Art arabo-normand : la culture islamique en Sicile médiévale De Byzance aux Hommes du Nord : le tremplin islamique
« L'histoire toute entière de la Sicile est dédiée à la rencontre des cultures et à la dialectique des formes. Sa position de carrefour au plein cœur de la Méditerranée l'exposait plus que d'autres à la convoitise marchande et aux stratégies de pouvoir. Véritable engrenage entre la rive nord et la rive sud de la Méditerranée, avant-poste idéal des ambitions impérialistes, elle a subi tour à tour l'influence des Phéniciens et des Grecs, des Romains, des Byzantins, des Arabes, des Normands…
Mais les civilisations successives qui s'y sont fixées ont toujours entretenu un subtil dialogue, sans doute favorisé par l'hétérogénéité des populations autochtones, et les splendides œuvres d'art qui sont issues du contact entre les civilisations et dont l’art arabo-normand est un ensemble unique dans le panorama européen.
Quantité de monuments dus à Roger II ou à Guillaume II sont rehaussés de ces savantes symbioses, et les chroniqueurs du temps n'ont pas de mots assez vibrants pour décrire la magnificence des palais et des maisons de plaisance, la luxuriance des jardins, le raffinement des marbres et la rutilance des mosaïques : les rois normands y vivent en émirs…
Il y a aussi l’architecture religieuses qui en appellent au répertoire décoratif islamique, tandis que le souvenir arabe reste vif dans les techniques de construction ou dans les ouvrages défensifs, mais aussi dans les arts mineurs et l'épigraphie, la toponymie ou le légendaire…
Palerme, est le point de départ de la diffusion de la culture islamique dans l'île; elle devient le tremplin de la diffusion islamique à tous les registres : dans les bâtiments ecclésiastiques ou palatiaux, et révèle avec subtilité que c'est aussi toute une koinè culturelle islamique qui a persisté à l'âge normand.
Réinvestissant la Conca d'Oro (= la baie de Palerme) où les émirs caressaient de luxueux divertissements entre jardins suspendus, terrasses, vergers et piscines, les Comtes de Sicile ponctuent le vaste parc royal d'architectures aux accents clairement orientaux. La tour Alfaina, les palais de Maredolce et d'Uscibene, mais surtout les deux pavillons de la Zisa et de la Cuba témoignent de l'admiration de la puissance normande pour le prestige des maîtres précédents.
Mais lorsqu'il est réenglobé dans des édifices normands pour être réinterprété par l'architecture régalienne et étatique, l'art islamique donne alors la pleine mesure de son expressivité : au plus fort de l'équilibre politique et culturel de la seconde moitié du XIIe siècle, la synthèse arabo-normande s'épanouit dans une originalité puissante, fondée sur trois siècles d'intégrations réussies de motifs, de typologies, de techniques ou d'infrastructures - mais aussi de rapports politiques culturels et sociaux assumés en conscience au sommet de l'État.
Dans la Chapelle Palatine, le fantastique plafond à caissons à mouqarnas et entrelacs cernés d'inscriptions coufiques, typiquement musulmanes, apporte un éclairage fondamental sur la peinture fatimide de l'époque : c'est l'un des seuls répertoires figuratifs qui nous soient parvenus de toutes ses aires d'influence. Conservé en tant que tel, comme c'est encore le cas dans le sublime cloître de Saint-Jean des Ermites, ou dans d'autres éléments décoratifs introduits dans l'architecture religieuse, le langage islamique s'affiche donc en évidence.
Quelques monuments de la période arabo-normande
La chapelle palatine Elle se trouve au premier étage du Palais des Normands, dédiée par Roger II à l’apôtre Saint Pierre en 1132 .
Elle est née pour les nécessités du rite latin et grec Elle est née pour les nécessités du rite latin et grec. Le plan de l’église est basilical à trois nefs (rite latin) et le presbytère (byzantin) est surmonté d’une coupole.
Le Christ Pantocrator dans la coupole est une réalisation typiquement byzantine. Parmi les mosaïques plus anciennes on peut remarquer le baptême de Jésus avec une merveilleuse réalisation de vagues.
Les saints et les pères de l’église se trouvent sur les piliers et sur les arcs Le cierge pascal est formé de labres en marbre et est lié à la culture du Nord .
Le plafond est en muquarnas (= sculptures en bois qui représentent des stalactites et des alvéoles et font penser à des grottes)
C’est un exemple unique au monde de décorations islamiques peintes avec des représentations de figure humaines à l’intérieur d’un lieu de culte.
La chapelle est l’exemple plus élevé du point de vue historique et artistique de la connivence entre les cultures, les religions et les façons de penser apparemment inconciliables, vu que des artisans byzantins, musulmans et latins furent concernées par la gestion du pouvoir de Roger II
Saint Jean des Hermites L’église se trouve dans les environs du Palais des Normands et fut érigée en 1142 sous Roger II
Elle représente un exemple typique d’architecture arabo-normande.
Elle fut construite sur les restes de constructions précédentes: un temple dédié à Mercure, une église byzantine et une mosquée arabe.
La structure à croix surmontée de cinq coupoles représente parfaitement l’architecture fatimide, et donc arabe et est pleine de symbolisme : le cube représente la terre et le profane, par contre la demi-sphère représente le ciel et le sacré
La cathédrale de Palerme
La Cathédrale, dédiée à l’Assomption de la Vierge Marie au ciel, est une grande structure formée dans des styles différents, en raison de différentes étapes de la construction. Construite en 1185 par l’archevêque Gaultier Offamilio la zone de la première basilique, que les Sarrasins avaient transformée en mosquée a subi plusieurs rénovations au cours des siècles et la dernière a été a la fin du XVIIIe siècle, lorsque, au moment de la consolidation structurelle, on a radicalement refait l’intérieur conçu par Ferdinando Fuga , en trois nefs très allongées
L’intérieur, qui a subi de profondes transformations à la fin XVIIIe siècle, et au début, du XIXe siècle est à croix latine avec trois nefs divisées par des piliers avec des statues de saints qui faisaient partie de la décoration de la tribune de Gagini.
Dans la nef de droite, dans la première et deuxième chapelle l’une à cote de l’autre, se trouvent les tombes impériales et royales des Normands, autour desquelles tourne une riche histoire d’intéret romantique : Roger II, roi dès 1130, avait établi déjà en 1145 que la cathédrale de Cefalù, qu’il avait fait construire serait devenue le mausolée de la famille royale.
à cet égard il avait fait mettre en place deux sarcophages de porphyre: un granit très précieux et d’une dureté considérable, originaire d’Egypte, de couleur rouge foncé qui dans l’antiquité avait été utilisé exclusivement pour les Commissions impériales ou mieux dit pharaoniques.
A sa mort en 1154, cependant, il fut enterré de même que sa femme dans la cathédrale de Palerme dans un tombeau de porphyre à la forme beaucoup plus simple.
En 1215, Frédéric II avait fait transporter les deux sarcophages de la cathédrale de Cefalù à celle de Palerme. Palerme était pour lui et pour son père, Henry VI la capitale des normands. Le sarcophage de Frédéric II est couronné par un dais à colonnes de porphyre et l’urne est soutenu e par deux paires de lions, de même que ceux de Frédéric II ont été conservés les restes de Pierre II d’Aragon.
Les autres tombes sont celles de Constance d’Aragon (1183-1222), soeur du roi d’Aragon et épouse de Frédéric II, de Guillaume, duc d’Athénes, fils de Frédéric III d’Aragon, et de l’impératrice Constance d’Altavilla, fille de Roger II et mére de Frédéric II.
La cathédrale est flanquée de quatre tours de l’époque normande et coiffée d’une coupole.
Au sud elle est reliée à l’archevêché par deux grands arcs en ogive où se dresse le clocher avec l’horloge. La façade principale donne sur Via Bonello, nous retrouvons aussi un jardin plein de sculptures. L’apparition vient de la présence des tours gothiques et de créneaux, des fenêtres à meneaux et des colonnes cintrées qui longent le coté droit du bâtiment.
LA CUBA Dernier des monuments de la Palerme normande, elle est un exemple typique de l’architecture civile de la ville.
Le palais fut construit sous Guillaume II en 1180. Les architectes étaient arabes
Pas loin du palais royal et entouré d’un énorme jardin appelé « Geoardo » ou mieux dit paradis terrestre
La construction avait un seul étage, elle était divisée en trois parties , elle n’avait pas d’appartements privés.
Elle était entourée par un petit lac carré qui n’existe plus aujourd’hui et elle a une forme rectangulaire de 31.15mètres sur 16.80
La salle centrale était embellie par des muqarnas dont il n’en reste que une.
La Cuba n’était au fond rien qu’un pavillon diurne où le roi résidait pendant la journée ; il y assistait aux fêtes et aux cérémonies; il s’y reposait et s’y rafraichit pendant les lourdes journées des étés palermitains.
A la fin de l’époque normande le palais ne fut plus utilisé, les magnifiques jardins furent détruits et l’écrivain italien Boccaccio y pris l’inspiration pour écrire sa sixième nouvelle de la cinquième journée..
LA ZIZA Le palais de la Ziza (nom d’origine arabe: al aziza voulait dire « la splendide) se trouvait hors des murs de la ville de Palerme.
Le palais a été conçu comme résidence estive Le palais a été conçu comme résidence estive. Il nait d’un projet unitaire et a été réalisé par un architecte d’origine arabe, qui était conscient d’un bon nombres de petits trucs qui rendaient plus confortable cette structures pendant les mois chauds de l’été
C’est un édifice orienté vers le nord-est, et donc vers la mer afin de pouvoir profiter de la bise marine. Cette bise était captée par le palais à travers trois grande ouvertures au rez-de-chaussée et à travers la grande fenêtre.
Ces vents furent rendus humides grace au passage au dessus du grand lac devant la facade du palais et la présence d’eau courante dans la salle de la fontaine donnait une impression de fraicheur.
Même la collocation interne des différentes pièces était conditionnée par un système assez complexe de circulation de l’air à travers des canaux de ventilation. Le reste, c’était les fenêtres qui le complétait.
La stéréométrie et la symétrie du palais sont absolues.
Il y avait aussi en annexe à ce palais des thermes et une chapelle palatine dont on a depuis peu découvert les restes.
Les premières nouvelles de la construction de ce palais remontent à 1165. (Liber de Regno Siciliae). Le même livre nous dit qu’à la mort de Guillaume I en 1166, la plus grande partie du palais avait déjà été complétée, et que c’est son fils et successeur, Guillaume II qui finira l’œuvre .
Le palais ne fut pratiquement pas modifié jusqu’au XVII° siècle, quand le palais passa à la famille des princes de Notarbartolo.
Aujourd’hui, le palais accueille le musée de l’art islamique
D’autres exemples D’architecture arabo-normande (que nous n’avons pas eu l’occasion de voir)
La cathédrale de Cefalù
Le dôme de Monreale
Toute la bible racontée…. En mosaïques
Son cloitre
Milazzo (prov. De Messine) Plusieurs châteaux…. Milazzo (prov. De Messine)
Castellamare (prov. De Trapani)
Calatabiano (prov. De Catania)
Acicastello (prov. De Catania) et tant d’autres…
Merci de votre attention