SPORT DE HAUT NIVEAU & EQUILIBRE PSYCHOLOGIQUE Différences homme-femme et tendances par type de sport K. Schaal, M. Tafflet, H. Nassif, V. Thibault , C. Pichard, M. Alcotte T. Guillet, N. El Helou, G. Berthelot, S. Simon, J.F. Toussaint Psychological balance in high level athletes: gender-based differences and sport specific patterns. PLoS ONE 2011 6(5): e19007 doi : 10.1371/journal.pone.0019007
Objectifs de l’étude Créer un recueil épidémiologique des bilans psychologiques annuels effectués sur les sportifs de Haut Niveau et Espoir Effectuer un compte-rendu global de ces bilans Exposer certaines des tendances ou vulnérabilités particulières associées à des facteurs démographiques et socio-environnementaux Les objectifs de ce projet étaient; tout d’abord, de créer un recueil des bilans psychologiques annuels sur l’ensemble du territoire français; Afin d’effectuer un compte rendu des premiers résultats obtenus par les psychologues et médecins, En accordant une attention particulière aux tendances spécifiques observées dans la prévalence de chaque trouble en fonction du sexe, de l’âge du sportif, de la qualité de son environnement personnel et social, ainsi qu’en fonction du type de sport pratiqué. Schaal et al. PLoS ONE 2011
Méthodes-recueil et analyses GRILLE DE DONNEES STANDARDISEE, incluant: 1. Les différents problèmes psychologiques identifiés 2. Certains comportements/problèmes associés aux TPP 3. La qualité de l’environnement social du sportif ANALYSES PRINCIPALES Différences entres HOMMES et FEMMES Effet de l’AGE Effet du TYPE DE SPORT PRATIQUE Afin de recueillir ces données, un comité scientifique piloté par l’IRMES a crée une grille de données standardisée, envoyée à tous les centres médicaux et sportifs susceptibles d’effectuer ces bilans, afin que médecins et psychologues y transcrivent les informations obtenues sur; 1. Les troubles psychologiques identifiés, en précisant leur occurrence dans le temps, 2. Les comportements ou autres problèmes qui pourraient être associés à la présence de psychopathologie; tels que par exemple les troubles du sommeil, les comportements agressifs ou encore les violences subies par leur entourage ; 3. La qualité de l’environnement privé et social dans lequel le sportif évolue ; incluant : La vie personnelle et familiale, l’environnement sportif, la vie scol./prof, la vie sociale, et la santé physique. Les données recueillies ont ensuite été traitées par analyses multi-variées pour déterminer l’effet du sexe et de l’âge des sportifs sur la prévalence des troubles, en ajustant sur le type de professionnel effectuant les bilans. L’effet du type de sport pratiqué a aussi été évalué. Pour ceci; nous avons regroupé les sports en 7 catégories afin d’obtenir suffisamment d’effectifs. Pour ceci nous nous sommes appuyés sur les mêmes types de regroupement trouvés dans la littérature de psychologie du sport. Schaal et al. PLoS ONE 2011
Résultats – représentativité démographique 2067 bilans obtenus = 13% de la population des SHN et Espoirs Psychologues: 62 % Médecins: 38 % Nous avons obtenus un peu plus de 2000 bilans, soit 13% des sportifs inscrits sur les listes ministérielles de Haut Niveau ou Espoir, avec une très bonne représentativité de la proportion Homme/Femme (2/3 hommes et 1/3 femmes), de la moyenne d’âge des sportifs, ainsi que du niveau de compétition (Espoir ou Haut niveau). La distribution géographique est elle aussi représentative de l’ensemble de la population des sportifs de haut niveau en France Métropolitaine et territoires d’outre-mer, avec une légère sur-représentation de l’IDF et une sous-représentation des DOM-TOM. Schaal et al. PLoS ONE 2011
Résultats- représentativité des sports Tous les sports majeurs en France, en termes du nombre d’athlètes inscrits sur liste Haut Niveau étaient représentés dans notre base de données, Les ¾ des bilans recueillis se regroupaient sous 3 catégories de sports : Les sports de combat et de contact (Judo Karaté Lutte, Boxe, mais aussi Rugby), les sports de course (Athlétisme, Triathlon, Cyclisme, Ski de fond), et les sports d’équipe/sports de ballon (Volleyball, Handball, basketball, football). Schaal et al. PLoS ONE 2011
Troubles psychologiques et associations Prévalence des troubles en cours (6 derniers mois) Pour en venir aux troubles psychologiques détectés dans cette population : les problèmes appartenant à la catégorie des troubles anxieux étaient identifiés le plus souvent, affectant 8.6% des sportifs et sportives au moment de leur bilan, suivi des troubles du comportement alimentaire, puis des épisodes dépressifs. Les comorbidités qui sont fortement démontrées dans la population générale entre ces trois grandes catégories de troubles psychologiques, sont aussi démontrées dans la population sportive, avec par exemple 38% des sportifs avec un trouble anxieux ayant aussi connu au moins un épisode dépressif au cours de leur vie, et 19% d’entre eux ayant eu un trouble du comportement alimentaire. Les troubles du sommeil constituaient la majorité des problèmes associés à la présence de psychopathologie, et étaient liés de façon significative aux troubles anxieux et dépressifs. Schaal et al. PLoS ONE 2011
Les troubles anxieux Anxiété Généralisée, Population générale: Femmes 7 à 15% Hommes 3 à 11% (1,2) Ratio Femme : Homme = 3:2 à 3:1 Si l’on se penche de plus près sur la catégorie des troubles anxieux, on constate que le trouble d’anxiété généralisée est le trouble le plus fréquent, chez les sportifs comme les sportives. Les femmes sont plus à risque que les hommes pour presque tous les troubles anxieux, en particulier le TAG et les TOC. Ces tendances selon le sexe correspondent bien à celles reportées dans la population générale, qui trouve 1.5 à 3 fois plus de troubles anxieux chez les femmes que les hommes. La littérature nous montre des prévalences d’anxiété généralisée dans la population française qui encadrent celles obtenues chez les sportifs : on trouve entre 7 et 15% d’AG chez les femmes, et ici 7.5% chez les sportives, et entre 3 et 11% chez les hommes, et 5.2% chez les sportifs. Les autres troubles anxieux apparaissent aussi dans les mêmes proportions que la population. 1. Leray et al. (2010) Eur. Psychiatry. In press. 2. Chan-Chee et al. (2009) Enquête ANADEP 2005: INPES, coll. Etudes santé. Schaal et al. PLoS ONE 2011
Les épisodes dépressifs Depression MAJEURE Sportifs: < 1 % Population générale: 6 à 12 % (1,3,4) chez les 18-34 ans Ratio Femme:Homme = 2:1 En regardant maintenant la dépression : la grande majorité des épisodes dépressifs sont de type mineur ; Les épisodes dépressifs majeurs, quant à eux, concernent moins de 1% des sportives et des sportifs dans les 6 mois précédant leur bilan Comme pour les troubles anxieux, la prédominance féminine est démontrée pour la dépression. Chez les sportifs comme dans la population générale, la dépression est identifiée chez les femmes 2 fois plus souvent que chez les hommes. La dépression majeure démontre aussi un lien significatif avec l’âge : les athlètes âgés de plus de 21 ans étant plus souvent affectés que les plus jeunes au moment de leur bilan. Par contre, même pour cette classe d’âge plus à risque, on constate que ces taux de dépression MAJEURE sont bas par rapport aux chiffres de la population française du même âge. Plusieurs études montrent des prévalences de dépression majeure sur 12 mois allant de 6 à 12%. 14.5 % femmes, 6.6% hommes (Lopez et al) 7.2% femmes, 2.7% hommes (ANADEP; Saphino) 13% F, 8.9% H (Leray et al 2010) 1. Leray et al. (2010) Eur. Psychiatry. 3. Alonso et al. (2004) Acta Psychiatr Scand Suppl. 4. Lopez et Penet (2007). Regards sur…la santé des Franciliens. INSEE Ile-de-France
Type de sport pratiqué, anxiété et dépression 39% Anxiété généralisée (% sur vie entière) 16% Episodes dépressifs (% sur vie entière) L’analyse des troubles psychologiques en fonction du type de sport pratiqué révèle que l’anxiété généralisée et les épisodes dépressifs est largement plus fréquente dans les sports dits « esthétiques » (tels que la gymnastique et le patinage artistique) que dans les autres sports ; pour les femmes comme pour les hommes. Ceci pourrait être expliqué par une des pressions majeures caractérisant ces sports; le fait que la réussite de chaque performance ou compétition dépende lourdement sur l’appréciation d’un jury, ce qui est reporté dans la littérature comme engendrant une sensation de manque de contrôle chez les gymnastes. La littérature démontre que ce manque de contrôle dans des aspects importants de la vie d’un sportif est particulièrement anxiogène. Ces psychologues soutiennent que pour certains de ces sportifs qui auraient une estime de soi fortement basée sur leur compétences et sur l’appréciation des autres, cette contrainte commune aux sports esthétiques jugés, si mal gérée, pourrait influencer le développement de troubles anxieux et de dépression. Par contre, à l’autre extrémité de ces distributions, les sports dits “à risque”, (les sports aériens, le parachutisme ou le parapente, l’escalade, et les sports de glisse), quant à eux, malgré le danger physique réel lié à chaque performance, montrent les taux d’anxiété et de dépression les plus bas. Il a été demontré que même si de telles activités sont très anxiogènes pour beaucoup de monde, ces sportifs, pour rechercher l’excellence dans de telles disciplines, ont peut-être justement une bonne disposition à gérer la peur, l’inquiétude, ou le stress, et développent donc un biais optimiste face au danger. Il est suggéré que le profil psychologique de ces sportifs les rendrait donc moins susceptibles de développer de tels troubles. #: différence significative par rapport aux autres groupes de sports, p <0.05 Schaal et al. PLoS ONE 2011
Les troubles du comportement alimentaire (TCA) Population générale: ANOREXIE et BOULIMIE ~ 1 % Ratios Femme : Homme jusqu’ à 10:1 Association au type de sport pratiqué: Sports de combat Sports de course (femmes) En nous tournant ensuite vers les TCA, on constate que la plupart de ceux-ci sont identifiés comme mineurs, ou non autrement spécifiés. L’anorexie mentale et la boulimie concernaient, en tout, 5 femmes et 6 hommes. Alors que la prédominance féminine dans les TCA est très forte par rapport aux hommes dans la population, allant jusqu’ à 10 pour 1, cette proportion est ici très diminuée, atteignant à peine 2:1. Ceci peut s’expliquer par la forte représentation des sports de combat à catégories de poids dans l’ensemble des bilans ; les hommes participant à ces sports montrent plus souvent des TCA que les autres sports. Les femmes étaient elles aussi plus souvent affectées dans ces sports de combat, mais elle l’étaient encore plus dans les sports de course dits « portés »; tels que l’athlétisme, ou le triathlon où il peut y avoir une grande pression à atteindre un faible % de masse grasse. Mais encore une fois, ces tendances ne pouvaient être démontrées que sur les troubles MINEURS ou NON SPECIFIES du comportement alimentaire, et non pas sur l’anorexie et la boulimie. Différence H-F significative; + , p < 0.1 Preti et al. J Psychiatr Res. 2009; 43(14): 1125-1132. Schaal et al. PLoS ONE 2011
Les aspects socio-environnementaux Sur les 5 aspects socio-environnementaux évalués lors des bilans, c’est-à-dire la sphère personnelle et familiale, l’environnement sportif, la vie scolaire ou professionnelle, la santé physique et la vie sociale, une très large majorité des sportifs, ici montrés en vert, évoluent dans des conditions jugées `satisfaisantes` à `très satisfaisantes`. Par contre, parmi ceux exposés à des circonstances néfastes, dans une ou plusieurs de ces sphères socio-environnementales, ici en rouge, les troubles psychopathologiques étaient environ 2 à 3 fois plus fréquents que chez le reste des sportifs. Ceci démontre très nettement l’importance de la qualité de l’environnement social dans le maintien de la santé mentale ; pour les sportifs et sportives comme pour le reste de la population. On peut mentionner, ici, que sur la globalité des bilans, et tous sports confondus, l’environnement sportif, en soit, ne présente pas plus de risque que les autres facteurs environnementaux. Pour les sportifs avec des facteurs socio-environnementaux non satisfaisants (en rouge): 2 à 3 fois plus de risque de psychopathologie: 60 à 70% avec ≥ 1 TPP Schaal et al. PLoS ONE 2011
Conclusions La santé psychologique des sportifs suit les mêmes tendances que la population du même âge, variant selon: Le sexe et l’âge, Leur environnement personnel et social Sur certains critères, les sportifs semblent même moins à risque que le reste de la population (dépression) Cette étude confirme l’importance d’évaluer régulièrement, par ces entretiens annuels, la santé psychologique de chaque sportif les risques socio-environnementaux Afin d’encourager une prise en charge si nécessaire, Et les aider à gérer de manière appropriée des difficultés ou contraintes particulières Tout en reconnaissant ces limitations, ce rapport démontre toutefois que la santé psychologique des sportifs de haut niveau en France suit bien les mêmes grandes tendances que celles de la population générale, variant selon le sexe et l’âge du sportif, ainsi que selon la qualité de son environnement personnel et social. Sur certains critères, tels que la dépression majeure, les sportifs et sportives de haut niveau semblent même moins à risque que le reste de la population de leur âge. Il démontre aussi l’importance de continuer à veiller régulièrement, par le biais de ces entretiens psychologiques, à ce que les sportifs parviennent à gérer; de manière saine, les difficultés qui pourraient justement être liées à leur environnement, ou bien aux contraintes particulères liées à la pratique de leur sports. Schaal et al. PLoS ONE 2011
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