Les Quatre cents coups, François Truffaut (1959)
Synopsis L’action se situe à Paris dans les années 50. Antoine Doinel, 12 ans, est la bête noire du strict instituteur Petite Feuille. Distrait, il accumule les bêtises et écope d’une conjugaison à faire chez lui. Dans l’appartement étroit, il ne peut écrire sa punition : sa mère, très froide, l’envoie chercher de la farine, son beau-père jovial ne lui est guère utile. Le lendemain, son copain René l’emmène faire l’école buissonnière, en particulier à la fête foraine. Il aperçoit sa mère embrassant un autre homme. Le jour suivant, il n’a guère le temps de recopier correctement le mot d’excuses que lui prête René et lance à Petite Feuille que sa mère est morte ! Celle-ci est horrifié par le mensonge de son fils qui a choisi de la « supprimer ». Antoine décide alors de vivre sa vie et dort dans les sous-sols d’une imprimerie. La fugue passée, la mère tente d’amadouer Antoine : il aura mille francs s’il a une bonne note en français. Las ! Petite Feuille n’apprécie guère le plagiat de La Recherche de l’absolu, de Balzac, qu’Antoine vient de lire et qu’il utilise de mémoire pour décrire la mort de son grand-père. Nouvelle fugue, un temps chez René, dont la mère, alcoolique, est indifférente et le père occupé uniquement de son « club ». Pour survivre, Antoine vole une machine à écrire au bureau de son père mais, ne pouvant la vendre, il se fait prendre en la rapportant. Son beau-père le conduit au commissariat et la famille se décharge de lui. Au centre de détention, même René ne peut lui rendre visite. Il profite d’une partie de football pour s’enfuir, voir la mer qu’il n’a jamais vue, avant de se retourner vers la caméra…
Accueil critique Le film, sorti en octobre 1959, a obtenu un succès critique et public immédiat. Truffaut était attendu au tournant car il s’était fait connaître comme critique de cinéma dans les revues Les Cahiers du Cinéma et Art. Il est couronné au festival de Cannes du prix de la mise en scène. Le film Les 400 coups s’inscrit dans un contexte particulier. En effet, le film est en partie autobiographique. François Truffaut est lui-même enfant naturel, né de père inconnu, placé en nourrice chez sa grande mère maternelle. À l’âge de 7, 8 ans, il va vivre chez sa mère. Il fait l’école buissonnière, vole une machine à écrire, se retrouve au commissariat puis dans un centre, s’enfonçant ainsi doucement dans la petite délinquance. François Truffaut a été « sauvé » par le célèbre critique André Bazin qui s’est beaucoup occupé de lui. Le film lui est d’ailleurs dédié ; il est décédé le deuxième jour du tournage du film.
Truffaut et la Nouvelle Vague Ce film, qui est le premier long métrage de Truffaut (qui a déjà réalisé Les Mistons) annonce son travail sur l’enfance - L’Enfant Sauvage, L’Argent de Poche…- et sa rencontre avec Jean-Pierre Léaud, son double à l’écran (Antoine et Colette, Baisers Volés, Domicile Conjugal puis L’Amour en fuite). Les 400 coups s’inscrit dans « La Nouvelle Vague ». Il peut être difficile aujourd’hui de concevoir que ce film a été, lors de sa sortie, un véritable choc visuel (par exemple la séquence chez la psychologue). Aujourd’hui, cela nous apparaît comme étant la norme. En plus des dialogues venaient s’ajouter pour la première fois des bruits parasites (voitures, grincements…).
La Nouvelle Vague En 1958-59, trois jeunes critiques de cinéma deviennent cinéastes et mettent en pratique ce qu’ils critiquent dans leurs articles. Claude Chabrol réalise Le Beau Serge, Jean-Luc Godard A Bout de Souffle et François Truffaut Les 400 Coups. Ces critiques fustigeaient la dictature des trois piliers du cinéma français : - les producteurs - les scénaristes (Henri Jeanson, Michel Audiard, Aurenche et Bost) - les vedettes (Michèle Morgan, Pierre Fresnais…) Ils estimaient que l’on donnait à l’époque trop d’importance au mot d’auteur, aux calembours et luttèrent contre cela. Ils réalisent donc des films à petits budgets, avec des producteurs indépendants (Chabrol réalisera Le Beau Serge avec un héritage familial), en décor naturel car cela coûte beaucoup moins cher que les studios qui sont en plus très artificiels, avec des acteurs inconnus (Jean-Pierre Léaud, Bernadette Laffont…) et non des vedettes. Ils voulaient s’affranchir de toutes les contraintes car l’homme le plus important sur un film est, d’après eux, le metteur en scène qui doit avoir l’entière liberté de création. Ainsi, Les 400 Coups s’inscrit dans cette révolution sur le plan technique (utilisation de pellicules ultra sensibles) et ce renouveau esthétique.