Lettre à Jean Guy Barbeau CLIQUER ou FLÈCHES pour naviguer
Voici donc cette lettre Jean Réal Brunette Je ne crois pas commettre une indiscrétion en publiant cette lettre très personnelle; elle doit être considérée comme un hommage à la mémoire de celui avec qui j’étais lié par une profonde amitié. La dernière fois que j’ai rencontré Jean Guy, il me faisait visiter la magnifique rétrospective réalisée par le Musée de la Pulperie de Chicoutimi; sa ville lui faisait un honneur bien mérité. Il était littéralement transporté par le parcours de sa vie d’artiste qu’était pour lui l’exposition. Chaque toile, ‘Lune noire’, ‘Geai bleu’, Astronaute sentimental, lui faisait revivre un pan de vie passée. Il affectionnait particulièrement son geai bleu. Quelques semaines après cette visite, je postai à Jean Guy cette lettre que vous trouverez plus loin. Pour me remercier il voulut me téléphoner. Lorsque Marcelle lui remit le combiné, il ne put prononcer un mot. Tout ce que j’entendis fut un sanglot étouffé. Ce fut notre dernière conversation. Une pénible maladie l’emportait au cours de l’année suivante. Voici donc cette lettre Jean Réal Brunette
tous les barreaux de la cage; Bien cher ami Je veux te dire merci. Merci, de ne pas avoir peint tous les barreaux de la cage;
j’en aurais perdu mon âme. Le barreau essentiel Certainement, j’en aurais perdu mon âme. Le barreau essentiel C’est celui qui n’est pas peint. On peut ainsi vivre sa cage sans la quitter, mais sans la subir.
J’ai joint une de mes plumes. Voilà pourquoi on se ressemble, toi et moi : je perds des plumes, et toi tes œuvres te quittent. Je les remplace, tu en refais. C’est ainsi
Ma voix est rauque, dis-tu… Nous avons pour dire nos poèmes, autre chose, la couleur. J’ai sur moi des bleus indicibles qui n’ont d’égal que le velours des blancs qui les sertissent. Ta palette est riche et vaste, La mienne n’est que profonde. Nos voix sont différentes. C’est beau comme cela.
je la suspendrai à un grand cèdre. Signe-moi une peinture Pour que je m’envole avec. Je l’exposerai plus haut que tout ce que tu as connu. Et quand je redescendrai je la suspendrai à un grand cèdre.
J’attendrai une lune noire ou blanche, comme tu voudras. Puis je volerai autour pour esquisser un cadre. Et les hommes diront : « Une peinture dans la peinture, mais c’est un Barbeau ».
Ils n’auront toujours rien compris, encore une fois. Oublie, car tous deux nous savons que c’est de la vie qui ainsi s’exprime nue.
Des tableaux reliés par un fil et qui forment un tout, en attendant la grande rétrospective où seuls les plus beaux seront choisis, Comme les bons souvenirs qui racontent la vie au temps où l’on regarde par-dessus l’épaule.
Astronaute sentimental, signe-moi encore un tableau avec ma plume. Allez, Astronaute sentimental, signe-moi encore un tableau avec ma plume.
Ton inséparable, Geai bleu.
Jean Guy Barbeau nous a quittés en 2008 après une longue et belle carrière. Il reste pourtant bien présent parmi nous dans les œuvres qu’il nous laisse. Adieu
Geai bleu huile sur toile, 1982
Chef d’oeuvre huile sur carton dur, 1985
Astronaute sentimental huile sur toile, 1983