Estimation de la prévalence de l’infection à Chikungunya au cours de l’épidémie de l’île de la Réunion: deux méthodes sérologiques pour deux moments critiques de l’épidémie Patrick Gérardin, Joëlle Perrau, Adrian Fianu, Philippe Grivard, Alain Michault, Claude Parain, Xavier de Lamballerie, Vanina Guernier, Antoine Flahault, François Favier Congrès International d’Epidémiologie, Paris, 10 – 12 septembre 2008
Etat des connaissances sur le Chikungunya Chikungunya = alphavirus, famille des Togaviridae, proche des flavivirus de la dengue et du West Nile, isolé pour la première fois en 1952 Avant l’épidémie de Chikungunya dans l’Océan Indien Circulation à l’état endémo-épidémique en Afrique, Inde, Asie du Sud – Est Taux d’attaque rapportés jusqu’à % Ré - émergences possibles 7 à 20 après première apparition Une arbovirose tropicale « bénigne » un peu négligée Après l’épidémie de Chikungunya dans l’Océan Indien Une catastrophe sanitaire sans précédent dans un pays développé Meilleure connaissance sur le virus, ses vecteurs, et sur la maladie Un regard différent sur les arbovirus Une risque sanitaire émergent global très surveillé
Objectifs des enquêtes de séroprévalence du Chikungunya à la Réunion Quantifier rapidement l’ampleur de l’épidémie au moment de sa flambée (janvier - février 2006) Préciser l’immunité grégaire ou la « réserve » de sujets non immunisés, restant susceptibles de développer la maladie à la fin de l’épidémie (août – octobre 2006) Quantifier la proportion de formes asymptomatiques ou inapparentes Valider l’outil de surveillance développé par la CIRE aux différents temps de la transmission
Méthodes (1) Enquête « rapide » chez la femme enceinte (S1) 15 janvier - 15 février laboratoires participants couvrant les 4 régions de l’île 19 labos satisfaisant les critères de qualité des tubes Parmi 3888 tubes de sérothèque prélevés pour surveillance de toxoplasmose, 888 échantillons analysés. Figure 1. Distribution régionale des laboratoires Gérardin et al. BMC Infect Dis :99
Méthodes (2) Enquête « académique » en population générale (S2) 17 août – 20 octobre 2006 Échantillon représentatif de la population réunionnaise, calculé sur une prévalence estimée à 35 ± 2%, risque α = 5%, taux de refus 20% Perrau et al. Economie de la Réunion 2007; 129: 3032 ménages tirés au sort après stratification sur l’âge, le sexe, la sous-région, la taille de la municipalité et le type d’habitat 2442 personnes éligibles après retrait des absents, des adresses invalides, des refus Questionnaire et auto prélèvement sur papier buvard. Sérologie ELISA
Figure 2. Nombre de cas incidents hebdomadaires de Chikungunya, Ile de La Réunion, 28 Mars 2005 – 16 avril 2006 (n = 244,000) Rénault et al. Am J Trop Med Hyg :
Tableau I. Statut sérologique pour le Chikungunya pendant la flambée épidémique (S1) et la phase post - épidémique (S2), Ile de la Réunion, 2005 – 2006 Sérologie négative Sérologie positive Total Femmes enceintes (S1)726(81,8)162(18,2) † 888 Population générale (S2)1475(60,4)967(39,6) ‡ 2442 Après redressement sur le plan de sondage: séroprevalence en S2: 38.2 % (IC95%: 35,9-40,6 %) Les données sont les effectifs des personnes interrogées avec les pourcentages (en ligne). † Anticorps IgM and IgG spécifiques anti-ChikV testés ‡ Anticorps IgG anti-ChikV specifiques testés Gérardin et al. BMC Infect Dis :99
Tableau II. Statut clinique croisé au statut sérologique pour le C hikungunya en phase post-épidémique (S2) Ile de La Réunion, Août – Octobre 2006 Chikungunya déclaré Sérologie négative Sérologie positive Total “Non”1217[82,5]116[12,0]1333[54,5] “Oui”118 [8,0]805[83,2]923[37,9] “Ne sait pas”140[9,5]46[4,8]186[7,6] Total1475[100]967[100]2442[100] Gérardin et al. BMC Infect Dis :99 Après redressement sur le plan de sondage, cas asymptomatiques : 5 % (IC95%: 3,9- 6,2 %) et formes inapparentes : 16,8 % Les données sont les effectifs des personnes interrogées et les pourcentages [en colonne]
Tableau III. Symptômes de Chikungunya déclarés croisés au statut sérologique en phase post-épidémique (S2), Ile de La Réunion, Août – Octobre 2006 SymptômesSérologie négativeSérologie positive *Total Arthralgies111(12,6)770(87,4)881 Fièvre92(10,9)753(89,1)845 Asthénie89(12,8)605(87,2)694 Céphalées69(11,2)545(88,8)614 Myalgies68(12,0)497(88,0)565 Rash41(7,7)493(92,3)534 FIèvre et arthralgies89(13,0)594(87,0)683 Les données sont les effectifs des personnes interogées et les pourcentages (en ligne). Valeur prédictive positive (VPP) * Gérardin et al. BMC Infect Dis :99
Figure 3. Comparaison mensuelle des cas suspects, des cas rapportés et des cas confirmés de Chikungunya, Ile de La Réunion, Avril Octobre 2006
Conclusions (1) Au pic de l’épidémie (15 février 2006) : estimation concordante des taux d’attaque : CIRE : 16,5% soit 130,000 personnes infectées Séroprévalence rapide : 18,2% soit 143,000 personnes infectées Registre périnatal Sud – Réunion : 20% chez les femmes enceintes A la fin de l’épidémie (20 octobre 2006) : sous estimation du taux d’attaque par la définition clinique: CIRE : 34,3% soit 266,000 personnes infectées Séroprévalence académique : 38,2% soit 300,000 personnes infectées Différentiel : cas non déclarés à la CIRE : Asymptomatiques – Faux positifs + cas ne répondant pas à la définition de cas probable retenue (fièvre + arthralgie)
Conclusions (2) 5% de cas asymptomatiques et parmi les sujets séropositifs, 16% de formes inapparentes << Dengue : 50% de formes inapparentes 70% de formes inapparentes Bonne VPP à 87% de la définition clinique du cas probable (fièvre+arthralgies) retenue par la CIRE, valide au moment du pic de transmission, mais nécessité d’une validation biologique des cas suspects en début et queue d’épidémie Le taux de séroprévalence à 38,2% déjoue les modèles mathématiques développés et traduit sans doute une hétérogénéité micro - régionale à l’échelon de la commune, plus complexe et sensible aux actions locales Dumont et al. Math Biosci :