SPMT - AG du 4 janvier 2005 Paris, « La table d’Anvers » L'impact du marché unique européen sur la chaîne de valeur des services à revenus partagés et des micropaiements en ligne Etienne Wéry Avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles Associé au cabinet Ulys Chargé d’enseignement à Paris I (Panthéon-Sorbonne) etienne.wery@ulys.net
Partie I : Une évolution fulgurante …
Un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître … Les opérateurs historiques controlaient l’ensemble du réseau Le SRP et la communication ne faisaient qu’un : le premier sert à payer le service consommé lors de la communication (p.e. ligne d’assistance hot-line) Le SRP s’affranchit de la communication et devient un moyen de paiement en tant que tel Plus proche de nous … De nouveaux acteurs se créent et se spécialisent à côté des opérateurs historiques La libéralisation des télécoms impose aux opérateurs historiques de partager la boucle locale La téléphonie mobile modifie le marché des SRP Entrée en vigueur de la directive européenne sur le commerce électronique qui confirme le principe d’un marché intérieur renforcé pour les prestations de services Entrée en vigueur de la directive européenne sur la monnaie électronique qui jette le trouble sur les SRP prépayés Les 2 prochaines années … Vers une inflation des textes législatifs et règlementaires
Partie II : Analyse des opportunités offertes par la clause de marché intérieur de la directive ‘e-commerce’
Application rationae materiae Directive 2000/31 commerce électronique s’applique aux « services de la société de l’information » (SSI), c-à-d : tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique à la demande individuelle d'un destinataire de services (qui peut agir à des fins tant privées que professionnelles) La directive exclut certains secteurs de son champ d’application. Notamment : “les activités de jeux d'argent impliquant des mises ayant une valeur monétaire dans des jeux de hasard, y compris les loteries et les transactions portant sur des paris” (art. 1.5) Exemples : mobile ; sites web ; accès en ligne à une base de données ; courriels ; vidéo et musique à le demande en ligne ; etc.
La clause de marché intérieur Principe les Etats membres veillent à ce que les services de la société de l'information fournis par un prestataire établi sur leur territoire respectent les dispositions nationales qui lui sont applicables dans cet Etat membre et qui relèvent du domaine coordonné ; les Etats membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l'information en provenance d'un autre Etat membre. Exceptions générales La clause exclut certaines opérations citées à l’annexe, notamment : la liberté des parties de choisir le droit applicable à leur contrat ; les obligations contractuelles concernant les contrats conclus par les consommateurs ; l'autorisation des communications commerciales non sollicitées par courrier électronique (spam) ; l’émission de monnaie électronique par des organismes qui ne bénéficient pas du « passeport européen » Mesures dérogatoires individuelles Les Etats membres peuvent prendre, à l'égard d'un service donné de la société de l'information et sous certaines conditions (principe de finalité notamment), des mesures qui dérogent au sacro-saint principe de la clause du marché intérieur
Transposition en droit français Principe : art. 17 LCEN « Activité soumise à la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel la personne qui l'exerce est établi sous réserve de la commune intention » Exonération générale consommateurs art. 17 LCEN « Ne peut avoir pour effet de priver un consommateur ayant sa résidence habituelle sur le territoire national de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi française relatives aux obligations contractuelles, conformément aux engagements internationaux souscrits par la France » Mesures individuelles art. 18 LCEN « Dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, des mesures restreignant, au cas par cas, le libre exercice de leur activité par les personnes mentionnées à l'article 16 peuvent être prises par l'autorité administrative lorsqu'il est porté atteinte ou qu'il existe un risque sérieux et grave d'atteinte au maintien de l'ordre et de la sécurité publics, à la protection des mineurs, à la protection de la santé publique, à la préservation des intérêts de la défense nationale ou à la protection des personnes physiques qui sont des consommateurs (…) »
Concilier marché intérieur et droit pénal national Art. 113-2 CP : infraction réputée commise en France dès qu’un des faits constitutifs à lieu sur le sol national, voire si elle y produit ses effets dommageables. Application quasi-ubiquitaire s’agissant de l’internet (théorie de la réception) Exemples : - la Belgique réprime la publicité concernant des services à caractère sexuel lorsque la publicite vise spécifiquement des mineurs, là où la France réprime le message à caractère pornographique lorsqu’il est suceptible d’être vu ou perçu par un mineur. - certains pays (notamment Malte et bientôt la Slovaquie, ou l’Angleterre pour les paris sportifs) ont créé un cadre juridique pour les jeux et loteries en ligne, là où d’autres réservent cette activité aux opérateurs nationaux (Française des Jeux / PMU)
Concilier marché intérieur et droit pénal national Question indépendante des mesures dérogatoires individuelles La CJCE pourrait surprendre tout le monde : - Objectif déclaré (art.1) <> domaine coordonné (art.2) - Domaine coordonné varie selon qu’il s’agit d’un produit ou d’un service - Le fait que le service soit presté en ligne permet plus de souplesse dans l’interprétation - Le considérant 23 précise que le DIP ne doit pas restreindre la libre prestation de services prévue par la directive Cela ne signifie pas pour autant que le droit pénal soit automatiquement harmonisé (considérant 8) L’exemple Gambelli
Partie III : Analyse des opportunités offertes par le principe de non-autorisation préalable dans la directive ‘e-commerce’
Le principe Les États membres veillent à ce que l'accès à l'activité d'un prestataire de services de la société de l'information et l'exercice de celle-ci ne puissent pas être soumis à un régime d'autorisation préalable ou à toute autre exigence ayant un effet équivalent. Le paragraphe 1 est sans préjudice des régimes d'autorisation qui ne visent pas spécifiquement et exclusivement les services de la société de l'information ou qui sont couverts par la directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 avril 1997 relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services des télécommunications [NDR : abrogé. Lire “autorisations prévues par le paquet télécoms”].
Les restrictions par catégories de services Types de restrictions : loi ; règlement ; pratique d’un opérateur historique détenteur de la boucle locale ; etc. La restriction est valable pour les activités soumises à autorisation dans le cadre du paquet télécoms Les autres restrictions peuvent constituer une mesure « d’effet équivalent » Exemple : la « déontologie » des opérateurs historiques interdisant certains services. Une mesure d’effet équivalent ? : - rôle de l’Etat au sein de l’opérateur - approbation du code par une autorité régulatoire - passage obligé quand la boucle locale est encore entre ses mains - clause abusive ? (vis-à-vis du consommateur qui supporte in fine le coût) - ouverture d’une nouvelle ligne de numérotation non géographique + mise en oeuvre du paquet télécoms sur les règles de facturation abrégée/anonymisée
Partie IV : Analyse des risques engendrés par la directive ‘monnaie électronique’
La monnaie électronique Définition harmonisée par la directive 2000/46/CE : “valeur monétaire représentant une créance sur l’émetteur, qui est : Stockée sur un support électronique; Émise contre la remise de fonds d’un montant dont la valeur n’est pas inférieure à la valeur monétaire émise; Acceptée comme moyen de paiement par des entreprises autres que l’émetteur” => 3 conditions cumulatives Question : la “remise des fonds” = “réception de dépôts ou d’autres fonds remboursables” ? => Non si les fonds sont immédiatement échangés contre de la monnaie électronique. Dans le cas contraire, application de la législation sur l’activité bancaire.
Exemple de problème posé par cette définition : les unités chargées sur la carte SIM constituent-elles de la monnaie électronique? Quid lorsque les unités prépayées permettent d’acheter, outre des minutes de communications, d’autres services et/ou produits payés par le débit de ces unités ? Opérateurs mobiles soumis à la législation sur la monnaie électronique ? La définition de la monnaie électronique semble applicable Autre exemple : les unités achetées par un client à un opérateur spécialisé dans le paiement des SRP constituent-elles de la monnaie électronique si elels peuvent être dépensées chez tous les affiliés de l’opérateur ?
Avis de la commission européenne (10 mai 2004) Application partielle ou totale du cadre juridique relatif à la monnaie électronique aux opérateurs de téléphonie mobile ? Lancement d’une consultation publique Opportunité : la protection du public. Si les opérateurs de téléphonie mobile proposent effectivement des instruments de monnaie électronique, le contrôle prudentiel doit leur être étendu. Mais, régime ad hoc peut se justifier Au préalable, déterminer précisément le domaine d’activité dans lequel la valeur électronique doit (devrait) être considérée comme de la monnaie électronique. => Situation claire lorsque les unités stockées servent pour le paiement des minutes de communication => Quid quand elles servent aussi à payer des produits et services de tiers ?
Pour répondre à cette question : Analyser la relation tripartite Porteur / Commerçant / Opérateur de téléphonie mobile Prendre en compte : Les modèles d’activité : varient en fonction de la nature du contenu et de la présentation des produits et services offerts Les relations contractuelles entre les différents acteurs : pour que les unités prépayées soient de la monnaie électronique, une relation contractuelle directe semble devoir exister entre le commerçant et le porteur. Mais quels critères adopter pour déterminer l’existence et la réalité de cette relation ? La structure du paiement : il faut un transfert direct de la valeur électronique du porteur au commerçant.
Survol du régime juridique applicable aux établissements de monnaie électronique Présentation générale Constat du législateur européen : Les Institutions émettrices de monnaie électronique sont concurrentes des établissements de crédit Mais, l’application du cadre juridique des établissements de crédits est disproportionnée Le développement de la monnaie électronique va promouvoir le commerce électronique européen (?) Adoption de la directive 2000/46/CE concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements
Principe de limitation des activités des établissements de monnaie électronique Les activités commerciales autres que l’émission de monnaie électronique sont limitées : À la fourniture de services financiers et non financiers étroitement liés à l’émission de monnaie électronique Au stockage de données sur le support électronique pour le compte d’autres entreprises ou institutions publiques La détention de participation dans d’autres entreprises est interdite sauf si ces entreprises exercent des foncitons opérationnelles ou d’autres fonctions accessoires liées à la monnaie électronique émise
Capital initial et fonds propres permanents Le capital initial ne peut être inférieur à 1.000.000 € Les fonds propres doivent être proportionnels aux engagements financiers Limitation des placements Pas de liberté de gestion des fonds remis en échange de la monnaie électronique émise Placements d’un montant au moins égal aux engagements financiers liés à la monnaie électronique en circulation Placements effectués uniquement dans certains actifs énumérés par la directive (3 catégories : actifs appelants, dépôts à vue auprès d’établissements de crédit de la zone A, titres de créances)
Outils de contrôle Les calculs destinés à vérifier le respect des instruments techniques de surveillance sont effectués au moins deux fois par an : Soit par les établissements de monnaie électronique eux-mêmes qui communiquent ensuite les résultats et toute donnée requise aux autorités compétentes Soit par les autorité compétentes, sur la base des données fournies
Principe de gestion saine et prudente La gestion, les procédures administratives et les procédures comptables doivent être sianes et prudentes Des procédures de contrôle interne adéquates doivent exister Procédure d’agrément préalable + principe de gestion saine et prudente = espace de liberté (ou de subjectivité) laissé aux autorités dans leurs missions
Partie V : Et demain ? : vers une inflation des textes législatifs et règlementaires …
Proposal of directive for a new legal framework for payments in the internal market Régulation des SRP dans certains pays (Belgique ; France en partie) Forum shopping grâce à la clause de marché intérieur