Politiques économiques Politiques économiques Sophie BRANA Université Montesquieu Bordeaux-IV Avenue Léon Duguit, 33608 Pessac Cedex
INTRODUCTION CHAPITRE I : LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE Section I – les fondements de l’action budgétaire A. Les effets multiplicateurs B. Les stabilisateurs automatiques Section II – La remise en cause des politiques budgétaires A. La remise en cause théorique B. La remise en cause pratique CHAPITRE II : LA POLITIQUE MONÉTAIRE Section I – les fondements de l’action monétaire B. L’arbitrage inflation-chômage Section II – La remise en cause de la politique monétaire A. La redéfinition des objectifs de la politique monétaire B. Le développement des instruments de marché C. La transformation des canaux de transmission
CHAPITRE II : LA POLITIQUE MONETAIRE La conception moderne de la politique monétaire lui attribue un rôle distinct de la politique budgétaire Ses objectifs sont plus étroits Ses canaux de transmission à l’économie sont différents - La politique budgétaire a des effets directs sur la demande - La politique monétaire a des effets indirects et accorde une place explicite à la gestion des anticipations des agents
La politique monétaire est la politique qui a le plus évolué depuis 30 ans Evolution du cadre théorique Fin des années 70 : effondrement du consensus autour du modèle keynésien sur l’efficacité de la politique monétaire Apport de la théorie des anticipations rationnelles et des analyses en termes de crédibilité Renouveau keynésien Evolution de son environnement les 3D : dérèglementation, désintermédiation, décloisonnement Impact sur les objectifs de la politique monétaire, ses instruments, ses canaux de transmission
Section 1. Les fondements de l’action monétaire A. Les effets multiplicateurs 1. En économie fermée Le revenu d’équilibre
Multiplicateur monétaire D+ M0 l2 j D- i D+ I 1 1−𝑐 D+ Y
Efficacité de la politique monétaire : Fonction croissante de l’élasticité de l’investissement au taux d’intérêt (j élevé) Fonction décroissante de la préférence pour la liquidité (l2) Politique monétaire plus efficace dans un schéma « classique » Keynésiens : effets indirects + pessimistes quant aux élasticités.
2. En économie ouverte 2.1 La politique monétaire en change fixe La politique monétaire est totalement inefficace: elle est l’instrument qui sert à maintenir le taux de change fixe, ce qui est incompatible avec la poursuite d’objectifs internes. a) Si les capitaux sont parfaitement mobiles D+M D- i sorties de capitaux intervention de la BC pour éviter la dépréciation du taux de change D-M
= triangle d’incompatibilité de Mundell
b) Si les capitaux sont immobiles D+M0 D-i D+I D+Y déficit BC déficit BP la Banque centrale doit intervenir pour éviter la dépréciation de la monnaie nationale D-M0 2.1 La politique monétaire en régime de change flottant La politique monétaire retrouve son efficacité qui paraît même renforcée par rapport à l’économie fermée.
a) Si les capitaux sont immobiles D+M D- i D- I D+ Y hausse des importations dépréciation de la monnaie domestique D+X D+ Y Politique monétaire particulièrement efficace : à l’effet de relance par l’investissement s’ajoute l’effet de relance des exportations.
Si les capitaux sont immobiles
b) Si les capitaux sont parfaitement mobiles D+M D- i D- I D+ Y sorties de capitaux dépréciation de la monnaie domestique D+X D+ Y Au nouveau point d’équilibre, l’excédent commercial compense le déficit de la balance des capitaux Le taux d’intérêt revient au niveau du taux d’intérêt mondial, mettant fin aux sorties de capitaux.
Si les capitaux sont parfaitement mobiles
Limites du modèle IS-LM Très centré sur le court terme. Or importance des comportements patrimoniaux des agents Modèle de flux et non de stock. Or à long terme, problème d’accumulation des dettes (dette publique, dette extérieure) Non prise en compte des anticipations des agents Problème de la rigidité des prix
B. L’arbitrage inflation-chômage La crise de 1929 a montré les limites de la théorie classique De la même façon, l’apparition de l’inflation dans les années 60 et la crise de 1973 remettent en cause le consensus keynésien : Choc d’offre inflationniste Or, modèle de demande à prix fixes.
1. La courbe de Phillips ou l’équation manquante du modèle keynésien 1.1. La relation salaire - chômage Phillips, statisticien néo-zélandais, observe, dans un article publié en 1958, une relation statistique régulière, en Grande-Bretagne, sur la période 1861-1957, entre le taux de variation du salaire nominal et le taux de chômage.
Avec : U = taux de chômage (en pourcentage de la population active) w = taux annuel de variation du salaire moyen (%) U U0
1.2. La relation inflation - chômage Dans le cadre des Etats-Unis, Samuelson et Solow trouvent en 1960 une relation négative similaire entre le taux d’inflation et le taux de chômage.
Ils interprètent la courbe de deux façons : - pour avoir un accroissement des salaires à un taux annuel qui ne dépasse pas 2,5%, ce qui correspond à l’accroissement de la productivité, l’économie américaine paraît devoir subir, si l’on se base sur l’expérience, un taux de chômage de 5 à 6%. C’est le coût à payer pour avoir la stabilité des prix. – pour réaliser l’objectif d’une production suffisamment élevée pour que le chômage ne dépasse pas les 3%, l’inflation devrait avoir à monter autour de 4 à 5% par an. Une telle hausse des prix peut apparaître comme le coût nécessaire pour un haut niveau d’emploi. idée d’un arbitrage possible entre inflation et chômage.
Samuelson et Solow supposent que les entreprises forment leurs prix en appliquant un taux de marge (stratégie de « mark-up pricing ») aux coûts de production. on se place à court terme : le coût de production est égal aux coûts salariaux. Ainsi, P = L (1 + m) Avec P : le niveau de prix unitaire m : le taux de marge (en %) supposé fixe L : le coût salarial.
En variation, on obtient : Δ𝑃 𝑃 = Δ𝐿 𝐿 ou P = l En pratique, l = w – z : le taux de variation du coût salarial représente l’excès de croissance des salaires par rapport aux gains de productivité (z). On déduit de la courbe de Phillips la courbe inflation-chômage : On sait que : w = f(U) (courbe de Phillips) (1) Or P = l = w – z, d’où P = f(U) – z. Courbe de Phillips (2)
2. La remise en cause de l’arbitrage Friedman (1968) et Phelps (1967) vont contester l’idée, à moyen – long terme, d’illusion monétaire des agents et de non neutralité de la monnaie. Les négociations salariales fixent le salaire nominal, mais les salariés comme les employeurs s’intéressent au salaire réel. Un choc inflationniste réduit le salaire réel à salaire nominal constant, et donc les coûts de production des entreprises.
Cela permet une hausse de la production et de l’emploi Cela permet une hausse de la production et de l’emploi. Confirme la courbe de Phillips. Mais cet arbitrage n’est que provisoire. Quand les agents prennent conscience de la perte de leur pouvoir d’achat, ils demandent des hausses de salaire. Les variables réelles reviennent à leur niveau initial. En outre, les agents intègrent ce nouveau cadre inflationniste dans leurs négociations salariales. L’inflation devient un phénomène permanent.
Friedman reformule la courbe de Phillips en supposant que les agents fixent leur niveau de salaire pour une période donnée en fonction de leurs anticipations d’inflation sur cette période. w = f(U) + Pe On obtient la « courbe de Phillips augmentée des anticipations d’inflation » P = f(U) – z + Pe
Courbe de Phillips augmentée
3. La nouvelle école classique et les anticipations rationnelles 3.1. L’analyse idée: ce sont les chocs (monétaires) non anticipés qui conduisent l’économie à s’écarter temporairement de son taux de croissance naturel. Autrement dit, ce sont les erreurs d’anticipations qui expliquent les fluctuations de l’activité.
Friedman : hypothèse d’anticipations autorégressives Friedman : hypothèse d’anticipations autorégressives. La valeur anticipée d’une variable dépend de ses valeurs passées. Problèmes : Pourquoi se limiter à cette variable ? Conduit à des erreurs systématiques La nouvelle école classique va reprendre l’idée d’anticipations rationnelles de J. Muth (1961) : pour former leurs anticipations, les agents utilisent toute l’information disponible et pertinente.
3.2. Conséquences La politique économique est inefficace (Sargent et Wallace 1976) Les agents connaissent la fonction de réaction de la Banque centrale Ils ne peuvent donc pas être surpris si cette politique est prévisible (compte tenu du contexte économique) La politique monétaire systématique ne peut que créer de l’inflation. La monnaie est super neutre.
L’importance des règles de politique économique Kydland et Prescott 1977 : Le problème de l’incohérence temporelle : les autorités ont intérêt à tromper les agents Mais les agents sont rationnels : ils anticipent ce comportement de la Banque centrale et anticipent la création d’inflation La non crédibilité de la Banque centrale crée un biais inflationniste.
Barro et Gordon 1983. Pour éviter ce biais inflationniste les autorités doivent être crédibles. Pour cela elles doivent se fixer des règles de politique monétaire (règles versus discrétion) Règle d’objectif Engagement de change fixe Règles institutionnelles (indépendance de la Banque centrale)
4. La réplique de la nouvelle école keynésienne (NEK) Dans l’analyse keynésienne, les fluctuations économiques s’expliquent par des rigidités de prix et de salaires. Or ces rigidités sont postulées. La NEC a montré que ces hypothèses manquaient de fondements micro et n’étaient pas compatibles avec des comportements rationnels.
4.1. Les rigidités de salaires La NEK va chercher à justifier ces rigidités dans un contexte d’agents rationnels et optimisateurs. 4.1. Les rigidités de salaires La théorie des contrats implicites Azariadis, Stiglitz 1984 La théorie du salaire d’efficience Shapiro et Stiglitz 1984, Akerlof et Yellen 1986 Les effets d’hystérèse Blanchard et Summers 1986
4.2. Les rigidités sur le marché du crédit Stiglitz et Weiss 1981 4.3. Conséquences pour la politique économique La politique économique est utile La politique économique est efficace
Section 2. La transformation des politiques monétaires A. La redéfinition de la politique monétaire Goodfriend et King (1997) ont montré qu’un certain nombre de principes issus de « la synthèse de la nouvelle école classique » ont guidé la politique monétaire jusqu’à la crise de 2007. Politiques de « ciblage flexible de l’inflation »
1. L’inflation : objectif final de la politique monétaire 3 principes: « L’inflation est partout et toujours un phénomène monétaire » Il est important d’avoir une stabilité des prix Il n’existe pas d’arbitrage à long terme entre l’inflation et l’emploi
2. L’importance des règles de politique monétaire Le problème de l’incohérence temporelle est central pour la politique monétaire Les autorités doivent fixer une ancre nominale (= ancrer les anticipations) Historiquement : agrégats monétaires ou ancrage du change Aujourd’hui, stratégies de ciblage de l’inflation (inflation targeting)
B. Le central banking après la crise financière On peut tirer plusieurs leçon de la crise financière pour la politique monétaire 1. La stabilité des prix et de la production n’est pas une garantie de stabilité financière 2. L’instabilité financière a un impact réel plus important que l’on ne l’imaginait
3. Le plancher des taux d’intérêt à zéro est problématique 4. Le coût de la crise est très élevé Conclusions : la politique monétaire dans le futur ne devra pas se concentrer uniquement sur la stabilité des prix Elle devra également se préoccuper de la stabilité financière Elle devra imaginer de nouveaux moyens d’actions