Causes et corrélations L’essor de l’épidémiologie et la notion de « facteur de risque » Luc Berlivet CNRS/EHESS CERMES3
Plan de l’intervention Naissance de l’épidémiologie – un style de pensée syncrétique, un usage « modéré » des statistiques (du milieu du XIXe siècle à l’entre-deux guerres) La mathématisation de la médecine passe par la santé publique (les transformations de l’entre-deux guerres) Un concours de circonstances… ou le « facteur de risque » faute de mieux… (la recherche sur les maladies « non- transmissibles » dans les années ) L’essor de la « Risk Factor epidemiology » (années ) Epidemiology and the Web of Causation: Has Anyone Seen the Spider ? (Nancy Krieger, Soc Sci & Medicine 1994) La critique d’un style de pensée hégémonique
Naissance de l’épidémiologie Un champ de savoir plus qu’une discipline ou une spécialité 1850: fondation de la London Epidemiological Society Définition: « recherches sur les causes et la nature des épidémies », Dictionnaire de médecine de Pierre-Hubert Nysten (refondu par Emile Littré & Charles Robin), 1855 Quelques rares chaires universitaires (Val-de-Grâce: 1856) Contemporaine de l’institutionnalisation de la statistique… Des statisticiens prudents… qui se méfient des « causes » … mais raffolent des « lois »
En quoi consiste cette épidémiologie naissante? L’étude des dénombrements (Bills of Mortality – John Graunt 1662…) Quelques rares dispositifs statistiques: William Farr ( ) le Public Health Act de 1848 et l’alerte sanitaire Mais en réalité un style de pensée éminemment syncrétique, narratif… « explicatif » l’exemple de la High Victorian Epidemiology (Anne Hardy) … ébranlée par l’essor de la bactériologie… sans pour autant disparaître…
Calcul mathématique et médecine: promesses et résistances La résistance du médecin à la statistique: opposition à la « méthode numérique » de PCA Louis ( ) – travaux sur la saignée de … … même si certains s’adonnent à « l’économie politique »: Louis-René Villermé, Tableau de l’état physique et moral des ouvriers… (1840) Le monde enchanté de Francis Galton ( ) et Karl Pearson ( ) Corrélation / Régression / Significativité statistique (test du Chi 2 ) Des usages multiples (de l’ingénierie à l’économie) Mais les réticences des médecins à une appréhension probabiliste de la santé persistent: Karl Pearson, Almroth Wright et la vaccination ( )
Une introduction tardive de la statistique en médecine La création des école de santé publique nord- américaines (Johns Hopkins, Harvard…) à partir de 1913 grâce à la Rockefeller Foundation La naissance d’une statistique médicale dans les années 1920 (GB et USA) Une activité de recherche – Major Greenwood ( ) et le Medical Research Council Une pratique scientifique ternaire: vital statistics, recherche clinique et analyse des résultats du laboratoire
L’apparition du « facteur de risque »… … faute de mieux L’épidémiologie des maladies ‘non-transmissibles’ Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, 2 énigmes médicales suscitent des inquiétudes : i) Le cancer du poumon ii) Les maladies cardio-vasculaires Deux enquêtes qui autorisent une appréhension statistique de l’étiologie… sans contrepartie « physique » Au cœur des controverses, le statut de la corrélation… La cloture des 2 controverses installe le RR (et les RF…) en santé publique et en médecine … une sorte de normalisation, en somme…
L’essor de la “Risk Factor Epidemiology” La routinisation d’un style de raisonnement… facilité par la production de “guidelines for causation”: - le Surgeon General’s Report (1964) [cf. égalt. 2004/ Chap 1] - Austin Bradford Hill ( ) neuf “criteria for causation” Essor des institutions de recherche médicale et en santé publique… croissance de l’épidémiologie La mise à distance de la causalité… ou les joies du black boxing Les usages du risque en santé publique… gloire et misères du « comportements à risque »
Hill’s Criteria Strength: A small association does not mean that there is not a causal effect, though the larger the association, the more likely that it is causal Consistency: Consistent findings observed by different persons in different places with different samples strengthens the likelihood of an effect. Specificity: Causation is likely if a very specific population at a specific site and disease with no other likely explanation. The more specific an association between a factor and an effect is, the bigger the probability of a causal relationship Temporality: The effect has to occur after the cause (and if there is an expected delay between the cause and expected effect, then the effect must occur after that delay) Biological gradient: Greater exposure should generally lead to greater incidence of the effect. However, in some cases, the mere presence of the factor can trigger the effect. In other cases, an inverse proportion is observed: greater exposure leads to lower incidence Plausibility: A plausible mechanism between cause and effect is helpful (but Hill noted that knowledge of the mechanism is limited by current knowledge). Coherence: Coherence between epidemiological and laboratory findings increases the likelihood of an effect. However, Hill noted that "... lack of such [laboratory] evidence cannot nullify the epidemiological effect on associations". Experiment: "Occasionally it is possible to appeal to experimental evidence". Analogy: The effect of similar factors may be considered.
“Epidemiology and the Web of Causation: Has Anyone Seen the Spider?” Social Sciences in Medicine, 1994 Oct; 39(7): La critique d’un style de pensée hégémonique Tous les facteurs de risques ne naissent pas libres et égaux… La tentation biomédicale… La lente affirmation de l’épidémiologie sociale… … jusqu’à devenir mainstream: notion de capital social Didier Fassin, “Le capital social, de la sociologie à l'épidémiologie : analyse critique d'une migration transdisciplinaire”, Revue d'épidémiologie et de santé publique, 2003, 51, La dynamique des RFs… pour une approche configurationnelle Association vs. Causation… langage formel et narration