Action de Carême 2011 Dis-moi quel est ton trésor (Matthieu 6, 21) ? Cherchez d’abord le Royaume et sa justice
1. Action de Carême À l’écoute de la Parole de vie – comme la pluie et la neige, elle ne revient pas au Seigneur sans avoir fécondé la terre (Isaïe 55, 10-11). Plus pointue et acérée qu’une épée à deux tranchants (Hébreux 4, 12). La Parole fait ce qu’elle dit (Genèse 1), elle dénonce l’injustice et proclame le Royaume : «Convertissez-vous et croyez à l’Évangile» (Matthieu 4, 17).
2. Carême 2011 - Avec Matthieu (année A) : une Parole à faire «Il ne suffit pas de me dire "Seigneur, Seigneur" pour entrer dans le Royaume, mais il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux» (Matthieu 7, 21). Bâtir sur le roc et non sur le sable, conclusion du Sermon sur la Montagne.
3. Carême : la loi d’amour L’évangile de Matthieu : 5 discours, comme les 5 rouleaux de la Loi nouvelle, écrite non plus sur la pierre mais dans le cœur. ❶ Mt 5-7 Discours sur la Montagne ❷ Mt 10 Envoi en mission ❸ Mt 13 Paraboles ❹ Mt 18 Communauté ❺ Mt 24-25 La fin des temps. Entre les discours, sections narratives : Jésus : paroles et actes (rencontres, miracles) Comme les sacrements : geste et parole conjugués.
4. Carême : la voie du bonheur 1er mot du 1er discours dans le 1er évangile : Carême : trouver le chemin du 1er psaume : = ajusté à la volonté de Dieu. Heureux bonheur «Heureux le juste»
5. Carême : un temps de justice «Cherchez d’abord le Royaume et sa justice, et tout le reste vous sera donné en plus» (Mt 6, 33). Baptême de Jésus : «Pour l’instant, laisse faire. Car c’est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice» (Mt 3, 15). «Si votre justice ne surpasse pas celle des anciens» (Mt 5, 20). «On vous a dit – Moi je vous dis» (antithèses de Mt 5, 20-48). Justice = dessein de salut du Père, projet d’Alliance avec l’humanité (et non la justice distributive ou primitive). Plus Dieu pardonne et sauve, et plus il est juste : «Fais moi grâce ô mon Dieu, lave, efface mon péché, purifie-moi, crée en moi un cœur nouveau. Ainsi tu montreras ta justice. Car tu aimes la vérité au fond de moi» (Ps 50(51)). Être juste = s’ajuster à la volonté du Père, s’accorder à lui comme une guitare. Comme Joseph, Siméon, Anne, Marie…
6. Au cœur des Béatitudes (Mt 5, 1-12) «Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés» (Mt 5, 6 : 4e béatitude). Les Béatitudes (du latin beatus, heureux), non des conditions morales («Pour être heureux, il faut…»), mais des révélations, des déclarations de bonheur. C’est le portrait de Jésus. C’est lui le pauvre, le doux, celui qui pleure, l’assoiffé de justice, le miséricordieux, le pur, l’artisan de paix, le persécuté.
– entrer dans le Royaume et la Terre promise, ❽ Béatitudes = ❼ : la perfection + ❶ : l’unité de Dieu. Les deuxièmes parties des Béatitudes = des expériences d’harmonie et d’unité profonde : – entrer dans le Royaume et la Terre promise, – être consolé et rassasié, – voir Dieu et être son enfant. 1ère et 8ème : verbe au présent : «Le Royaume est à eux» Déjà réalisé. 2ème à 7ème : verbes au futur «Ils seront fils de Dieu» : pas encore – à faire. Chouraqui traduit «en marche» ! Comme Abraham (Gn 12, 1).
7. huit paroles 1ère parole : Heureux ceux qui ne sont pas encombrés d’eux-mêmes, les pauvres de cœur, «les humiliés du souffle» (pneuma), ils ont la liberté intérieure. 2ème parole : «Heureux les doux», les non-violents actifs qui renoncent à la toute-puissance, ils vivent l’abandon dans l’Esprit. 3ème parole : Heureux ceux qui savent pleurer, qui se laissent toucher par la souffrance des autres, ils portent en eux une richesse profonde.
4ème parole : Heureux les assoiffés de justice, ils apportent leur contribution au projet salvifique de Dieu, et donc à la juste répartition des richesses, pour le bien des peuples. 5ème parole : Heureux les «matriciels» qui pardonnent 70 fois 7 fois et demandent pardon sans chercher 36’000 excuses, ce sont les «guérisseurs de l’humanité». 6ème parole : Heureux ceux dont le cœur est pur et transparent comme le cristal de la vérité, ils voient Dieu là où il se livre.
7ème parole : Heureux ceux qui détruisent les murs et en font des briques de paix : ils construisent la communion au sein de la famille humaine. «Ils n’ont jamais la paix, ils la bâtissent». 8ème parole : Heureux ceux qui vont au bout de leur action, parfois même au prix de leur vie, comme les moines de Thibirine, comme Gandhi, Luther King et Jésus-Christ : ils savent que la vraie vie passe par la mort, que la joie est au bout des persécutions et de la Pâque.
Carême : le trésor du cœur 1. Le chapitre 6 Le chapitre 6 : au milieu des trois chapitres du Sermon sur la Montagne (5-7). Les trois images de l’œil et du maître (6, 19-24) : au centre du centre. 2. Carême : aumône, prière et jeûne Le chapitre 6 commence par les trois pratiques juives, reprises comme caractéristiques du Carême chrétien (6, 1-18) : ❶ L’aumône (6, 2-4) : le partage de ce que j’ai reçu et de ce qui a souvent été volé. ❷ La prière : me faire tourne-sol, tourné vers le soleil de Dieu (6, 5-6), puis le Notre Père (7-15). ❸ Le jeûne (6, 16-18) : manger moins pour être mieux dans mon corps, lucide dans ma tête, saint dans mon âme. Économiser pour partager. Trois attitudes non pour obtenir l’approbation des hommes, mais pour affirmer mon adhésion décisive à Dieu. «Ton Père te voit dans le secret».
1ère image: Le trésor Jésus prend en compte notre désir : celui-ci est légitime. L’homme est un être de désir (≠ bouddhisme). Cf. Ps 63(62), 2 : «Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube. Mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau». 19 «Ne vous faites pas de trésors sur la terre, là où les mites et la rouille les dévorent, où les voleurs percent les murs pour voler. 20 Mais faites-vous des trésors dans le ciel, là où les mites et la rouille ne dévorent pas, où les voleurs ne percent pas les murs pour voler. 21 Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.» (Mt 6, 19-21)
Question nodale : vers quelle sorte de trésor notre cœur est-il porté Question nodale : vers quelle sorte de trésor notre cœur est-il porté ? Le cœur = le centre de la personne, là où se prennent les décisions essentielles (cf. Mt 15, 18). Le trésor = notre expérience de l’appropriation des richesses, comme celle des mines du Congo : cf. le jeu «La chasse au trésor». Trésor = résonance aussi affective : «Mon trésor», toi qui as du prix à mes yeux. La crise financière des subprimes crise qui rejaillit sur l’ensemble de l’humanité, selon les lois implacables du néo-libéralisme sauvage et de la mondialisation du capitalisme inéluctable. Cf. la folie de la bourse.
Choix entre deux types de trésors : Ceux de la terre, valeurs provisoires et éphémères que rongent les mites et dérobent les voleurs. Aucune garantie de permanence. Cf. Lc 12, 13-21 : l’homme qui amasse, fait des projets d’agrandissement et meurt le jour même : «Insensé, cette nuit même on va te redemander ton âme. Et ce que tu auras amassé, qui l’aura ?» Ceux dans le ciel, placements durables et permanents, sans fluctuation à la bourse. Trésor par excellence que Dieu veut être pour nous. Trésor des relations, de ceux que nous aimons en vérité. Jésus va même jusqu’à nous pousser à nous «faire des amis avec l’argent trompeur» (Lc 16, 9) !
L’Écriture ne cesse de parler d’argent L’Écriture ne cesse de parler d’argent. Un «sacré enjeu» de Carême, très «spirituel». Elle oppose constamment les biens fugaces de la terre aux richesses de la Sagesse, de la Loi et de l’Évangile. Jb 22, 23-26 : «Si tu déposes ton or sur la poussière, Dieu sera pour toi des lingots d’or». Pr 3, 13-15 : «La possession de la sagesse vaut mieux que la possession d’argent. Rien de ce que l’on peut désirer ne l’égale». Pr 13, 7 : «Tel joue au riche qui n’a rien. Tel fait le pauvre qui a de grands biens».
L’affaire est donc d’importance L’affaire est donc d’importance. Le désir de ton cœur : répond-il à des attraits passagers et fugaces, qui en plus spolient le pauvre et l’habitant du pays ? Ou se centre-t-il sur Dieu et sur ce qui, en chaque personne humaine, jouit des promesses d’éternité ? Si 29, 10 : «Sacrifie ton argent pour un ami, qu’il ne rouille pas en pure perte». Ap 3, 17 : «à l’Église de Laodicée. Tu t’imagines : me voilà riche, je me suis enrichie et je n’ai besoin de rien. Mais tu ne le vois donc pas : c’est toi qui es pitoyable et malheureuse». Mt 19, 21 : Jésus au jeune homme riche : «Va, vends tous tes biens, et tu auras un trésor dans le ciel». Jc 5, 2-4 : «Pleurez, les riches, votre or et votre argent sont rouillés. Le salaire dont vous avez frustré les ouvriers crie».
2ème image : La lampe de l’œil Après l’authenticité des désirs, celle du regard. Il y a plusieurs manières de considérer les personnes et les événements. 22 «La lampe du corps, c'est l'œil. Donc, si ton œil est vraiment clair, ton corps tout entier sera dans la lumière ; 23 mais si ton œil est mauvais, ton corps tout entier sera plongé dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres y aura-t-il !» (Mt 6, 22-23)
Question centrale : comment disposer de la lumière véritable pour éclairer notre intelligence ? Quels critères pour nos jugements ? Les ténèbres de critères biaisés et superficiels : ceux de la publicité mensongères ou de toutes sortes de propagande ? Alors tout le corps est dans la nuit. Ou la lumière de la Parole de vérité, qui resitue toute chose à sa juste place et respecte les proportions entre les réalités. La référence à Dieu est essentielle : s’en couper, c’est brouiller la connaissance des choses et nous égarer; l’accueillir, c’est situer notre existence dans l’histoire d’Alliance où nous sommes engagés avec lui.
3ème image : les maîtres Jésus affirme l’incompatibilité totale entre servir le Seigneur et servir l’argent ou tout autre maître. Enjeu : l’usage de ma volonté libre. À qui voué-je ma vie ? Aux idoles de l’appât du gain, de la soif de succès, de la course au plaisir, de la quête du pouvoir, de la recherche de la gloire, de l’affirmation de mon moi égoïste ? M’abandonner à la volonté de Dieu, au contraire, c’est être parfaitement moi-même, car il ne veut qu’une chose : que je sois vrai, libre et debout ! 24 «Aucun homme ne peut servir deux maîtres : ou bien il détestera l'un et aimera l'autre, ou bien il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'Argent.» (Mt 6, 24) Correspondre à la Parole, c’est unifier ma vie. Cf. S. Ignace : «Exercices spirituels pour se vaincre soi-même et ordonner sa vie sans se décider pour quelque attachement qui serait désordonné» (Exercices spirituels, n. 22).
Conclusion : les richesses minières ou Dieu ? Devant qui plier le genou ? Devant l’exploitation éhontée des richesses de pays soumis à la dictature, en maintenant artificiellement une instabilité politique propice au commerce des grandes puissances ? Seul Dieu est l’absolu de nos vies l’accomplissement des désirs de notre cœur, la lumière de notre connaissance et le principe ultime de nos choix libres.
Carême : confiance et abandon «Ne vous inquiétez pas en disant "Qu’allons-nous manger, qu’allons-nous boire, de quoi allons-nous nous vêtir ?" Ce sont là toutes choses dont les païens sont en quête. Or votre Père céleste sait ce dont vous avez besoin. Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné en plus. Ne vous inquiétez pas du lendemain. Demain s’inquiétera de lui-même.» (Matthieu 6,31-34). Pas de panique ! In-quiétude (le mot revient 6 fois dans le passage) ne pas être en paix, vivre l’esprit constamment préoccupé Ne sachant pas si je peux prendre la mesure de ce qu’il me faudra vivre, je m’en inquiète.
Deux exemples de la Providence Les oiseaux ne se soucient pas de la nourriture. Les lis des champs et les herbes des prés ne se soucient pas de leur revêtement. Le créateur s’occupe d’eux. Or vous valez plus que tous les oiseaux et toutes les plantes ! Car vous êtes à l’image de Dieu. Donc ne vous inquiétez pas pour rien comme ceux qui ne croient à rien.
Pas de court-circuit C’est compter uniquement sur mes propres ressources. C’est imaginer que je fais seul ma vie, à la force de mes poignets («self-made man»). C’est la spiritualité de la nage. Et je coule ! Pour éviter le court-circuit, il faut un élément médiateur capable de surmonter la différence de potentiel entre les deux termes en question. C’est là qu’intervient la présence du Dieu Père, Créateur et Sauveur. Le court-circuit, c’est la mise en relation de deux points dont les potentiels sont différents. S’inquiéter, c’est mettre en relation mes capacités (je me dévalorise, je pense que je ne suis pas capable) et ce qui me sera demandé (surtout si c’est quelque chose d’inconnu). C’est faire un court-circuit.
Croire : une question de confiance C’est reconnaître qu’il m’a fait par amour, comme son enfant, et qu’il ne peut pas me lâcher. C’est lui donner une réponse d’amour : «oui, j’accueille ce que tu me donnes chaque jour» (cf. le Notre Père). C’est me lancer dans ses bras, car il est mon Père (cf. l’incendie, le funambule).
Le vent et la planche à voile C’est m’abandonner à l’action de son Esprit, comme la planche à voile se livre au vent qui la fait avancer. Spiritualité du souffle et de la planche à voile. C’est vivre le présent : le passé est passé, pourquoi le regretter ? L’avenir m’échappe, pourquoi le redouter ? Il appartient au Seigneur. Seul compte le «présent» = cadeau. À chaque jour suffit sa peine ! C’est une question de priorité : cherchons d’abord la volonté de Dieu, son projet sur nous et nos proches, et tout le reste suivra !
comme si tout dépendait de nous. comme si tout dépendait de lui.» Cela implique de reconnaître Dieu comme Dieu, comme seul trésor, plutôt que de lui imposer ma manière humaine de voir les choses. Ce qui ne signifie pas nous croiser les bras. Le Seigneur nous invite à collaborer avec lui à cette œuvre de salut qui nous dépasse. Les yeux fixés sur lui, nous désirons nous engager pleinement en nous laissant conduire par lui en toutes nos démarches. «Tout faire comme si tout dépendait de nous. Le chercher comme si tout dépendait de lui.»