Soliloque d'une allumett e

Je me retrouvais aussi petite qu’une brindille. Je fus tirée d’un bois très doux. D’un reste d’éclat de branche jugée impropre à la menuiserie. Je me retrouvais aussi petite qu’une brindille. Qu’allait-on faire de moi?

Après maintes transformations, je naquis allumette… Allumette de bois! Je ne me sentais pas grosse. J’avais un petit nez rouge. A défaut de force, j’avais la beauté.

On m’emballa avec d’autres et on me vendit. Un homme m’acheta. Celui-ci m’installa sur la cheminée près d’une corde de bois.

Imaginez: elles avaient peur de bouger, de peur de s’enflammer. J’ai bien essayé de faire la conversation avec mes consoeurs, mais celles-ci étaient plutôt éteintes. Imaginez: elles avaient peur de bouger, de peur de s’enflammer. Tu parles d’une angoisse pour une allumette. Après tout, ne sommes-nous pas faites pour mettre le feu? Je ne connaissais pas encore ma puissance. Mettre le feu?... Mais à quoi au juste?

J’interrogeai donc les bûches. « Oui mais vous allez réchauffer le monde! Il a froid, il grelotte de désespoir. Il a grand besoin d’être réchauffé, sinon il va mourir » J’interrogeai donc les bûches. Celles-ci ne semblaient pas tellement m’apprécier. « Pourquoi ne m’aimez-vous pas? » leur dis-je. « Parce que tu nous consumeras un jour » répondirent-elles. « Oui, mais on s’en fout, nous autres, les bûches. On est bien cordées ici. Pourquoi devenir « cendres » pour les humains? On ne leur doit rien! Au contraire: ils nous ont coupées… Tout comme ils l’on fait pour toi d’ailleurs… Qu’est-ce qui te prend de vouloir les réchauffer? »

Cela vaut la peine de leur révéler cette dignité. » « Je ne sais pas trop! Mais il me semble que si Dieu les a créés, c’est pour qu’ils ressemblent à son Fils. Et moi, je ne veux pas que les ‘ fils de Dieu ’ s’éteignent, car ils ont une dimension d’éternité. Cela vaut la peine de leur révéler cette dignité. » Plus l’allumette parlait, plus elle découvrait sa mission: une mission d’allumeuse. Mais en s’allumant, elle disparaîtrait en même temps que la braise. Était-elle prête à un tel sacrifice? Il lui fallait mourir pour donner la vie: allumer puis s’éteindre. Provoquer un grand feu, pour ensuite disparaître dans la nuit ! Quelle mission! Il y avait quelque chose de gratuit dans ce don de soi. « Oserais- je? » se dit-elle.

« Un soir de printemps, l’homme mit sa boîte d’allumettes dans sa poche et sortit dans la nuit. Il m’emmena sous le porche d’une grande bâtisse, et me déposa, sortie de la boîte et toute prête, à côté d’un fagot de brindilles de bois, qui ne demandait qu’à être enflammé ! Le bâtiment était dans le noir…et pourtant des gens arrivaient de partout. On entendit de la musique , des chants, et tout près de moi, une voix sonore expliquait :

Comme la flamme se propagera tout à l’heure de proche en proche, D’une simple allumette va jaillir le feu qui éclaire la terre. Comme la flamme se propagera tout à l’heure de proche en proche, ainsi la flamme de l’amour s’étend sur le monde.

Le cierge pascal, qui sera allumé à ce feu, est le symbole du Christ ressuscité et de cet amour qu’il nous donne et qu’il veut que nous répandions.

Alors, quelqu’un m’alluma, m’approcha du feu préparé, et ma flamme mordit le papier puis les brindilles. J’étais émerveillée par ce que me réservait le destin. J’allais devenir image du Christ, image de son amour répandu sur le monde ! J’allais m’éteindre, mais la flamme allumée dans les cœurs ne s’éteindrait plus…

FEU ! Vous qui me lisez, que décidez-vous? D’allumeuse, elle devint allumée. Etoile divine dans le cœur d’un humain valait bien mieux qu’être brindille dans une boîte d’allumettes. Vous qui me lisez, que décidez-vous? Voulez-vous être un feu pour vos semblables? FEU ! Bien…à vos marques:

Texte : Adaptation libre par Jacky Questel d’un texte de Michel Fortin, M. Afr. paru dans VIVRE EN EGLISE 24 janvier 2005 Musique : Symphonie Pastorale 2ème Mouvement Beethoven Montage : Yolande CND, Avril 2007