Prise en charge du tabagisme du coronarien Ph. Meurin. Les Grands Prés
Quelques banalités sur les fumeurs… Les fumeurs faciles à sevrer sont déjà des anciens fumeurs : Campagnes d’information Pression sociale « dé-normalisation » du tabagisme Lutte contre le tabagisme passif… Les Cardiaques sont des fumeurs particuliers : Coronariens chroniques restant fumeurs … Mode d’entrée aigu dans la maladie coronaire Défaut de maturation dans le cycle du sevrage
Le Cycle du sevrage n’est pas complet lors d’un épisode aigu -Peur : - facteur de sevrage positif -Défaut de maturation -négatif -Résultat : -40-50% sevrés 1an après Idm 8 tentatives En moyenne
Face au fumeur : le cardiologue 1°) Ai-je le temps / l’envie de « faire » de la tabacologie ? 2°) Puis-je, au cours d’une même consultation, réaliser une prise en charge conventionnelle (technique) psycho-comportementale ? Aboyans A, Pinet P, Lacroix P, Laskar M. Etat de connaissance et prise en charge du tabagisme par les cardiologues en France : enquête nationale. Arch Cardiovasc Dis 2009; 102 : 193-99
Au Préalable Chaque acteur de santé doit déterminer la quantité d’energie et de temps qu’il peut consacrer au tabac (formation + consultations) En intégrant le fait que le sevrage tabagique est probablement une des parties les plus « rentables » -en termes de morbi-mortalité- de son activité En sachant déléguer s’il ne veut pas trop s’impliquer
Rôle minimal du cardiologue : être un moteur bienveillant à chaque consultation 1°) Être non fumeur (8% CF fumeurs) -Exemplarité, connaissances (85 % CF jamais de formation) et attitude différentes 2°) Conseil-minimum - 39 % des CF en ont entendu parler - 7 % des CF le décrivent correctement 3°) information : -Risques liés au tabac -Méthodes de sevrage
Voici une brochure d’information Le conseil minimal Fumez vous ? En êtes vous heureux ? Songez vous à arrêter ? Voici une brochure d’information
L’utilité du conseil minimal en USIC Mortalité à 2 ans : 25 % vs 30 % RR = 0.92 (p = 0.006) Mortalité à 30 Jours : 2% vs 3% RR = 0.81 (p = 0.04) Analyse des dossiers de 16743 infarctus chez des patients fumeurs : Recherche d’un conseil de sevrage ou de remise de brochure Comparaison des taux de mortalités fumeurs conseillés vs fumeurs non conseillés (A uni puis multivariée): Pas de recherche d’efficacité en sevrage tabagique Houston TK et al; Am J Med 2005; 118 : 269-77
Le CM : un critère de qualité des soins en USIC Comparaison des taux de mortalité des NON fumeurs entre USIC-CM+ et USIC-CM- : A 30 jours : RR = 0.955 (p = 0.02) A 2 ans : RR = 0.961 (p < 0.01)
Le sevrage tabagique aux urgences 70% des fumeurs veulent arrêter 30 à 50% essaient tous les ans 60% des fumeurs acceptent et veulent en parler aux urgences1 10% des patients conseillés aux urgences sont sevrés à 3 mois contre 0% dans le groupe controle2 Klinkhammer. Acad Emerg Med 2005; 24 : 220-4. Richman. Acad Emerg Med 2007; 7 : 348-53
Rôle du cardiologue plus motivé (5 % des CF suivent des patients spécifiquement pour le sevrage) 4°)Prise en charge psycho-comportementale… Temps/écoute Inefficacité claire du discours tout puissant « Prof-élève » Entretien motivationnel/thérapies cognitives et comportementales Exemples : Lutter contre les idées fausses Renforcer la valorisation de soi Décrire les méthodes de lutte contre le manque et les épisodes de craving Que faire en cas de rechute ? Trouver le moment du sevrage
Quelques idées reçues fausses Fumer me détend C’est trop tard pour arrêter Je vais grossir Je n’y arriverai jamais J’ai peur d’être invivable J’ai déjà essayé plusieurs fois La nicotine ça ne marche pas chez moi La nicotine c’est dangereux, surtout si on continue à fumer Trois cigarettes par jour ça n’est pas dangereux Si on est enceinte, mieux vaut quelques cigarettes qu’un patch… Le cannabis n’est pas toxique pour le cœur le médecin ex fumeur me comprend mieux
6°)… Ou orientation vers consultation spécialisée Sous-utilisation des médicaments du sevrage par les CF 5°)Prescription : bon traitement, bonne dose Nicotine : +++ à doses massives en associant gommes + patches + inhaleur si besoin Le patient bien traité est surdosé 6°)… Ou orientation vers consultation spécialisée -insuffisamment utilisées (23 % des fumeurs adressés en cs par les CF)
Quelques coronariens fumeurs emblématiques Le sûr de lui: « j’arrête,tout de suite,sans aide, et je ne veux pas en parler » Renforcement de la motivation et estime de soi Information sur les méthodes de sevrage et sur la rechute Le Borné : « je ne veux pas arrêter » Je serait à votre disposition quand vous voudrez arrêter Conseil minimal Le demandeur d’aide Prise en charge médicamenteuse et psychocomportementale
Les médicaments du sevrage Substituts nicotiniques Bupropion Varénicline
Les substituts nicotiniques
En résumé Les substituts nicotiniques apportent une nicotine moins dangereuse car : Pure De cinétique lissée Il existe donc un effet bénéfique immédiat : Suppression de l’effet vasoconstricteur Diminution du risque thrombotique Meilleure oxygénation myocardique Le problème majeur : le sous-dosage
Conclusion médico-légale Les substituts nicotiniques sont bien tolérés chez les patients coronariens et ne provoquent pas d’aggravation de la maladie coronarienne ou de troubles du rythme Les substituts nicotiniques sont recommandés chez les patients coronariens fumeurs dès la sortie de l’USIC. AFSSAPS mai 2003
Bupropion-zyban® et coeur
629 patients cardiaques Suivi : 1 an 559 ans; 25 12 cig/j Atcd d’idm > 3mois : 49 % atcd de procédure cardiaque : 42%, angor : 35%, IC : 6%... Suivi : 1 an Conclusion : Bonne tolérance CV chez les cardiaques stables Tonstad et al. Eur Heart J 2003; 24 : 946-55
Varénicline (champix®)
Varenicline : Efficacité Fin de traitement (12 semaines), les chances de succès sont : Multipliées par 2,6 par rapport au placebo Multipliées par 1,5 par rapport au bupropion Poursuite du traitement par varenicline pendant encore 12 semaines a montré un avantage significatif par rapport au placebo à la fin des 24 semaines de traitement et à un an Bonne acceptabilité Pour conclure, les études court terme ont démontré que la varénicline, administrée pendant 12 semaines, est plus efficace que le placebo ou le produit de référence dans l ’arrêt du tabac à la fin du traiement et à un an. En fin de traitement, la varénicline multiplie les chances de succès - telles que le montre la mesure de l ’odds ratio - par 4 par rapport au placebo, et par 2 par rapport au Zyban. L ’étude de maintien de l ’abstinence a montré que la prolongation du traitement par varénicline pendant 12 semaines supplémentaires (c ’est-à-dire 24 semaines en tout) apportait encore un bénéfice par rapport à 12 semaines de varénicline suivies de 12 semaines de placebo. Ce bénéfice s ’est maintenu de façon significative jusqu ’à un an. Enfin, ces études ont montré que la varénicline a un profil de tolérance tout à fait acceptable, finalement assez proche de celui de la nicotine, marqué par des troubles digestifs et des rêves anormaux, qui apparaissent essentiellement en début de traitement.
Varénicline et coeur PAS et Fc : idem placebo QTc non modifié Lipides,créat : non modifiés Pas de cardiotoxicité prévisible Chute de PAS (2.6 mmhg) en association à NRT Pas d’interaction médicamenteuse Pharmacovigilance vierge
Varénicline et coeur Mais : moins de 3% des sujets testés étaient cardiaques (et toujours stables>6mois) Conclusion : Pas de précaution d’emploi particulière Demande d’étude de safety en cardiologie (en cours) Étude Rigotti présentée lors de l’ACC 2009 Ainsi que ; grossesse,psychoses,adolescents
Sevrage tabagique après évènement cardiaque
Une intervention brève ne suffit pas 540 fumeurs en post idm ou pac randomisés en : Contrôle Conseil minimal et brochure Intervention : MesureCO; Brochure;questionnaire sur la brochure, discussion avec une infirmière (20 minutes) « buddy » abstinents Contrôle intervention 6 semaines 59% 60% 1 an 41% 39% Hajek. BMJ 2002; : 324 : 87-89
Une intervention active et prolongée est efficace 240 fumeurs, Idm ou pac randomisés (3 à 6 J après) en : Contrôle : Proposition de 2 sessions par semaine avec une infirmière Discussion,vidéo,brochure Intervention : 1 ou 2 cs infirmière Brochure,proposition nicotine,information conjoint Conseil téléphonique (J2,S1,S3,M3,M5) Cs à S6 Quist-Paulsen. BMJ 2003; 327 : 1254-7
Résultats : Détails de l’activité d’intervention moyenne : Temps professionnel moyen : 147 50 minutes Cs pendant l’hositalisation : 1.6 0.7 Cs après hospitalisation : 1.6 1.5 Coups de tel : 8.5 3.2 36% utilisent nicotine (28% Gr contrôle)
Résultats : taux d’abstinence Sortie 6 semaines 1 an Intervention 78% 69% 57% Contrôle 77% 37% p 0.88 0.96 0.004
Prédicteurs de sevrage réussi à 6 mois (639 post-infarctus fumeurs; 46 % sevrés à 6 mois) *Facteurs prédictifs en analyse univariée : -Positifs : marié, riche, adressé en réadaptation -Négatifs: cocaine, alcool, dépression, sévérité et ancienneté de la maladie coronaire * Facteurs prédictifs en Analyse multivariée F négatifs : Syndrome dépressif F positifs : Séjour en réadaptation Début de programme à l’hôpital Dawood et al. Arch intern med 2008; 168 : 1961-7
Conclusion Le sevrage tabagique des patients coronariens est difficile Les cardiologues ont pris la mesure de l’importance du facteur de risque Mais ils n’ont pas « investi » la discipline
Rappel épidémiologique : Tabac/âge et Idm 75 % des moins de 50 ans sont des fumeurs Les non fumeurs ont 10 ans de plus en moyenne fumeurs : 59.0 Ex fumeurs : 68.9 Non Fumeurs :70.6 Rôle probablement majeur du cannabis Van Spall H et al. Am Heart J 2007; 154 : 213-20