Avis de la Commission d ’éthique biomédicale hospitalo-facultaire de l’UCL (18 avril 2003) : L’accompagnement du patient en fin de vie, en ce compris la demande d’euthanasie. M. Baum, J.C. Coen, M. Desmedt, M. Dupuis, C. Doyen, P. Evrard, P. Hantson, L. Hody, Y. Horsmans, M. Hubinon, Y. Humblet, N. Lange, S. Latinis, C. Lefebvre, J.M. Maloteaux, J. Massion, J.B. Otte, L. Roegiers, G. Schamps, C. Struyf, G. Terlinden, J. Vandebotermet, M.F. Vandenbroucke, M. Vanhalewyn, C. Verellen, L. Wilmotte Avis : P. de Locht, H. Wattiaux, … Discussion.
Plan de la présentation (14 mai 2003) 1. Interpellations éthiques en clinique 2. Analyse des trois lois récentes 3. Applications dans nos cliniques 3.1. Politique générale des soins globaux 3.2. Projet thérapeutique 3.3. Droits du patient 3.4. Equipe mobile de soins palliatifs 3.5. La demande d’euthanasie
1. Interpellations éthiques en clinique (trois exemples de demandes d’euthanasie) 1) -Une femme âgée de 80 ans arrive en salle d’urgences en coma. Elle a fait une hémorragie cérébrale profonde assez étendue, elle respire spontanément, irrégulièrement, elle est inconsciente. Le pronostic est extrêmement sévère, il est exclu de l’opérer. -Les deux enfants arrivent une heure plus tard et exigent du médecin que les perfusions soient retirées et que les «souffrances» de leur mère soient écourtées sous prétexte qu’elle a toujours dit qu’il devrait en être ainsi et que la loi récente sur l’euthanasie leur donne raison…
Interpellations éthiques en clinique 2) -Un patient de 50 ans est atteint d’un cancer étendu du larynx ayant été traité de diverses manières depuis un an mais récidivant et compliqué. La tumeur est étendue avec nécroses et hémorragies. -Il saigne abondamment à plusieurs reprises avec dyspnée et interventions répétées des médecins des soins palliatifs. Le pronostic désespéré, le patient souffre et «étouffe» lors de ces accès hémorragiques. -Lucide et appuyé par sa famille il demande à plusieurs reprises à mourir pour éviter de nouveaux épisodes d’hémorragie laryngée (dyspnée, douleurs, angoisse extrême).
Interpellations éthiques en clinique 3) -Un patient de 30 ans (antécédents complexes) est victime d’un grave accident de voiture. Il reste quadriplégique, incontinent, totalement dépendant. -Parfaitement conscient, il sait qu’il restera toujours complètement paralysé. Il est bien entouré. Il ne présente aucune complication médicale récente. -Il demande qu’on l’aide à mourir…
2. Analyse des trois lois récentes Droits du patient (22/08/02) Soins palliatifs (14/06/02) Euthanasie (28/05/02)
2.1. Les droits du patient (loi du 22 août 2002) Le respect de la dignité de toute personne humaine Le respect de son autonomie et de ses opinions Le droit à l’information et au consentement libre et éclairé Le droit à sa représentation ou assistance Le droit au respect de la vie privée et à l’accès au dossier Le droit de recours à un médiateur hospitalier
Les droits du patient (suite) Dans le respect des droits du patient (loi du 22.08.02) , il faut souligner en particulier : Le consentement (autonomie du patient) libre et éclairé (information préalable) - (art.7-8) La représentation du patient (art.12-14) ° majeurs : mandataire + famille (cascade) ° mineurs et incapables (représentants légaux)
2.2. Les soins palliatifs (loi du 14 juin 2002) Définition (art.2) et droits (art.7) : Ensemble des soins apportés au patient atteint d’une maladie susceptible d’entraîner la mort une fois que cette maladie ne réagit plus aux thérapies curatives (art. 2) Tout patient doit pouvoir bénéficier de soins palliatifs dans le cadre de l’accompagnement de sa fin de vie Droit à l’information et au consentement (art. 7).
Les soins palliatifs (suite) Amélioration de l’offre des soins palliatifs Des arrêtés royaux devront préciser les modalités : - fixation de normes, programmation et fin - rapport annuel aux Ministères (Santé Publique) - coordination de l’offre actuelle dans les trois mois - appui des équipes de soins palliatifs, supervision, temps et lieux de parole - évaluation régulière des besoins et des réponses par une cellule spécifique
2.3. La loi relative à l’euthanasie (loi du 28 mai 2002) 1. Définition (art. 2) : Acte pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci - Code pénal : homicide volontaire - Causes de non-imputabilité, de justification et d’excuse - Autres infractions : homicide involontaire et abstentions coupables
Loi relative à l’euthanasie (suite) 2. Conditions et procédures (art. 3) : - Conditions relatives au patient : sa qualité, sa demande et son état - Conditions posées au médecin : ° actions préalables et dans tous les cas (1 à 6) ° conditions complémentaires du médecin ° en dehors de la phase terminale : un deuxième médecin en plus un mois de plus - Conditions de forme : écrit et dossier médical
Loi relative à l’euthanasie (suite) 3. Déclaration anticipée (art. 4) : Conditions de licéité pour le patient : - intention - état actuel inconscient et irréversible - forme : ° peut rédiger avec une personne de confiance ° impossibilité permanente de rédiger … ° cinq ans de validité du document ° possibilité de retirer à tout moment la demande Conditions pour le médecin : - constater l’état du patient - actions préalables (4) - conditions complémentaires émises par le médecin - dossier médical
Loi relative à l’euthanasie (suite) 4. Déclaration à la commission fédérale : Le document d’enregistrement est envoyé dans les quatre jours Commission fédérale de contrôle - évaluation « a posteriori » : ° examen du document d’enregistrement dans les deux mois ° renvoi éventuel vers le Procureur 5. Caractère non obligatoire (art. 14) : Aucun médecin n’est tenu de pratiquer une euthanasie (si refus … ) Aucune autre personne n’est tenue de participer (ex. infirmiers(ères))
3. Application dans nos cliniques 3.1. Politique de l’institution de « soins globaux » aux patients en fin de vie et de leur accompagnement 3.2. Généralisation du « projet thérapeutique » des Cliniques St-Luc 3.3. Droits du patient 3.4. Appel à l’équipe mobile des soins palliatifs ou continus 3.5. La demande d’euthanasie
3.4. L’abstention ou l’arrêt de soins inutiles, futiles, ou disproportionnés. Non à l’acharnement thérapeutique Oui à l’assistance morale et médicale en phase terminale selon des règles déontologiques et éthiques Ceci constitue une situation clinique très fréquente tandis que une «vraie» demande d’euthanasie est exceptionnelle
3.4. Soulager la douleur abréger la vie ° Etat de nécessité (jurisprudence) ° Pas d’atteinte directe à la vie, mais atteinte justifiée à l’intégrité physique pour soulager la douleur, avec comme conséquence l’abrègement de la vie (Déclaration sur l’euthanasie. Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la foi (D.C. 20/07/1980) ° Code de déontologie médicale (art. 95 à 98) – 1992 ° Avis du Conseil supérieur de l’Ordre des médecins d’avril 2003.
3.5. La demande d’euthanasie Définition légale : acte d’un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à sa demande ° Exclus : - patients juridiquement incapables - demande d’un tiers - assistance médicale au suicide ° Non assimilés : - limitation ou arrêt des soins - soins palliatifs et sédation contrôlée
3.5. (suite) Position de principe Interrogation des traditions chrétienne, éthique, déontologique et juridique L’interdit du meurtre reste fondateur dans notre société Confiance dans le jugement éthique des médecins dans des situations extrêmes La liberté de choix éthique de soins appropriés doit être garantie aux médecins
3.5. (suite) Conditions de recevabilité Dans le cadre d’un suivi médical continu Réservée aux seuls médecins Dans le respect strict de la loi (28.05.02) - patient majeur, capable et conscient lors de la demande - demande volontaire, réfléchie et répétée - situation médicale sans issue et état de souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être appaisée - autres conditions et procédures
3.5. (suite) Examen de la demande Demande en phase terminale : - Demande entendue et décodée - Soutien de l’équipe mobile et du généraliste - Recours à une Cellule d’Aide à la Décision (CADE) spécifique de la Commission d’éthique - Accompagnement humain du patient et de la famille par l’équipe et respect des convictions de chacun .
3.5 (suite) Examen de la demande Demande en dehors de la phase terminale Contraire à la philosophie de l’institution Questionnement éthique plus difficile encore Respect strict des conditions posées par la loi Elargissement de la CADE et conditions supplémentaires éventuelles mises par le médecin
3.5 (suite) Recommandations finales Evaluation : système d’évaluation des conditions des options prises, et du respect de la volonté du patient, de la liberté du médecin, de la confidentialité et des responsabilités . gestion de conflits éventuels dans les services Enseignement : de l’accompagnement en fin de vie dans les écoles de médecine, de santé publique, de soins infirmiers et paramédicaux