LA RECONSTRUCTION DES SABLETTES 1950-1953

2. LA RECONSTRUCTION DES SABLETTES 1. CONTEXTE HISTORIQUE 1861 Une terre sauvage et rustique 1880 Naissance d’une station balnéaire 1920-1940 Période de L’entre deux guerres 1940-1945 La seconde guerre mondiale 2. LA RECONSTRUCTION DES SABLETTES Le projet de Pouillon Une volonté d’économie Un esprit méditerranéen Un projet innovant Un esprit fonctionnaliste Les Sablettes aujourd’hui 3. POUILLON, LE ROMAN D’UNE VIE 1934 Un architecte de Provence 1948-1958 La période bénie L’agence parisienne 1961 La Faillite Le procès 1964-1984 Vingt d’exil en Algérie 1986 Belcastel

1861 Une terre sauvage et rustique CONTEXTE HISTORIQUE 1861 Une terre sauvage et rustique

George SAND 1861 La beauté de la nature sauvage de l’isthme des Sablettes attire la première « touriste », George Sand, venue séjourner de février à mai de cette année 1861 à Tamaris.

Sand séjourne à la Bastide Trucy aujourd’hui Villa George Sand

Maurice SAND, De ma fenêtre 12 mars 1861 Elle est enthousiasmée par cette terre isolée, au caractère sauvage et à l’habitat rustique : «… c’est un endroit  sublime  …de tous les côtés nous dominons des vues immenses…mer, forêts, montagnes…le vrai pays de la lumière » Maurice SAND, De ma fenêtre 12 mars 1861

Maurice SAND, Tamaris (Côté Sud) 14 Avril 1861 Seules trois bastides exploitent ce paysage agricole. Les cultures d’oliviers, de blé et de vigne sont étagées en restanques. Maurice SAND, Tamaris (Côté Sud) 14 Avril 1861

Passionnée de botanique, Sand inventorie les espèces et les essences de la flore méditerranéenne. Elle écrit un roman publié en feuilleton en 1862 intitulé « Tamaris », dans lequel, elle dresse un portrait précis du paysage de l’époque, précieux témoin de ce temps.

Naissance d’une station balnéaire CONTEXTE HISTORIQUE 1880 Naissance d’une station balnéaire

Marius MICHEL alias Michel PACHA (1819-1907) Capitaine au long cours et homme d’affaires français, Marius Michel amasse une fortune colossale en Orient. Il obtient alors de nombreux honneurs: Pacha de l’empire ottoman par le sultan Abdlulmecid1er Chevalier de la légion d’honneur par la république française 1880 Comte de PIERREDON par le pape en 1882

Michel PACHA se fait construire un château de style orientaliste sur la colline du Manteau à Tamaris.

TAMARIS-LES SABLETTES Une station à la mode Michel PACHA acquiert 60 hectares de pinède vierge le long du littoral de Tamaris vers 1880. Il en fera une station touristique à la mode, étape obligée pour la haute société de l’époque. Or, Tamaris n’est au départ qu’une petite station hivernale car son rivage n’est pas une plage de sable fin qui puisse permettre la baignade estivale. Ainsi Michel Pacha va acheter et aménager le rivage des Sablettes comme annexe balnéaire de Tamaris.

Aux Sablettes sont construits deux hôtels, un casino, un établissement de bain, plusieurs grandes propriétés, divers commerces et des logements.

Au XIXème ,le bord de mer est fréquenté par les classes sociales privilégiées.

En 1887, Michel Pacha commande des petits bateaux vapeurs en bois, construits en Angleterre, que l’on appelait des steam-boats. Il améliore ainsi les liaisons maritimes entre Toulon, Saint-Mandrier, Tamaris, Le Manteau, Les Sablettes.

Ces navires rallient Toulon en 15 minutes tous les quart d’heure Ces navires rallient Toulon en 15 minutes tous les quart d’heure. Ils transportent jusqu'à cent personnes. Ces liaisons rapides vont entrainer le peuplement des bords de la baie du Lazaret. Des officiers de marine de haut rang, des amiraux y construisent de superbes villas.

Un débarcadère est aménagé aux Sablettes.

Une promenade de bord de mer relie Tamaris aux Sablettes.

Conséquences de l’essor de cette industrie touristique , les hameaux des Sablettes et de Saint-Elme prospèrent au point qu'en 1902, une école primaire de deux classes est construite. Quelques années avant la dernière guerre, les effectifs ont triplé.

1920-1940 INSOUCIANCE DE L’ENTRE DEUX GUERRES

La population, traumatisée par la Grande Guerre, tente d’oublier les horreurs qu’elle vient de vivre. Le courant hygiéniste prône l’exercice physique et la vie au grand air et au soleil.

1936: Les congés payés.

La fréquentation du bord de mer se démocratise.

1920-1940 INSOUCIANCE DE L’ENTRE DEUX GUERRES

1940-1945 LA SECONDE GUERRE MONDIALE La seconde guerre mondiale brise cet élan. 20 Mars 1941 Réunion politique à l’Hôtel des Sablettes avec le Maréchal Pétain.

1940-1945 LA SECONDE GUERRE MONDIALE 1942, Les allemands entrent dans Toulon .

27 NOVEMBRE 1942 Le navire amiral Strasbourg commande le sabordage de la flotte.

Photo aérienne alliée parue dans «The illustrated London » du 26 Décembre 1942, montrant les bâtiments français coulés ou en feu dans le port militaire de Toulon

Le littoral est investi par les occupants pour palier à un éventuel débarquement. Aux Sablettes, les allemands font évacuer une grande partie de la population de Mar Vivo et construisent un système de défense devant la plage (ici barbelés)

Un mur antichar est construit le long du littoral.

Des postes de défense allemands sont aménagés le long du littoral.

Vestiges d’un poste de défense allemand à Mar Vivo.

Vestiges d’un blockhaus allemand à Mar Vivo.

Vestiges d’un blockaus allemand à Mar Vivo.

Vestiges du mur antichar allemand à Mar Vivo.

DESTRUCTION DE LA STATION BALNEAIRE DES SABLETTES 1943-1944 DESTRUCTION DE LA STATION BALNEAIRE DES SABLETTES 1943 les allemands dégagent leur champ de tir Les habitations sur une bande littorale de quatre kilomètres, sont évacuées, dynamitées et les décombres aplanis. Le village des Sablettes est entièrement rasé (casino, parc, école…) La végétation est rasée à même le sol . 19 Avril 1944 Bombardement de l’US Air Force Les américains libèrent Toulon. Ils bombardent l’isthme et lâchent en quelques minutes 700 bombes sur la population civile (seulement 4 ont atteint leur objectif militaire, les chantiers navals). C’est un véritable désastre humain. Les constructions de Tamaris sont très endommagées. Le magnifique château de Michel Pacha, ruiné par les bombes américaines et pillé par les allemands, a été détruit par la suite.

Le port de La Seyne et les chantiers navals après le bombardement de l’US Air Force

Le port de Toulon bombardé

Le port de Toulon après les bombardements.

En 1944, rien ne subsistait de la station balnéaire du XIXème mis à part le Golfe Hôtel et quelques villas situées le long de l'avenue Hugues-Cléry. Des traces de l’occupation allemande restent visibles. Vestiges du blockhaus allemand à Mar Vivo (années 50).

La RECONSTRUCTION DES SABLETTES 1950-1953 Architecte: Fernand POUILLON

Dès la libération, le MRU (Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme) planifie la reconstruction du pays et le relogement des milliers de sinistrés. L’Etat débloque 11O millions d’anciens francs pour la reconstruction des Sablettes dont la maîtrise d’œuvre est confiée à Egger et Pouillon en mai 1950. La plupart des sinistrés des Sablettes sont modestes : petits commerçants, pêcheurs… Le programme comprend: → 35 logements → 30 boutiques → 1 hôtel → 1 pension de famille → 5 cafés restaurants → 1 établissement de cabines de bain → 1 station service → 1 syndicat d’initiative → 1 Casino (architectes locaux)

Axe secondaire relie la corniche de Tamaris = promenade où le végétal l’emporte sur les constructions clairsemées Axe principal parallèle au rivage = rue commerçante ponctuée de placettes et traversée par trois chemins piétons Tour « signal » de quatre étages articule les deux axes Esplanade piétonne de 400m² soutenue par un mur de porphyre délimite la plage au droit du village Plage des Sablettes

Axe secondaire relie la corniche de Tamaris Axe principal parallèle au rivage = rue commerçante Tour « signal » de quatre étages = articulation Esplanade piétonne de 400m² soutenue par un mur de porphyre Plage des Sablettes

LE GENIE DE POUILLON: ECONOMIE ET QUALITE Pouillon réalise des tours de force économiques dans chacun de ses projets. Il réussit à réduire le prix de construction sans pour autant nuire à la qualité architecturale. Il affirme aux Sablettes ses talents de concepteur et d’économiste rigoureux.

LE GENIE DE POUILLON : ECONOMIE ET QUALITE Gestion du Chantier: le « bureau de coordination » Il invente un nouveau mode de gestion du chantier très efficace selon lequel la coordination des entreprises est orchestrée par l’architecte maître d’œuvre. il vient d’inventer le principe avec lequel aujourd’hui se conçoit toute réalisation architecturale. Mélange de savoir-faire traditionnels et d’innovations techniques LA PIERRE A l’heure de la reconstruction, la pénurie relative de matériaux rendra l’usage de la pierre nécessaire et concurrentielle. Elle sera souvent utilisée en placage. Pouillon mettra au point un système de pierre banchée . Pouillon refuse de masquer la pierre sous un enduit ou de la chaux. Elle est toujours laissée apparente dans ses projets.

LE GENIE DE POUILLON : ECONOMIE ET QUALITE LA PIERRE TAILLEE Murs en pierre pré-taillée de15 à 35 cm d’épaisseur. La pierre utilisée aux Sablettes est la pierre des carrières de Fontvieille dite du Pont du Gard, gratuite dans ce cas car récupérée des chutes des immeubles du Vieux Port. La pierre est laissée apparente sur les façades. Algérie, 1950

LE GENIE DE POUILLON: ECONOMIE ET QUALITE Coupe d’un bloc de pierre sur le chantier des Sablettes,1952

LE GENIE DE POUILLON : ECONOMIE ET QUALITE Système de murs en pierre banchée  Les parements de pierre servent de banches pour couler du béton et sont conservés pour leur qualité esthétique. Système de planchers en béton nervuré Cependant le chantier des Sablettes n’utilise pas encore l’emploi d’éléments standardisés qui par la suite vont considérablement diminuer les couts de construction et qui auraient pu permettre à l’architecte une encore plus grande performance.

LE GENIE DE POUILLON : ECONOMIE ET QUALITE Mélange de savoir-faire traditionnels et d’innovations techniques LA TERRE CUITE Au sortir de la guerre, l’économie de l’industrie céramique est menacée par l’apparition de nouveaux produits comme les carreaux de plâtre, les agglomérés de ciments et la mode des toitures terrasses. Pour relancer sa production, la SGTM Société Générale des Tuileries de Marseille renouvelle son catalogue de « produits rouge » et démarche les architectes et les entrepreneurs. De son côté Pouillon utilise, dès 1945, les produits de la SGTM notamment les « fusées céramiques » que les allemands avaient fait fabriquer pendant la guerre pour construire des abris souterrains et de vastes hangars. A la libération, les stocks de « fusées céramiques » réquisitionnés sont employés par Pouillon dans son projet de camp d’hébergement provisoire pour les prisonniers des allemands. Le succès de ce projet marquera l’architecte qui continuera à expérimenter les voûtes minces en briques.

LE CAMP DU GRAND ARENAS A MARSEILLE Camp d’hébergement provisoire pour prisonniers allemands Les fusées céramiques inventées par Jacques COUELLE Eléments de construction à forme de bouteille sans fond, qui étaient empilés les uns dans les autres sur un coffrage cintré et recouverts d’un enduit de ciment pour réaliser de vastes hangars.

FOIRE DE MARSEILLE 1950 Le palais de la terre cuite Pouillon met son génie au service de la SGTM. Il expérimente de nouvelles techniques dont il va se servir sur tous ses chantiers. Pouillon met en valeur la terre cuite: Ses qualités commerciales (peu onéreux) Ses qualités techniques (résistances à la traction et à la compression) Son infinie variété d’utilisation Sa force esthétique. Il crée d’élégantes voûtes portées par de graciles poteaux qui forceront l’admiration de tous.

LE GENIE DE POUILLON : ECONOMIE ET QUALITE Mélange de savoir-faire traditionnels et d’innovations techniques LA TERRE CUITE Pouillon utilise des voûtes en briques au lieu de charpentes à une époque où le bois coûte cher. Sur ce petit chantier des Sablettes il expérimente des techniques audacieuses. Ses premières réalisations de voûtes en briques creuses s’étaient écroulées lors de la réalisation de la villa du maire d’Aix en Provence. Sur la plage des Sablettes ,il étudie toute une déclinaison de voûtes minces en briques qui couvrent les galeries.

Voûtes aux Sablettes

Diar-el-Mahçoul La place du marché ALGERIE

UN ESPRIT MEDITERRANEEN Toitures en tuiles Canales et génoises traditionnelles Placette avec fontaine Murs en pierre calcaire de Provence

UN ESPRIT MEDITERRANEEN Terrasses, balcons et patios Vue intérieure d’une loggia

UN ESPRIT MEDITERRANEEN Claustras en terre cuite Carreaux de céramiques

UN ESPRIT MEDITERRANEEN Sols en opus incertum Calades en galets CREPS, Aix en Provence Les Sablettes

UN ESPRIT MEDITERRANEEN Pouillon associe des céramistes artistes, et sculpteurs provençaux à son projet. Fréderic SOURDIVE réalise l’enseigne murale de l’Hôtel autour de laquelle sont disposées des plats en céramique de l’artiste Carlos GONZALES

UN ESPRIT MEDITERRANEEN Pouillon associe des céramistes artistes, et sculpteurs provençaux à son projet. Jean AMADO réalise une sculpture en céramique vert sombre pour la fontaine publique + un panneau en céramique qui décore la place Jean Lurçat.

UN ESPRIT MEDITERRANEEN Pouillon associe des céramistes artistes, et sculpteurs provençaux à son projet.

UN ESPRIT MEDITERRANEEN Pouillon associe des céramistes artistes, et sculpteurs provençaux à son projet. Louis ARNAUD réalise en pierre demi-dure d’Estaillade la naïade accroupie de la fontaine lumineuse près de la place Jean Lurçat puis l’enseigne de la boucherie à tête de veau.

UN PROJET INNOVANT Les Sablettes 1962

Tour signal de l’hôtel

Hôtel Portes du Soleil

Hôtel Portes du Soleil + Station service

Voûte en briques de terre cuite Murs en pierre brute taillée Sol en calade de galets Passage couvert aux Sablettes

LES SABLETTES AUJOURD’HUI Paradoxalement, le succès touristique des Sablettes a contribué à la déconstruction de ce quartier modèle : → Démolition de la pension de famille au profit d’un immeuble de rapport, → Remblai important en arrière de la plage (cause d’insalubrité de la baie) → Disparition de l’embarcadère et du jardin public → Changement d’usage du syndicat d’initiative et de l’établissement de bains transformés en discothèques → Extensions en tout genre → Prolifération des enseignes publicitaires → Immeuble de plusieurs étages édifié en 1995 sur le front de mer.   Les pouvoirs publics ont engagé une action de sauvegarde au début des années 1990 : la Ville finance la préparation d’un règlement de ZPPAUP (Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager) tandis que l’Etat mène une étude patrimoniale dirigée par la DRAC-CRMH.

FERNAND POUILLON (1912-1986) Le roman d’une vie « Moi, je suis un seigneur pas un moine. Je suis capable de jeûner, de souffrir, mais dans le faste. »

Fernand POUILLON est originaire de Marseille. C’est en Provence, qu’il établit les bases de son savoir-faire et sa notoriété. Dans les années 30, alors que le marché est difficile pour la profession, Pouillon, qui n’a que 22 ans, construit déjà beaucoup dans les centres villes d’Aix et Marseille. 1946 Stade municipal d’Aix 200 logements, Aix…  

L’ENSEMBLE DE LA TOURETTE A MARSEILLE 1948 Sa carrière prend cependant son envol pendant les trente glorieuses. En 1948, Pouillon réalise un coup de force qui lui permet de s’imposer face aux notables nationaux en charge de la reconstruction de Marseille. Pouillon construit l’ensemble des logements de la Tourette (derrière le Quai du Vieux port) pour 17 000frs/m² au lieu de 30 000frs/m².  

LA RECONSTRUCTION DU PORT DE MARSEILLE 1950 En 1950 la maire de Marseille, Michel CARLINI n’est pas satisfait par le projet de reconstruction du Vieux Port conçu par l’architecte LECOMTE. Le chantier des immeubles est pourtant avancé jusqu’au R+1. Mais le maire, appuyé par le ministère suspend le chantier et impose Auguste PERRET et Fernand POUILLON comme nouveaux maîtres d’œuvre. Ce coup de force provoque des remous dans la profession. LECOMTE saisit le Conseil Supérieur de l’architecture. Un profond antagonisme se noue entre POUILLON et la confrérie dès cette époque. « J’avais franchi la grande porte par des coups d’audace, J’étais l’architecte N°1 du Sud Est. »  

LA RECONSTRUCTION DU PORT DE MARSEILLE 1950  

LA RECONSTRUCTION DU PORT DE MARSEILLE 1950  

LA RECONSTRUCTION DU PORT DE MARSEILLE 1950  

PERIODE BENIE 1948-1958 POUILLON devient enseignant à l’école des Beaux arts d’Aix et de Marseille. Suivent la réalisation des fameux Deux-cents-logements à Aix en Provence avec l’adjonction de délais de réalisation incroyablement courts et de prix incroyablement bas.  

LA TERRE CUITE CREPS AIX en Provence Murs en briques fourrées Revêtement de sol en calade Détail d’un soubassement d’un immeuble des Deux Cents Logements Aix en Provence

PERIODE BENIE 1948-1958 Son amitié avec Jacques CHEVALLIER, maire d’Alger, lui vaudra de grandes commandes de logements à Alger: les cités  Diar Es Saada (1953-1954) et Diar El Mahçoul (1952). Il construit à Téhéran (IRAN) notamment deux gares et des cités militaires.  

L’AGENCE PARISIENNE 1957- Pouillon s’installe à Paris. Il est au sommet de sa gloire et de sa fortune.  Mais apparaissent alors ses premiers travers mégalomaniaques : Il propose de construire 30% des logements de la région parisienne, de « ruiner » les promoteurs, de « précipiter la faillite des architectes n’utilisant pas des techniques économiques ». Pouillon fait frapper une pièce à son effigie qu’il offre à ses collaborateurs méritants. Pouillon et ses collaborateurs dans son agence de parisienne.  

Ses pratiques lui mettent à dos le monde de la construction. Les grands projets des immeubles du Vieux-Port de Marseille et des cités algéroises se sont réalisés grâce à l’appui de ministres, hauts-fonctionnaires, ou maires qui ont trouvé dans les capacités de réaction fulgurantes et appropriées de Fernand Pouillon l’homme qu’il leur faut. Pouillon dérape alors dans la fraude fiscale tout en affichant un train de vie fastueux. Pouillon avec Gaston CASTEL lors d’une fête à sa villa d’Aix en Provence

En 1955 il crée le CNL, Comptoir National du Logement, une structure commerciale et juridique qui va lui permettre de bâtir, pas seulement comme architecte mais aussi comme promoteur, des milliers de logements à Paris. Puis il rachète les A.C.C.M. une entreprise de fabrication de serrurerie qui deviendra l’entreprise générale de ses chantiers, contournant ainsi la législation qui à cette époque interdit aux architectes de «toucher» au domaine de la promotion immobilière.  

Les pratiques de Fernand Pouillon déstabilisent le monde du bâtiment. Résidence du Parc Meudon La Forêt 1959 Il réalise d’abord des ensembles en pierre et marbre, en accession à la propriété pour des prix très bas (contrat de location-vente : versement d’un montant correspondant à trois mois de loyer puis versement d’un modeste loyer pendant vingt-cinq ans). La vente à des prix inférieurs au marché des presque 3000 logements à Meudon-la-Forêt (1959) se réalise en un mois. Les pratiques de Fernand Pouillon déstabilisent le monde du bâtiment.  

LA FAILLITE Résidence du Point du Jour Boulogne Billancourt 1961 A partir de 1959, le CNL géré par des individus peu scrupuleux est à l’origine de l’énorme faillite de la commercialisation des 2500 logements du Point du Jour à Boulogne-Billancourt en 1961. 1700 souscripteurs se font porter partie civile. Le déficit de l’opération était estimé à 5 milliards d’anciens francs au moment du procès. L’argent manque pour payer les entreprises. Fernand Pouillon entreprend la vente de tous ses biens pour renflouer le CNL mais il ne peut éviter le désastre.

LE PROCES Il est arrêté le 5 mars 1961. Le CNL est mis en liquidation. Le Conseil de l’Ordre des Architectes prononce sa radiation à vie du tableau de l’ordre des Architectes. Le 8 septembre 1962, Fernand Pouillon s’évade de la clinique où il était détenu pour raisons de santé. Le 14 mai 1963 Il se constitue prisonnier pour le jour même plaider lui-même sa défense lors du procès qui vient de s’ouvrir. Le 13 juillet 1963, il est condamné à 4 ans de prison, ramenés à 3 ans par la Cour d’Appel le 15 janvier 1964. Aussi, compte-tenu des 27 mois de prison préventive que Pouillon vient de faire, il est libéré quelques jours plus tard le 24 février 1964.

POUILLON L’ECRIVAIN Pendant ces années de prison, Fernand Pouillon trouve le ressort d’écrire un livre qui affirme son talent d’écrivain. «Les pierres sauvages» publié en 1964, reçoit le prix des Deux-Magots. Constamment réédité (dernière édition, 2006), il a été traduit en plus de trente langues. Il y raconte la vie de Guillaume BALZ, moine et maitre d’oeuvre de l’abbaye cistercienne du Thoronet au 12ème siècle.

L’EXIL EN ALGERIE 1964-1984 En 1964, à sa sortie de prison, Fernand Pouillon reçoit des menaces de mort, lui intimant de quitter le territoire. Son ami, Jacques Chevallier, l’incite à le rejoindre à Alger. Pendant vingt ans, jusqu’en 1984, deux ans avant sa mort, il couvrira le territoire algérien d’hôtels d’affaires ou de tourisme et de complexes balnéaires. ..

En 1982, l’Etat algérien ne paie pas ses honoraires et met Pouillon dans l’impossibilité de payer les charges sociales, les impôts, puis les salaires de ses employés. En1984, Pouillon renonce à retourner à Alger. En France, il est réintégré au tableau de l’Ordre des Architectes en 1980 mais la dette fiscale totale datant du CNL lui est toujours réclamée. Le Président de la République François Mitterrand aura à cœur de réhabiliter Pouillon en l’élevant au grade d’Officier de la Légion d’Honneur (1984). Il meurt le 24 juillet 1986 dans le château de Belcastel en Aveyron. CHÂTEAU DE BELCASTEL

BIBLIOGRAPHIE « Tamaris, entre orient et occident » Nathalie Bertrand Editions Lavoisier, Avril 2003 « Fernand Pouillon, architecte méditerranéen 1912-1986 » Sous la direction de Jean-Lucien BONILLO Editions Imbernon, Mai 2001