L’invention du paysage méditerranéen Images contemporaines et réalités antiques Paul CLAVAL, professeur, université Paris IV, Colette JOURDAIN-ANNEQUIN, professeur, université Grenoble II FIG 2012
PLAN Introduction I. L’invention du paysage méditerranéen par les géographes et par les peintres à la fin du xixe siècle II. Les Grecs et le paysage méditerranéen Une double conclusion
INTRODUCTION Le paysage méditerranéen a les couleurs et les formes que lui ont données les peintres de la fin du xixe siècle. C’est en fait une construction récente. Pourtant, les géographes découvrent l’étonnante stabilité du paysage méditerranéen au cours des temps. La référence à la Grèce et à Rome s’impose encore. Le but de cette communication duelle est de s’interroger sur cette permanence.
I. L’invention du paysage méditerranéen au xixe siècle A. Le paysage des géographes Longtemps, le monde méditerranéen apparaît aux géographes comme un lieu de convergence, de rencontre et de passage. Tout change avec les travaux de climatologie de Fischer et de géographie botanique de Flahaut : l’unité du monde méditerranéen vient de son climat. Le ton des paysages méditerranéens est donné par la couleur « centre-verte » de l’olivier. Celui-ci conduit les Méditerranéens à distinguer une trilogie des paysages (silva, saltus, ager) et des cultures, en lien avec leur mise en valeur (blé, vigne, olivier).
B. Le paysage des peintres Une certaine défiance à l’égard de la nature méditerranéenne. Au début du xixe siècle, la Méditerranée des peintres est soit celle des marines, soit celle des tableaux orientalistes. Dans les années 1880, découverte de la lumière méditerranéenne par Cézanne, Monet, Renoir, van Gogh… Au-delà de la lumière, une vision païenne de la nature: Puvis de Chavannes, Maurice Denis, mais aussi Renoir. Toute une interprétation qui privilégie la vie en plein air, la danse, le corps, le sport, la nudité. Un exemple : la station de San Agaro en Catalogne.
Iconographie Albrecht Dürer, Vue du val d’Arco, 1495, Musée du Louvre (Paris) Pierre Puvis de Chavannes, Pastoral, 1882, Yale University Art Gallery Cézanne, L’Estaque, 1886, The Art Institute of Chicago Monet, Menton vu du cap Martin, 1884, Museum of Fine Arts, Boston Renoir, Rochers à l’Estaque, 1882, Musée des Beaux-Arts de Boston Maurice Denis, Eurydice, 1905, National Gallery Berlin Yves Brayer, Paysage de Fiesole, 1956
C. La Méditerranée, lac européen La découverte du paysage méditerranéen coïncide avec le contrôle de plus en plus poussé des rivages méridionaux et orientaux de la Méditerranée par l’Europe – France, Grande-Bretagne, Italie, Espagne. Souligner l’unité du paysage méditerranéen, c’est rappeler l’époque où les Romains pouvaient parler de mare nostrum ; c’est inscrire l’impérialisme européen dans la continuité de celui de Rome.
II. Les Grecs et le paysage méditerranéen A. Les Grecs et le paysage Les Grecs voyaient-ils ou pensaient-ils le paysage ? À lire Pausanias, on peut en douter… On peut même estimer qu’ils paraissent surtout sensibles aux différents. Ils opposent « leur » Méditerranée à celles des confins, plus opulente : Sicile de Diodore, grasses prairies de l’île rouge d’Erythie. L’expérience antique a-t-elle cependant contribué à dessiner une image cohérente du paysage méditerranéen ?
B. Le paysage méditerranéen : l’espace « vécu » des Grecs Qu’est-ce qu’un paysage ? L’expérience vécue du monde rural méditerranéen… Les cultures Les manières de table Les saisons du paysage La structure eschatie/chôra, ou silva/saltus/ager Une conception sacrée de la nature et du paysage
Peu de descriptions, une unité méditerranéenne difficile à ressentir. La grille de lecture était à la fois : le cadre diffractif de la multiplicité des cités, et celui, globalisant et universalisant, de la toute-puissance de la nature, c’est-à-dire du divin.
C. Le bouclier d’Achille : un monde méditerranéo-centré Iconographie : Le Bouclier d'Achille d'après la description d'Homère, Antoine Quatremètre de Quincy (1755-1849). Estampe, 1809, BNF, Paris. Le texte d’Homère: 150 vers qui décrivent des scènes de la vie urbaine et rurale. Les représentations graphiques du bouclier d’Homère : – celle de Quatremère de Quincy une représentation plus conforme au texte d’Homère la mer au centre la ville en paix et la ville en guerre les scènes de la vie rurale : labours, moissons, vendanges, les troupeaux, La danse : une dimension religieuse.
Conclusions 1) Le paysage méditerranéen est effectivement une construction historique, une invention progressive, donc un objet scientifique nouveau, mais qui doit beaucoup à l’héritage antique. 2) Pour les Grecs comme pour les modernes, un espace à dominer, ce que favorisent les représentations du paysage.