LE BONHEUR Plan 1. Etymologie / Définitions 2. Les écoles philosophiques 3. Questions / Discussion 4. Tentative de synthèse 5. En guise de conclusion
Etymologie et définitions Du latin « bonum augurum » bonne fortune, bon augure, bonne chance. En grec « eudaïamonia » renvoie au démon donc à un principe extérieur. En anglais « happiness » dérivé de « happen » arriver par hasard renvoie aussi à une cause extérieure. Définitions : Petit Robert : « Etat de la conscience pleinement satisfaite. » Dictionnaire de philosophie : « Etat de contentement total, stable et durable qui représente un optimum existentiel pour la vie terrestre »
LES ECOLES PHILOSOPHIQUES Parmi les nombreux courants philosophiques qui se sont intéressés au Bonheur, on peut citer : Epicurisme : « Jouir le plus possible en désirant le moins possible ». C’est l’art de jouir. En premier lieu, à la fois hédonisme : « Le plaisir est le principe de tout bien » et eudémonisme : « Le bonheur est le souverain bien » . Secondairement un ascétisme . Pour l’épicurien, le bonheur engendre la vertu. Stoïcisme : « Il ne faut désirer que ce qui dépend de nous ». C’est l’art de vouloir. Le stoïque n’espère pas ; il agit sur ce qui dépend de lui. Pour le stoïque, la vertu engendre le bonheur. Aristote une voie médiane : « Le Bonheur ne dépend pas totalement de nous ; il y a une part de hasard et de dépendance aux autres » Spinoza (XVII s) : « Il faut désirer ce qui est (ce n’est plus espérance mais amour) ou ce que l’on fait (ce n’est plus espérance mais volonté). Le bonheur spinoziste est un bonheur désespéré, non pas triste mais qui n’espère rien. Le réel suffit. Hobbes (XVII s, 1er matérialiste moderne) : « Le bonheur c’est le pouvoir qui permet de pérenniser la satisfaction de ses désirs dans une continuelle marche en avant ». On peut penser comme Hobbes et vivre comme Epicure dans un certain ascétisme. Pascal (XVII s) : Le bonheur est inaccessible ici bas : Nous passons notre vie à l’attendre ou à craindre qu’il ne dure pas « Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais ». L’action est un divertissement, un « trompe la mort », car, quand on agit, on ne pense pas à la mort. Le bonheur n’est accessible que dans l’au-delà de la vie grâce à la religion (pari « gagnant » sur l’existence de Dieu). Kant (XVIII s) : « Il faut faire son devoir sans rien espérer ici bas car le bonheur (la satisfaction de tous nos désirs) y est inaccessible . Il faut postuler un au-delà où le bonheur serait accessible ; c’est la seule façon d’échapper au non sens ; c’est l’horizon d’espérance sous forme de pari de Pascal. C’est une voie plus proche du stoïcisme que de l’épicurisme.
QUESTIONS Le bonheur est-il la satisfaction de tous nos désirs ? L’espérance est-elle un obstacle au bonheur ? Le bonheur est-il dans la volonté et / ou dans l’action ? Peut-on être heureux sans aimer ?
Le bonheur est-il la satisfaction de tous nos désirs ?
Le bonheur est-il la satisfaction de tous nos désirs ? Si l’on estime avec Spinoza que : « Le désir est l’essence même de l’homme », on peut penser que la notion de Bonheur est étroitement liée à celle du Désir. Mais le désir peut être vécu de deux façons très différentes pour ne pas dire opposées : Comme « un manque ». C’est la conception de Platon : On ne désire que ce que l’on a pas. Comme on a jamais ce que l’on désire au présent, on espère toujours et l’on est jamais heureux. Le Bonheur apparaît comme le sens de la vie. Mais « le sens » indique toujours un ailleurs….. Si le désir est manque le Bonheur est manqué. Comme « la capacité de jouir de ce qui est là, de ce qui se donne ». C’est la conception de Spinoza: Il ne faut désirer que ce qui ne manque pas. C’est un bonheur désespéré, non pas triste, mais sans espoir. « Le désir est vécu comme un plaisir et non comme un manque ». Le Bonheur n’est plus le sens de la vie, il est la vie elle-même, ici et maintenant. Seule la conception Spinoziste du désir peut conduire au Bonheur : Désirer ce qui est, c’est aimer. Désirer ce qui n’est pas, c’est espérer. Principale référence : André Comte-Sponville « La plus belle histoire du Bonheur » Ed Seuil
L’espérance est-elle un obstacle au bonheur ?
L’espérance est-elle un obstacle au bonheur ? Espérance se conjugue avec désir inassouvi et insatisfaction présente : On espère ce que l’on a pas On espère ce qui ne dépend pas de nous On n’est jamais certain d’obtenir ce que l’on espère On n’est pas satisfait ici et maintenant lorsqu’on espère L’espérance exprime notre faiblesse : Quand elle est là, le plaisir, la volonté, la connaissance et l’action ne sont pas là. Les Stoïciens voyaient dans l’espérance une passion. Spinoza voyait dans l’espérance un manque de connaissance, une impuissance de l’âme dont il importe de se libérer. Le Bonheur, ici et maintenant, n’est pas au bout du chemin, ni même au bout du pas, il est dans le pas lui-même ou il n’est pas. C’est ce que dit Freud d’une autre façon lorsqu’il affirme : « Pas de Bonheur sans deuil du Bonheur » ? L’espérance est un obstacle au Bonheur ici et maintenant. La sagesse consiste à ne pas espérer le bonheur pour pouvoir le rencontrer. Principale référence : André Comte-Sponville « La plus belle histoire du Bonheur » Ed Seuil
Le bonheur est-il dans la volonté et / ou dans l’action ?
Le bonheur est-il dans la volonté et / ou dans l’action ? Il n’y a pas de Bonheur sans plaisir : Les Epicuriens dans leur art de jouir et Spinoza ont raison. Que pouvons nous faire de notre présent, si ce n’est agir ? Pour Spinoza, il faut désirer ce que l’on fait : ce n’est plus de l’espérance mais de la volonté. Pour Les Stoïciens, il ne faut désirer que ce qui dépend de nous, autrement dit, n’agir que sur ce qui dépend de nous. Les stoïciens ont aussi raison dans leur art de vouloir. Qu’importe si Pascal pense que l’action est un divertissement , « un trompe la mort ». Si ce « divertissement » nous rend plus heureux ainsi que ceux qui nous entourent, n’est-ce pas là l’essentiel ? Dès lors que Vouloir se confond avec l’acte lui-même et non avec l’espérance de son résultat ; Agir est un plaisir qui contribue à notre Bonheur. Principale référence : André Comte-Sponville « La plus belle histoire du Bonheur » Ed Seuil
Peut-on être heureux sans aimer ?
Peut-on être heureux sans aimer ? Si l’on estime avec : Aristote « Aimer c’est se réjouir » Spinoza « L’amour est joie » Freud « Quand on a perdu la capacité d’aimer, c’est qu’on est malade » Montaigne « Pour moi donc, j’aime la vie » Il paraît difficile d’être heureux sans aimer. N’est-il pas évident que Si nous aimions « tout », nous serions pleinement heureux ? « Tout » : C’est-à-dire tout ce qui existe, autrement dit la Vie au sens large. Il faut par conséquent savoir aimer la difficulté ou pour le moins l’accepter positivement si l’on veut être heureux : Il n’y a pas de Bonheur sans courage (Les stoïciens ont raison). S’il n’y a pas d’amour (érôs) heureux, c’est notre part de folie, il n’y a pas non plus de bonheur sans amour (philia / sociale et agapê / morale), et c’est notre part de sagesse. Si l’on veut Aimer aussi ceux qui nous ont blessés, cela ne suppose-t-il pas de savoir pardonner,? Il n’y pas de Bonheur sans amour. Principale référence : André Comte-Sponville « La plus belle histoire du Bonheur » Ed Seuil
TENTATIVE DE SYNTHESE Sans plaisir, il n’y a pas de Bonheur. Les Epicuriens ont raison dans leur art de jouir. Désirer ce qui n’est pas, c’est espérer. L’espoir nous enferme dans le « manque ». L’espoir nous prive du Bonheur ici et maintenant. Le Bonheur n’est pas au bout du chemin, ni même au bout du pas, il est dans le pas lui-même ou il n’est pas. Désirer ce qui est, c’est aimer : Il n’y a pas de Bonheur possible sans amour de ce qui est et notamment des autres. Ce qui suppose de savoir pardonner à nos « ennemis ». Si l’on désire ce que l’on fait, le plaisir est dans l’action. Aimer ce que l’on fait, c’est le Bonheur d’Agir. L’action n’est plus « Espérance de résultat » mais « Volonté et plaisir de faire ». Les Stoïciens et Spinoza ont raison dans leur art de vouloir : il ne faut désirer que ce qui dépend de nous et ne rien espérer. Il n’y a pas de Bonheur possible sans courage. Les Stoïciens ont encore raison. Pour être heureux, la volonté, le courage, la connaissance et l’amour valent mieux que l’espérance. Le Bonheur suppose l’absence de crainte, il suppose donc l’absence d’espérance. Le Bonheur n’est ni dans l’être, ni dans l’avoir. Il est dans l’action, dans le plaisir et dans l’amour. Pour être heureux ne faut-il pas apprendre à : Espérer moins ? Agir davantage pour le seul plaisir ? Aimer plus et mieux ?
En guise de conclusion « Le devoir d'être heureux ! » Il n'est pas difficile d'être malheureux ou mécontent; il suffit de s'asseoir, comme fait un prince qui attend qu'on l'amuse; ce regard qui guette et pèse le bonheur comme une denrée jette sur toutes choses la couleur de l'ennui (...); Il est toujours difficile d'être heureux; c'est un combat contre beaucoup d'événements et contre beaucoup d'hommes; il se peut que l'on y soit vaincu (...); Il est impossible que l'on soit heureux si l'on ne veut pas l'être; il faut donc vouloir son bonheur et le faire. Ce que l'on n'a point assez dit, c'est que c'est un devoir aussi envers les autres que d'être heureux. ALAIN, Propos, 1923