Les représentations sociales de l’allaitement maternel:

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Transcription de la présentation:

Les représentations sociales de l’allaitement maternel: une analyse qualitative CSSS de Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent Chantal Bayard Étudiante à la maîtrise en sociologie UQÀM 13 décembre 2007 Remerciements : Ce projet n’aurait pas été possible sans le support financier de certaines institutions que j’aimerais remercier aujourd’hui Fondation du CSSS Partenariat Famille en mouvance et dynamique intergénérationnelle (INRS-UCS) Département de sociologie de l’UQÀM

Objectif Réfléchir ensemble aux représentations sociales de l’allaitement maternel au Québec Cette conférence vise : Réfléchir ensemble aux représentations sociales de l’allaitement maternel au Québec Transmettre certaines questions ou interrogations auxquelles j’ai été amené à réfléchir au moment de l’analyse afin de mettre la table pour la discussion qui suivra. Objectif personnel : d’arriver le plus rapidement possible à la présentation des résultats de la recherche pour que l’on puisse discuter. Présentation : Contexte dans lequel se situe l’allaitement Méthodologie Caractéristiques des répondantes Analyse

Contexte Initiatives internationales (OMS/UNICEF) Initiatives gouvernementales provinciales Prises de position Augmentation de la recherche depuis 1995 Je vous présente d’abord quelques éléments de contexte qui permettent de situer la pratique de l’AM. Plusieurs initiatives internationales qui ont été mises en place par l’OMS et l’UNICEF comme, par exemple : le Code International de commercialisation des substituts du lait maternel (1981) (OMS : organisation mondiale de la santé et UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance); Déclaration « Innocenti » sur la protection, l’encouragement et le soutien de l’AM (1990); Initiative des Hôpitaux Amis des bébés (1992); Stratégie mondiale pour l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (2003) Initiatives gouvernementales provinciales : Priorités nationales de santé publique (1997-2002); Lignes directrices du Ministère de la santé et des services sociaux du Québec (2001); Implantation du Réseau Amis des bébés Prises de position des groupes de professionnels de la santé en faveur de l’allaitement maternel exclusif jusqu’à l’âge de six mois : L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (1998); Ordre des diététistes du Québec (2002); Société canadienne de pédiatrie (2005); Association québécoise des consultantes en lactation diplômées (2005). Ces recommandations des différents groupes s’accordent avec celles de l’OMS et de l’American Academy of Pediatrics (2005) Une augmentation de la recherche québécoise sur l’AM depuis le milieu des années 90. Peu d’études sociologiques québécoises alors qu’elles sont nombreuses dans d’autres pays (Grande-Bretagne, États-Unis, Australie, par exemple). C’est d’ailleurs l’absence d’études sur ce sujet dans ce champ qui a motivé ma démarche.

Méthodologie Étude exploratoire 15 entrevues en profondeur Durée : entre 60 et 90 minutes Analyse qualitative Verbatims Lectures Échanges Étude exploratoire réalisée dans le cadre de mon mémoire de maîtrise en sociologie 15 entrevues en profondeur réalisées auprès de femmes enceintes de leur premier enfant interrogées en période prénatale Durée : 60 à 90 minutes : parfois plus mais jamais moins ce qui correspond à plus de 20 heures d’enregistrement, sans compter les nombreuses heures de retranscription. L’analyse qualitative des 300 pages de verbatims qu’ont généré les entrevues ont été lus et relus plusieurs fois au moment de l’analyse afin d’en extraire les thèmes, les catégories, les mots-clés les plus pertinentes pour expliquer les représentations de l’allaitement La lecture (d’articles, de livres) a été effectué avant et pendant les entrevues afin de raffiner l’analyse des verbatims. Pour m’aider dans l’analyse j’ai aussi discuté mes résultats de recherche avec mon entourage (autant des amies que des personnes travaillant dans le réseau de la santé) que mes directrices. Bref, j’ai consacré trois ans de ma vie m’intéresser à l’AM.

Qui sont-elles ? Femmes enceintes de leur premier enfant Ont décidé d’allaiter Âgées entre 28-33 ans Après la première échographie Stade de la grossesse : majorité + de 30 semaines En couple : 11 conjointes de fait et 4 mariées Niveau de scolarité atteint : universitaire Revenus : entre 20 et 60 000$ par année Nées au Québec et s’expriment en français Veulent allaiter : Prise de décision d’allaiter Avant le début de leur grossesse tais au départ à la recherche de femmes qui ne voulaient pas allaiter : malgré mes efforts difficiles à trouver.

Représentations sociales : résultats

Lait maternel : représentations Un aliment : « Bon pour la santé » du bébé Protecteur Sécuritaire Rappel : mères en prénatale Le lait maternel est représenté par les mères rencontrées comme l’aliment par excellence pour répondre aux besoins du nourrisson, mais aussi pour assurer son développement optimal (cognitif, physique, psychologique, affectif). Il est qualifié par toutes les répondantes d’aliment « bon pour la santé », naturel, sain, frais et de qualité. Il est aussi vu comme aliment protecteur, un vaccin naturel, à cause de son apport sur le plan immunitaire. De plus le lait maternel est aussi classé comme un aliment sécuritaire principalement à cause de son lieu de production. Le fait qu’il soit produit à l’intérieur du corps de la mère, plutôt qu’en usine, le lait maternel rassure les femmes interrogées. Elles ont vraiment une impression de connaître et de maîtriser davantage sa composition (en mangeant adéquatement, par exemple), ce qui n’est pas le cas pour le lait artificiel produit en usine. Aussi, le fait qu’il n’est pas manipulé par plusieurs personnes avant d’être donné au bébé, le lait maternel est décrit comme un aliment propre et aseptique. Conclusion : Lait maternel : image enviable et positive

Lait artificiel : représentations Une substance : Chimique Moins complète Moins bonne pour la santé du bébé Inspire la peur, la méfiance et l’inquiétude Remplacement À l’inverse le lait artificiel à une image moins reluisante. Le « lait en poudre » ou « lait en canne » est considéré comme une substance (et non un aliment) : Qui inspire de la « méfiance »,de la « peur », et « de l’inquiétude » chez la moitié des répondantes, principalement à cause de sa composition inconnue et de sa provenance industrielle. Pour ces dernières, il est plutôt considéré comme une substance de remplacement pour la moitié des répondantes utiliseront si elles n’ont pas le choix ou par obligation Pour dire vrai, seulement une seule des répondantes pensent que le lait maternel n’est pas néfaste pour l’enfant. Cette opposition entre le lait maternel et le lait artificiel m’a amené à me poser une question j’aimerais vous soumettre et qui pourraient être discutées au moment de la période plénière : Je me suis d’abord demandée pourquoi aucune des mères rencontrées n’ont parlé des éléments nocifs que l’on peut retrouver dans le lait maternel (médicaments, drogue, alcool, polluants – pétrole, le plomb, le mercure, les pesticides, les gras trans) alors de nombreuses études scientifiques ont parlé de ce problème (Exemple de ….en milieu de travail), mais aussi dans un contexte ou les mères ont expliqué les risques du lait artificiel. Les risques associés au lait maternel apparaissent comme inexistants alors qu’ils se retrouvent dans l’air que l’on respire, dans l’eau, le sol, la nourriture, notre milieu de travail. Pourquoi à votre avis ?

Le geste d’allaiter : représentations

Geste d’allaiter : représentations Allaiter : c’est donner la santé Allaiter : c’est poser un geste responsable Mère : première responsable du bien-être de l’enfant Pour la majorité des femmes rencontrées, allaiter équivaut à « transmettre », à « offrir » ou « donner la santé ». Il s’agit, pour certaines, « d’augmenter les chances » d’avoir un nourrisson en santé en lui donnant les outils pour combattre la maladie, tandis que pour d’autres, moins nombreuses, allaiter contribue à « garantir » et à « assurer » la santé tout en apportant une certaine paix d’esprit à la mère. En choisissant d’allaiter, ces femmes ont l’impression d’agir sur le devenir de leur nourrisson en contribuant à prémunir ce dernier de certains risques (allergies, asthme et autres). Le geste d’allaiter est aussi présenté par les mères comme un geste responsable. Malgré les changements observés au Québec dans les rôles féminins et masculins, les femmes rencontrées endossent l’idée qu’elles sont les premières responsables de la santé physique et psychologique de leur nourrisson.

Geste d’allaiter : représentations Allaiter : c’est poser un geste responsable Offrir « ce qu’il y a de mieux » Répondre aux besoins du nourrisson Un devoir maternel Choix rationnel En ce sens, leur principale motivation consiste à vouloir offrir « ce qu’il y a de mieux » à leur nourrisson, en répondant de manière prioritaire, aux besoins de leur nourrisson en reléguant, par le fait même, leurs besoins personnels au second plan. De cette façon l’allaitement est présenté par les répondantes comme un geste qui « s’impose » et qui « va de soi » et pour la moitié d’entre elles comme un « devoir maternel » et un choix rationnel. La moitié des femmes rencontrées affirment que le fait que les mères de leur génération sont très informées sur les bienfaits de l’allaitement, le choix d’allaiter apparaît « incontournable » et le « meilleur » pour l’enfant. Pour ces femmes, comme pour celles rencontrées par Murphy (2000), l’allaitement apparaît comme un choix responsable et rationnel. Or, en analysant attentivement les verbatims, j’ai remarqué que cette idée de « devoir maternel » entre en contradiction avec une autre, partagée par toutes les femmes, qui veut que l’allaitement est un choix libre et personnel. En fait, cela pose la question suivante : les mères ont-elles vraiment le choix d’allaiter en 2007 ? Murphy (2000) pense que non. Elle affirme que le choix d’allaiter est encadré et influencé par le point de vue des experts du domaine de la santé et que l’abondance de l’information disponible en faveur de l’allaitement encourage fortement les femmes à adopter ce comportement et contribue, par le fait même, au développement du sentiment de « devoir » dont parlent les femmes de notre échantillon. Hausman (2003) affirme, en ce sens, que la connaissance des bénéfices de l’allaitement pour la santé du nourrisson et de la mère permet difficilement d’argumenter en faveur des préparations lactées.

Geste d’allaiter : représentations Dans ce contexte, qu’advient-il des mères qui n’allaitent pas ?

Geste d’allaiter : représentations Conséquences Pression dans la prise de décision « Si j’avais décidé de ne pas allaiter, j’aurais senti une pression, comme c’est ça que je veux moi, tout ce qu’on pouvait me dire de positif et d’encourageant je le prenais ....la pression pas tant que ça vu que j’étais du bon bord » (Caroline, 28 ans). Plusieurs conséquences sont identifiées par les répondantes. La moitié des femmes interrogées pense que la valorisation de l’allaitement par les professionnels de la santé (principalement via les cours prénatals) creer une pression sur certaines femmes au moment de leur prise de décision en matière d’allaitement. Elles remarquent que certaines femmes sont « orientées » ou « incitées » dans leur choix pendant la grossesse et après l’accouchement et l’information reçue dépasse la simple valorisation. Bien qu’elles constatent cette pression, il faut dire que les femmes rencontrées dans le cadre de cette recherche affirment, quant à elle, ne pas avoir ressentit de pression au moment de faire leur choix puisqu’elles ont, pour la plupart, pris la décision d’allaiter avant leur grossesse et aussi, parce qu’elles étaient du « bon bord ».

Un geste responsable représentations Conséquences (suite) Culpabilité et dénigrement Mère centrée sur ses besoins Manque de jugement : imprudence, geste irrationnel Mauvaise mère Plusieurs femmes notent aussui que La « culpabilité », le « jugement » de même que le « dénigrement » et le « manque de considération » comptent les conséquences subies par les femmes qui ne veulent pas allaiter. De cette façon les mère qui choisissent de ne pas allaiter doivent être « convaincues » et le « justifier » puisque leur décision peu être interprétée, comme le souligne Murphy (2000) et Wall (2001) comme un manque de jugement et une imprudence, un geste irrationnel, voire même irresponsable. . Dans ce contexte, l’auteure note, comme Wall (2001), que la décision d’introduire du lait artificiel dans l’alimentation du nourrisson contribue à remettre en question la capacité de la femme d’être une « bonne mère ». La mère « déviante », comme le dit Murphy (1999), est représentée comme une femme priorisant ses propres besoins sur ceux de son enfant, ce qui n’est pas valorisé dans notre société. Tout comme plusieurs auteures, la pratique de l’allaitement est associée (Lupton et Fenwick, 2001; Wall, 2001; Murphy, 1999 et 2000; Lupton, 2000; Blum, 1999; Hays, 1996), au fait d’être une bonne mère. L’ensemble des répondantes remarque aussi cette association, de leur part, mais aussi de celle des professionnels de la santé, entre l’allaitement et le fait « d’être une bonne mère ». Bien que certaines mères chuchotent – mon choix de mot n’est pas anodin- en accord avec cette affirmation, certaines sont complétement en désaccord avec cette association.

«  (Une bonne mère) : c’est plus de bien s’occuper de son enfant (…), c’est de répondre à ses besoins. Quand il commence à grandir, c’est l’implication, l’amour, faire des activités de plein air, du sport, s’amuser avec. C’est un petit peu plus ça être une mère que de savoir donner du lait maternel ou du lait artificiel. Selon moi, ça n’entre pas dans la définition d’une mauvaise mère, c’est plus une question de choix pour moi » (Marguerite, 29 ans).

Nourrir c’est créer le lien : représentations Lien fort et privilégié Deux types de relation Relation entre deux individus interdépendants Relation de fusion, d’union et de communion Lien père-enfant Équilibre des tâches entre les conjoints Toutes les femmes interrogées en période prénatale, sauf une, s’entendent pour dire que la pratique de l’allaitement permet la création d’un lien « fort », « privilégié » ou « d’attachement » entre la mère et l’enfant. Deux types de relations : Nonobstant cet accord entre les mères, deux façons de décrire ce lien s’impose lors de l’analyse. Un premier groupe regroupant le deux tiers des femmes décrit le lien mère-enfant comme une relation de proximité entre deux individus indépendants alors que le deuxième groupe considère que cette relation, dans l’allaitement, en est une de « fusion», de « symbiose », « d’union » ou de « communion ». Ces résultats correspondent à l’analyse de Schmied et Lupton (2001) en ce sens qu’ils traduisent deux façons de concevoir le rapport au corps dans l’allaitement. Lien père-enfant Le premier groupe se différencie également du deuxième par la place qu’il accorde au père dans la relation d’allaitement. En effet, les femmes du premier groupe sont plus soucieuses de ne pas exclure leur conjoint de la relation d’allaitement. Sur ce point, elles spécifient ne pas vouloir développer une relation exclusive et fusionnelle mais plutôt un « trio » autour de l’allaitement. Les femmes du deuxième groupe considèrent, quant à elles, la relation mère-enfant comme la plus importante pour le nourrisson et conviennent que le père en est exclu dans les premiers mois suivant la grossesse. Comme le souligne cette dernière, certaines femmes conviennent que l’allaitement au biberon permet de favoriser l’implication du père, la création d’un lien père-enfant et l’équilibre entre les conjoints au niveau des tâches.

« La relation mère-nourrisson, je ne vois pas ça de manière fusionnelle (...) la famille pour moi c’est important. Ce n’est pas moi et mon nourrisson. J’ai de la misère avec ce concept-là parce que pour moi c’est plus large. Mon noyau, ça va être moi, le papa et le nourrisson. Pour moi, c’est un triangle. Je ne veux pas que ça soit juste moi et le bébé » (Hélène, 28 ans).

« Il y a le côté aussi que le père au début ( « Il y a le côté aussi que le père au début (...) il ne peut pas créer un lien d’appartenance. C’est sûr qu’on peut décider éventuellement de tirer son lait. À ce moment-là, tu peux dire tel boire c’est le père. À un moment donné, quand t’as un bon roulement et que ton bébé accepte autant ton sein que ton biberon, c’est le fun parce que tu peux commencer à te détacher, à être un peu plus autonome et ton chum peut entrer dans ce lien-là aussi d’allaiter » (Marilou, 31 ans). « Il y a le côté aussi que le père au début (...) il ne peut pas créer un lien d’appartenance. C’est sûr qu’on peut décider éventuellement de tirer son lait. À ce moment-là, tu peux dire tel boire c’est le père. À un moment donné, quand t’as un bon roulement et que ton bébé accepte autant ton sein que ton biberon, c’est le fun parce que tu peux commencer à te détacher, à être un peu plus autonome et ton chum peut entrer dans ce lien-là aussi d’allaiter » (Marilou, 31 ans).

Nourrir c’est créer le lien : représentations Amour inconditionnel, tendresse Période de calme et de tranquilité Indépendamment de leur vision (« symbiose » versus « indépendance »), le geste de nourrir semble constituer la principale façon de créer le lien entre un adulte (mère, père) et un nourrisson. Une seule des répondantes se questionne sur l’établissement du lien mère-nourrisson par l’allaitement. La moitié des répondantes Le geste d’allaiter est aussi perçu par comme un geste d’amour inconditionnel, de tendresse, d’affection puisqu’il permet de consoler, d’apaiser et de réconforter l’enfant. Le lait maternel à associé à la « chaleur » humaine alors qu’elles attribuent les termes « froideur » et « distance » à l’allaitement au biberon. La période d’allaitement est également entendue par nos répondantes comme une période de « calme », de « tranquillité » et de « cocooning », comme un temps d’arrêt. L’allaitement au biberon est ici davantage associé à la « rapidité » et à la continuité dans les activités courantes. J’avoue être surprise de cette représentation des femmes : différence marquée entre ce qui est dit sur le geste de donner du lait maternel et artificiel

Nourrir c’est créer le lien : représentations Lien mère-enfant : favorable et bénéfique pour la mère et l’enfant Lien mère-enfant : favorable et bénéfique pour la mère et l’enfant : tout comme le lait maternel Aucune de ces femmes ne remet en question les bienfaits de la dyade mère-enfant. Le contact physique, la proximité et le lien comme les composantes d’une expérience jugée « enrichissante » et « unique » pour la mère et l’enfant. Certaines femmes pensent, en ce sens, que l’allaitement au sein permet de créer un lien plus intense que celui engendré par l’allaitement au biberon. Cette façon de se représenter l’expérience d’allaitement (Wall,2001) ne traduit pas la complexité et l’hétérogénéité de l’expérience vécue par les femmes en période postnatale. Schmied et Lupton (2001) révèlent, dans une étude récente, une diversité de points de vue au sujet de cette pratique. Alors que certaines de leurs répondantes présentaient l’allaitement comme une expérience « intime », « harmonieuse » et « exclusive », d’autres, considéraient cette pratique comme « prenante », « déplaisante » et « exigeante ». Bien que le lien est vu positivement : le geste d’allaiter : est tout de même perçu comme demandant une grande disponibilité physique et mentale puisqu’il demande temps et énergie. Vu que l’enfant doit toujours suivre sa mère ce qui, par conséquent, la rend moins mobile et libre de ses mouvements tout en favorisant un partage inégalitaire des tâches entre les deux parents. Sacrifices (exemple : faire du sport, sortir avec des amies, faire la fête, alimentation). Dans ce contexte, l’allaitement artificiel peut être considéré comme une « libération » puisqu’il être donné par d’autres personnes que la mère (père, grands-parents).

Un geste naturel qui s’apprend : représentations Allaiter : c’est naturel « Moi je me dis que c’est un cycle naturel. Ce n’est pas là pour rien. Comme la douleur, ce n’est pas là pour rien. (...) Donc, tu vois, j’accepte les choses de la vie comme elles le sont. Je me dis que si j’ai des seins qui produisent du lait, ce n’est pas là pour rien. Moi c’est plus dans mon optique. C’est le cycle de la vie » (Marilou, 31 ans). Plus de la moitié des femmes considèrent l’allaitement comme un geste naturel dans la continuité du cycle biologique de la reproduction. Le geste d’allaiter est perçu comme un comportement « instinctif » et « animal  ». Cette façon de voir laisse sous-entendre que les femmes forment une catégorie universelle ayant la capacité inhérente d’allaiter (Wall, 2001). Or, dans les faits, la capacité biologique des femmes de produire du lait et d’allaiter peut être influencé par d’autres facteurs comme, par exemples, l’histoire personnelle et l’environnement social (Bartlett, 2002).

Un geste naturel qui s’apprend : représentations Allaiter : « ça s’apprend » Prise de conscience des difficultés Importance du réseau social Malgré tout la plupart pensent que le geste d’allaiter est un comportement qui s’apprend. Elles entrevoient les premières séances d’allaitement s’inscrivent dans une période « d’adaptation », « d’ajustement » ou de « transition ». La plupart des femmes sont d’ailleurs conscientes des difficultés associées à l’allaitement pouvant survenir dans les premières semaines suivant l’accouchement. Elles affirment que ce sont principalement les personnes de leur entourage (famille, amies) qui, par leur expérience, les ont sensibilisées à ces difficultés (gerçures, mastites, crevasses, manque de lait). Seulement deux des répondantes disent avoir reçu de l’information concernant les embûches possibles dans le cadre de leurs cours prénatals.

Un geste naturel qui s’apprend : représentations Cesser l’allaitement : entre la sérénité et le sentiment d’échec Impression d’avoir fait de son mieux Cesser l’allaitement avant l’objectif qu’elles s’étaient fixé : deux d’entre elles anticipent cette situation avec sérénité, un grand nombre envisage le fait de « laisser tomber » ou « lâcher » l’allaitement avec une certaine appréhension. En ce sens, l’abandon de l’allaitement est vu par plusieurs comme un « échec » impliquant un processus de deuil auquel sont associés des sentiments comme la tristesse, la déception et la culpabilité. Pour cette raison, elles sont plusieurs à « croire » ou « espérer » que tout se déroule comme prévu. En anticipant cette situation « d’échec », ces femmes, qui constituent plus de la moitié de l’échantillon, ont l’impression que leur sentiment de culpabilité sera atténué par le sentiment « d’avoir fait de son mieux », « son possible » et « d’avoir tout essayé » avant l’arrêt de l’allaitement. Le niveau de persévérance en regard des difficultés fluctue en fonction de divers facteurs (la connaissance de soi, l’évaluation des difficultés, le soutien professionnel et de l’entourage, etc). Conséquemment, certaines sont prêtes à pousser le plus loin possible les limites de leur corps, jusqu’à l’abnégation, alors que d’autres disent ne pas vouloir « s’obstiner » ou « s’acharner » si elles ne sont pas en mesure d’allaiter, et ce en dépit du sentiment anticipé d’échec.

Un geste naturel qui s’apprend : représentations Rôle de l’enfant dans la persistance Bien que la plupart des femmes semblent présenter le nourrisson comme un être passif dans la relation d’allaitement, quelques-unes pensent le contraire puisqu’elles attribuent certaines difficultés d’allaitement au bébé. De la même façon, l’âge du nourrisson semble aussi influencer la durée de l’allaitement. Plus de la moitié des femmes affirment que l’importance de répondre aux besoins du nourrisson par l’allaitement s’amenuise au fur à mesure que le nourrisson grandit et devient un enfant. Ces femmes attirent notre attention sur leur désir d’allaiter un « nourrisson » et non « un enfant ». Or, à quel âge cesse t-on d’être nourrisson ? Cet âge varie selon les mères. Alors que certaines femmes donnent un âge se situant entre un an et un an et demi, d’autres associent la fin de cette période à des stades de développement (exemples : lorsque l’enfant parle, mange ou marche).

Discussion

Coordonnées : Chantal Bayard 514-343-6111 (17292) chantal_bayard@yahoo.ca