Ecrire La Honte (Annie Ernaux) Article par Claire-Lise Tondeur
“La honte, c’est le désamour de soi, c’est penser qu’on est mauvais à l’intérieur” ~Vincent de Gaulejac
Pour Annie Ernaux, la honte n’a pas son origine dans l’indigence matérielle, mais dans l’inculture de son milieu. “La plus grande honte, c’est d’avoir eu honte de mes parents. ” Elle peut expier sa honte par l’écriture. Ses romans sont partiellement autobiographiques, particulièrement les scènes clés.
Les deux auteurs ont plusieurs caractéristiques en commun. Ernaux était fort influencée par l’œuvre d’Albert Camus. Son roman L’Étranger lui a fait connaître la bonne littérature et a fait naître sa vocation littéraire. Les deux auteurs ont plusieurs caractéristiques en commun. Leurs personnages sont souvent des enfants qui se sentent inférieurs à leurs camarades d’école. Une scène dans son roman Une Femme rend hommage au style de Camus.
Un thème dans son roman Armoires Vides est l’absence d’histoire familiale. Le personnage principal, Denise, se sent inférieur aux autres étudiants, parce qu’ils connaissent toutes les traditions, et elle en est ignorante. La littérature fournit une échappatoire de son monde analphabète, et l’école devient une famille. Ces thèmes apparaissent aussi dans l’œuvre de Camus.
Il y a un conflit entre la nostalgie, et la honte du passé Il y a un conflit entre la nostalgie, et la honte du passé. Ernaux et ses personnages ont une crise d’identité; elle ne sait pas si elle va avec la classe de sa famille, ou avec sa nouvelle classe, plus éduquée. L’enfance est inéluctablement liée à la honte. À l’école, elle doit s’habituer à être moins importante qu’auparavant. Elle était souveraine de son petit monde ; maintenant elle est une déviante sociale. Pendant qu’elle s’adapte à son nouveau milieu, un abîme se développe entre elle et ses parents.
Avec La Place, elle essayait de rendre justice à sa honte de son père Avec La Place, elle essayait de rendre justice à sa honte de son père. Pour elle, la seule solution pour faire revivre son père tel qu’il était est de le replacer dans son contexte social, pour justifier ses mentalités et ses choix de vie. Elle utilisait un style très simple, avec des adjectifs. Elle essayait d’être objective, et elle ne permettait pas à ses émotions d’apparaître dans le texte. La peur de trahir son père est un thème qui s’infiltre dans tout le roman.
Avec son dernier livre, La Honte, elle révèle enfin la source fondamentale de sa honte. Quand elle avait douze ans, son père a essayé de tuer sa mère avec une serpe. Elle est obsédée par la peur que l’événement ne se reproduise. « Il me semble avoir attendu pendant des mois, peut-être des années, le retour de la scène, certaine qu’elle se reproduirait. La présence des clients me rassurait, j’appréhendais les moments où nous n’étions qu’entre nous, le soir et le dimanche après-midi. J’étais en alerte au moindre éclat de voix entre eux, je surveillais mon père, sa figure, ses mains. Dans tout silence soudain, je sentais venir le malheur. A l’école, je me demandais si je n’allais pas, en rentrant, trouver le drame accompli. » La Honte p. 19