Chapitre 3 : La distribution du revenu et de la fortune MAP Chapitre 3 : La distribution du revenu et de la fortune Yves Flückiger Université de Genève
Introduction L’allocation optimale des ressources engendre une distribution des revenus qui n’est pas nécessairement jugée comme équitable L’équité constitue une norme qui doit être définie par la collectivité C’est l’expression d’un choix collectif
Introduction Le rôle de l’économiste devrait se limiter à : mesurer les inégalités analyser les instruments à mettre en œuvre pour atteindre une distribution équitable
3.1. Origine des inégalités A. Origines : Inégalités d’opportunité (milieu social et familial) Différence de capital humain accumulé (éducation, expérience, ancienneté...) Différences liées au secteur d’occupation (taux de rotation, différence compensatoire, pouvoir de marché…) Discrimination
3.1. Origine des inégalités B. Application au cas de la Suisse : Enquête sur la structure des salaires réalisée tous les deux ans Elle contient 1’000’000 d’observations Pour chaque individu l’ESS indique le salaire, le sexe, le niveau d’éducation, l’expérience, l ’ancienneté, la position hiérarchique, le taux d ’occupation, la taille de l’entreprise …..
Estimation de l’équation des salaires, Suisse, 2004
3.1. Origine des inégalités Une formation universitaire contribue à accroître le salaire de 25,2% par rapport à une personne dont la formation s’est achevée à la scolarité obligatoire La prime attribuée à l’expérience atteint 1,8% La prime à l’ancienneté s ’élève à 0,4%. Elle semble diminuer progressivement depuis le début des années 90
3.1. Origine des inégalités Toutes choses égales par ailleurs, les cadres supérieurs gagnent 33% de plus que les personnes dépourvues de responsabilité Toutes choses égales par ailleurs, les personnes actives dans les emplois les plus exigeants obtiennent une prime de 33,1% par rapport à celles qui fournissent un travail simple et répétitif
3.2. Identification A. Problèmes à résoudre : Choix de l’indicateur de bien-être La pauvreté est multidimensionnelle… pour simplifier on prend un indicateur Dépenses: indicateur du niveau de vie Notion de revenu permanent qui rend l’indicateur moins volatile Avec le revenu, le bien-être est sur-estimé durant la vie active et sous-estimé après
3.2. Identification Choix de l’indicateur Revenu: bien-être envisagé comme un droit (à un revenu minimum) En utilisant le revenu, on risque de sous-estimer le bien-être des personnes à la retraite Choix à faire: revenu brut ou net ? Revenu total ou revenu salarial
3.2. Identification Choix de l’unité d’analyse (individu ou ménage) Calcul de l’échelle d’équivalence On ne peut pas comparer entre eux des ménages de taille différente L’échelle indique le nombre d’équivalents adultes représentant les besoins d’un ménage par rapport à un adulte vivant seul
3.2. Identification Calcul de l’échelle d’équivalence x = ressources du ménage a= caractéristiques du ménage
3.2. Identification Calcul de l’échelle d’équivalence Méthodes pour estimer ces échelles échelles économétriques échelles pragmatiques : OCDE: chaque adulte supplémentaire (de 14 ans ou plus) : 0,5 chaque enfant supplémentaire : 0,3 E(a,e) = 1 + 0,5.(a-1) + 0,3.e échelles paramétriques
3.2. Identification
3.3. Les indices Définition du seuil de pauvreté Seuil absolu: Il s’agit alors de définir les besoins vitaux à satisfaire (minimum vital) Ce seuil ne change pas nécessairement avec le niveau de vie de la société Seuil relatif: Seuil défini par rapport au niveau de vie global de la société
3.3. Les indices Définition du seuil de pauvreté Définition officielle: Les lois en vigueur au niveau fédéral ou cantonal définissent des seuils de pauvreté (seuils moins controversés) En Suisse il n’y pas de définition officielle de la pauvreté. Mais: Recommandations de la CSIAS (frais d’entretien) : 960 francs pour 1 personne seule ;
3.3. Les indices 1’469 frs pour 2 personnes (échelle: 1,53) ; AVS/AI: seuil pour obtenir des prestations complémentaires : 1’470 frs/mois, 2’660 frs/mois avec loyer et ass. maladie pour une pers. seule Ces définitions sont souvent utilisées car elles bénéficient d’une légitimité officielle Elles sont donc moins controversées que les autres seuils
3.3. Les indices Les indices de pauvreté: vision synthétique de l’ampleur du phénomène et de son évolution au cours du temps Headcount ratio: proportion de pauvres (ou de bas salaires) dans la population Income gap ratio: tient compte de l’écart moyen entre le seuil de pauvreté et le revenu des pauvres Indice de « FGT »: permet de donner plus de poids aux plus démunis
HR indique la proportion de pauvres Headcount Ratio HR indique la proportion de pauvres dans la population
HR: On attribue le même « poids » à toutes les personnes considérées comme pauvres
Income Gap Ratio IGR représente la moyenne des écarts de revenus des « pauvres » par rapport au seuil de pauvreté en proportion de la ligne de pauvreté
L’IGR attribue un « poids » plus élevé aux personnes les plus démunies
Foster-Greer-Thorbecke Index L’indice FGT est une somme pondérée des déficits de revenus des pauvres
L’indice FGT attribue un poids plus que proportionnel aux plus démunis
3.3. Les Indices Les mesures des inégalités Dans ce cas, on ne s’intéresse plus seulement à une partie de la distribution des revenus (ou des dépenses), mais on analyse l’ensemble de la distribution pour toute la population
3.3. Les Indices L’indice de Gini: il est basé sur la courbe de Lorenz qui compare le poids démographique d’une partie de la population avec son poids « économique » Il varie entre un minimum de 0 et un maximum de 1 Limites de l’indice: problèmes d’intersection des courbes de Lorenz et problème lié à la comparaison entre pays
Indice de Gini
3.3. Les Indices Le rapport entre les déciles supérieurs et inférieurs de la distribution: C’est une autre manière de calculer l’inégalité. Elle se focalise sur l’écart entre les plus aisés et les plus démunis
3.4. Les inégalités de revenus en Suisse A ce jour, il n’existe aucune étude sur l’évolution des inégalités en Suisse Pour combler cette lacune, nous avons utilisé les données fiscales (IFD) L’inégalité des revenus a été mesurée à partir du rapport entre les 20% les plus riches de la population et les 20% les plus pauvres
3.4. Les inégalités de revenus en Suisse
3.4. Les inégalités de revenus en Suisse Au cours des 5 dernières décennies, la Suisse a enregistré une hausse tendancielle des inégalités de revenu L’inflation a joué un rôle redistributif Les gains de productivité ont permis de réduire les inégalités La croissance économique n’a pas permis de réduire les inégalités
3.4. Les inégalités de revenus en Suisse Cette étude peut être complétée par une analyse des inégalités selon les sources des revenus Elle permet de déterminer la contribution de chaque source de revenus à l’inégalité totale Cette étude date malheureusement de l’année 1982 !
3.4. Les inégalités de revenus
3.5. Working poor et pauvreté Etude sur la population des « working poor » et des personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté Cette étude a été réalisée sur la base des données de l’ESPA pour les années de 1992 à 2004 Cette enquête a lieu toutes les années depuis 1991 sur un échantillon représentatif de la population suisse
3.5. Working poor et pauvreté Working poor : personnes âgées entre 20 et 59 ans qui vivent dans un ménage pauvre dont le volume d’activité cumulé est égal ou supérieur à 36h/sem. Pauvreté : personnes vivant dans un ménage dont le revenu est inférieur au seuil absolu de pauvreté selon les normes de la CSIAS (besoins de base+loyer+primes d’assurance-maladie, soit 2’450frs/mois pour une personne seule et 4’550frs pour un couple avec 2 enfants)
2004: 12,5% 2004: 6,7%
3.5. Working poor et pauvreté Il y a un socle de pauvres et de working poor qui reste de manière permanente dans cet état (trappe à la pauvreté) Ce socle a eu tendance à augmenter depuis le début des années 90 A côté de ce socle vit une population qui se trouve à la marge de précarité et qui peut y tomber ou en ressortir au gré de la conjoncture (vulnérabilité)
Taux de working poor par groupe socio-démographique ESPA 2003
3.5. Working poor et pauvreté La précarité affecte plus particulièrement: Les étrangers Les familles monoparentales Les familles nombreuses Les personnes domiciliées en Suisse romande ou au Tessin Les personnes qui ne disposent que d’une formation élémentaire (18,5% contre 2,3% pour les ménages avec une personne de formation universitaire)
3.5. Working poor et pauvreté La précarité affecte plus particulièrement: Les personnes soumises à un contrat de travail d’une durée déterminée (15,9%) ou ayant interrompu leur carrière professionnelle Les indépendants (13,8%) et en particulier ceux qui n’ont pas d’employés (18,3%) La population travaillant dans les ménages privés (32,6%), l’hôtellerie et la restauration (17,8%)
3.6. Analyse des transitions La situation de bas salaire semble durable…
3.6. Analyse des transitions …celle de working poor le semble moins !
3.7. Pauvreté Le taux de pauvreté diffère selon les indices choisis Selon le « Head count ratio » il y avait en Suisse, en 1990, 12,5% de ménages pauvres Selon « l ’Income gap ratio » il faudrait attribuer 36,9% de revenu supplémentaire pour amener tous les ménages pauvres au seuil de pauvreté