La vision : de la perception à la (re)connaissance

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Transcription de la présentation:

La vision : de la perception à la (re)connaissance Un exemple d’organisation perceptive Nous allons ici nous intéresser à une des grandes fonctions perceptives, sans doute la plus étudiée, donc la mieux connue chez l’homme et l’animal: la vision. Nous nous appuierons sur cet exemple pour illustrer les liens qui unissent nos facultés biologiques à nos fonctions mentales, et nous tenterons de répondre pas à pas aux questions qui se posent lorsque l’on veut confronter perception et cognition. L’objectif sera donc ici de mettre à jour les étapes et mécanismes qui permettent de passer de l’ image rétinienne d’un objet à son image mentale.

Le système visuel: un outil perceptif et cognitif élaboré Le plus complexe des 5 systèmes sensoriels Une double fonction: sensorielle et perceptivo-motrice (guidage du mouvement yeux / corps) Des voies « spécialisées »: voie de la reconnaissance d’objets et de scènes: rôle du Cortex Visuel voie de contrôle de la motricité des yeux: rôle du Colliculus Supérieur Pour ce faire, nous allons essayer de faire un bref survol de notre système visuel: partie du système nerveux dévolue à la perception des radiations lumineuses que réfléchissent les objets de notre environnement. Ce syst., extrêmement complexe, pourra être étiqueté comme sensoriel dans les premières étapes de son fonctionnement, mais deviendra un syst. éminemment « cognitif » lorsque nous aborderons le fonctionnement cortical… Si tant est que l’on puisse opposer les notions de perceptif et cognitif, ce qui revient à poser une frontière entre les mécanismes de traitement de l’information dits « bottom-up » (de bas en haut… où l’information est extraite des entrées sensorielles) et ceux qualifiés de « top-down » (de haut en bas…lorsque nos connaissances guident notre façon de percevoir en dirigeant le prélèvement des informations pertinentes dans l’environnement). Mais commençons par le commencement: La vision est le plus complexe de nos 5 sens, cette complexité étant avérée par le nombre de neurones dévolus à cette fonction (plus de 3 fois plus d’axones dans le nerf optique que le nerf auditif, et plus aussi que l’ensemble des entrées sensorielles de la ME, qqsoit la modalité somesthésique). Dans son organisation anatomique, le syst. Visuel apparaît comme supportant une double fonction, matérialisée par 2 voies spécialisées: La voie purement sensorielle: consacrée à la reconnaissance des objets La voie perceptivo-motrice: contrôlant la motricité oculaire Ces 2 voies aboutissant respectivement au Cx visuel et aux Colliculi Sup.

Schéma des 2 grandes voies visuelles La rétine se projette d’une part sur les colliculi sup.: noyaux du TC = zone intermédiaire entre ME et cerveau, et d’autre part sur le cortex visuel après relais dans des noyaux profonds du cerveau: les CGL. Les colliculi présentent, comme les CGL, une carte rétinotopique permettant de localiser les points de l’espace d’où sont originaires les rayons lumineux à l’origine de la stimulation de la rétine. Ils utilisent ces infos pour contrôler les mouvements des yeux initiés par d’autres noyaux du TC: les noyaux oculomoteurs dont les neurones initient la contraction des muscles responsables des mouvements des yeux. Ainsi la voie « secondaire » visuelle, aboutissant aux C. Sup. gouverne l’orientation du regard pour explorer l’environnement et les saccades oculaires dues à la « capture du regard » par une cible en mouvement. L’autre voie, ou Voie visuelle principale, passe par deux structures où l’on retrouve une cartographie ordonnée de la rétine: les CGL et le CV primaire (Aire 17). Les cartes des CGL et du CV Ire ne sont pas fidèles: il existe une distorsion avec une surreprésentation de la région centrale de la rétine (80 à 90 % des n. ds les 2 struct.), au détriment de la rétine périphérique. Cette particularité est à l’origine d’une forte différence d’acuité visuelle pour les images se projetant dans et hors de la fovéa: les 1ères seront perçues avec une extrême finesse dans la perception des détails, alors que les secondes donneront lieu à une perception extrêmement grossière (ou « floue »). On retrouve ces phénomènes dans la carto. des autres modalités sensorielles (Cf. les disproportions des homonculus moteur et sensoriel des cx SI et MI) Trajets respectifs des voies de la reconnaissance et de l’oculomotricité (vue inférieure du cerveau)

Rétinotopie des colliculi supérieurs Il existe également une carte rétinotopique au niveau des colliculi supérieurs, particulièrement importante pour localiser des cibles en mouvement dans l’espace et organiser la poursuite occulaire.

Grandes étapes de la fonction visuelle (1) La rétine: Étape 1: photo transduction (niveau photorécepteurs) Étape 2: contraste (niveau cellules ganglionnaires) Les corps genouillés latéraux (CGL): Étape 3: synthèse binoculaire (couches parvo- et magno-cellulaires) Si l’on aborde maintenant ce syst. Visuel sous un angle fonctionnel, on peut découper la fonction visuelle en un certain nombre d’étapes, qui jalonnent la transformation et l’interprétation des signaux lumineux captés par la rétine. Dès ce niveau rétinien, d’ailleurs, prennent place deux étapes successives: - --- tout d’abord la photo transduction, mécanisme biochimique complexe s’effectuant dans des cel. spécialisées, les PhotoR, contenant des photopigments sensibles à la lumière et, pour certains, à des gammes particulières de longueurs d’onde des photons, spécificité sur laquelle repose la perception des couleurs. Ensuite, les signaux lumineux, traduits en messages nerveux, vont subir un premier « traitement » précoce, à travers les différents relais intra-rétiniens, dont l’aboutissement est une sélection des zones contrastées, càd des régions où une différence de luminance signale une discontinuité de l’environnement (bordures, ombres, variation chromatique…). Nous avons là les bases de la perception des objets statiques, en particulier, de leurs contours. Après la rétine, une troisième grande étape va être réalisée au cours du transfert des informations rétiniennes vers le Cortex Visuel, dans les CGL: c’est la confrontation entre les cartographies du même environnement visuel issues de chacun des yeux. De la comparaison des deux cartes rétiniennes dépend la vision stéréoscopique (en 3D) et la perception de la profondeur ( ou perspective). Ce sont ces mêmes CGL qui sépareront anatomiquement les signaux relatifs au mouvement des objets mobiles, qui seront véhiculés par de grosses cellules regroupées en 2 couches, dites magnocellulaires, et les signaux codant plus spécifiquement les propriétés de forme et de couleur, relevant de cellules plus petites constituant les autres couches des CGL, dites parvo-cellulaires.

Grandes étapes de la fonction visuelle (2) Le cortex: Étape 4: l’orientation Cortex visuel primaire (V1) Étape 5: forme (1) Cortex visuel secondaire (V2) Étape 6: forme (2) / couleur / mouvement Cortex visuels secondaires (V3, V4, V5) Lorsque nous arrivons dans le Cx, l’analyse des propriétés des objets ou des scènes visuelles se précise et se morcelle de plus en plus. Dans le cortex visuel Ire, zone de passage obligée de toutes les informations transitant dans les voies visuelles, un tri va s’opérer, principalement sur la base de l’orientation spécifique de portions des contours d’objets. Parallèlement, la ségrégation entre voie issue des couches magno-cellulaires des CGL et voie parvo-cellulaire, supportant la distinction mouvement / forme + couleur, est maintenue. Cette ségrégation va s’accentuer et se matérialiser dans des bandes alternées de cortex au niveau du Cx visuel secondaire V2, qui reçoit toutes les informations traitées dans V1, permet une élaboration de l’analyse des formes et dirige les signaux relatifs aux différents aspects des objets vers des aires secondaires spécialisées dans l’analyse respectives des formes en mouvement (V3), des formes statiques colorées (V4) où du mouvement indépendamment de la forme de l’objet qui en est animé (V5). Nous allons revenir sur chacune de ces étapes en essayant de décrire le plus spécifiquement possible ce qui les caractérisent et leur apport à la construction perceptive à partir du Monde physique environnant. Commençons par décrire succinctement la composition de la rétine.

L’architecture rétinienne Les fibres du nerf optique, partant de la rétine qui tapisse le fond de l’œil, sont les axones de la troisième couche principale de neurones qui constitue cette rétine: les cel. ggl. Avant de sortir de la rétine, le message nerveux a été « créé » par les PhotoR., 1ère cat. de cellules nerveuses de la rétine, situées dans la profondeur de celle-ci, posées sur l’épithélium pigmentaire qui leur fournit les molécules de photopigments nécessaires à leur fonctionnement. L’homme est doté de deux types de PhotoR: les cônes et les bât. Les cônes, sont concentrés au centre de la rétine (fovéa). Insensibles aux faibles luminosités, ils fonctionnent à la lumière diurne et permettent à la fois la discrimination des longueurs d’onde (couleurs) grâce aux trois catégories de photopigments répartis respectivement dans trois sous-classes de cônes, et une vision de grande précision grâce à leur pouvoir séparateur, appelé acuité. Cette faculté repose sur des réseaux faiblement convergents entre les cônes et les cellules corticales. Les bât., bcp plus nombreux que les cônes, mais concentrés dans la rétine périphérique, ont une très grande sensibilité qui les spécialise dans la vision en faible luminosité. Leur faible pouvoir de distinction des points proches (mauvaise résolution spatiale) est compensé par une grande sensibilité aux stimuli en mouvement. Ainsi, les prémisses de la distinction du « quoi » (forme) et du « où » (localisation / mouvement) existent dès le premier niveau de la rétine. Entre PhotoR et cel. ggl existent des couches de cel. « relais », les cel. bipolaires, maillons de la chaîne directe de sortie de la rétine, mais aussi les cel. horizontales et amacrines, intervenant respectivement sur les premier et deuxième relais synaptiques et jouant un rôle primordial, du fait des connexions transversales qu’elles établissent entre les synapses de groupes cellulaires voisins, dans l’intégration du message visuel dès la rétine.

Cellules ganglionnaires et contraste (1) (étape 2) Propriétés (Küffler, 1952): activité spontanée (potentiels d’action) champs récepteurs circulaires antagonisme centre / périphérie Küffler fut le 1er à pouvoir enregistrer l’activité unitaire de cel. rétiniennes, en implantant des électrodes ds le nerf optique. Il put ainsi observer les principales propriétés fonctionnelles de ces cellules. 1er constat: les cel. ggl ne sont pas « muettes » à l’obscurité mais déchargent en permanence, càd présentent une activité spontanée sous forme de pot. d’actions réguliers, en l’absence de tout stimulus lumineux. La lumière intervient en modulant la fréqce de décharge spontanée de ces cel., soit en l’augmentant, soit en la diminuant. 2ème constat: en balayant la rétine avec un fin faisceau lumineux, K. détermine la position et la forme de la région dans laquelle la stimulation provoque une modification de décharge d’une cel. particulière. Il établit ainsi les caractéristiques de cette zone, appelée champ rétinien, puis, par extension à l’espace, champ récepteur de la cel. considérée. Les 2 prop. Majeures de ces CR sont: qu’ils sont tous circulaires, mais de taille variable (plus petits au centre de la rétine, donc pour les cônes, couvrant qqs minutes d’angle visuel, soit des taille de l’ordre du 60ième de d°; plus grands à la périph.: couvrant jusqu’0 20 d° d’angle vis.) Ainsi a-t-on l’explication de la différence d’acuité visuelle entre le centre et la périph. Rétinienne, responsable d’un pouvoir de discrimination extrêmement contrasté. Qu’ils sont hétérogènes au regard de la localisation de la stimulation. Il existe un antagonisme de réponse entre la zone centrale et la zone périph. D’un même CR: si la stimulation provoque une augmentation de décharge au centre, elle induira une diminution de cette fréqce à la périph. (cel. centre ON ); le pattern inverse existant également (cel. centre OFF) La figure suivante nous permet d’illustrer ce phénomène de réponse antagoniste et de l’expliquer au regard de la connectique intra-rétinienne reliant les photoR aux cel. ggl.

Réponses des cellules ganglionnaires à la lumière: l’antagonisme centre / périphérie En faisant varier la taille des spots, Küffler a découvert que le CR des CGgl n’est pas homogène mais composé d’une zone centrale excitatrice et d’un pourtour inhibiteur ou l’inverse. D’où la classification des cellules en « contre ON » ou « centre OFF ». Le stim. Excitateur maximum de la cellule dite « ON » est un spot central d’un diamètre donné (correspondt au diamètre du centre du CR), alors que le stimulus inhgibiteur max est un anneau dont le rayon et l’épaisseur définissent la taille du CR périphérique. En revanche, une lumière diffuse sur le centre + l’anneau est relativement ineffective, même si, contrairement à ce dessin, on peut observer de légères différences entre cellules centre ON et OFF, du fait de la prédominance de la réponse du centre sur celle de la périphérie. A gauche, vous voyez l’explication physiologique de cet antagonisme de réponse des cel. ggl (G): ce sont des détecteurs de contraste: elles sont connectées à un groupe de photoR ® par des cel. bipolaires (B) qui ont une réponse binaire à la lumière: soit excitatrice (ON), soit inhibitrice (OFF). L’intervention de cellules horizontales (H) qui connectent les R de la prériphérie à une cel. bipolaire du centre va inhiber la cellule bipolaire, donc inverser ou annuler sa réponse. Cette influence de la périphérie sur le centre s’appelle l’inhibition latérale.

Réponses des cellules ganglionnaires à la lumière: l’antagonisme centre / périphérie (2)

Réponses des cellules ganglionnaires (centre OFF/ périphérie ON)

Réponses des cellules ganglionnaires (centre OFF / périphérie ON)

Cellules ganglionnaires et contraste (2) (étape 2) Organisation de l’effet de contraste: Rôle des cellules bipolaires Voie directe Rôle des cellules horizontales Inhibition latérale Rôle des cellules amacrines Déplacement de cibles

Rôle des cellules bipolaires: « effet centre »

Rôle des cellules horizontales: « effet périphérie »

Mise en évidence des effets d’inhibition latérale dans la perception visuelle: la grille d’Hermann

Explication des « illusions perceptives » de la grille d’Hermann

Modèle du codage d’un mouvement directionnel au niveau d’une cellule ganglionnaire Le rôle des cellules amacrines est très mal connu, mais il semblerait qu’elles interviennent dans le codage de la direction des mouvements. Un modèle a été proposé (par ???) pour expliquer la façon dont ces cellules permettraient ou non la transmission du message selon la direction du stimulus lumineux. Même si la cohérence de ce modèle n’est pas flagrante, il illustre un mécanisme possible d’une inversion de codage au niveau ganglinnaire.

Trois types de cellules ganglionnaires Cellules X, P ou naines: vision des détails Cellules Y, M ou parasol: orientation du regard Cellules W, K: détection du mouvement Constat: dès la rétine, existence de « canaux » parallèles de traitement de l’information visuelle Par ailleurs, des travaux parallèles et ultérieurs à ceux de Küffler (notamment ceux de Christina Enroth-Cugell) ont montré qu’il existait au moins trois types de cellules gangl. Spécialisées: Les cel. X, P ou naines : petites, à arborisation dendritique peu ramifiée, et à petits CR, se projetant toutes vers le cx visuel via les CGL. Leurs propriétés les psécialisent ds la vision des détails. Les cel. Y, M ou parasol : moins nombreuses et plus grosses, avec des dendrites très ramifiées, leur permettant de couvrir un large espace rétinien => grands CR. Elles projettent en // sur le cx visuel et le colliculus supérieur => rôle d’orientation du regard Les cel. W ou K : groupe le plus hétérogène, comprenant surtout des cel. petites mais à large arborisation dendritique. Elles n’auraient pas nécessairement de CR antagonistes (centre / périph.) et permettraient de détecter les stimuli en mouvement. Elles se projetteraient majoritairement sur le colliculus supérieur. Ce serait grâce à ces différents contingents cellulaires que l’information issue d’un même point de l’espace (donc projetée en un point de la rétine) serait projettée séparément et en même temps dans différentes régions du SNC (colliculus et cortex via CGL)

Modes de réponse des cellules M et P

Rappel: les voies visuelles La rétine se projette d’une part sur les colliculi sup.: noyaux du TC = zone intermédiaire entre ME et cerveau, et d’autre part sur le cortex visuel après relai dans des noyaux profonds du cerveau: les CGL. Les colliculi présentent, comme les CGL, une carte rétinotopique permettant de localiser les points de l’espace d’où sont originaires les rayons lumineux à l’origine de la stimulation de la rétine. Ils utilisent ces infos pour contrôler les mouvements des yeux initiés par d’autres noyaux du TC: les noyaux oculomoteurs dont les neurones initient la contraction des muscles responsables des mouvements des yeux. Ainsi la voie « secondaire » visuelle, aboutissant aux C. Sup. gouverne l’orientation du regard pour explorer l’environnement et les saccades oculaires dues à la « capture du regard » par une cible en mouvement. L’autre voie, ou Voie visuelle principale, passe par deux structures où l’on retrouve une cartographie ordonnée de la rétine: les CGL et le CV primaire (Aire 17). Les cartes des CGL et du CV Ire ne sont pas fidèles: il existe une distorsion avec une sur-représentation de la région centrale de la rétine (80 à 90 % des n. ds les 2 struct.), au détriment de la rétine périphérique. Cette particularité est à l’origine d’une forte différence d’acuité visuelle pour les images se projetant dans et hors de la fovéa: les 1ères seront perçues avec une extrême finesse dans la perception des détails, alors que les secondes donneront lieu à une perception extrêmement grossière (ou « floue »). On retrouve ces phénomènes dans la carto. des autres modalités sensorielles (Cf. les disproportions des homonculus moteur et sensoriel des cx SI et MI) Trajets respectifs des voies de la reconnaissance et de l’oculomotricité (vue inférieure du cerveau)

Cellules géniculées (CGL) et synthèse binoculaire (étape 3) Organisation en couches des CGL: Couches magnocellulaires (projections des cel. M): Grosses cel. à réponse phasique et achromatique Traitement du mouvement et des formes en mouvement Couches parvocellulaires (projections des cel. P): Petites cel. à réponse tonique et sélective aux couleurs Traitement de la couleur et des détails de la forme

Mise en évidence des couches de projection des cel Mise en évidence des couches de projection des cel. ganglionnaires de l’œil ipsi-latéral au CGL

Rappel des étapes corticales de la fonction visuelle Le cortex: Étape 4: l’orientation Cortex visuel primaire (V1) Étape 5: forme (1) Cortex visuel secondaire (V2) Étape 6: forme (2) / couleur / mouvement Cortex visuels « associatifs » (V3, V4, V5) Lorsque nous arrivons dans le Cx, l’analyse des propriétés des objets ou des scènes visuelles se précise et se morcelle de plus en plus. Dans le cortex visuel Ire, zone de passage obligée de toutes les informations transitant dans les voies visuelles, un tri va s’opérer, principalement sur la base de l’orientation spécifique de portions des contours d’objets. Parallèlement, la ségrégation entre voie issue des couches magno-cellulaires des CGL et voie parvo-cellulaire, supportant la distinction mouvement / forme + couleur, est maintenue. Cette ségrégation va s’accentuer et se matérialiser dans des bandes alternées de cortex au niveau du Cx visuel secondaire V2, qui reçoit toutes les informations traitées dans V1, permet une élaboration de l’analyse des formes et dirige les signaux relatifs aux différents aspects des objets vers des aires secondaires spécialisées dans l’analyse respectives des formes en mouvement (V3), des formes statiques colorées (V4) où du mouvement indépendamment de la forme de l’objet qui en est animé (V5). Nous allons revenir brièvement sur chacune de ces étapes en essayant de décrire le plus simplement et spécifiquement possible ce qui les caractérise et leur apport à la construction perceptive à partir du Monde physique environnant.

Deux types de cellules du cortex primaire (V1) 1: Les cellules simples

Organisation de V1 en colonnes d’orientation

Technique d’Hubel et Wiesel mettant en évidence l’existence de colonnes d’orientations

Combinaison entre colonnes d’orientation et colonnes de dominance oculaire

Deux types de cellules du cortex primaire (V1) 2: Les cellules complexes Les cel. complexes sont capables de détecter l’orientation d’un « trait » quelle que soit sa position dans le champ visuel. De plus, ce sont des cel. à comportement phasique (adaptation rapide), qui ne maintiendront donc leur décharge que s’il y a activation successives par plusieurs cel. simples (ayant toutes la même orientation sélective). L’organisation du cx vis. Ire en colonnes d’orientation permet de comprendre: 1/ la connectivité des cel. simples de même orientation sur une même cel. complexe et 2/ l’information relative au mouvement d’une forme stable (par répétition du pattern d’activation à chaque passage dans une col. ayant l’orientation désirée…).

Activation du cortex par une forme en mouvement Ainsi, nous voyons ici une modélisation de l’activation corticale par une forme en mouvement (ou plus exactement un segment pouvant correspondre à tout ou partie d’un contour de forme) Il est à noter que les cel. complexes sont les plus nombreuses (les ¾ du cx primaire!) ce qui veut dire que la majorité de ce cortex est impliqué dans l’analyse de formes en mouvement! Surprenant? Pas si l’on considère que notre rétine est soumise à d’incessants changements de position des objets qu’ils soient en mouvement ou statiques, puisqu’il faut prendre aussi en compte les mouvements saccadiques des yeux…

Mode de réponse des cellules hypercomplexes du cortex secondaire (V2) Dans le cortex visuel secondaire (V2, A18 et 19 de Brodmann), on trouve les cellules dont le pattern de réponse est le plus élaboré: elles ne répondent à la barre excitatrice qu’à condition que celle-ci soit de longueur précise, càd ne déborde pas trop du champ excitateur. Cette réponse se conçoit dans un modèle de CR ayant une bande centrale excitatrice, entourée de deux bandes latérales inhibitrices. Les propriétés de sensiblilité au mouvement rendent plausible un modèle de convergence des cel. complexes de V1 sur ces cel. hypercomplexes, tel que le proposaient Hubel et Wiesel dans leur modèle hiérarchique: une cel. « excitatrice » au centre et deux cel. « inhib. » de chaque côté. Ces cellules HCompl. réagissent soit à une barre de longueur définie, soit à une ligne présentant des changements de direction (courbure ou angles), comme le montre l’illustration en bas à Gche. On voit alors s’esquisser la possibilité d’une analyse des contours d’objets par sommation successive des analyses locales des bords et des angles… Ainsi, en continuant la cascade de convergences de cel. de bas niveau vers des cel. de plus haut niveau, on arrive au modèle hiérarchique de complexité croissante permettant une abstraction de plus en plus importante des propriétés des objets présents dans le champ visuel.

A propos de la convergence et de la complexification du message visuel Une organisation hiérarchique: génératrice d’abstraction Jusqu’où? Le concept de la cellule « grand’mère » Idée battue en brèche: découverte du fonctionnement des aires visuelles « associatives » (S. Zeki ) N’oublions pas cependant que cette hiérarchisation a ses limites et que l’existence de cel. « hyper-hyper-complexes », spécifiques pour une seule forme complexe (les fameuses « cel. grand’mère ») ne semble pas plausible et surtout serait très coûteuse en terme de neurones engagés… Au contraire, les modèles parallèles / distribués sous-tendant un traitement modulaire de l’info., ont trouvé une validation dans la découverte de Semir Zeki de l’existence de faisceaux parallèles envoyant les informations dans différentes parties du cortex au-delà de V2. Ainsi Zeki a proposé que des mécanismes d’analyse perceptive « spécialisés » prendraient en charge un attribut particulier, sélectionné, d’une scène visuelle. Il a également proposé un fonctionnement « en réseau » de ces aires spécialisées, dont l’activation simultanée ferait émerger la mise en correspondance des attributs d’un même objet ou d’une même scène. L’intérêt d’une telle modélisation est qu’elle permet aisément d’imaginer que cette combinatoire d’activités synchrones puissent s’étendre à d’autres modules cérébraux que ceux dévolus à l’analyse visuelle (ex.: auditifs, tactiles , etc.), ce qui rendrait compte de la nature multi-sensorielle élaborée de la plupart de nos expériences perceptives…

Spécialisation des « aires visuelles associatives » ou cortex préstrié Observations de Zeki (années 70): V4: Cel. à orientation préférentielle + long. d’onde (formes colorées / couleurs) V5: Cel. sensibles aux mouvements, souvent dans une direction spécifique V3: Cel. sensibles à orientation préférentielle + mouvement (formes en mouvement) Voici plus concrètement les spécialisations de chacune des aires visuelles secondaires spécialisées telles que Zeki les a décrites dans les années 70 (ces propositions ont découlé de nombreuses expérimentations en enregistrement intra-cortical couplé à l’utilisation de nombreux stimuli complexes…) Sur la base de ces observations, Zeki proposa l’existence de 4 voies visuelles spécialisées: Cf Diapo suivante…

Spécialisation des « aires visuelles associatives » ou cortex préstrié Zeki propose l’existence de 4 voies visuelles spécialisées: Voie d’analyse de la couleur: Part de régions spécifiques de V1 qui se superposent aux colonnes (d’orientation et de dominance oculaire), appelées tâches ou ilôts chromatiques (blobs en anglais), et aboutit à l’aire associative V4, directement ou indirectement après un relais dans les bandes fines ou minces de V2. Voie d’analyse des formes colorées: Part des régions inter-tâches (inter-ilôts ou inter-blobs) de V1 et rejoint aussi V4 après relais dans les régions inter-bandes de V2 Voie d’analyse du mouvement: Part de la couche 4B de V1 et aboutit à V5, directement ou après relais dans les bandes larges ou épaisses de V2. Voie d’analyse des formes en mouvement: Est identique à la voie du mouvement, mais qui aboutit dans l’aire V3

Validations expérimentales et cliniques Double confirmation de la théorie de Zeki: Tomographie par Emission de Positons (TEP / PET) Augmentation du débit sanguin dans V4 : peinture abstraite Augmentation du débit sanguin dans V5 : patterns noirs et blancs en mouvement Troubles sélectifs visuels: Achromatopsie (lésion de V4) Akinétopsie (lésion de V5) A l’aide d’un appareillage TEP, Zeki et des col. ont pu + tard confirmer cette théorie des voies parallèles spécialisées: Ils ont observé une augmentation du débit sanguin cérébral spécifiquement dans l’aire V4 chez des sujets à vision normale qui regardaient des tableaux de peinture abstraite (non figuratifs) colorés En revanche, lorsque ces sujets regardaient des images en noir et blanc et en mouvement, l’augmentation la + significative du débit se situait dans l’aire V5. Par ailleurs, les troubles sélectifs de la vision, tels que l’achromatopsie (atteinte de V4) et l’akinetopsie (lésion de V5) avaient préalablement apporté d’autres preuves pour la validation de l’hypothèse de traitement spécifiques séparés… A noter qu’un trouble touchant la reconnaissance des formes isolément et dans sa totalité (qui correspondrait à une lésion sélective de V3) n’a jamais été observé, sûrement du fait de la quasi-impossibilité qu’une telle lésion n’atteignent pas également au moins une partie de V1 et V2 (pour des raisons de proximité anatomique et d’irrigation de même origine de ces 3 cx visuels).

Voies ventrale (quoi?) et dorsale (où?) chez le macaque Finalement, du fait de leur localisation respective dans le cx inféro-temporal (V4) et dans le cx pariétal (V5), les traitements respectifs de la forme et des couleurs d’une part et du mouvement et de la localisation des objets dans l’espace d’autre part, ont aussi été matérialisés par deux voies aux trajets distincts: la voie ventrale (ou du « quoi ») et la voie dorsale (du « où »), telles qu’elles sont illustrées ici sur un cerveau de macaque.

Conclusion 1: des informations triées et des aires de traitement spécialisées Dans V1 et V2: Analyses élémentaires regroupées par canaux (maintien des ségrégations M / P) Triage des sorties vers les aires spécialisées (V3 à V5) à deux vitesses (avec ou sans synapse dans V2) Recombinaison des 3 informations de base (couleur, forme, mouvement) en 4 systèmes parallèles: 1 syst. « couleur » 1 syst. « mouvement » 2 syst. « forme »: « formes en mouvement » + « formes colorées » En conclusion, on peut considérer que l’aire V2 opère un triage des sorties de V1 vers les aires spécialisées préstriées. C’est là que les trois informations élémentaires relatives à la forme, à la couleur et au mouvement, véhiculées tout au long des voies visuelles par les canaux P et M, sont recombinées en 4 systèmes de traitement parallèles, focalisés sur des attributs distincts de l’objet ou de la scène visuelle: Un syst. détecteur de couleur, un autre de mouvement, et deux syst. détecteurs de forme plus élaborés et intégrant respectivement les caractéristiques de forme et de mouvement: un dédié à l’analyse de formes colorées complexes, l’autre à l’analyse des formes en mouvement ou des mouvements complexes. Une particularité dans l’établissement des voies intra-corticales permet de sous-tendre cette possible intégration forme + couleur ou forme + mouvement au sein de V2: l’existence de synapses « facultatives » dans les bandes larges et minces (épaisses et fines) de V2. Ainsi les informations « simples » de mouvement et de couleur traverseraient directement et rapidement V2 (sans modulation) alors que parallèlement, l’intervention des synapses permettrait de « construire » un message plus intégé et élaboré (mais moins rapide)…

Conclusion 2: question en débat: où et comment s’opère la synthèse? Hypothèse de « l’aire maîtresse » abandonnée (pas de « candidat »…) Constat: nombreuses « interconnexions » entre aires spécialisées: le fonctionnement en réseau comme support de l’unification perceptive Maintenant, reste à répondre à la question fondamentale que se posent tous les chercheurs étudiant la vision (Cf film): Comment les aires spécialisées interagissent-elles pour fournir une image intégrée, unifiée du Monde? L’idée d’une aire de synthèse sur laquelle toutes les informations préalablement traitées en parallèle convergeraient a été abandonnée tant pour des raisons théoriques que pour l’absence manifeste d’une quelconque structure anatomique « candidate » Reste l’observation de nombreuses connexions réciproques directes ou médiées (par d’autres aires) entre les différentes aires spécialisées, qui milite en faveur d’un fonctionnement en réseau dont émergerait la synthèse et l’unification de l’analyse perceptive. La nature des mécanismes de cette intégration n’est pas encore totalement élucidée, mais Zeki a proposé qu’un rôle important soit joué par les connexions rétroactives (des aires d’aboutissement vers les aires d’émission des messages).

Exemple de l’intégration localisation / mouvement La rétroaction: candidate la plus plausible pour une unification de la vision du Monde Exemple de l’intégration localisation / mouvement V5: cellules à large CR + propriétés d’analyse du mouvement V1 / V2: cellules à petits CR + orga. topographique Intégration : report des données extraites par V5 sur les cartes topographiques par des connexions en retour V5 V1 / V2 Pour illustrer ce rôle, voici un exemple: pour comprendre un mouvement, le cerveau doit déterminer quels éléments du champ visuel se déplacent dans la même direction et à la même vitesse. Les cellules de V5 peuvent faire cette analyse mieux que celles des aires sous-jacentes, grâce notamment à leur larges champs récepteurs… Mais en raison même de cette grande taille de leurs CR, ces cellules sont inaptes à localiser le stimulus au sein du C. Visuel., alors que les cel. de V1 et de V2, elles, ont des CR réduits dont l’agencement respecte une carte topographique de la rétine et du CV. Ainsi, pour obtenir une information spatiale intégrée relative à la position et au mouvement d’un objet dans l’espace, le cerveau devrait nécessairement se fonder sur des retours d’information d’aires de « haut niveau » vers des aires de plus bas niveau (comme ici, de V5 sur V1 et V2).

Exemple d’intervention de connexions rétroactives dans le traitement perceptif Autre exemple du rôle des connexions rétroactives (ici, de V2 vers V1): La perception des contours illusoires du triangle de Kanizsa Dans cette illusion visuelle, on perçoit un triangle blanc dont le tracé n’existe pas (ou est à peine ébauché par les angle entrant dans les 3 cercles). En enregistrant l’acitivité des cel. de V1, des chercheurs ont confirmé que celles dont les CR étaient traversés par les tracés « imaginaires » du triangle blanc ne présentaient aucune activité, mais que les cel. de V2 (qui reçoivent leurs messages de ces cel. de V1), du fait de leurs CR plus grand et de leur fonction d’analyse plus poussée, s’activent et « déduisent » donc la présence de ces lignes… Les chercheurs en ont déduit que la perception de ces contours s’appuierait sur des connexions rétroactives des cel. de V2 vers celles de l’aire V1.

Trois fonctions simultanées du système rétroactif synchronisation des signaux de forme et de mouvement (V4 V5) Retour des informations vers des aires cartographiques (V5 V1 / V2) Intégration des informations relatives à la forme et au mouvement (V4 + V5 V3 ?) Finalement, le syst. de rétroaction peut avoir 3 fonctions simultanées: Il peut unifier et synchroniser les signaux de forme et de mouvement trouvés dans deux aires différentes Il peut renvoyer les informations de mouvement vers des aires à cartes topographiques précises Il peut intégrer des informations de mouvement et de forme dans une autre aire « sous-jacente ». Ainsi, le syst. Rétroactif peut participer à l’unification des signaux issus de l’analyse des différents paramètres des stimuli visuels qui nous entourent…