Histoire de l’âge de la Terre Jacques Treiner UPMC et Sciences-Po, Paris jtreiner@orange.fr
Plan 1. Introduction : d’où venons-nous ? 2. Comment la question de l’âge de la Terre est-elle devenue une question scientifique ? 3. Le conflit Kelvin-Darwin 4. Résolution du conflit, déterminations actuelles
Que disent les mythes ? Mésopotamie
Tradition judéo-christiano-islamique 1er jour : séparation de la lumière et des ténèbres 2ème jour : séparation des eaux d’avec les eaux par le firmament (ciel) 3ème jour : séparation de la terre d’avec les mers, création des espèces de plantes 4ème jour : étoiles, soleil et lune. 5ème jour : création des serpents et des oiseaux 6ème jour : création des autres espèces animales, puis de l’homme et de la femme.
Tradition judéo-christiano-islamique La partie historique de la Bible permet d’étendre la chronologie depuis le règne de Salomon jusqu’à la destruction du premier Temple par Nabuchodonosor, ce qui établit le lien avec les récits historiques babyloniens. En prenant cette chronologie comme base, différentes déterminations de l’âge de la Terre furent élaborées. Par exemple : Johannes Kepler : 3993 AJC James Ussher, évêque anglican : 23 octobre 4004 AJC Newton : 3998 AJC
Tradition hindoue La Terre participe à un cycle éternel de création et de destruction. Chaque incarnation de la Terre dure un « jour de Brahma », soit 4.32 milliards d’années…
Comment la question de l’âge de la Terre est-elle devenue une question scientifique ? Spinoza remarque que le texte de la Bible a une histoire, et que par conséquent ce texte raconte peut-être l’histoire de ceux qui l’ont écrite … (cf. Traité théologico-politique) La Bible dévoilée (The Bible unearthed) de Finkelstein et Silberman (2002 en français) : ces auteurs reprennent le récit historique de la Bible à la lumière des recherches archéologiques récentes. L’essentiel des textes bibliques est une composition de lettrés de la cour de Jérusalem. Ces histoires reflètent le contexte de renouveau spirituel et politique qui marque l’époque du roi Josias (620-609 AJC), alors que les Assyriens dominent le Proche-Orient ancien.
Recherche de chronomètres naturels Tournant du 18ème siècle, puis 19ème siècle : Salinité de l’eau de mer (Halley) Précession des équinoxes (Newton) Dépôts sédimentaires (Sténon, Buffon) Refroidissement d’une Terre initialement chaude (Newton, et surtout Buffon, puis Kelvin) Erosion (Grand Canyon) Fossiles : quel statut leur donner ? (Leibnitz, Linné),
Digression Qu’est-ce qu’une question scientifique ? Combien d’anges tiennent sur une tête d’épingle ?
Proposition : une question est scientifique si, pour y répondre, il est nécessaire de mettre en place un processus non verbal Autrement dit : une expérience
La controverse Kelvin-Darwin
Lord Kelvin Deux estimations qui concordent : Origine de l’énergie solaire Refroidissement d’une Terre initialement chaude
Formation du Soleil et des planètes
1. La gravitation à l’origine de l’énergie solaire Etot Énergie dissipée depuis la formation
2. Le refroidissement de la Terre L’âge de la Terre, a, tient dans une formule très simple : 1°/30m (r) Kelvin obtient avec cette méthode des âges compris entre 25 et 150 millions d’années r -
Résolution du conflit : Découverte de la radioactivité !
Carte des noyaux atomiques + -
Radioactivité alpha T est la période, ou demi-vie (5730 ans pour le C-14)
Les principaux systèmes chronométriques Père Fils Désintégration Période 147Sm ® 143Nd a 106 . 109 87Rb 87Sr b- 50 . 109 187Re 187Os 43 . 109 232Th 208Pb 6a 14 . 109 238U 206Pb 8a 4,5 . 109 40K 40Ar b+ 1,2 . 109 235U 207Pb 7a 0,7 . 109 244Pu Xe fission (a) 8 . 107 129I 129Xe 1,7 . 107 107Pd 107Ag 6,5 . 106 53Mn 53Cr 5,3 . 106 26Al 26Mg 7,4 . 105
La méthode Plomb-Plomb U-235, après une cascade de 7 alpha, donne Pb-207, stable U-238, après une cascade de 8 alpha, donne Pb-206, stable L’isotope Pb-204 n’est pas radiogénique Comment déterminer la composition isotopique au moment de la « fermeture » de la roche ?
Meteor crater, Arizona La météorite à l’origine de ce cratère ne contient pas d’uranium !
Age du système solaire: 4567.2 0.6 106 ans Amelin et al., 2002
Chronologie de la Terre
Bibliographie Pascal Richet : L’âge du monde, Seuil 1999 Hubert Krivine : La Terre, des mythes au savoir, Cassini 2011 J.T. : Quel est l’âge de la Terre ? Ed. du Pommier, 2012
La méthode rubidium-strontium III
Âge du système solaire: 4566 +2/-1 millions d’années Âges varient de 4,5650,001 à 4,5650,0003 milliards d’années (tous équivalents) Âge du système solaire: 4566 +2/-1 millions d’années Allègre et al., 1995
Equilibre entre gravitation et pression thermique La température de 15 millions de degrés est insuffisante pour vaincre la répulsion entre protons. Il faudrait quelques milliards de degrés pour cela. Les réactions nucléaires s’amorcent par effet tunnel.
1. La gravitation à l’origine de l’énergie solaire ? P(r+dr) P(r)
La gravitation à l’origine de l’énergie solaire ? Etot Énergie dissipée depuis la formation
Pourquoi la carte s’arrête-t-elle à l’uranium ? Interaction forte : attractive, intense mais de courte portée, d’où énergie proportionnelle au nombre de nucléons A Interaction coulombienne entre protons : répulsive, moins intense, mais de longue portée, d’où énergie proportionnelle à Z(Z-1), ou A*A La répulsion coulombienne finit par l’emporter dans les noyaux lourds
Solution analytique intérieur extérieur
La méthode strontium-rubidium La méthode rubidium-strontium de datation des roches repose sur la désintégration du rubidium-87 en strontium-87. Un neutron du noyau de rubidium se transforme spontanément en proton (le noyau de rubidium devient ainsi un noyau de strontium), avec éjection d’un électron (conservation de la charge) et d’un anti-neutrino : La demi-vie est de 50109 ans, valeur bien adaptée à la datation de roches anciennes.
La méthode rubidium-strontium I N(87Rb) = N(87Rb)initial exp(- t ) Le nombre d’atomes de strontium-87 formés est égal au nombre d’atomes de rubidium désintégrés soit : N(87Rb)initial [1- exp(-t )], ou encore, en utilisant la relation (1) : N(87Rb) [exp (t) – 1]. Le nombre total d’atomes de strontium-87, somme des atomes présents initialement et de ceux provenant de la désintégration du rubidium, est donné par : N(87Sr) = N(87Sr)initial + N(87Rb) [exp (t) – 1]