Y a-t-il des guerres justes ? Café-Philo à la médiathèque de Béziers animé par Jean-Paul Colin le 25 novembre 2008 1. Étymologie / Définition : Guerre / juste (justice, équité) 2. Notions / Concepts : Petit tour d’horizon philo sur la guerre. 3. Questions / Discussion : Deux questions préalables avant d’essayer de répondre à la question Y a-t-il des guerres justes ? 4. Tentative de conclusion
Étymologie et définitions Guerre : Mot d’origine germanique issu de werra (la guerre) Juste : Provient du latin justus, de justitia (la justice) Définitions : Le Robert : Guerre : Lutte armée entre groupes sociaux et spécialement entre Etats. Juste : Qui agit conformément à la justice, à l’équité. Dictionnaire de philosophie Durozoi / Roussel : Guerre : Même définition que le Robert. Juste : La notion de justice désigne : d’une part, le principe moral qui exige le respect de la norme du droit (ordre juridico-politique). d’autre part, la vertu qui consiste à respecter les droits d’autrui (ordre moral).
Petit tour d’horizon philo Platon ( - 428 /- 348) : Pour Platon, les causes de la guerre sont dues aux passions humaines. C’est sur le concept du refus de la soumission aux passions que s’adossent bon nombre de philosophies pacifistes, telle celle d’Alain (1868 / 1951). La guerre juste : Au Moyen Age notamment, cette notion a pu prévaloir parce que, pour son salut, l’Etat se devait d’être le glaive de l’autorité spirituelle qui indiquait la voie à suivre. Machiavel (1469 /1527) : Fut l’un des premiers à rejeter cette conception religieuse et à laïciser le politique. Mais, la fin justifiait toujours les moyens et, comme pour Clausewitz (1780 / 1831), la guerre n’était que la continuation de la politique par d’autres moyens. La guerre inéluctable : Hegel (1770 /1831) pensait que la guerre était une nécessité biologique, instrument du progrès de l’humanité, Proudhon (1809 /1865) estimait que l’humanité s’est affirmée et civilisée dans et par la guerre. En finir avec la guerre : Kant (1724 /1804) avait ouvert la voie de la réflexion sur la paix internationale durable dans son Projet de paix perpétuelle (1795) qui débouche sur la nécessité de voir se généraliser la démocratie. Hannah Arendt (1906 / 1975) estimait que la mise hors la loi de la guerre était désormais un enjeu essentiel et prioritaire car en cas de guerre nucléaire totale, que l’un ou l’autre gagne, ce serait la fin de l’humanité, autrement dit un crime contre l’humanité Si aujourd’hui l’objectif de règne du droit paraît à peu près clair, la question des moyens à employer pour y parvenir continue de diviser tragiquement le monde. En effet, à supposer qu’il y ait des guerres justes, la détermination des cas relevant de cette catégorie est pour le moins problématique.
Questions : La raison peut-elle justifier la violence ? Le pacifisme est-il une vertu ? Y a-t-il des guerres justes ?
La raison peut-elle justifier la violence ? Force et violence, est-ce la même chose ? La violence est-elle morale ? Y a-t-il des cas où la raison peut justifier la violence ? Si oui, à quelles conditions ?
1. La raison peut-elle justifier la violence ? La violence / la force sont-elles morales ? La violence est l’usage immodéré de la force. Le contraire de la violence est une vertu, c’est la douceur. Etre doux, c’est être pacifique. Le contraire de la force n’est pas une vertu, c’est la faiblesse. La morale désapprouve la violence. Mais elle approuve la force, puisque la force d’âme, le courage est une vertu. La raison peut-elle justifier la violence ? On oppose souvent la force au droit : en effet, de même que le droit du plus faible n’est pas une force, le droit du plus fort n’est pas un droit. C’est pourquoi dit ACS, « Nous avons besoin d’un Etat pour que la force et le droit aillent ensemble. » La violence est une faute, sauf quand elle est indispensable et légitime. Contre les faibles ou les doux, la violence est impardonnable. Mais contre les violents, en revanche, on ne peut se l’interdire absolument. La non-violence n’est bonne que si elle est efficace soulignait Simone Weil : Gandhi contre les anglais est admirable, mais cela ne donne pas tort aux résistants contre les nazis, ni aux Alliés contre la Wehrmacht. La violence n’est acceptable que lorsque son absence serait pire. C’est ce qui nécessite que la violence défensive soit encadrée et proportionnée à la violence offensive. Si la morale désapprouve la violence, la raison peut la justifier au cas où l’usage de la non-violence ne suffirait pas et où son absence serait pire.
Le pacifisme est-il une vertu ? Pacifique et pacifiste est-ce la même chose ? Toute paix est-elle bonne ? Le pacifisme : vertu ou idéologie ? Doit-on tolérer l’intolérable ? La paix est-elle un but ou un moyen ? Le pacifisme est-il de l’angélisme ?
2. Le pacifisme est-il une vertu ? On ne confondra pas, être pacifique avec être pacifiste (le pacifisme) Pacifique ? Etre pacifique, ce n’est pas une opinion, c’est une vertu. Etre doux, c’est être pacifique. Toutefois, cela n’implique pas que toute paix soit bonne, ni même acceptable. Etre pacifique, c’est désirer la paix, mais pas à n’importe quel prix et sans s’interdire absolument la violence ou la guerre. C’est notamment la position de Spinoza (1632 / 1677) : « La guerre ne doit être entreprise qu’en vue de la paix, et d’une paix qui soit celle non de la servitude mais d’une population libre ». Etre pacifique, est une vertu, c’est faire de la paix son but. Cela ne prouve pas, hélas, que la paix suffise toujours comme moyen. Pacifiste ? Etre pacifiste, ce n’est pas une vertu, c’est une opinion, une doctrine ou une idéologie qui juge que la guerre ne saurait être justifiée par rien. Pour le pacifiste, la paix, en toutes circonstances, vaut mieux. La paix est non seulement un but, mais un moyen; l’unique moyen. Ce qui revient à penser que le pacifiste est prêt à tolérer l’intolérable au cas où la non-violence ne suffirait pas pour en sortir. Tout comme le bellicisme, le pacifisme est une idéologie. Si le bellicisme est de la barbarie, le pacifisme n’est-il pas de l’angélisme ? Etre pacifique est une vertu. Etre pacifiste, n’est pas une vertu, c’est une idéologie. S’il ne fait pas de doute que le belliciste est barbare; le pacifiste n’est il pas angélique ou lâche dès lors qu’il s’expose à tolérer l’intolérable ?
Y a-t-il des guerres justes ? Qu’est-ce que tolérer ? Doit-on tout tolérer ? L’intolérable peut-il justifier la guerre ? Une guerre justifiée est-elle juste au sens de justice ?
3. Y a-t-il des guerres justes ? Qu’est-ce que tolérer ? Doit-on tout tolérer ? Tolérer, c’est laisser faire ce qu’on pourrait empêcher ou punir. Tolérer, c’est s’interdire d’interdire au nom de la liberté. ACS dit « C’est aimer la liberté plus que son propre camp, le débat plus que la contrainte, la paix plus que la victoire » . Mais doit-on pour autant tout tolérer ? Evidemment, non, puisqu’il faudrait aussi tolérer l’intolérance, y compris quand elle menace la liberté. La tolérance, n’est ni laxisme ni faiblesse. Il n’est pas interdit d’interdire, mais seulement d’interdire d’attaquer ce qui doit être protégé. L’intolérable peut-il justifier la guerre ? On peut qualifier d’intolérable tout ce qui rendrait la tolérance suicidaire ou coupable de complicité avec ce qui porte atteinte aux droits de l’homme, à la liberté. Qui pourrait contester par exemple qu’une guerre défensive ne soit pas juste ? Qui pourrait penser d’une façon générale, que l’on puisse porter atteinte aux droits de l’homme sans réagir, voire, le cas échéant, recourir à la guerre dans les cas ultimes ? Est-ce à dire pour autant qu’une telle guerre serait strictement juste (au sens de justice) ? On pourrait le penser si elle ne tuait que des coupables, ce qui n’est hélas jamais à 100% le cas. Si les guerres de défense des droits de l’homme, peuvent apparaître justes, toute guerre n’est-elle pas néanmoins injuste dans son atroce déroulement ? « Que toute guerre soit injuste, dans son atroce déroulement, cela ne prouve pas que toute paix soit supportable, ni même admissible. » Dit ACS.
juste’’ n’est-elle pas éminemment étroite ? En guise de conclusion La guerre est donnée; la paix il faut la faire. C’est ce qui donne raison aux pacifiques, sans donner tort aux militaires. André Comte-Sponville Entre les écueils de l’angélisme et de la barbarie, la voie possible pour une ‘’guerre juste’’ n’est-elle pas éminemment étroite ?
aux adresses internet ci-après : Vous pourrez retrouver ce diaporama ainsi qu’une liste de citations sur la guerre aux adresses internet ci-après : http://www.mediatheque-beziers-agglo.org http://www.cafe-philo.eu (Café-Philo agathois animé par JP Colin)