Patrick MONIER-VINARD L’OISEAU CHOISI Texte de Patrick MONIER-VINARD Illustrations de Michel FARINE
La vie parfois est ainsi faite Au monde je suis venu laid Avec mon casque sur la tête Il y a cent millions d'années Deux pendeloques de couleurs Rouge bleu-mauve au bas du cou Des plumes noires sans valeur Deux pattes avec trois doigts au bout Pas même pour me consoler Et faire oublier ma disgrâce Un corps capable de voler Comme les autres dans l'espace
J'avais beau déployer mes ailes Trop lourd trop gros je le confesse Je ne pouvais vers l'arc-en-ciel Faire décoller mes deux fesses Dieu sait oh combien j'ai rêvé De me fondre dans les nuages D'explorer la voûte étoilée J'eusse été l'oiseau qui voyage Condamné à rester coureur Je ressemblais à un dindon Et le savant venu d'ailleurs Eut peine à me donner un nom
D'îles australes aborigène Quelques curieux vinrent me voir Je coëtquidais j'étais bizarre Il demanda aux indigènes Et m'appela le casoar Quelques curieux vinrent me voir indifférents à mon destin qui était de finir sans gloire Comme le dodo mon cousin
Ma vie s'écoulait négligeable Il fallait être magnifique Qui menait droit à l'oubli Tant il paraissait impensable Qu'un jour je sois l'oiseau choisi Il fallait être magnifique Aigle d'or de la grande armée Marabout des chasseurs d'Afrique Cigogne en vol sur les tranchées
Condor goëland hirondelle Nombreux étaient les prétendants Au panthéon des immortels C'est moi qui fus choisi pourtant Certains parlent de quiproquo Glosent sur mon crâne angulaire Qui ressemblait à ces shakos Que lors portaient les militaires A ces jaloux je veux répondre qu'on m'a élu pour baptiser Il ne faudrait pas les confondre Non un Shako mais un plumet
Des plumes blanches telles lys Moi l'oiseau qui ne volais pas Rouges comme le sang versé Qui frissonnaient au vent complice Au vent du rêve qui berçait Moi l'oiseau qui ne volais pas Par un caprice de l'histoire A Cyr chez eux je fus chez moi Volant au gré de leur mémoire De jeunes hommes un peu fous Héritiers de ces grands anciens Qui avaient su mourir debout Dès lors qu'ils étaient saint-cyriens Je vole au jour de leur baptême A l'heure où leur gorge se noue Quand ils me prennent pour emblème Au coeur de la nuit à genoux
Vole sur la lande bretonne Sur le gai Paris de juillet Hiver printemps été automne Jusqu'au soir de leur PDB Et vole encore où qu'ils s'en aillent Terres de joies et de souffrances Jeter le poids dans les batailles Du premier bataillon de France Vole toujours vole plus tard Plumet transmis de père en fils Caso rangé dans un placard heureux celui qui comme Ulysse
Moi l'incongru le dérisoire Aux saint-cyriens je dis merci D'être l'oiseau des jours de gloire D'avoir été l'oiseau choisi Si vous passez dans un zoo Où l'un de mes frères est en cage Levez vers lui votre chapeau Il mérite bien cet hommage Et aux pékins qui moqueraient Son casque lourd ses plumes noires Prenez le temps de raconter Du bel oiseau la belle histoire