Chapitre 12 La cinétique en phase hétérogène

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Chapitre 12 La cinétique en phase hétérogène Cinétique chimique Chapitre 12 La cinétique en phase hétérogène Guy Collin, 2012-07-03

LA CINÉTIQUE EN PHASE HÉTÉROGÈNE Que devient la vitesse lorsque la réaction chimique se passe à l’interface entre deux milieux homogènes ? Quel est le rôle de l’interface ? Quelles sont les lois qui s’appliquent ? Et la catalyse, comment s’exprime-t-elle ?

Objectifs spécifiques Comprendre les mécanismes des réactions mettant en jeu au moins deux phases homogènes. Étudier différents cas d’espèce d’interactions entre des molécules réactives et un surface solide. Être capable de calculer la surface active d’un catalyseur Comprendre et interpréter différents cas d’espèces de catalyse gaz solide, liquide solide.

Introduction Si la réaction procède sur une interface, quel type de lien existe-t-il entre les espèces sorbées et la surface ? Est-ce un lien de nature physique ? Est-ce un lien de nature chimique ? La molécularité perd sa signification. Que devient la notion d’ordre?

La sorption gaz solide Il y a deux types de sorption : - La physisorption ou encore l’adsorption association par lien de type Van der Waals ; - La chimisorption ou encore l’absorption association par lien chimique.

Physisorption versus chimisorption Solide Gaz physisorption chimisorption Solide Gaz Physisorption : sorption par lien de Van der Waals. Chimisorption : sorption par lien de type covalent.

Physisorption versus chimisorption Volume sorbé / g de solide Température (K) B Physisorption A I II III Chimisorption A: H2 sur nickel B: NH3 sur charbon de bois

Exemples d’enthalpie de sorption *: (kJ·mol-1).

Adsorption de gaz sur 1 g de charbon activé à 15 °C

Les isothermes d’adsorption x m0 m 1 x m m0 1 x m 1 Il existe au moins trois cas de figures : m = masse de produit sorbé par unité de sorbant ; x = P/P0 (P0 pression de vapeur saturante du gaz).

Isotherme de LANGMUIR Hypothèse : couche monomoléculaire. solide gaz Hypothèse : couche monomoléculaire.  est la fraction de la surface recouverte par des molécules d’un gaz sous la pression P.

Isotherme de LANGMUIR S est la surface du solide et  la fraction recouverte À l’équilibre : la vitesse de sorption = la vitesse de désorption k P (1 – q) S = k q S ® ¬ sont les constantes de vitesse de sorption et de désorption. k et k ® ¬ k P – k P q = k q ¬ ® ® k P ¬ + = q b 1 + où

Isotherme de LANGMUIR (suite) Donc, q = ® k P ¬ + Si P est petit, q = k P / k = b P ¬ ® x m0 m 1 b est la pente de la courbe q =  (P). b

Isotherme de LANGMUIR (suite) Donc, q = ® k P ¬ + Si P est au contraire grand, q = k P / k P = 1 ¬ ® x m0 m 1 Si  = 1 / 2,  k = k P1/2 ¬ ®

Isotherme de LANGMUIR (suite) À une pression quelconque, il est préférable de transformer la fonction hyperbolique  en fonction linéaire. Si S’ est la surface occupée :  = S’/S = b P / ( 1 + b P) S/S’ = 1 + 1 / b P, et en multipliant par P :

Représentation de l’isotherme de LANGMUIR  P 1/b S 1/S P / S ’ P/S’ = ƒ(P) est une droite d’origine 1/(b S) et de pente 1/S.

Les isothermes d’adsorption x m0 m 1 x m m0 1 x m 1 L’isotherme de Langmuir apporte une explication convenable aux deux premiers cas d’isotherme d’absorption.

Isotherme de B.E.T. : hypothèse des multicouches

k1 P S0 = k1 S1 sur la couche d’ordre zéro Isotherme B. E. T. Soient S0 la portion de surface inoccupée, S1 la portion de surface occupée par une couche , S2 la portion de surface occupée par 2 couches, Si la portion de surface occupée par i couches. Sur chaque couche il y a équilibre entre les molécules qui s’adsorbent et celles qui se désorbent. Donc : k1 P S0 = k1 S1 sur la couche d’ordre zéro ® ¬

Isotherme B. E. T. (suite) ® k 1 P S = ¬ S sur la couche d'ordre zéro k1 P S0 + k2 S2 = k1 S1 + k2 P S1 ® ¬ Sur la couche d’ordre 1 En comparant les deux équations précédentes : ¬ k 2 S = ® P S 1 ou encore : S

Isotherme B. E. T. (suite) ® k P S 1 + ¬ = sur la couche d'ordre 2 3 = sur la couche d'ordre 2 Puisque k2 S2 = k2 P S1 ¬ ® ¬ k 3 S = ® P S 2 ou encore : S Etc. En généralisant et en comparant les équations successives, on obtient : S i = ® k ¬ P S - 1

Isotherme B. E. T. (suite) Soit : À partir de i = 2 et pour i > 1, il s’agit toujours de condensation sur la même phase déjà sorbée. Cette addition ressemble à une condensation, à la formation d’une phase liquide : ® k 2 ¬ P = 3 P ... = i P = x Soit : ® k 1 ¬ P = C x

Isotherme B. E. T. (suite) Si Si est la fraction de la surface occupée par i couches, on obtient alors : S1 = C x S0 S2 = x S1 = C x 2 S0 S3 = x S2 = x 2 S1 = C x 3 S0 Si = x Si - 1 = x 2 S1 = C x i S0 La surface du solide est telle que : 1 = S0 + S1 + S2 + . . . + Si +. . . . + S n

Isotherme B. E. T. (suite) 1 = S0 + C x S0 + C x 2 S0 + . . . + C x i S0 + . . . 1 = S0 [1 + C x + C x 2 + . . . + C x i + . . . ] 1 = S0 [1 + C (x + x 2 + . . . + x i + . . .) ] Posons  = x + x 2 + . . . + x i + . . . + x n x  = x 2 + . . . + x i + . . . + x n + 1 =  - x x  -  = - x ;   = x / ( 1 - x) D’où :

Isotherme B. E. T. (suite) Or x ni S0 , S1, S2, Si, . . . ne sont accessibles directement. Soient m la masse du produit adsorbé et m0 la masse nécessaire pour recouvrir le solide d’une monocouche. m = m0 (0 S0 + 1 S1 + 2 S2 + i Si + n Sn) m = m0 C x S0 (1 + 2 x + 3 x 2 + . . . n x n - 1)

Isotherme B. E. T. (suite) Il reste à expliciter la valeur de x. Si x tend vers 1, m tend vers l’infini. Cela ne peut être vrai que pour P = P0 . Þ x = 1, ® k i ¬ P o = 1 ou encore : ® k i ¬ P o = x 1 et

Isotherme de B. E. T. où A = C / P 0 et B = ( C - 1 ) / P0 En résumé, Si P << P0 et où A = C / P 0 et B = ( C - 1 ) / P0 (rappel : loi de Langmuir).

Mesure des aires spécifiques Mesure des aires spécifiques L’isotherme peut se réécrire sous la forme : En traçant P / [(P0 - P ) m ] = ƒ ( P / P 0) , on obtient les graphes qui suivent :

Représentation de l’isotherme de B.E.T. P / P0 P (P - P0) m 1/C m0 C - 1 C m0 a = P / P0 P (P - P0) m 0,05 0,35 Zone d’usage représentation analytique, représentation réelle.

Mesure des aires spécifiques Comme il y a proportionnalité entre la masse et le volume d’un gaz, (m, m0) et (V, V0), l’expression : peut se réécrire sous la forme : On saura déterminer l’aire spécifique de la surface du solide.

Détermination de la chaleur d’adsorption ® k 1 ¬ P = C x et i x On a vu que : et ® k 1 ¬ P i = C Or les constantes ® k 1 et i sont gouvernées par la vitesse des collisions des molécules de la phase gazeuse sur les parois inoccupées et occupées du solide. Donc ® k 1 = i

Détermination de la chaleur d’adsorption (suite)  C @ A i ¬ 1 e - E L / RT En admettant que Ai et A1 sont voisins : EA = chaleur d’adsorption de la 1ère couche et EL = chaleur de liquéfaction du gaz.

Détermination de la chaleur d’adsorption (suite) P / P0 m 1 EA < EL P / P0 m 1 EA > EL m0 Dépendant des valeurs relatives de EA et EL, on obtient deux isothermes différents.

Conclusion La surface joue un rôle déterminant en ce qu’elle gouverne la vitesse de la réaction. Elle agit (ou peut agir) comme catalyseur. Elle peut aussi inhiber la réaction. Ses utilisations industrielles sont considérables.

Préparation des catalyseurs solides Pour optimiser le potentiel d’un catalyseur, il faut obtenir la plus grande surface par unité de masse. Division en une sphère division en n sphères V = 4/3 p r3 et S = 4 p r2 V = n 4/3 p r’ 3  r3 = 3V / 4 p  r’3 = (3V / 4n p) 1/3 S = 4 p (3V / 4 p)2/3 S’ = 4n p (3V / 4 n p)2/3 S’/S  = n (1/n) 2/3 = n 1/3 La division par 1000 de la sphère initiale multiplie par 10 la surface du solide !

Préparation physique des catalyseurs Nécessité d’un solide finement divisé. Réduction d’un oxyde en poudre par l’hydrogène,… Les surfaces peuvent aller jusqu’à et dépasser 100 m2 par gramme de solide Nouveau domaine des nanomatériaux.

Adsorption de gaz sur des solides Soit la décomposition d’un gaz sur un solide : A  B avec P (A) << P0(A) Supposons que l’étape la plus lente soit celle de l’adsorption. Comme la pression est faible : A = b P et vr = k' A = - dP / dt = k' b P = k P

Cas d’un gaz faiblement adsorbé Selon  l’isotherme de LANGMUIR : vr = k' b P /(1 + b P ) puisque A = b P << 1 Cette équation se réécrit : - dP / P = k' b dt  k = 1/T Ln(Pi / P) La réaction est d’ordre 1, i.e. la pression du gaz. Exemples : N2O / Au, HI / Pt, PH3 / SiO2 .

Cas d’un gaz faiblement adsorbé Dans ce cas  = 1, La réaction est indépendante de la pression - dP / dt = k   k = (P i / P) / T La réaction est d’ordre zéro. Exemples, les décompositions de : l’ammoniac sur le tungstène, le molybdène, l’osmium l’iodure d’hydrogène sur l’or, …

Cas d’un gaz modérément adsorbé Le cas est évidemment intermédiaire entre les deux précédents : V réact = - d P t k ' b 1 + k P 1 + Cette équation est souvent remplacée par l’isotherme de FREUNDLICH : - dP / dt = k P n La réaction est alors d’ordre n.

Réactions retardées Soit A  B + C, A est faiblement adsorbé et B est fortement adsorbé, empêchant A de s’adsorber. Il y a donc ralentissement de la réaction : - dPA / dt = k' ( 1 - B) P A - d P A t = k ' b B Þ

Exemples de réactions retardées Décomposition de NH3 / Pt à 1138 °C 2 NH3  N2 + 3 H2 L’azote est sans effet, mais H2 s’adsorbe. H2 est un agent retardateur. Décomposition de N2O / Pt : 2 N2O  2 N2 + O2 L’oxygène est modérément adsorbé. O2 est un agent retardateur.

Adsorption de liquide par des solides Exemples : adsorption des ions par des solides cristallins ; non-électrolytes par le charbon activé. Représentation par l’isotherme de FREUNDLICH y = k C1/n y est la masse de substance adsorbée M par unité de masse adsorbante ; C est la concentration de M dans la solution ; k et n sont des constantes.

Adsorption de liquide par des solides (suite) Exemple : Adsorption de l’acide acétique sur du charbon activé : y = 0,160 C1/2,32 ou encore Ln y = Ln 0,160 + 1/2,32 Ln C

Applications Systèmes physiques : Les divers types de chromatographie ; La purification de divers systèmes ; Les résines échangeuses d’ions, ... L’obtention de vide dans de petits volumes. Systèmes chimiques, dont la synthèse industrielle. Exemple :

Exemples de réactions industrielles catalysées Déshydrogénation : C6H5-CH2-CH3  C6H5-CH=CH2 avec Fe2O3 Hydrogénation : N2 + 3 H2  2 NH3 avec Fe + Al2O3 + K2O + MgO C6H6  cyclo-C6H12 avec Ni ou Pt Oxydation : 2 SO2 + O2  2 SO3 avec V2O5 + K4P2O7 / SiO2 Désulfuration : SO2 + 2 H2S  3 S + 2 H2O avec Al2O3

Polymérisation catalysée du 1,3-butadiène, du styrène,… Polymère isotactique Polymère syndiotactique Substituants R positionnés au hasard : polymère atactique

Hydrogénation catalysée de l’oxyde de carbone Réactifs: p CO + q H2  Catalyseur et conditions produits ZnO seul, 400 °C + 200 atm CH3OH ZnO légèrement alcalin CH3OH + isobutanol ZnO + Fe2O3 CH4 + homologues sup. Co(réduit), 200 °C + 99 atm hydrocarbures liquides Co(réduit), 200 °C + 99 atm CH4

Conclusion La surface joue un rôle déterminant en ce qu’elle gouverne la vitesse de la réaction. Elle agit (ou peut agir) comme catalyseur. Elle peut aussi inhiber la réaction. Ses utilisations industrielles sont considérables.