DIU-FIEC L’essai contrôlé

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Transcription de la présentation:

DIU-FIEC L’essai contrôlé Pr. Laurent Monassier Pharmacologie - Strasbourg

La recherche biomédicale: de Claude Bernard à l’ « evidence-based medicine » Une conception rationnelle de l’activité médicale.

«  La médecine expérimentale est … la médecine arrivée à son développement entier … c’est à dire à l’état d’une science dans lequel la pratique repose sur des théories expérimentales précises. » Claude Bernard Fondamental car renvoie aux fondements de la pratique médicale en faisant la différence entre l’empirisme et le rationalisme. Dialogue entre un médecin et son malade: Malade « Pourquoi devrais-je vous croire? » Médecin « Voilà ce que j’ai fait et ce que j’ai observé. Vous pouvez faire la même chose, et vous arriverez aux mêmes conclusions » À partir de Ghiglione et Richard, 1992

Empirisme: exclusion de tout raisonnement de l’observation et de l’expérience Rationalisme: correspond à la mise en place d’une expérience destinée à répondre à une question Mise en place des fondements d’une approche scientifique pour la médecine. Les étapes d’une démarche biomédicale. Empirique (fruit du hasard) Description d’un cas OBSERVATION Scientifique (on va à la recherche consciente de l’observation) Cohorte rétrospective Empirique (sans idée préconçue) Cohorte prospective EXPERIMENTATION Scientifique (vérification d’une hypothèse) Essai clinique contrôlé Essai thérapeutique

L’essai clinique en quelques mots clés Essai prospectif: l’essai part à la recherche et va donc générer des données ≠ d’une étude rétrospective qui reprend des données déjà obtenues. Avantage du prospectif: contrôler les conditions expérimentales. Essai randomisé: random (tirage au sort) Contrôlé: par rapport à un traitement de référence (placebo ou référentiel connu) Insu: « aveugle » (blind); simple ou double insu

Echantillon: extrait ± représentatif de la population d’intérêt Puissance: capacité d’une étude à démontrer l’hypothèse Perdus de vue: sorties de l’étude Observance: respect du schéma thérapeutique (>85% dans les essais). Mise en place de moyens de mesure. PHASES des essais Phase 1: sécurité d’emploi Phase 2: dose/réponse (efficacité), sécurité Phase 3: efficacité, sécurité (conditions de l’AMM) Phase 4: terrain, maniement en conditions réelles

Niveau de preuve des études cliniques Types d’études Force des recommandations Niveau 1 Essais comparatifs randomisés de forte puissance Méta-analyses d’essais comparatifs randomisés Analyse de décision basée sur des études bien menées A Preuve scientifique établie Niveau 2 Essais comparatifs randomisés de faible puissance Etudes comparatives non randomisées bien menées Etudes de cohorte B Présomption scientifique Niveau 3 Niveau 4 Etudes cas/témoin Etudes comparatives biaisées Etudes rétrospectives Séries de cas Etude épidémiologiques descriptives C Faible niveau de preuve scientifique * Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé

Deux types d’essais cliniques Explicatif Pragmatique Objectif savoir pratique Risques α et β γ Optimum biologique Critère objectif subjectif Nbr critères 1 plusieurs Nbr mesures Abandons de tt biais récupérables

La démarche expérimentale scientifique Observation Hypothèse Confirmation/Infirmation

Encore faut-il que la réponse à la question posée soit objectivable ! La réalité observée doit donc être: Organisée (répondre à des règles biologiques) Observable (existe en dehors de la perception consciente) Mesurable (pour être quantifiée) Explicable (répondre à une logique précise)

L’essai contrôlé est donc … Une EXPERIMENTATION SCIENTIFIQUE

Schéma expérimental d’un essai contrôlé Groupe A Groupe B Etat initial + Evolution spontanée EFFET de A Erreurs de mesure, d’appréciation, biais … Etat nouveau EFFET de B Tirage au sort (randomisation) Suivi Différence? Quelle différence?

Que faut-il faire pour concevoir un essai contrôlé ? Physiologie En amont: avoir bien observé = connaître la maladie à laquelle on s’intéresse Physiopathologie Thérapeutique 1. Formuler une hypothèse 2. Identifier la population de l’essai 3. Déterminer un objectif clinique (un critère de jugement) 4. Identifier et standardiser la méthode de mesure 5. Concevoir un essai puissant (capable de mettre une différence en évidence) 6. Mettre en place les conditions de la comparabilité

Identification de la population de l’essai Critères d’inclusion (réalistes !) Critères d’exclusion Biologiques (médicaux) Caractéristiques de la population: âge, sexe, grossesse (?), critères de définition d’une maladie, gravité, période de stabilisation, compréhension/observance, traitements associés et/ou antérieurs, pathologies associées Population à laquelle on pourra extrapoler les résultats Degré d’homogénéité de la population? Groupes comparables Administratifs Information donnée Consentement signé Tuteur légal Assurance maladie Patients à risque Pathologie(s) associée(s) Pas d’indication pour le produit de l’essai Intolérance à un composant Contre-indication(s) à une exploration prévue dans l’essai ou à un des traitements de l’étude Non respect d’un ou plusieurs éléments prévus dans les critères d’inclusion

Lancet (2010) 376: 875-885

Déterminer un objectif clinique ≠ de l’hypothèse Exemple Hypothèse: le traitement B est supérieur au traitement A Objectif: sur quel critère doit porter la différence ? UN SEUL OBJECTIF PAR ESSAI (c’est sur lui que se base le calcul de l’effectif et la puissance de l’essai)

Identifier et standardiser la méthode de mesure Une bonne méthode de mesure du critère principal de jugement doit être: Adaptée au critère principal de jugement Facile à faire Reproductible (par un même opérateur ou un même centre; variabilité « intra-individuelle ») Disponible dans tous les centres de recherche Standard (méthode, formation des personnels; variabilité « inter-individuelle ») Centralisable si nécessaire (réalisation et/ou lecture) Permettre un traitement statistique

Concevoir un essai puissant La puissance d’un essai Différents niveaux Méthodologique: schéma de l’essai. Pharmacologique: critères d’inclusion et d’exclusion, choix de la dose, observance. Statistique

Analyses intermédiaires Groupes parallèles Groupe 1: placebo Tirage au sort (randomisation) Groupe 2: traitement testé Groupe 3: comparateur Pré-inclusion Analyse finale Analyses intermédiaires

Groupes parallèles Intérêts: idéal pour comparer, le plus « facile » à construire Plusieurs groupes possibles Pas de restriction en cas de pathologie évolutive Limites: nécessité d’avoir des groupes très comparables au départ. Rapport au « monde réel » ? Effectif important avec risque majeur des sorties d’essai (perte de puissance)

Essai croisé (« cross over » ou « chassé croisé ») Période de pré-inclusion Période 1 Période 2 Sevrage Randomisation: sujets et ordre des traitements Evaluation 1 Evaluation 2

Essai croisé Intérêts: Comparaison intra-individuelle Ordre randomisé (puissance forte) Réduction de l’effectif Limites: Patient égal à lui-même pendant tout l’essai (pathologie stable) Risque de conditionnement des sujets par les tests (perturbation de l’évaluation) Analyse simultanée de « l’effet temps » et de « l’effet traitement » Bien pour: études de cinétique, études d’interactions médicamenteuses, essais brefs.

Essai séquentiel Principe: on entre dans l’essai des couples de sujets équivalents avec des traitements randomisés. On stoppe le protocole quand la démonstration est faite. Tt B Tt A B=A A>B B>A

Essai séquentiel Intérêts: Pouvoir démarrer une étude quand on n’a aucune idée de la différence observable Ne pas se tromper en calculant l’effectif Limites: Évaluation permanente de l’effet (respect de l’insu?)

La puissance pharmacologique Traitement à l’essai Puissance pharmacodynamique, choix de la dose, relation effet/dose, schéma d’administration, voie d’administration, seul ou associé, observance, tolérance, durée de l’étude Traitement comparateur Puissance pharmacodynamique, placebo, pertinence pratique, choix de la dose, relation effet/dose, schéma d’administration, voie d’administration, seul ou associé, observance, tolérance, durée de l’étude

Puissance statistique Risque a Risque b et donc de la puissance de l’essai (1-b) Perte de puissance si: Nombre de comparaisons (nombre de groupes, nombre d’analyses intermédiaires, test bilatéral) Groupes d’effectifs inégaux (sorties d’essai, perdus de vue traités selon l’hypothèse du biais maximal ou analyse en intention de traiter) d: différence attendue d faible Dispersion des critères de jugement lors de l’inclusion Variabilité du critère de jugement: les facteurs confondants (facteur placebo, évolution spontanée, rythme nycthéméral, notion de régression à la moyenne)

Un moyen de réduire la dispersion du critère de jugement Régression à la moyenne. Justification des périodes de pré-inclusion Variabilité du caractère étudié Répétition des mesures La valeur retenue est probablement la bonne. Temps Pré-inclusion

Mettre en place les conditions de la comparabilité Randomisation (tirage au sort) Absence d’autosélection: Laisser les groupes tels que randomisés Garder les sorties d’étude dans l’analyse Analyser en « intention de traiter » Bilan des 1/3 facteurs (facteurs confondants: risques d’induire une variabilité de la réponse)

Après l’essai: analyser les résultats et les confronter à l’hypothèse Après l’essai: analyser les résultats et les confronter à l’hypothèse. La pertinence clinique.

Différence P< seuil fixé (0,05; 0,01 …) P> seuil fixé (0,05; 0,01 …) Significative (peu probable en raison des seules variations d’échantillonnage) Non significative (compatible avec les seules variations d’échantillonnage) Si p=0,05, dans 95% des cas c’est VRAI: la différence est réelle Traitements équivalents (à vérifier dans un essai d’équivalence ou de non infériorité) Intéressant? Différence non mise en évidence Négligeable? Fluctuations d’échantillonnage (essai pas assez puissant) Si p=0,05 dans 5% des cas c’est FAUX: la différence n’existe pas Comparaison trop peu sensible Pas assez de sujets Critère de jugement variable Puissance pharmacologique faible Fluctuations d’échantillonnage Biais

Biais généraux Biais de sélection: mauvais respect des critères d’inclusion, groupes non comparables au départ. Contrôle: randomisation Biais de sélection différentiel: recrutement non significatif d’un centre particulier (« effet centre »). Contrôle: choix des investigateurs Biais de notoriété: un investigateur ne déclare que des malades particuliers. Contrôle: audit des cahier d’observation Biais d’information: communication des patients entre eux. Contrôle: insu Biais de confusion: établissement d’une fausse relation entre le traitement et un effet observé. Contrôle: groupe contrôle de référence Biais de causalité inversée (= biais protopathique): ex: le symptôme décrit était présent avant le début de l’essai. Contrôle: critères d’inclusion Biais d’analyse: mesure du critère de jugement non réalisée de manière homogène. Contrôle: double insu Biais de publication: cas des méta-analyse où seuls les résultats positifs sont publiés. Biais d’attrition: patients randomisés écartés de l’analyse …

Pour éviter un biais d’attrition Gestion des déviants d’un essai: l’analyse en « intention de traiter ». Que faire dans un essai si: Arrêt prématuré du traitement (manque d’efficacité, trop d’effets indésirables, guérison, mauvaise acceptation du traitement, évolution de la maladie) Absence de prise du traitement Mauvaise prise Prise d’un traitement interdit Mauvaise inclusion Non présentation aux visites de suivi Sortie d’essai (décès, déménagement sans laisser d’adresse …) Données manquantes (dossier non complet ou mal rempli)

Destruction de la comparabilité initiale des groupes. Et si le retrait du protocole était lié au traitement ? L’arrêt du traitement n’est donc pas indépendant de l’effet du traitement. Les « sortir » de l’analyse ? Faire une analyse en intention de traiter ? Considérer tous les déviants comme un échec du traitement.

Analyse en intention de traiter: Inconvénient Perte de puissance statistique. Il faut donc faire « la chasse » aux écarts de protocole. Avantages Limitation des biais Représentation de la situation réelle (lien entre l’observance et les effets secondaires)

Méthodologie de l’essai de Phase III PRINCIPES Nécessité d’une comparaison Echantillons comparables Population définie Maintenir cette comparabilité pendant tout l’essai POINTS ESSENTIELS Quelle est la question posée? Quel(s) est/sont le(s) critère(s) de jugement? Quel type de population inclure? Quels traitements doit-on comparer? Quel est le schéma expérimental le mieux adapté? Combien de patients faut-il inclure? Quelles sont les procédures statistiques à mettre en œuvre?

Les dix commandements de l’essai thérapeutique (grille d’analyse d’un essai clinique) Essai contrôlé? Par quoi? Etude randomisée? Essai en insu (aveugle)? Simple? Double? Calcul du nombre de sujets nécessaires? Sur quelles bases? Définition claire de la population? Un critère principal de jugement unique, clinique et pertinent? Analyse en intention de traiter? Analyse en fin d’étude sur la totalité des patients inclus? Différence statistiquement significative? Différence cliniquement significative (pertinente)?

FIN

Quelques notions de statistique : Le risque relatif (RR): ratio entre le taux d’évènements du groupe traité par rapport au groupe témoin (TETraité/TETémoin). Ex: TE=Nbr évènements/Nbr total de malades L’intervalle de confiance (IC): place les bornes (M±2SD) entre lesquelles on a n% de chances qu’une autre série comparable de malades se trouve. Le nombre de sujets à traiter pour prévenir 1 événement: NST=1/(TETémoin-TETraité) L’Odd (cote): nombre de malades qui présentent l’événement/nombre de malades qui ne le présentent pas. Proportion de malades par rapport aux sains (il y a n fois plus de malades que de sains dans ce groupe). Odd-ratio: rapport des 2 Odds dans les 2 groupes. OR= Odd expérimental/Odd témoin Si >1: traitement néfaste; si <1: traitement bénéfique.