Changement climatique, biodiversité et forêt : Trachycarpus fortunei Changement climatique, biodiversité et forêt : quelles interactions ? Jean-Luc Dupouey
Au programme … . Qu'est-ce que la biodiversité ? . Le changement climatique : quelques remarques . Impacts du CC sur la diversité en forêt : accomodation migration adaptation mortalité modifications des interactions biotiques . Autres changements globaux . Rôle rétroactif de la diversité du vivant sur le CC
La biodiversité : une définition La diversité de la vie dans toutes ses composantes : . composition . structure . fonction et à tous ses niveaux : . infra-spécifique (diversité génétique) . spécifique . supra-spécifique (écosystèmes, paysages…) adapté de Hunter (1990) Qu’est ce que la biodiversité ? Peut-on la mesurer ? Pourquoi parle-t-on de crise de la biodiversité ? Pourquoi cherche-t-on à la conserver ? Quels sont les conflits autour de la gestion de la biodiversité ?
Température moyenne (°C) Augmentation de la température moyenne au cours du XXème siècle en France Jones et al. 2001 (France) Moisselin et al. 2002 +0,9°C Température moyenne (°C) Date anomalies 1961-1990
La fréquence des événements extrêmes va augmenter Nombre de jours de canicule (anomalie de +5° pendant au moins 6 jours consécutifs) actuel 2100 (scénario A2)
La réserve en eau du sol va diminuer en été hiver printemps été automne En mm en mm 1975→2085 scénario A2
Les divers niveaux de réponse des populations/espèces aux changements climatiques . Accomodation / plasticité phénotypique (capacité d’un organisme ayant un génotype donné de changer son phénotype en réponse aux variations de l’environnement) . Migration (régénération/dispersion/colonisation) . Adaptation / évolution . Mortalité / dépérissement
Réseau international des Jardins phénologiques AVHRR - NDVI NDVI AVHRR La durée de la saison de végétation a augmenté de 10-15 jours en 30 ans Réseau international des Jardins phénologiques Mauna Loa Mauna Loa Mauna Loa
Phénologie : des mesures simples mais efficaces Rôle des événements extrêmes Dobbertin et al. 2007
La croissance des arbres s’accélère … le CC en est en partie responsable mais n’en est pas la seule cause Forte augmentation de la croissance : +50% -> +200% Badeau et al., 1995 Becker et al., 1998
Migration
Collinéen Montagnard Subalpin Alpin 100 m = 0.56°C N S Les zones de montagne sont un endroit privilégié pour l’étude de l’impact des changements climatiques sur l’aire de distribution des espèces Fréquence relative Teucrium chamaedrys L. 2000 1990 Altitude Bodin et al.
La progression des espèces lauriphylles : interaction CC-introduction d’espèces nombre de jours de gel nombre d’exotiques Walther 2002
Progression du houx dans les Ardennes 1987 9 % 1998 21 % Iversen: houx limité par temp mois le plus froid de -0.5°C Température moyenne du mois le plus froid 1978/1987 1989/1998 Charleville-Mézières -0,1°C +2,1°C Rocroi -1,8°C +0,6°C Ham-sur-Meuse -0,4°C +1,8°C IFN-INRA, 2001
Modélisation des aires de répartition actuelles Inventaire Forestier National 133 150 points géoréférencés présence / absence des espèces INRA - Orléans Base de données géographiques des sols de France descripteurs sols AURELHY – Météo-France 551 716 points de grille (pas de 1 km) P, Tmin, Tmax, Gels (0, -5 et -10°C) Modèle (régression logistique) 160 variables climatiques SATMOS – Météo-France / CNRS 151 018 pixels (pas de 3 km) Rayonnement / images Météosat Calcul d’ETP Badeau et al. 2005
Carte de distribution future scénario ARPEGE– Météo-France (GIEC B2) 240 points 24 paramètres climatiques journaliers, 2000-2100 Carte de distribution future (2050-2100) Modèle 1,7 – 1,8 1,8 – 2,0 2,0 – 2,2 2,2 – 2,4 2,4 – 2,6 2,6 – 2,7 Données climatiques futures +2,3°C en moyenne comparaison 1990/2090
Aire potentielle du Hêtre Climat actuel Climat de 2100 Probabilités de présence I. Porquet, DRAF Hte-Normandie Badeau & Dupouey, 2005
Évolution de la végétation potentielle de France 2000-2100 modélisation des régions biogéographiques année 2000 année 2100 année 2050 Montagne 16% 6% Ouest 17% 46% Méditerranée 9% 28%
D’importantes variations selon les scénarios climatiques +3,2°C en 2100 +2,3°C en 2100 Montagne Ouest Méditerranée Scénario B2 (« optimiste ») Scénario A2 (« pessimiste ») Badeau & Dupouey 2007
. milieux chionophiles, combes à neige, tourbières -> les milieux pseudo-alpins (« subalpins ») des sommets vosgiens sont condamnés à régresser ou disparaître en raison de l’augmentation de la température . stations reliques du pin à crochets (tourbières du Beillard, des Hautes Pinasses) . milieux chionophiles, combes à neige, tourbières -> régression ou disparition des espèces orophytes N S 100 m = 0,6°C Alpin Subalpin Montagnard Collinéen
Scénario d’évolution de la richesse spécifique sous l’effet du changement climatique Thuilley et al. 2005 perte gain modèle BIOMOD année 2080 scénario A2 GCM HadCM3
La vitesse de dispersion/colonisation constitue un paramètre clef de l’adaptation au changement climatique : capacité de coloniser la niche potentielle (« leading hedge ») forme de résistance au dépérissement
Les enseignements de la paléoécologie : changements climatiques => changements d’aire de distribution Migration du chêne lors du réchauffement postglaciaire Liriodendron et magnolia fossile tertiaire (entre 2millions et 65000 ans) en Ardeche D’après Brewer et al. 2002
Le mode de dispersion joue un rôle majeur dans le potentiel de colonisation Endozoochorie > Epizoochorie >Anémochorie > Myrmécochorie Matlack1994 - Ecology, 75: 1491-1502
La biodiversité « ordinaire » ne suivra pas le changement climatique 55 espèces, 5 sites européens, synthèse J.L. Dupouey
Rôle majeur des structures paysagères « briser » la loi des îles . Vitesse de colonisation des espèces de forêts anciennes << 100 m/siècle -> Un grand nombre d’espèces sont prisonnières des forêts anciennes « briser » la loi des îles
L’adaptation génétique . très forte variabilité génétique des arbres . les populations actuelles semblent adaptées à des climats plus chauds . indices de possibles adaptations génétiques rapides
Variation adaptative rapide chez le chêne rouge ? Indice de coloration automnale des feuilles à 1 an population introduite population américaine Indice de débourrement à 4 ans
La mortalité
Déficit pluviométrique cumulé de février à juin 2003
2003 : un test des effets du changement climatique % Taux de mortalité des arbres photo L.M. Nageleisen Département de la Santé des Forêts, 2006 10800 arbres, 540 placettes
L’état sanitaire des arbres : une mémoire à long terme défoliations par le Bombyx 50 100 150 200 250 Largeur de cerne (1/100 mm) 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 sécheresse sécheresse Survie Mortalité 40 ans après … 70 ans après … Chênaies en Forêt de Haguenau, Bréda & Dupouey, 1998
Les interactions entre espèces vont elles aussi changer : . compétition entre espèces . interactions mutualistes, parasitaires…
Zonage climatique des risques de pathogène Phytophtora cinnamomi (Encre sur Chêne pédonculé) 2070-2100 1960-1990 (Marçais et al., 2004)
Remontée du gui en altitude et mortalité du pin sylvestre Limite supérieure observée en Valais : 1910 : 1050 m 1993-1995 : 1250 m Dobbertin et al. 2005
Le changement climatique n’est pas le seul, ni même le principal, parmi les changements de l’environnement qui impactent la biodiversité : . changements d’utilisation des terres . accroissement de l’intensité des pratiques . pollution atmosphérique (ozone, composants acides et azotés) . introduction d’espèces ou déséquilibres dans la gestion des populations d’espèces autochtones
Forêts actuelles et maximum forestier (8000 AP) -50%
La surface de la forêt française augmente rapidement Millions ha 16 15 14 13 1910 12 11 10 9 8 1810 1850 1900 1950 1990 Inventaire AGRESTE 1994 Recolonisation naturelle par le chêne vert dans la région de Montpellier 1991 Debussche et al. 1999
La pression anthropique augmente exemple de l’éloignement des routes forestières % de forêt à plus de 500 m d’une route Et les dessertes !!! 1998 : 22% 1985 : 27%
La mécanisation augmente les risques sur les sols
La pression d’herbivorie augmente Prélèvements par la chasse en pourcentage de la moyenne 1973-2001 392202 sangliers 250 437342 chevreuils 36716 cerfs 200 10437 chamois 150 sanglier chevreuil cerf chamois 100 50 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
Rétroaction - le climat est largement contrôlé par la biosphère : . flux de carbone et autres gaz à effet de serre . flux d’eau . bilan radiatif terrestre (albedo / nuages) . échanges convectifs de chaleur
Un accroissement rapide du stock de bois sur pied en France : production biologique annuelle de 103 millions de m3 pertes & mortalité 8% récolte commercialisée 32% accroissement du stock 36-43 % Séquestration 17 Mt C/an =17% de nos émissions de carbone fossile bois de chauffage autoconsommé 17-24% Dupouey et al. 2007
Conclusions Connaître : recherche sur les mécanismes et impacts du CC Surveiller : développement des observatoires Anticiper : intégration de la composante « changement climatique » dans les actions environnementales. Rôle de la formation/information. Nécessité d’agir à toutes les échelles. Réparer : ingénierie écologique et génétique nécessaire Pondérer : Les préoccupations liées aux changements climatiques ne doivent pas prendre le pas sur celles, plus immédiates, liées aux actions humaines directes, qui restent, de loin, la cause la plus importante des modifications de l’environnement
Merci !