Les défenses pulmonaires antiaspergillaires Dominique Israël-Biet Service de Pneumologie Hôpital Européen Georges Pompidou
INTRODUCTION Poumon = plus grande surface épithéliale en contact avec l’extérieur. Voie d ’entrée majoriaire des pathogènes dans le poumon: inhalation. Plus rarement : voie sanguine. Système de défense très élaboré pour assurer la stérilité des voies aériennes.
Repose sur les fonctions conjointes de 2 types d’immunité: innée et acquise. Le recrutement et l ’activation de cellules inflammatoires implique l ’expression orchestrée de molécules d ’adhésion, la production de médiateurs inflammatoires, mais aussi l ’activation de systèmes régulateurs antiinflammatoires.
Objectifs : empêcher la colonisation des voies respiratoires, voire élimination des pathogènes protéger les structures pulmonaires des médiateurs aux effets délétères
Immunité innée : les barrières naturelles Mucus : piège les particules, puis clearance mucociliaire Défensines : Sécrétion par cellules épithéliales et PN Formation de pores dans les membranes biologiques Plusieurs types, d’expression constitutive et/ou stimulable +++
Collectines : Surfactant A et D Sécrétion par les pneumocytes II Liaison aux pathogènes : diminution de leur virulence, augmentation de leur phagocytose et de leur killing
Aspergillus : rôle du surfactant Agglutination des conidies et diminution de leur infectivité Facilitation de leur phagocytose Augmentation du stress oxydatif des phagocytes Augmentation du killing du champignon Immunol Rev 2000; 173:66.
Immunité innée : les cellules phagocytaires Polynucléaires neutrophiles (PN) et macrophages Récepteurs pour carbohydrates, anticorps, complément Rôle de l’opsonisation Assurent le killing des pathogènes (anions superoxydes, radicaux OH-, NO, lysozyme)
Aspergillus : rôle des PN Souris transgéniques (surexpression pulmonaire exclusive) pour KC exposées à A. fumigatus vs type sauvage : Pic de PN plus précoce et plus élevé Expression pulmonaire accrue d ’IL-12 et d’IFNg Charge fongique locale diminuée de 74% Survie 3 fois plus longue Am J Respir Crit Care Med 2002; 166:1263
Aspergillus : macrophages et oxydants Souris invalidées pour la NADPH oxydase : pas de killing d ’A. fumigatus Inhibiteurs de la NADPH oxydase : diminution du killing, sans diminution de la phagocytose. Corticoïdes : inhibent la production de réactifs oxydants et le killing des conidies. Favorisent le développement d ’API chez la souris. Infect Immun 2003; 71:3034.
Les Toll-like récepteurs (TLR) Permettent la reconnaissance de structures hautement conservées sur les pathogènes. Liaison microbe-TLR entraîne soit une réponse inflammatoire et élimination du pathogène, soit le développement de réponses immunes adaptatives. 10 membres de la famille des TLR décrits chez l ’homme, dont certains, présents sur macrophages et cellules dendritiques, jouent un rôle dans l ’immunité antifongique.
Aspergillus et TLR Souris TLR2-/- : diminution de TNF après stimulation de Mac par Aspergillus. Asp. stimule NFk-B dans lignée humaine HEK293 uniquement si transfectée par TLR2. Activité nettement accrue si co-transfection par CD14. CCL : signalisation optimale par Aspergillus requiert TLR2 chez la souris et chez l ’homme. J Biol Chem 2002; 277:39320
Immunité innée : les cellules dendritiques Reconnaissent des motifs antigéniques (mannose) Processing des antigènes et présentation aux cellules T Expression des molécules de costimulation
Aspergillus et cellules dendritiques (1) Récepteurs et mécanismes de phagocytose distincts pour conidies et hyphes Réponses cytokiniques différentes Conidies : IL-12 Hyphes : IL-4, IL-10 Maturation fonctionnelle dans les ganglions Induction d’une activation sélective Th des T CD4+. CD = sentinelles de l’immunité innée et initiatrices de la différentiation fonctionnelle des T (J Immunol 2002; 168:1362).
Aspergillus et cellules dendritiques (2) CD normales incubées en présence d'A. fumigatus tué s’activent et accroissent expression HLA-DR, CD80/CD86 production d'IL-12 prolifération lymphocytaire autologue CD prélevées avant greffe de moëlle et réinjectées : restauration partielle des réponses antifongiques des T autologues prélevés 1 mois post-greffe (Bone Marrow Transplantation 2001; 27:647).
Immunité innée : les médiateurs solubles Complément (opsonisation, chémoattraction, perforation des membranes) Cytokines IL-6, TNFa, C-X-C chémokines (IL-8), GM-CSF, M-CSF
Rôle crucial des CK dans les défenses anti- aspergillaires : effet direct sur croissance du champignon (TNFa) et sur la modulation de la différentiation des lymphocytes intra-pulmonaires Rôle du GM-CSF : promotion de la résistance aux conidies en permettant le maintien d'une réponse inflammatoire (J Infect Dis 2003; 187:705) Rôle du M-CSF : administration prophylactique chez le lapin augmente la survie et décroît les lésions pulmonaires (Cytokine 2001; 15:87)
Immunité acquise : les lymphocytes T CD8 : cytotoxiques CD4 : inducteurs de l'immunité Th1 : IL-2 et IFNg. Pas IL-4, -5 -6, -10. Active la bactéricidie des phagocytes Th2 : IL-4, -5, -6, et -10. Pas IL-2 ni IFNg. Inhibe la bactéricidie. Inhibe Th1
Aspergillus et cytokines Résistance associée à immunité innée intacte TNFa, IL-18, IL-12 lymphocytes environnants produisant activement IFNg et IL-2 Susceptibilité associée à perte de l'immunité innée IL-4, IL-10 Infect Immun 2001; 69:1554
Aspergillus : modèle vaccinal murin Souris immunocompétente traitée avec filtrat de culture d’Asp. : développement d’une forte réponse Th1 protectrice. Transfert de protection vers hôte naïf par T CD4+ (IL-2 + et IFNg +) Souris immunodéficiente : pas de réponse Th1 Ag purifié Asp f2 : réponse Th2 Possibilités vaccinales avec Ag relevant ? (J Immunol 2000; 165:381)
CONCLUSION (1) Défenses pulmonaires antifongiques dépendent d'une immunité innée intacte et de la capacité à monter une immunité acquise efficace pour renforcer le killing des pathogènes. Rôle crucial des médiateurs solubles (nature, quantité, dynamique de production, équilibre).
CONCLUSION (2) Utilisation potentielle en thérapeutique humaine d’immunothérapie utilisant ces médiateurs (IFNg, IL-12, anti-IL-4) de thérapie cellulaire utilisant des CD pulsées avec des Ag fongiques Synergie puissante de l'immunothérapie et des drogues antifongiques dans les essais animaux.
CONCLUSION (3) Meilleure connaissance des mécanismes élémentaires de défense du poumon peut constituer la base de réflexions d’ordre thérapeutique dans les infections fongiques pulmonaires.