« Docteur, je suis épuisé » SYMPTÔMES PSYCHIATRIQUES CHEZ LES SÉROPOSITIFS Natasha Dufour, MD, FRCPC Fellow Memorial Sloan-Kettering Cancer Center Psychiatrie médicale, CHUM Notre-Dame 7 avril 2009
OBJECTIFS Apprécier l’ampleur de l’épidémie VIH/SIDA Constater les symptômes les plus fréquemment rapportés Se familiariser avec le diagnostic différentiel de ces symptômes Appliquer des traitements ciblés Capacité à consentir ou refuser des soins
Estimations mondiales Décembre 2006 Personnes vivant avec le VIH/SIDA 39,5 millions Adultes 37,2 millions Femmes 17,7 millions Enfants 2,3 millions Nouveaux cas d’infection à VIH en 2006 4,3 millions Adultes 3,8 millions Enfants 530 000 Décès dus au VIH/SIDA en 2006 2,9 millions Adultes 2,6 millions Enfants 380 000
Adultes et enfants vivant avec le VIH Estimations en 2006 Europe orientale & Asie centrale Europe occidentale Amérique du Nord 1,7 million 740 000 1,4 million Asie de l’Est & Pacifique 750 000 Afrique du Nord & Moyen–Orient Caraïbes Asie du Sud & du Sud–Est 250 000 460 000 7,8 millions Amérique latine Afrique subsaharienne 1,7 million 24,7 millions Océanie 81 000 Total : 39,5 millions
Nombre estimatif de décès par SIDA chez l’adulte et l’enfant en 2006 Amérique du Nord Europe orientale & Asie centrale Europe occidentale 18 000 84 000 12 000 Asie de l’Est & Pacifique Afrique du Nord & Moyen–Orient 43 000 Caraïbes 19 000 Asie du Sud & du Sud–Est 36 000 590 000 Afrique subsaharienne Amérique latine 2,1 millions Océanie 65 000 4000 Total : 2,9 millions
Épidémiologie CANADA 58 000 Infections - QUÉBEC 16 000 Séropositifs 70% des cas de SIDA sont à Montréal
Mode de transmission Homosexuel/bisexuel 46%
Mode de transmission Hétérosexuel 37%
Mode de transmission Utilisation drogue intraveineuse 14%
INTRODUCTION Un diagnostic psychiatrique chez un patient VIH est invariablement un diagnostic différentiel
ÉPIDÉMIOLOGIE Prévalence de troubles à l’axe I Ressources communautaires en santé mentale Dépression majeure 60% Abus de substances 50% Dysthymie 25% Troubles anxieux 25% (McDaniel et al., 1999)
ÉPIDÉMIOLOGIE Prévalence de troubles à l’axe I Patients VIH ou SIDA hospitalisés (médecine ou chirurgie) Dépression majeure 31% Délirium ou démence 20% Abus de substances 19% Troubles bipolaires 16% Troubles anxieux 13% (Ferrando et al., 1998)
TROUBLES DE L’HUMEUR RELIÉS AU VIH
DÉPRESSION
DSM-IV-R Trouble d’adaptation Dysthymie Dépression bipolaire Dépression majeure Trouble de l’humeur induit par une substance Trouble de l’humeur secondaire à une condition médicale
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL Syndrome cognitivo-moteur Démence associée au VIH-1 Infections opportunistes du SNC et cancers Maladies systémiques secondaires au VIH-1 Abus de substances Effets secondaires des médicaments Anomalies endocriniennes
FACTEURS DE RISQUE DE DÉPRESSION ATCD personnels ou familiaux de dépression, de suicide et de troubles anxieux Utilisation courante ou passée de drogues ou de R-OH Support social inadéquat Non divulgation du statut Pertes multiples Progression de la maladie Échec du traitement
DÉPRESSION ET VIH Impact biologique de la dépression majeure Observance diminuée aux antirétroviraux Activité diminuée des NK Corrélation négative avec les CD4 - Associée à une morbidité et mortalité plus élevées
VIH ET SUICIDE Idéation suicidaire Geste suicidaire Suicide Désir de suicide assisté
SUICIDE ET TROUBLES DE L ’HUMEUR RELIÉS AU VIH PRÉVALENCE Suicide et dépistage des anticorps Avant dépistage sérologique - 30% patients rapportent idéations Deux mois après le dépistage - 16% des séronégatifs et 19% des séropositifs rapportent idéations suicidaires Suicide et stade de la maladie Patients avec SIDA ont moins d ’idéations suicidaires que patients asymptomatiques Patients avec SIDA ont suicidalité comparable aux patients VIH négatifs
FACTEURS DE RISQUE AU SUICIDE Tentatives antérieures Africain-Américain, hommes hispaniques Âges 25-54 Hx personnelle/familiale de tentatives suicidaires Maladie mentale Abus/dépendance drogues/R-OH Découragement profond Plus de symptômes reliés au VIH
FACTEURS DE RISQUE (SUITE) Pertes multiples Orientation sexuelle confuse Contrôle de la douleur inadéquat Stresseurs psychosociaux Stade de la maladie Déficits cognitifs
CONFUSION AUTOUR DE LA NOTION DE SUICIDE CHEZ LES PATIENTS VIH La plupart des patients infectés pensent au suicide Les idéations suicidaires sont communes Peuvent servir à faire face au diagnostic, à explorer les options devant un défi important Se réserver le droit au suicide peut procurer un sentiment de contrôle Décision de cesser le traitement La qualité de vie et le fardeau découlant de la prise de médicaments doivent être évalués
TRAITEMENT DE LA DÉPRESSION Déterminer nécessité d ’hospitalisation risque suicidaire incapacité de subvenir à ses soins environnement contrôlé nécessaire pour début de pharmacothérapie médicalement vulnérable histoire de maladie bipolaire à cycles rapides
PSYCHOTHÉRAPIES Thérapie introspective Thérapie interpersonnelle Cognitivo-comportementale Support Groupes/couple/famille
PHARMACOTHÉRAPIE Antidépresseurs chez les séropositifs: Étude cliniques regroupant 1000 patients Antidépresseurs efficaces 50-90% Placebo efficace jusqu’à 48% - Taux d’attrition élevé (19-55%) Nombre moyen de médicaments simultanés:4 Psych Clin n Am (2002); 25(1): 149-159.
PHARMACOTHÉRAPIE Antidépresseurs chez les séropositifs: Plus sensibles aux effets secondaires Fonction rénale et hépatique parfois compromises Cytochrome P450 et interactions médicamenteuses: - Antidépresseurs surtout substrats 2D6 - Antirétroviraux sont inhibiteurs 2D6 et 3A4 - Données connues in vitro seulement Psych Clin n Am (2002); 25(1): 149-159.
Dépression: traitement spécifique ISRS Substrats de 2D6 et 3A4 - Co-administration avec antirétroviraux: - Augmentation du taux sérique des ISRS - Plus grande susceptibilité aux effets secondaires des ISRS - Inhibiteur 3A4 puissant: ritonavir (Norvir, Kaletra) Psych Clin n Am (2002); 25(1): 149-159.
ANTIDÉPRESSEURS ISRS ISRS Citalopram Celexa ® 10-20 20-40 Sertraline Nom commercial Dose quotidienne Initiale (mg) d’entretien (mg) Citalopram Celexa ® 10-20 20-40 Sertraline Zoloft ® 25-50 50-100 Paroxétine Paxil ® Fluvoxamine Luvox ® 100-300 Fluoxétine Prozac ® Escitalopram Cipralex ® 20
ANTIDÉPRESSEUR IRND IRND Bupropion Wellbutrin Sr ® 100 150-300 Nom commercial Dose quotidienne initiale (mg) Dose quotidienne d’entretien (mg) Bupropion Wellbutrin Sr ® 100 150-300
ANTIDÉPRESSEUR IRSN IRSN Venlaflaxine Effexor XR ® 37.5-75 75-225 Nom commercial Dose quotidienne initiale (mg) Dose quotidienne d’entretien (mg) Venlaflaxine Effexor XR ® 37.5-75 75-225
Antidépresseur Antagoniste α-2 / antagoniste 5-HT2 et 5-HT3 NaSSA Nom commercial Dose quotidienne initiale (mg) Dose quotidienne d’entretien (mg) Mirtazapine Remeron ® 15-30 45-60
Modafinil Méthylphenidate Amphétamine PSYCHOSTIMULANTS Modafinil Méthylphenidate Amphétamine Alertec® Ritalin® État d’éveil ÎÎ État d’éveil médié par la dopamine Activité psychomotrice 0/Î Stéréotypies Anxiété Tension artérielle Î Rebond sommeil nrem
ANTIDÉPRESSEURS VS PSYCHOSTIMULANTS Antidépresseurs d ’abord VIH à ses débuts Histoire antérieure de dépression Pas d ’atteinte cognitive Abus de substances Psychostimulants d ’abord VIH stade modéré à avancé Dysfonction cognitive surajoutée à dépression Fatigue importante Dysfonction cognitive sans dépression
MANIE
DSM-IV-R Manifestations cliniques: Humeur irritable ou expansive durant au moins 1 semaine Trois ou plus des symptômes suivants: Estime de soi accrue Besoin de sommeil diminué Plus verbal, pression du discours Fuite des idées ou idées accélérées Distractivité Augmentation de l’activité orientée vers un but Implication excessive dans des activités hédoniques ayant un potentiel élevé de conséquences pénibles
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL Maladie affective bipolaire Cyclothymie Hypomanie Trouble de l’humeur secondaire à une condition médicale Trouble de l’humeur induit par une substance Trouble schizo-affectif Trouble de la personnalité
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL (SUITE) Démence associée au VIH Effets secondaires de la médication Infections opportunistes Néoplasies SNC Maladies systémiques secondaires au VIH Anomalies endocriniennes Abus de substances
PHARMACOTHÉRAPIE DE LA MANIE LIÉE AU VIH Carbonate de lithium Acide valproïque Carbamazépine Gabapentin Lamotrigine Clonazépam Neuroleptiques
TROUBLES ANXIEUX RELIÉS AU VIH
ÉPIDÉMIOLOGIE Prévalence des troubles anxieux: 2-40% Taux varient en fonction: Techniques d’échantillonnage Corrélats psychosociaux Co-morbidités (dépression majeure-abus de substances)
ANXIÉTÉ ET PROGRESSION DE LA MALADIE Les événements reliés à la maladie ainsi que ses divers stades de progression sont souvent associés aux premières manifestations de symptômes anxieux ou à l ’exacerbation d ’une symptomatologie anxieuse déjà existante
ANXIÉTÉ RELIÉE AU VIH Dépistage du VIH Annonce du statut VIH+ Apparition des premiers symptômes de la maladie Déclin des CD4 Augmentation de la charge virale Début du SIDA
ANXIÉTÉ RELIÉE AU VIH Dévoilement du statut VIH Instauration Rx Négociation d ’une nouvelle sexualité Début troubles cognitifs Douleur chronique Complications médicales multi-systémiques Deuil/préparation à la mort
SYMPTÔMES SOMATIQUES Douleur thoracique Impression d’étouffer Diarrhée Diaphorèse Dyspnée Fatigue Flushing Céphalées Hyperventilation Tension musculaire Nausée Palpitations Paresthésie Tachycardie Vertiges Vomissement
TROUBLES ANXIEUX PRIMAIRES Trouble panique avec ou sans agoraphobie Phobie sociale et autres phobies Trouble obsessionnel-compulsif État de stress post-traumatique Trouble d’anxiété généralisée État de stress aigu Trouble anxieux secondaire à une condition médicale Trouble anxieux secondaire à une substance
TROUBLE PANIQUE Peut-être plus prévalent chez séropositifs: Prévalence à vie élevée de dépression et comorbidité de trouble panique Association entre trouble panique et maladies virales Association entre utilisation de cocaïne et trouble panique
ÉTAT DE STRESS POST-TRAUMATIQUE Observé chez certains patients ayant reçu résultats de dépistage VIH Déni initial suivi de cauchemars, de pensées intrusives liées à l’annonce du diagnostic Présent chez patients ayant vécu plusieurs pertes liées au VIH, chez les patients UDI
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL Désordres psychiatriques primaires troubles anxieux troubles d ’adaptation abus/dépendance à des substances troubles de l ’humeur deuil (simple-multiple) état de stress post-traumatique Troubles neuropsychiatriques démence associée au VIH délirium
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL (suite) Conditions médicales et anxiété Fièvre Déshydratation Infections opportunistes du SNC Neuro-syphilis Conditions respiratoires Endocrinopathies Complications métaboliques Maladies cardiovasculaires
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL (suite) Médications et anxiété Acyclovir Sustiva Indinavir Corticostéroïdes Isoniazid Interféron Pentamidine
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL (suite) Substances et anxiété Alcool Amphétamines Benzodiazépines Caféine Cocaïne Ecstasy GHB Opiacés Nicotine Kétamine
TRAITEMENT DE L’ANXIÉTÉ LIÉE AU VIH Lorsque possible, commencer par traitements non pharmacologiques Éviter les benzodiazépines Antihistaminiques Neuroleptiques
FATIGUE
FATIGUE
Prévalence de symptômes sélectionnés chez patients séropositifs (n=504) Symptômes physiques et psychologiques sont de 8-13 en moyenne par patient et augmentent avec progression de la maladie - inquiétude 85.5% - fatigue 85.1% - tristesse 81.5% - douleur 75.6% - irritabilité 75.1% - insomnie 73.8% - anxiété 68.0% Vogl, et al., J Pain Sympt Management, 1999
Définition de la fatigue Manque d’énergie Épuisement Manque d’endurance Sommeil non réparateur Faiblesse Asthénie - Exténuation
Trois types de fatigue Physique Mentale Motivationnelle - faiblesse - lourdeur dans les membres - douleur Mentale - difficulté à se concentrer - difficulté à calculer Motivationnelle - perte d’intérêt et de plaisir - frustration et irritabilité BR J of Cancer (1993);68:22
Prévalence de la fatigue Prévalence entre 6-85% Augmente avec la progression de la maladie Sous rapportée et sous-traitée Associée avec des taux de CD4 bas Aucune association avec charge virale Plus fréquente chez les femmes J Assoc Nurses AIDS Care (1999);10:42-49
Approche diagnostique Description subjective Impact de la fatigue Sévérité de la fatigue Cycles d’activité et de repos Identifier causes réversibles Identifier stresseurs psychosociaux
Étiologies de la fatigue liée au VIH Facteurs physiologiques Effets directs VIH/SIDA Système nerveux central et périphérique Toxicité hépatocytes Cytokines Conditions médicales comorbides Anémie Hypogonadisme Hypo/hyperthyroidie Insuffisance surrénalienne Infections opportunistes Déficits nutritionnels Effets des traitements Effets secondaires de la médication Facteurs exacerbants Troubles du sommeil Manque d’exercice Inactivité Syndromes douloureux
Étiologies de la fatigue liée au VIH Facteurs psychologiques Dépression Anxiété Adaptation à une maladie chronique
Fatigue: facteurs physiologiques
Anémie 10-20% HIV+ asymptomatiques 66-85% maladie avancée CAUSES: Moelle hypoproliférative Infection opportuniste Néoplasie (lymphome) Myélofibrose/dysplasie Déficits (fer, vitamines, malabsorption) Inflammation chronique - Iatrogénique (AZT, Dapsone, Bactrim, Ganciclovir)
Anémie: traitement spécifique Déterminer la nécessité d’une transfusion - peut accélerer la progression de la maladie - peut entraîner immunosuppression liée à transfusion Administration érythropoiétine alpha - hémoglobine < 11g/dl
Endocrinopathies Hypogonadisme Insuffisance surrénalienne - VIH - CMV - tuberculose Hypothyroïdie - Hyperthyroïdie
Hypogonadisme 25% HIV+ asymptomatiques non traités 45% SIDA non traité Testostérone associée à: Déficit entraîne: - régulation énergie - fatigue - libido - impuissance - métabolisme nutritionnel - anorexie - humeur - dépression Causes d’hypogonadisme: - atteinte testiculaire/ovarienne - effets secondaires médication - production insuffisante due ↓ stimulation hormonale
Hypogonadisme:traitement Testostérone (injection, gel, crème, timbre) Effets secondaires: rythme cardiaque accéléré tension artérielle augmentée hirsutisme acné agressivité atrophie testiculaire infertilité
Antirétroviraux et fatigue Nausée Anémie I.N.T.I. Lamivudine Abacavir Zalcitabine Zidovudine Tenofovir I.N.N.T.I. Efavirenz I.P. Amprenavir Saquinavir Lopinavir/ritonavir Ritonavir Nelfinavir Indinavir
Fatigue: facteur psychologique
Dépression Prévalence 10-20% HIV+ Défi: clarifier la relation entre la dépression majeure et la fatigue SOMA PATHOS Perte appétit Humeur dépressive Perte pondérale Perte d’intérêt Retard psychomoteur Anhédonie Fatigue Culpabilité Trouble sommeil Perte d’espoir Trouble concentration Idéation suicidaire
Facteurs confondants Insomnie VIH altère l’architecture du sommeil Insomnie initiale Insomnie moyenne Sommeil léger, non restaurateur Cytokines somnogènes ?
Facteurs confondants Iatrogènes efavirenz (Sustiva) stavudine (Zerit) interféron lipodystrophie
Fatigue: approche et management Éducation - aider les patients à identifier la fatigue pathologique Traiter la (les) cause réversible Traiter la fatigue directement - approche multidisciplinaire Gérer les conséquences de la fatigue - counseling Oncology (1998); 12:369-77.
Traitement direct: approche pharmacologique Corticostéroïdes Anticytokines - thalidomide - pentoxyfyline Psychostimulants - fatigue et dépression - cognition - adjuvants aux analgésiques - stimule appétit
Fatigue: approche non-pharmacologique Bonne hygiène de sommeil Exercice Méditation, relaxation Conservation énergie - Thérapie cognitivo-comportementale
Fatigue: counseling Éduquer les patients sur la fatigue pathologique Encourager les patients à en parler Suggérer aux patients de garder un journal quotidien - Discuter de l’impact psychologique de la fatigue
Fatigue: counseling Apprendre à identifier les stresseurs, à les éviter Encourager un équilibre activité/repos Suggérer aux patients de garder un journal quotidien Établir de nouvelles limites, priorités et attentes - Préserver estime de soi