La supraconductivité: une manifestation du froid qui a fasciné les physiciens et chimistes Par Marcel Ausloos et Rudi Cloots Professeurs à l’Université de Liège Des « super » conducteurs venus du froid
Les hommes de la préhistoire surent très tôt fabriquer le chaud en maîtrisant le feu…tout en confiant à leurs femmes le soin de l’entretenir. En revanche, au début du XIXème siècle, personne ne fabriquait le froid!
Cette conférence est consacrée à une des manifestations du froid qui, dès sa découverte, a fasciné les physiciens. Il s’agit de la supraconductivité. Elle s’est avérée un filon fructueux pour la mise au point de théories et de méthodes qui ont rejailli sur la physique des particules élémentaires ou la cosmologie. Ce sujet n’avait rencontré jusqu’en 1986 qu’une audience très limitée. La situation a changé en 1986 avec la découverte de matériaux pouvant être supraconducteurs bien loin au-dessus du zéro absolu.
C’est à Leiden, aux Pays-Bas, que fut observée en 1911 pour la première fois la disparition surprenante de la résistivité du mercure à 4,2 degrés au-dessus du zéro absolu (c’est là que fut liquéfié pour la première fois l’hélium en 1908). La supraconductivité qui venait d’être découverte par Gilles Holst, offrit à son patron, Kamerlingh Onnes le prix Nobel. Résistivité Température (K)
Pour tenter de comprendre la nature de l’état supraconducteur, il était nécessaire de mieux le caractériser que ne l’avait fait Kamerlingh Onnes. Un supraconducteur était-il autre chose qu’un conducteur parfait? Il fallut attendre la fin du monopole hollandais de l’hélium liquide à Leiden pour que W. Meissner, à Berlin, montre qu’à l’intérieur d’un supraconducteur le champ magnétique est rigoureusement nul.
Comment se comporte un matériau supraconducteur en présence d’un champ magnétique? Les étapes successives que traverse un supraconducteur soumis à un champ magnétique croissant sont les suivantes: Jusqu’à une valeur de champ magnétique appelée Hc1, aucun flux ne magnétique ne pénètre; dès qu’on atteint cette valeur, une quantité finie de flux magnétique pénètre d’un seul coup et une nouvelle structure se met en place, caractérisée par un réseau régulier de filaments non supraconducteurs.
First image of Vortex lattice, 1967 Bitter Decoration Pb-4at%In rod, 1 First image of Vortex lattice, 1967 Bitter Decoration Pb-4at%In rod, 1.1K, 195G U. Essmann and H. Trauble Max-Planck Institute, Stuttgart Physics Letters 24A, 526 (1967) Magneto-optical image of Vortex lattice, 2001 Magneto-Optical Imaging NbSe2 crystal, 4.3K, 3G P.E. Goa et al. University of Oslo Supercond. Sci. Technol. 14, 729 (2001)
ZFC FC
L’âge des matériaux: Depuis que la supraconductivité s’était engagée dans l’immense fourre-tout de la recherche sur les matériaux, il devenait très difficile de percevoir dans quelle direction il valait mieux faire porter ses efforts. La recherche des supraconducteurs à plus hautes températures ne relevait d’aucun programme. Découverte de Chu et Wu Découverte de Bednorz et Müller
Au milieu des années 80 le record pour la température d’apparition de la supraconductivité était détenu par un trio de chercheurs des laboratoires Bell pour le Nb3Ge (Tc = 23,2K). A cette époque seuls les oxydes LiTi2O4 et Ba(Pb,Bi)O3 présentaient des propriétés supraconductrices. C’est sur cette base qu’un fellow d’IBM, K.A. Müller, choisit d’investiguer plus en détail les oxydes, en compagnie d’un autre chercheur d’IBM, G. Bednorz.
L’idée maîtresse, basée sur le concept de l’interaction électron-phonon (les vibrations des ions du réseau) introduite vingt ans auparavant par Bardeen, Cooper et Schrieffer, consiste à envisager depuis l’état supraconducteur une transition vers un état isolant (lorsque cette interaction électron-phonon devient trop forte!). Ceci, selon Müller, pouvait fournir un point de départ pour qui voulait mener une course « éclairée » vers des plus hautes températures critiques. GAP dans la mer d’électrons
C’est un article de B. Raveau et Cl C’est un article de B. Raveau et Cl. Michel (à l’Université de Caen), traitant d’un oxyde mixte de cuivre, de lanthane (et de calcium), utilisé comme capteur pour la mesure de pression d’oxygène (en raison des lacunes en oxygène qu’il contient et de leur impact sur les propriétés électriques) qui conduit Müller à pousser plus en avant l’étude des propriétés électriques à basse température. Perovskite ABO3
Facteur de tolérance et dopage: pseudogap Dopage optimum Taux de dopage
supraconducteur isolant Dopage par transfert de charge L’YBaCuO: une véritable ingéniérie moléculaire Dopage par transfert de charge supraconducteur isolant
Applications: Médicale Les tokamaks Le stockage de l’électricité, les trains à lévitation magnétique, l’électronique (SQUID, Jonctions Josephson,…)
Train à lévitation magnétique
Les activités liégeoises: le stockage d’énergie
Les activités liégeoises: le blindage magnétique Blindage électromagnétique aux hautes fréquences : par matériaux bon conducteurs (en vertu de l'effet de peau). Le blindage magnétique aux basses fréquences (typiquement f < 1 kHz) par matériaux conducteurs est problématique (dès que l'épaisseur de peau est plus grande que l'épaisseur de l'écran de blindage). Solution classique : matériaux ferromagnétiques, de grande perméabilité relative (~ 105), tels que le Mumétal. Inconvénients majeurs : prix élevé, difficulté de formage, induction de saturation faible (~ 0.75 T). Les propriétés diamagnétiques des supraconducteurs offrent une alternative intéressante. Notre projet : réalisation de blindages magnétiques constitués de films épais de supraconducteurs à haute température critique (HTS), et étude de la distribution du champ d'induction magnétique par imagerie magnéto- optique. Hi << Ha