U N D I E U T O U T P E T I T

« La Vierge est pâle et elle regarde l’enfant. Ce qu’il faudrait peindre sur son visage, c’est un émerveillement anxieux qui n’a paru qu’une fois sur une figure humaine. » La Vierge est pâle et elle regarde l’enfant. Emerveillement anxieux.

« Car le Christ est son enfant, la chair de sa chair et le fruit de ses entrailles. Elle l’a porté neuf mois et lui donnera le sein et son lait deviendra le sang de Dieu. » Elle lui donnera le sein. « Car le Christ est son enfant, la chair de sa chair et le fruit de ses entrailles. Elle l’a porté neuf mois et lui donnera le sein et son lait deviendra le sang de Dieu. » Son lait deviendra le sang de Dieu.

« Et par moments, la tentation est si forte qu’elle oublie qu’il est Dieu. Elle le serre dans ses bras et dit : « Mon petit ». Elle oublie qu’il est Dieu… …et dit : « Mon petit ».

« Mais à d’autres moments, elle demeure interdite et elle pense : Dieu est là, et elle est prise d’une horreur religieuse pour ce Dieu-muet, pour cet enfant terrifiant. » Dieu est là… Elle est prise d’une horreur religieuse… …pour cet enfant terrifiant.

« Toutes les mères sont ainsi arrêtées par moments, devant ce fragment rebelle de leur chair qu’est leur enfant, et elles se sentent en exil devant cette vie neuve qu’on a faite avec leur vie et qu’habitent des pensées étrangères. » Arrêtées devant ce fragment rebelle de leur chair. En exil devant cette vie neuve faite avec leur vie et qu’habitent des pensées étrangères.

« Mais aucun enfant n’a été plus cruellement et plus rapidement arraché à sa mère, car il est Dieu et il dépasse de tous côtés ce qu’elle peut imaginer… » Plus cruellement et plus rapidement arraché à sa mère. Il est Dieu et dépasse ce qu’elle peut imaginer.

« Mais je pense qu’il y a aussi d’autres moments, rapides et glissants, où elle sent à la fois que le Christ est son Fils, son petit à elle, et qu’il est Dieu. » Moments rapides et glissants, où elle sent qu’il est son petit à elle, et qu’il est Dieu.

Elle le regarde et elle pense : « Ce Dieu est mon enfant. Cette chair divine est ma chair. Il est fait de moi, il a mes yeux et cette forme de sa bouche, c’est la forme de la mienne, il me ressemble. Il est Dieu et il me ressemble. » Il est Dieu et il me ressemble.

« Et aucune femme n’a eu de la sorte son Dieu pour elle seule, un Dieu tout petit qu’on peut prendre dans ses bras et couvrir de baisers, un Dieu tout chaud qui sourit et qui respire, un Dieu qu’on peut toucher et qui rit. » Un Dieu qu’on peut toucher et qui rit.

« Et c’est dans un de ces moments-là que je peindrais Marie si j’étais peintre. » F I N Si j’étais peintre…

Avez-vous deviné quel auteur rédigea ce splendide chant de l’âme ??? - dans un stalag allemand par un prisonnier de guerre, - professeur, philosophe, déjà auteur de plusieurs livres - il découvrit, à cette occasion, combien le théâtre pouvait être un « grand phénomène collectif religieux » - sollicité par des prêtres pour composer un jeu scénique à l’occasion de Noël - il mit en scène, lui-même, la pièce Il fut écrit en 1940 : - il interprèta le rôle d’un roi mage avec, dit-on, tellement de sincérité et de foi qu’il provoqua la conversion d’un soldat (cf. le Figaro Littéraire ). - il marqua son époque et suscita haine et enthousiasme - il prôna la liberté totale et l’engagement comme une fin en soi - Zone de silence -

- père de l’existentialisme athée français - compagnon de Simone de Beauvoir. Vous avez reconnu Jean-Paul Sartre Peut-on écrire une page aussi émouvante avec seulement une main experte ? L’abbé Laurentin retient ce texte parmi les dix plus beaux de son florilège.

Sartre l ’ incroyant Dans sa biographie, « Les Mots », Sartre évoque son enfance : « Je viens de raconter l’histoire d’une vocation manquée : j’avais besoin de Dieu, on me le donna, je le reçus sans comprendre que je le cherchais. Faute de prendre racine dans mon cœur, il a végété en moi quelque temps puis il est mort. Aujourd’hui quand on me parle de Lui, je dis… : « Il y a cinquante ans, sans ce malentendu, sans cette méprise, sans l’accident qui nous sépara, il aurait pu y avoir quelque chose entre nous ». Il n’y eut rien… » Édition Folio, p 89. Il n’y eut rien …

« A Noël, nous rappelons que « Le Verbe s’est fait chair. » Ce que Jean appelle en grec O Logos (en latin Verbum) signifie églement LE SENS. Le « Sens éternel » du monde est devenu tangible à nos sens et à notre intelligence. Le Sens qui s’est fait chair, c’est une Parole qui nous est adressée. Le Sens a un pouvoir : c’est DIEU. Un Dieu bon qui ne doit pas être confondu avec un être très haut. Il s’est incarné librement pour nous rendre véritablement libres, libres de l’aimer. Noël est une occasion privilégiée pour méditer sur le sens et la valeur de notre existence, un événement capable de renouveler aujourd’hui notre existence. » Benoît XVI (Audience générale du ) Le « sens éternel » du monde est devenu tangible à nos sens et à notre intelligence. Le « sens éternel » du monde est devenu tangible à nos sens et à notre intelligence.