Comment la matière change-t-elle d'état ? Sébastien Balibar Laboratoire de Physique Statistique Ecole Normale Supérieure (Paris) http://www.lps.ens.fr/~balibar enseignement: ce que l'on sait recherches en cours: ce que l'on cherche à comprendre lycée Montaigne, déc. 2003
Changements discontinus l'eau gèle l'eau passe d'un état liquide à un état solide discontinu : la densité de la glace est différente de celle de l'eau liquide l'eau bout de l' état liquide à l'état gazeux un autre changement discontinu : la densité de la vapeur est beaucoup plus faible que celle du liquide, sauf au "point critique"
plan de l'exposé continu ou discontinu ? fluctuations : "opalescence critique" universalité: fluides, aimants, superfluidité et forme des cristaux métastabilité et nucléation : surfusion: à quelle température l'eau prend-elle en glace ? cavitation: comment casser de l'hélium liquide et de l'eau ?
changements continus le diagramme de phases le changement liquide gaz est continu au point critique un chemin particulier dans le "diagramme de phases" cristallisation pression liquide solide point critique ébullition près du point critique: grandes fluctuations gaz température
"phénomènes critiques" ce qui se passe près du point critique d'un changement d'état continu grandes fluctuations (de densité locale par exemple): opalescence critique (cf mirages) (d' Andrews 1869 à van der Waals 1890)
Universalité des phénomènes critiques progrès récents de la physique statistique (depuis 1970) Universalité : certains systèmes différents, par exemple une transition liquide-gaz et l'aimantation d'un morceau de fer ont les mêmes comportements, même description mathématique de la variation de certaines grandeurs physiques en fonction de la température "théories de champ moyen" de L. Landau (1937) "théories de renormalisation" de L. Kadanoff (1966), M. Fisher (1967) et K. Wilson (1971)
Fluides et aimants Chaleur spécifique chaleur spécifique CP = -T(∂2F/∂T2)P CH = -T(∂2F/∂T2)H compressibilité susceptibilité magnétique kT = -1/V (∂2F/∂P2)T T = - (∂2F/∂H2)T ~ (T-Tc)-g ~ (T-Tc)-g F : énergie libre V: volume T : température la pression P et le champ magnétique H jouent des rôles semblables même loi de puissance : même "exposant critique" g même "classe d'universalité"
les transitions rugueuses cristaux d'helium 4 T = 1.4 K T = 1.1 K T = 0.5 K T = 0.1 K les transitions rugueuses plus la température est basse, plus il y a de facettes à la surface des cristaux classe d'universalité: "Kosterlitz-Thouless" mêmes comportements que: films magnétiques minces (c.a.d. à 2 dimensions) superfluides, trnasition liquide-solide, metal-isolant, etc.
la croissance des cristaux d'hélium
Superfluides découverte en 1937 dans l'hélium liquide à Cambridge et Moscou: la viscosité disparaît en-dessous de T = 2.17 Kelvin La conductivité thermique devient très grande des propriétés thermo-mécaniques étranges apparaissent ("l'effet fontaine") le liquide passe d'un ensemble d'atomes individuels classiques à "onde de matière" quantique macroscopique
l'hélium superfluide ne bout pas extrait du film historique de J. Allen et J. Armitage (St Andrews, Ecosse)
le "point lambda" le comportement de la chaleur spécifique près du point critique: la lettre grecque"lambda" (l) études très précises dans l'espace (pour que la densité soit très homogène)
la condensation de Bose-Einstein superfluidité de certains gaz quantiques très froids les atomes s'accumulent dans un même état pour former un "condensat" c'est-à-dire une onde de matière macroscopique les atomes sont délocalisés et indiscernables pictures from W. Ketterle et al. (MIT)
images d'un condensat de Bose-Einstein dans un piège magnétique à T > Tc : un nuage classique d'atomes T < Tc : une onde de matière ~ 106 atomes de sodium , W. Ketterle et al. (MIT, 1995)
changements discontinus Métastabilité: l'eau peut rester liquide, en surfusion jusqu'à - 40°C (233 K), pendant un certain temps avant de geler; ou surchauffée jusqu'à +200°C avant de bouillir, et étirée jusqu'à - 1400 bar, une pression très négative avant que de la cavitation ait lieu température pression diagramme de phases cristallisation ébullition solide liquide gaz point critique cavitation
Cavitation au coeur des tourbillons 1 tourbillon par pale hélice près du coeur : grande vitesse (v ~ 1/r) et basse pression loi de Bernoulli : la somme P + 1/2 rv2 est constante cavitation vers -1 bar (sur des microbulles d'air)
nucléation "hétérogène" ou "homogène" (germination en bon français) nucléation hétérogène sur défauts: parois, impuretés, défauts, radiations … favorisent les changement d'état nucléation homogène: une propriété intrinsèque du système qui change d'état, indépendant des défauts ou impuretés éventuelles
les crevettes du golfe du Mexique D. Lohse et al. Twente Univ. (The Netherlands)
cavitation acoustique des ondes acoustiques de grande amplitude peuvent produire des pressions très négatives et de la cavitation, et provoquer des changements d'état dans des fluides pas de parois au centre, là où l'onde est focalisée: un test de la stabilité intrinsèque des liquides
cavitation acoustique: F.Caupin et S. Balibar (ENS-Paris)
cristallisation acoustique et cavitation dans l'hélium liquide S cristallisation acoustique et cavitation dans l'hélium liquide S.Balibar, F. Caupin et X. Chavanne Ecole Normale Supérieure, Paris nucleation d'un cristal: ondes acoustiques pulsées: 1 MHz, 6 ms, amplitude ~ 4 bar
la tension de rupture de l'hélium liquide à basse température, l'hélium liquide casse à -9 bar
quelle est la tension de rupture de l'eau ? existe-t-il une limite extrême au delà de laquelle l'eau passe nécessairement à l'état gazeux (l'eau "casse") : -1500 bar at 35 °C ? comment la cohésion interne de l'eau varie avec la pression et la température? un test de la structure de l'eau (qui est toujours mal comprise en 2003!) Q.Zheng, D.J. Durben, G.H.Wolf and C.A. Angell, Science, 254, 829 (1991)