Les Guidelines Un cauchemar ou une aide pour les cliniciens? Eric Bruckert Endocrinologie et prévention des maladies cardiovasculaires, Pitié-Salpêtrière, Paris
Définition et Objectifs des Recommandations « Propositions développées méthodiquement pour aider le praticien et le patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données » Synthétiser les données actuelles de la science et l’opinion d’experts sur un thème de pratique clinique amenant ainsi une aide à la décision Les Guidelines reposent le plus souvent mais pas systématiquement (ex. faire un ECG devant une douleur thoracique) sur les données des grandes études d’intervention « Recommandations pour la pratique clinique-Base méthodologique pour leur réalisation en France » 1999
Méthodologie en France Méthodologie similaire Recherche documentaire automatisée par interrogation des banques de données (Medline, Pascal…) à partir de mots clés (diabète, ménopause, tabac…) + manuelle à partir de documents émanant de sociétés savantes ou d’agences d’évaluation + sommaire des revues spécialisées Groupe de travail Groupe de lecture Groupe(s) de validation Avis des sociétés savantes Indications de l’AMM
Les progrès liés au guidelines Les progrès liés au guidelines. L’implémentation de la médecine basée sur les preuves A 1 Grands essais comparatifs randomisés de forte puissance avec résultats indiscutables. Meta-analyse 2 Un seul essai randomisé ou études non randomisées 3 Opinion d’expert, petites études non randomisées, suivi de cohorte, soins standards B C I 1 Condition pour laquelle il y a un haut niveau d’évidence et un accord consensuel pour dire qu’un traitement/procédure est efficace 2 Condition pour laquelle il y a un niveau d’évidence conflictuel ou un accord non consensuel 3 Condition pour laquelle les données sont plutôt en faveur de l’efficacité 4 Condition pour laquelle les données sont plutôt en faveur de l’inefficacité IIa IIb III
Le cauchemar des guidelines Les contradictions entre les guidelines et les autres sources d’information Leur nombre et la densité des informations qu’ils contiennent Leur applicabilité en pratique quotidienne (applicabilité des grands essais) Leur actualisation
Les contradictions entre les experts JACC october 2009
Leur nombre!! Nul n’est censé ignorer la loi!! Une étude de médecine générale en Grande Bretagne a identifié 855 guidelines différents — soit une pile de 68 cm de haut et 28 kg de poids Hibble A et al. BMJ. 1998;317:862-863. Une étude systématique en 2009 retrouve uniquement dans le domaine cardiovasculaire pour l’AHA, 7196 recommandations et 53 guidelines Tricoci P et al. JAMA 2009;301:831.
Le cauchemar des guidelines Les contradictions entre les guidelines et les autres sources d’information Leur nombre et la densité des informations qu’ils contiennent Leur applicabilité en pratique quotidienne (applicabilité des grands essais) Leur actualisation
Limite des grands essais Limites des grands essais 1) Dessin de l’étude choisi 2) Patients sélectionnés (ex. population à haut risque) 3) Run-in (ex. TNT et HPS exclusion des sujets avec intolérance aux statines) 4) Sujets mieux suivis 5) Une réponse tardive 6) Population avec co-morbidité moins bien représentée. Population agée) peu représentative de la population suivie en ville (Sujets de plus de 80 ans 50% de concordance entre essais et réalité versus 80% pour les 60-69 ans)
Les résultats des grands essais sont ils extrapolables à la « vie réelle »? 4892 patients suivis pendant 3.7 ans à la sortie de l’hôpital après IDM Pendant cette période la moitié des patients ont été traités par statines Les sujets inclus différaient des essais (plus âgés et plus de femmes) et les sujets traités par statines différaient un peu des autres (plus jeunes, plus d’hommes et globalement plus graves) Après analyse multivariée les statines diminuent la mortalité totale de 31% avec des résultats similaires chez la femme et chez les plus âgés Après analyse multivariée le risque d’IDM est diminué de 18% Wei L, BMJ 2005
Qui mesure le risque? Aujourd'hui, la plupart des outils existant sont dérivés de l'étude américaine de Framingham: il faut utiliser des calculettes ou aller sur un site internet. Ces outils ont leur limite: ils surestiment le risque en France. Le calcul prend un peu de temps Le calcul est utile chez les patients qui cumulent les facteurs de risque comme ceux qui ont un syndrome métabolique Dans l’étude CEPHEUS, un quart des patients à haut risque ne sont identifiés que par le calcul du risque
Qui prescrit/suit les recommandations diététiques? Limitation de l’apport en AGS au profit des acides gras mono ou poly-insaturés Augmentation de la consommation oméga 3 (poissons) Augmentation de la consommation de fibres et de micronutriments naturellement présents dans les fruits, légumes et produits céréaliers Limitation du cholestérol alimentaire, voire l’utilisation d’aliments enrichis en stérols végétaux. + Limitation de la consommation d’alcool, contrôle du poids et correction d’une sédentarité excessive.
Le cauchemar des guidelines Les contradictions entre les guidelines et les autres sources d’information Leur nombre et la densité des informations qu’ils contiennent Leur applicabilité en pratique quotidienne (applicabilité des grands essais) Leur actualisation
L’actualisation-Historique NCEP en 1988 (NCEP 3 en Mai 2001) Basé sur le taux du cholestérol en 88 Profil lipidique en 2001 (LDL) Le LDL-C reste la cible, mais calcul du risque à 10 ans ANDEM 1994/96 Dépistage et traitement ANAES 2000 Modalités de dépistage et diagnostic biologique des dyslipidémies AFSSAPS 2000 Prise en charge thérapeutique du patient dyslipidémique AFSSAPS et ANAES 2005 Un seul document sur les lipides, Actualisation des recommandations, coordination entre les reco (Db, HTA et lipides) et recommandations sur l’évaluation du risque CV HAS: décision imminente Durée minimale un an
Mise à jour des recommandations L’initiative revient soit à l’agence soit à une demande extérieure (émanant de sociétés savantes) Le délai de mise en route d’un groupe de travail est long. Il faut y ajouter la durée pour réaliser la mise à jour puis pour le circuit de validation externe et interne Au moins 2 ans: les mises à jour sont donc nécessairement peu fréquentes La mise à jour n’est pas nécessaire quand la stratégie thérapeutique globale n’est pas modifiée Non justifiée si il y a modification d’un RCP (nouvel effet secondaire, propriétés pharmacodynamiques)
Mise à jour des recommandations La mise à jour est nécessaire quand il existe une modification significative de la stratégie thérapeutique justifiée par une étude « Landmark »; exemple un essai d’hypolipidémiant chez les sujets âgés qui modifierait les indications Apparition d’un effet secondaire classe dépendant qui changerait le rapport bénéfice risque Nouvelle classe thérapeutique (nécessité d’étude d’intervention) et nouveaux objectifs (exemple nécessité d’augmenter le HDL-c) Une refonte des recommandations si ciblage global de la prévention CV versus les facteurs de risque La mise à jour est nécessaire quand il existe des contradictions importantes entre les recommandations
Meta-analyse des 4 essais statines comparant stratégie intensive/non intensive Bénéfices OR Valeur de p Mortalité totale 0.903 NS Mortalité CV 0.858 0.031 IDM non mortel 0.841 <0.001 AVC 0.820 0.004 Tout accident 0.850 Proportional reduction in event rate (%SE) 50 40 30 20 10 -10 0.5 (19) 1.0 (38) 1.5 (58) 2.0 (77) Reduction in LDL-C mmol/L (mg/dL) Clinical Therapeutics 2007 Lancet 2005
Conclusion: Les guidelines contribuent à améliorer la prise en charge des patients Les contradictions entre les guidelines et les autres sources d’information: ils sont aussi une bonne facon de mettre d’accord des “experts” Leur nombre et la densité des informations qu’ils contiennent: un effort de communication est possible Leur applicabilité en pratique quotidienne: ceci est le propre de la médecine et n’est pas créé par les guidelines Leur actualisation: un processsus lourd en France. Faut-il attendre pour changer les pratiques?