L’art de la première moitié du XXème siècle Le fauvisme, L’expressionnisme, L’art non-objectif Le cubisme, le néoplasticisme, le suprématisme L’imaginaire : Dada, art fantastique, le réalisme magique, le surréalisme
Les -ismes de l’art du XXème siècle Pour pouvoir nous orienter dans les nombreux -ismes de l’art de la première moitié du XXème siècle, nous allons parler de trois grands courants, tous apparus chez les post-impressionnistes, auxquels tous ces -ismes pourront se rattacher: l’expressionnisme, mettant l’accent sur l’attitude émotionnelle de l’artiste (envers lui-même et le monde extérieur); l’art abstrait, préoccupé par la structure formelle de la réalité et de l’œuvre d’art; Et l’art fantastique ou imaginaire, explorant l’imagination, la pensée spontanée, non-reprimée, irrationnelle, le monde intérieur, subjectif de l’artiste.
La force expressive de la couleur pure: Henri Matisse et le fauvisme Suite à leur décès, plusieurs expositions des œuvres de van Gogh, Gauguin et Cézanne (morts en 1890, 1903 et 1906) ont lieu à Paris. Les couleurs vives et les distorsions délibérées influencent les jeunes artistes. Parmi eux, Henri Matisse (1869-1954) se distingue comme un chef d’école. D’autres peintres vont exposer avec lui: Vlaminck, Derain, Delaunay, Kees Van Dongen et d’autres…. Lors de la première apparition publique du groupe, au Salon d'automne de 1905, leurs œuvres provoquent un scandale par les couleurs pures et violentes posées en aplat sur leurs toiles. À la vue de ces tableaux regroupés dans une même salle, le critique Louis Vauxcelles compare l'endroit à une « cage aux fauves ». L'appellation de « fauves » est aussitôt adoptée et revendiquée par les peintres eux-mêmes.
Le fauvisme Le fauvisme est caractérisé par l'audace de la couleur, posée en larges aplats. Ces artistes revendiquent un art fondé sur l'instinct. Les fauvistes séparent la couleur de sa référence à l'objet afin d'accentuer l'expression. Ils utilisent les couleurs pures et vives, contrairement à la douceur des couleurs des impressionnistes. La représentation toutefois, tout comme chez les impressionnistes, conserve sa référence à la réalité. Derain, Bateaux dans le port de Colliure, 1905 Matisse, Vue de Colliure, 1905
André Derain Bateaux dans le port de Colliure, 1905 André Derain, Estaque, 1905
Robert Delaunay Le disque solaire 1906
Henri Matisse (1869-1954) Le plus âgé et le plus important des peintres fauvistes est Henri Matisse. À 21 ans, il quitte ses études de droit pour se consacrer à la peinture, y découvrant, pendant une réconvalescence, source de joie et de plaisir. Il débute en copiant les peintres plus âgés… Matisse absorbe l’influence impressionniste et post-impressionniste: le pointillisme de Signac, les distorsions de Cézanne, la couleur exagérée de Gauguin…
Matisse absorbe l’influence impressionniste et post-impressionniste: le pointillisme de Signac, les distorsions de Cézanne, la couleur exagérée de Gauguin, puis va plus loin: dans ces deux portraits de sa femme pourtant, les couleurs s’émancipent du rendu réaliste… Madame Matisse à la raie verte, 1905 Madame Matisse au chapeau, 1905
Matisse, 1904-05, Luxe, calme et volupté: héritage pointilliste, mais Matisse emploie librement les couleurs vives et intenses… Nous pouvons aussi considérer le sujet comme une reprise des baigneuses de Cézanne…
Paul Cézanne, Les baigneuses, 1875, 1899-1906,
Matisse, La joie de vivre, 1905 Ce grand tableau que Matisse peint en 1905, un des plus importants de sa carrière, peut être considéré comme un manifeste du fauvisme: les couleurs pures sont appliquées en aplats, les silhouettes sont simplifiés, cernées, mais montrent une bonne connaissance de l’anatomie.
Matisse, La joie de vivre, 1905 La pose des figures pourtant est pour la plupart d’origine classique, reprenant celle de La Bacchanale de Titien: en effet, Matisse a eu une formation académique… C’est un exercice de style, Matisse semble avant tout rechercher l’arrangement rythmique de la couleur et des lignes sur une surface plane…. Matisse, La joie de vivre, 1905 Le Titien, Bacchanale, 1518
« Ce que je recherche avant tout, c’est l’expression, mais… l’expression n’est pas une passion reflétée sur le visage humain… Toute la composition de mon œuvre est expressive. La place des figures et des objets, les espaces vides autour d’eux, les proportions, tout joue un rôle.» Henri Matisse Danse, 1910, Hermitage Matisse, Danse, 1910 Qu’expriment donc les peintures de Matisse? Comme indiqué par le titre “La joie de vivre”, Matisse a toujour affirmé vouloir transmettre cette joie intense qu’il ressentait en peignant…
Qu’expriment donc les peintures de Matisse Qu’expriment donc les peintures de Matisse? Comme indiqué par le titre “La joie de vivre”, Matisse a toujour affirmé vouloir transmettre cette joie intense qu’il ressentait en peignant… Henri Matisse Danse, 1910, Hermitage Matisse, Danse, 1910
Dans ses natures mortes, Matisse continue les recherches de Cézanne sur l’intégration de l’ornement dans la composition, tel que nous l’avons vu en comparant la nature morte peinte par Cézanne en 1890-94, avec celle de Matisse, Nature morte à la nappe bleu, peinte en 1909. Cézanne, 1890-94, Nature morte à la bouteille de menthe Henri Matisse, 1909, Nature morte à la nappe bleu
C’est dans cette peinture appelée La desserte (Harmonie en rouge) que Matisse peint en 1908-1909, que nous voyons l’ornement devenir le point d’appui de la composition. Le nouveau rôle de la couleur est aussi évident: avec le nombre de teintes réduites, il devient l’élément essentiel de la structure du tableau. La desserte (Harmonie en rouge), Matisse, 1908-1909
La couleur est l’élément essentiel de la structure de ce tableau La couleur est l’élément essentiel de la structure de ce tableau. L’espace en perspective n’apparait que grâce aux quelque lignes oranges sur fond rouge, indiquant à peine les frontières entre les objets et l’espace… Matisse, Atelier rouge, 1911
Matisse va aussi essayer les distorsions de Cézanne comme dans son tableau peint en 1906, Nu bleu (Souvenir de Biskra), mais, découragé par les mauvaises critiques, va revenir aux corps anatomiquement corrects, même si en aplats, tels que nous lui connaissons depuis La joie de vivre, qui vont, vers la fin de sa vie, évoluer en collages monochromes… Nu Bleu IV, 1952 Nu bleu (Souvenir de Biskra), 1906 Nu rose, 1935
Alors que son espace va devenir espace de décoration…
Un autre peintre n’aura pas peur des critiques, et reprendra ces distorsions, devenant la nouvelle figure de proue de l’avant garde: il s’appelle Pablo Picasso… Matisse, Nu bleu (Souvenir de Biskra), 1906 et détail de Joie de vivre, 1905 « aspirateur à idées » Picasso, Les demoiselles d'Avignon 1907
La longue carrière de Matisse va se passer de pair avec celle de Picasso: une parallèle peut s’établir entre les œuvres des deux artistes. C’est en reprenant de façon hardie les distorsion annoncées par Cézanne, comme ses facettes de couleurs à la recherche du volume des objets, que Picasso va instaurer un nouveau mouvement d’avant-garde, le cubisme, et dorénavant occuper le devant de la scène… Matisse va s’en inspirer en retour… Si nous les verrons tous les deux, comme ici Matisse, s’en approcher, ni l’un ni l’autre pourtant ne surpasserons la représentation. Matisse, Porte fenêtre à Collioure, 1914 Matisse, Poissons rouges et palette, 1914 Matisse, Vue de Notre Dame, 1914
Matisse: « Ce que je recherche avant tout, c’est l’expression, mais… l’expression n’est pas une passion reflétée sur le visage humain… Toute la composition de mon œuvre est expressive. La place des figures et des objets, les espaces vides autour d’eux, les proportions, tout joue un rôle.» Henri Matisse Danse, 1910, Hermitage Matisse, Danse, 1910
Pendant ce temps en Allemagne: l’expressionnisme allemand Cet expressionnisme va avoir une toute autre portée en Allemagne, où les artistes s’associent en groupes: Die Brücke (« Le Pont », entre 1905 et 1913 à Dresde & Berlin, dont nous allons mentionner Ernst Ludwig Kirchner, Karl Schmidt-Rottluff et Emil Nolde) et Der Blaue Reiter (« Le Cavalier bleu ») formé à Munich en 1906 (dont Wassily Kandinsky, un russe vivant en Allemagne)… Rotluf..
Die Brücke Die Brücke veut détruire les vieilles conventions comme cela est en train de se produire en France, le but étant de rendre l'immédiateté de l'expression des émotions de l'artiste: le dessin est rapide, des couleurs vives, pures ou peu mélangées. Le groupe se préoccupe moins des aspects formels: pour ces Allemands, le contenu est plus important que la forme, ce qui sépare l’expressionnisme allemand du fauvisme de Matisse, et ajoute à leurs œuvres la charge de critique sociale. Leur style est basé sur les couleurs vives, opposées, les formes tourmentées, les images violentes et une influence du primitivisme (ici art africain). Le nu, symbole de l'état paradisiaque initial, est leur motif préféré, ainsi que les décors urbains. Ils peignent aussi les sujets classiques comme les paysages, natures mortes ou portraits.
Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938) Kirchner est considéré comme le peintre représentant le mieux Die Brücke. Artiste hypersensible, il retrace les rues et la vie urbaine de Berlin. Les formes aiguës, le dessin rapide et les couleurs acides expriment vite le malaise de leur auteur. Dans l’œuvre de Kirchner nous retrouvons les influences de Van Gogh, Gauguin et Matisse, mais aussi l’influence directe de Munch, qui vivait à Berlin à cette époque. Kirchner, Rue à Dresde, 1908 Kirchner, Scène de rue à Berlin 1913
Emil Nolde (1867-1956) Influencé par le belge James Ensor et par Vincent Van Gogh, Nolde est fortement attiré par le primitivisme noir et le mythe du sauvage. Bien qu’il se joint au groupe plus tard, et le quitte en 1911, son inspiration de caractère psychologique et instinctive, fait de lui le peintre expressionniste par excellence.
Vers 1909, et après une grave maladie, Nolde commence à peindre des tableaux de thèmes religieux dans lesquels il exprime son inspiration mystique, comme dans cette Cène peinte en 1909. Nolde, La Cène, 1909
Der Blaue Reiter, 1911-13, Munich Kandinsky, Der Blaue Reiter, Le cavalier bleu, 1903
Le groupe Der Blaue Reiter, 1911-13, Munich Le groupe « Der Blaue Reiter », « Le Cavalier bleu », à Munich, pousse plus loin les recherches. Le nom du groupe reprend le titre d'un tableau de Wassili Kandinsky, dont la personnalité domine le groupe. Au sein du groupe, Kandinsky expérimente avec l‘art non objectif. Pour les artistes plus jeunes, Marc, Macke, Paul Klee et autres, leur participation au groupe leur fait prendre conscience de leurs moyens: désormais leur art est ouvert à toutes les tentatives. Der blau reiter, 1903, franz marc fate of the animals 1913, kandinsky 1911 Composition IV, 1913 Bordure blanche (St Georges terassant le dragon(
Wassily Kandinsky (1866-1944): art non-objectif A partir de 1910, utilisant les couleurs et la ligne dynamique des fauves parisiens, Kandinsky crée un style entièrement non-objectif, éliminant toute recherche de ressemblance, de représentation du monde réel, où les traces du figuratif, reconnaissable ne sont que fortuites. Les titres de ses œuvres sont aussi abstraits que ses formes, et proviennent du langage de la musique, tels que « Composition » « Fugue », « Improvisation » etc… 1913 Saint georges terassant le dragon avec sa lance blanche de lumièere, cavalier bleu 1913, Bordure blanche (Saint Georges terrassant le dragon) Esquisse pour la Composition VII, 1913
Kandinsky et la peinture non-objective Nous avons vu depuis Delacroix les peintres parler de la force expressive de la couleur, par laquelle passe l’émotion… Van Gogh exprime « les terribles passions de l’homme » par ses contrastes du vert et du rouge son extase devant le ciel étoilé par le jaune et le violet… Kirchner son malaise au milieu d’une foule urbaine, avec ses couleurs acidulées… Matisse explique que « l’expression n’est pas une passion reflétée sur le visage humain… Toute la composition de mon œuvre est expressive. La place des figures et des objets, les espaces vides autour d’eux, les proportions, tout joue un rôle.» C’est Kandinsky qui va franchir le pas suivant, libérant du contenu « littéraire » le sujet de la représentation…
Abstrait vs. Non-figuratif (non-objectif) Art abstrait signifie que l’artiste a analysé et simplifié les formes de la réalité visible (comme le procédé de Cézanne, déclarant que toutes les formes naturelles sont basées sur le cône, la sphère et le cylindre). Nous parlons d’abstraction dans le procédé de Cézanne, et nous allons surtout en parler avec le cubisme et les courants qui le suivent (et qui gardent une référence à la réalité). Art non-figuratif ou non-objectif charge la forme et la couleur d’une signification autonome, sans référence au monde réel (sans référence à un objet).
Exprimer sa nécessité intérieure définie comme « vibrations fines de l’âme »… Nécessité car n’est pas réponse aux incitations extérieures fortuites telles un paysage, un corps, mais répondant à un appel spontané et irrésistible de l’âme… Kandinsky rejoint le vocabulaire romantique… Kandinsky, Improvisation, 1914 Kandinsky, Fugue 1914
La rencontre avec les constructivistes russes et leur formes géometriques arrête Kandinsly sur le chemin vers l’expressionnisme abstrait dont nous allons parler avec l’art de la seconde moitié du XXème siècle, et les États Unis: Arc et point, 1923 Vers le haut, 1929
Kandinsky, vers la fin de sa vie s’achemine vers la synthèse de son propre langage pictural: formes biomorphes non-objectives… Kandinsky, Ciel bleu, 1940 Kandinsky, Succession, 1935
Rubens, Henri IV reçoit le portrait de la reine, 1622 Rappelons nous de la notion de la composition en arts plastiques. La disposition des éléments visuels: lignes, masses, formes, couleurs, contrastes organisent l’espace pictural. On peut ne pas être conscient de cette préoccupation dans une toile figurative… Rubens, Henri IV reçoit le portrait de la reine, 1622
Wassily Kandinsky, Esquisse pour la Composition VII, 1913 Alors que dans une toile non-objective, comme dans cette toile de Kandinkly, intitulé Composition VII, la composition peut devenir thème... Cela peut sembler complexe… Wassily Kandinsky, Esquisse pour la Composition VII, 1913
Mondrian, 1921, Composition en rouge, jaune et bleu Ou bien élémentaire, comme dans cette toile de Mondrian, revendiquant ses éléments de base… Ainsi, les points forts d’un rectangle observé sont son centre, ses côtés, ses diagonales. Dans une sculpture, nous sentons le centre de gravité. Mondrian, 1921, Composition en rouge, jaune et bleu
Résumons...
Les -ismes de l’art du XXème siècle En parlant de nombreux –ismes de l’art de la première moitié du XXème siècle, tous tenant leur source dans le post-impressionnisme, nous avons parlé du premier des trois grands courants, auxquels tous ces -ismes peuvent se rattacher: Il s’agit d’expressionnisme, mettant l’accent sur l’attitude émotionnelle de l’artiste (envers lui-même et le monde extérieur): nous en avons parlé au cours derniers, avec le fauvisme (Henri Matisse) en France, émancipant la couleur du rendu réaliste, l’expressionnisme allemand avec les groupes Die Brücke (Kirchner) exprimant aussi leur malaise dans la société de leur époque et Der Blau Reitter (Wassily Kandinsky) qui arrive à un art non-objectif, composant librement, sans référence à la réalité, les lignes et les couleurs;
Le fauvisme, Henri Matisse Recherches chromatiques, ces peintres séparent la couleur de sa référence à l'objet afin d'accentuer l'expression, et utilisent les couleurs pures et vives en de larges aplats. La représentation toutefois, tout comme chez les impressionnistes, conserve sa référence à la réalité. Derain, Bateaux dans le port de Colliure, 1905 Matisse, La desserte (Harmonie en rouge), 1908-1909: l’ornement et la couleur sont les éléments essentiels de la structure de ce tableau.
« Ce que je recherche avant tout, c’est l’expression, mais… l’expression n’est pas une passion reflétée sur le visage humain… Toute la composition de mon œuvre est expressive. La place des figures et des objets, les espaces vides autour d’eux, les proportions, tout joue un rôle.» Henri Matisse Danse, 1910, Hermitage Matisse, La joie de vivre, 1905 Matisse, Danse, 1910 À la différence du fauvisme français, formel, l’expressionnisme allemend prend un engagement social et acquiert une dimension politique.
L’Expressionnisme allemand: Die Brücke (Ernst Ludwig Kirchner, Emil Nolde…) Le groupe se préoccupe moins des aspects formels: pour ces Allemands, le contenu est plus important que la forme, ce qui sépare l’expressionnisme allemand du fauvisme de Matisse. Cette importance que les expressionnistes allemands attachent au contenu ajoute à leurs œuvres la charge de critique sociale. Kirchner, Rue à Dresde, 1908 Kirchner, Scène de rue à Berlin 1913
Der Blau Reiter: Wassili Kandinsky (1866-1944) à partir de 1910, Kandinsky crée un style entièrement non-objectif, éliminant toute recherche de représentation du monde réel, où les traces du figuratif ne sont que fortuites. Les titres de ses œuvres sont aussi abstraits et proviennent du langage de la musique, tels que « Composition » « Fugue », « Improvisation » etc… 1913 Saint georges terassant le dragon avec sa lance blanche de lumièere, cavalier bleu 1913, Bordure blanche (Saint Georges terrassant le dragon) Esquisse pour la Composition VII, 1913
Abstrait vs. Non-figuratif (non-objectif) Art abstrait signifie que l’artiste a analysé et simplifié les formes de la réalité visible (comme le procédé de Cézanne, déclarant que toutes les formes naturelles sont basées sur le cône, la sphère et le cylindre). Nous parlons d’abstraction dans le procédé de Cézanne, et nous allons surtout en parler avec le cubisme et les courants qui le suivent (et qui gardent une référence à la réalité). Art non-figuratif ou non-objectif charge la forme et la couleur d’une signification autonome, sans référence au monde réel (sans référence à un objet).