Parkinson, démences,…) - drogue (alcool, cocaïne, barbituriques, opiacés,…) - médicament (antihypertenseurs, corticoïdes, antipsychotiques,…) Dépression réactionnelle/dépression endogène
Diagnostic différentiel Tristesse réaction normale à un contexte ou fluctuations normales qualitativement distincte de l’humeur dépressive circonscrite et non accompagnée des autres symptômes Anxiété Emoussement affectif de la schizophrénie Deuil modèle de dépression réactionnelle sans idées suicidaires, sans ralentissement, ni culpabilité évolue favorablement avec le temps deuil pathologique (non résolution avec le temps, manie de deuil) Etats mixtes
Syndrome maniaque Dérèglement des fonctions psychiques dans un sens opposé à celui du syndrome dépressif Associe des symptômes émotionnels ou affectifs moteurs et comportementaux cognitifs somatiques Dans sa forme typique a un début aigu ou subaigu, avec ou sans facteurs déclenchant
Symptômes émotionnels Expansivité de l’humeur sensation labile de bonheur, de joie, d’euphorie, dont le sujet gardera la nostalgie Hyperesthésie affective (hyperémotivité) Sentiment de communion avec l’environnement (hypersyntonie) Agressivité, colères
Symptômes moteurs et comportementaux Hyperactivité motrice (agitation stérile) appels téléphoniques, démarches, visites, voyages de façon désordonnée, précipitée, entrecoupée, sans but précis visage mobile et souriant, voire béat Désinhibition recherche de contacts sociaux, vêtements voyants ou provocateurs, négligence, familiarité, relâchement des censures, hypergénésie Achats inconsidérés (sauvegarde de justice)
Symptômes cognitifs (1) Tachypsychie Fuite des idées Hypermnésie Altération des facultés de synthèse (faux brio) Distractibilité Logorrhée, graphorrhée
Symptômes cognitifs (2) Vision exagérément positive de soi (surestimation de soi) de l’avenir (projets irréalistes) du monde (optimisme pathologique) Mégalomanie Tonalité comique des propos, qui gardent un fil entre eux, même ténu
Symptômes somatiques Insomnie, qui peut être totale Infatigabilité Amaigrissement et hyperthermie (agitation) Augmentation de la libido et hypergénésie
Formes cliniques selon l’intensité Etats hypomaniaques forme atténuée de manie adaptation relativement conservée risque de troubles du comportement (dépenses, sexualité) Fureur maniaque agressivité, agitation, violence insomnie totale, anorexie, épuisement mauvais pronostic en l’absence de traitement
Formes symptomatiques Manies délirantes (mégalomanie, persécution,…) Manie atypique (troubles du cours de la pensée, discordance) Manie confuse (surtout si étiologie organique)
Formes selon l’étiologie Trouble bipolaire formes typiques alternance avec états dépressifs Trouble schizo-affectif formes atypiques Manies secondaires drogues (amphétamines, cocaïne, hallucinogènes, alcool, …) médicaments (antidépresseurs, corticoïdes, L-dopa, …) pathologies somatiques (tumeur cérébrale, hyperthyroïdie, sd de Cushing, …)
Diagnostic différentiel Bouffée délirante aiguë délire polymorphe fluctuations thymiques Fureur catatonique décharges motrices incontrôlables de survenue brutale Autres états d’agitation absence de l’euphorie caractéristique des états maniaques Etats mixtes
DépressionManie Symptômes psychiques 1) Humeur dépressive = tristesse, douleur morale Irritabilité Anhédonie Pessimisme Inconscience du trouble 2) Anxiété permanente ou paroxystique 3)Ralentissement des processus cognitifs (bradypsychie) 1) Elation = euphorie Tout est plaisir Irritabilité Inconscience du trouble 2) « sans craintes, sans limites » labilité émotionnelle, optimisme 3)Tachypsychie, fuite des idées Sémiologie de l’état dépressif et de l’état maniaque (1)
Sémiologie de l’état dépressif et de l’état maniaque (2) DépressionManie Symptômes psychomoteurs Ralentissement, inhibition (stupeur) Hyperactivité (agitation)
DépressionManie Symptômes somatiques et instinctuels Perte de poids Perte appétit Troubles du sommeil Troubles libido (diminution) Troubles digestifs Troubles cardiovasculaires Cénesthopathie Asthénie Perte de poids Troubles du sommeil Troubles libido (augmentation) Sensation de chaleur Infatigabilité Sémiologie de l’état dépressif et de l’état maniaque (3)