Cette série de diapositives est fondée sur la base d’un Symposium de la Société canadienne d’hypertension organisé lors du Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire, qui a eu lieu du 23 au 26 octobre 2005, à Montréal, Québec. Présenté initialement par Marc A. Pfeffer, M.D. ; Arya M. Sharma, M.D. ; et Paul Ridker, M.D., le rapport est présenté et commenté par Gordon Moe, M.D., FRCPC dans un numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques. Le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) joue un rôle clé dans la pathogenèse des troubles cardiovasculaires. Le SRAA a une importance reconnue dans la régulation de la tension artérielle, l’équilibre électrolytique et la croissance cardiaque et vasculaire. De plus, le SRAA joue un rôle pathophysiologique important dans presque toutes les cascades le long du continuum des maladies cardiovascu-laires (MCV)– de la potentialisation des facteurs de risque (p. ex. insulinorésistance, hypertension et obésité) au développement de l’athérosclérose, de l’infarctus du myocarde (IM), de l’insuffisance cardiaque et de la cardiopathie au stade terminal. L’inhibition de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) est l’approche la plus étudiée pour inhiber le SRAA et constitue le traitement standard chez de nombreux patients atteints de troubles cardiovasculaires. Cependant, l’inhibition du SRAA peut être incomplète lorsque l’on utilise des inhibiteurs de l’ECA seuls et certains patients peuvent ne pas tolérer leurs effets secondaires. Le numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques examinait les stratégies pharmacologiques visant à sup-primer le SRAA qui se sont avérées efficaces dans le traitement de toute une gamme de troubles cardiovasculaires aussi que de nouvelles approches prospectives.
Les survivants d’un IM compliqué par une insuffisance rénale et/ou entraînant une dysfonction du ventricule gauche (VG) présentent un risque élevé de décès subséquent et d’événements cardiovasculaires non mortels majeurs. La justification de l’utilisation initiale des inhibiteurs de l’ECA était fondée sur des études menées chez des rats démontrant que pour un IM de taille comparable, le traitement pouvait atténuer les changements à long terme, tels que le remodelage ventriculaire, et prolonger la survie. On a démontré ultérieurement que chez les patients ayant subi un IM antérieur, l’agrandissement ventriculaire progressif était atténué par le traitement avec un inhibiteur de l’ECA, le captopril. Dans l’étude de référence SAVE (Survival And Ventricular Enlarge-ment), l’administration à long terme du captopril a été associée à une amélioration de la survie ainsi qu’à une réduction de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaires chez les patients présentant une dysfonction du VG asymptomatique après un IM. Ces avantages ont été observés chez des patients qui ont reçu un traitement thrombolytique, de l’aspirine ou des bêta-bloquants, ainsi que chez ceux qui n’en ont pas reçu, ce qui semble indiquer que le traitement par l’inhibition de l’ECA a eu un effet bénéfique additionnel sur le pronostic. Une série d’études cliniques internationales, randomisées et contrôlées avec placebo de grande envergure menées auprès de plus de 100 000 patients ont établi ultérieurement avec certitude que les inhibiteurs de l’ECA offraient un avantage en termes de survie chez les patients ayant souffert d’un IM aigu, que le médicament soit administré de façon précoce ou tardive après un IM, comme le démontre cette diapositive.
Les avantages relatifs et absolus les plus importants ont été observés dans des études qui avaient sélectionné des patients présentant un risque plus élevé, sur la base de signes de dysfonction du VG ou de la présence d’une insuffisance cardiaque. Dans des études telles que SAVE, AIRE (Acute Infarction Ramipril Efficacy) et TRACE (Trandolapril Cardiac Evaluation), le risque relatif de la mortalité toutes causes attribuée à un inhibiteur de l’ECA était de 0,74 % (intervalle de confiance [IC] à 95 %, 0,66 %-0,83 %), avec des avantages comparables obtenus lorsqu’on évaluait les événements cardiovasculaires non mortels majeurs (p. ex. hospi-talisation pour insuffisance cardiaque 0,73 %, IC à 99,5 %, 0,63 %-0,85 % et la récidive de l’IM 0,80 %, IC à 99 %, 0,69 %-0,94 %), comme le démontre cette diapositive.
Les bloqueurs du récepteur de l’angiotensine (ARA) offrent une autre approche pour bloquer le SRAA, fournissant potentiellement un blocage plus complet des effets de l’angiotensine II, mais sans l’effet théoriquement bénéfique de préservation de la brdykinine de l’inhibition de l’ECA. L’étude VALIANT (Valsartan in Acute Myocardial Infarction) a comparé les effets d’un ARA, le valsartan, d’un inhibiteur de l’ECA, le captopril, et de l’association du valsartan et du captopril dans une population de patients à haut risque présentant des signes cliniques ou radiologiques d’insuffisance cardiaque, des signes de dysfonction systolique du VG ou les deux, après un IM aigu. Au total, 14 808 patients ont été assignés au hasard selon un rapport de 1:1:1 au valsartan (dosé jusqu’à 160 mg deux fois par jour), au captopril (dosé jusqu’à 50 mg 3 fois par jour) ou à l’association du valsartan (dosé jusqu’à 80 mg deux fois par jour) et du captopril (dosé jusqu’à 50 mg 3 fois par jour) et le traitement a été amorcé 12 heures à 10 jours après un IM. Le paramètre primaire de l’étude était le décès de toutes causes. On notera qu’une analyse préspécifiée visait à démontrer la non-infériorité ou l’équivalence du valsartan par rapport au captopril, au cas où l’on ne démontrerait pas clairement dans la première analyse que le valsartan est supérieur. Durant un suivi médian de 24,7 mois, la mortalité était de 19,9 % dans le groupe sous valsartan, de 19,5 % dans le groupe sous captopril et de 19,3 % dans le groupe sous valsartan et captopril, comme le démontre cette diapositive.
Dans l’étude VALIANT, la probabilité de décès dans le groupe sous valsartan, comparativement au groupe sous captopril était de 1,00 (IC à 97,5 %, 0,90 à 1,11 ; p = 0,98) et la probabilité de décès dans le groupe sous valsartan et captopril, comparativement au groupe sous captopril, était de 0,98 (IC à 97,5 %, 0,89 à 1,09 ; p = 0,73). La comparaison du valsartan et du captopril a révélé que ces deux agents étaient équivalents en ce qui concerne la mortalité globale, comme indiqué dans cette diapositive, et le taux du paramètre composé incluant les événements cardiovasculaires mortels et non mortels. Les résultats de l’étude VALIANT révèlent que l’ARA le valsartan (dosé jusqu’à 160 mg BID) est aussi efficace que l’inhibiteur de l’ECA le captopril qui a fait ses preuves (dosé jusqu’à 50 mg TID) pour réduire la mortalité toutes causes chez des patients à haut risque présentant un IM aigu. Dans cette population de patients, l’association d’un inhibiteur de l’ECA et d’un ARA n’offre pas d’avantages additionnels. On notera qu’après 1 an, 56 % des patients ont atteint la dose cible dans le groupe sous valsartan, 47 % dans le groupe sous captopril et 56 % dans le groupe recevant l’association médicamenteuse. Sur la base des résultats de l’étude VALIANT, le valsartan est maintenant approuvé par Santé Canada pour la prévention secondaire chez les patients à haut risque ayant subi un IM lorsque l’emploi d’un inhibiteur de l’ECA n’est pas approprié.
Dans le SRAA, une grande proportion de l’angiotensine II tissulaire est cependant produite par l’angiotensine I par le biais de voies non dépendantes de l’ECA, principalement dans le cœur et les reins, et n’est pas bloquée par l’inhibition de l’ECA. Le phénomène d’« évasion de l’ECA » survenant lors de l’inhibition de cette enzyme peut refléter l’augmentation réflexe de la libération de la rénine après l’interruption de l’inhibition normale en rétroaction de l’angiotensine II par ces autres voies. La rénine catalyse spécifiquement l’étape auto-limitative de la cascade rénine-angiotensine, à savoir le clivage de la liaison peptidique entre leu10 et val11 dans l’angiotensinogène humain. En 2002, Nguyen et coll. (J Clin Invest 2002;109:1417-27) ont été les premiers à signaler le clonage de l’expression de l’ADN complémentaire de la rénine/prorénine [(pro)rénine] humaine codant une protéine formée de 350 acides aminés avec un seul domaine transmembranaire et n’ayant aucune homologie avec l’une quelconque des protéines membranaires connues. La liaison de la rénine a multiplié par quatre l’efficacité catalytique de la conversion de l’angiotensinogène en angiotensine I et a induit un signal intracellulaire avec la phosphorylation des résidus de sérine et de tyrosine associée à l’activation des MAP kinases (ERK1 et ERK2) liée aux signaux extracellulaires. On a détecté l’ARNm du récepteur dans le cœur, le cerveau, le placenta, les reins et le foie. En fait, les données initiales appuient la possibilité d’un rôle fonctionnel direct de la prorénine et de la rénine. On a rapporté que la rénine se lie aux cellules mésangiales humaines mises en culture et cette liaison cause l’hypertrophie cellulaire et un taux accru d’inhibiteur-1 de l’activateur du plasminogène. La découverte du récepteur de la rénine/prorénine a donc ouvert de nouvelles perspectives sur le SRAA tissulaire ainsi que sur les effets de la rénine, y compris ceux qui peuvent être indépendants de l’angiotensine II, voir les voies indiquées sur cette diapositive.
L’inhibition directe de la rénine peut donc potentiellement entraîner une inhibition plus complète du SRAA. Cependant, les inhibiteurs de la rénine développés initialement à des fins cliniques avaient une pharmacocinétique et une biodisponibilité orale médiocres qui étaient un facteur confusionnel et limitaient leur efficacité après leur administration orale. Heureusement, avec le modelage moléculaire par ordinateur et l’analyse de la structure cristallographique, un certain nombre d’inhibiteurs de la rénine de bas poids moléculaire, non peptidiques, sélectifs et extrêmement puissants ont été synthétisés. L’aliskiren est un inhibiteur de la rénine non peptidique oralement actif de troisième génération, un octanoyl amide substitué ayant une concentration inhibitrice 50 (CI50) dans la gamme nanomolaire basse (0,6 nM). Au lieu de la structure carbonée du peptide qui caractérisait les composés antérieurs, l’aliskiren a une partie lipophile qui interagit avec la grande poche hydro-phobe de liaison S1/S3 de la rénine. De plus, l’aliskiren interagit avec une grande sous-poche distincte antérieurement non reconnue de la rénine qui s’étend du site de liaison S3 au noyau hydrophe de l’enzyme. La liaison à cette sous-poche S3 est responsable de la liaison de haute affinité entre l’aliskiren et la rénine, comme le démontre cette diapositive.
Étant donné que l’aliskiren inhibe in vitro de façon puissante et spécifique la rénine humaine et a une bonne absorption orale chez les mammifères, ce médicament est le seul inhibiteur de la rénine actuellement à une phase avancée de développement en vue d’un usage clinique. Dans des études pré-cliniques, l’aliskiren a produit une réduction dépendante de la dose de l’activité de la rénine plasmatique (ARP) et de la tension artérielle chez des marmousets et des rats spontanément hypertendus et a réduit l’albuminurie et l’hypertrophie du VG chez des rats transgéniques pour les gènes de la rénine et de l’angiotensine humaines. Ces observations concordent avec les effets protecteurs sur les organes, comme le démontre cette diapositive.
Dans une étude comparant l’aliskiren à un inhibiteur de l’ECA, l’énalapril, et à un placebo chez des volontaires normotendus en bonne santé, l’aliskiren a entraîné la suppression dépendante de la dose du SRAA (comme le montre la réduction de l’ARP, de l’angiotensine I, de l’angiotensine II et de l’aldostérone plasmatiques) tout en augmentant le taux de rénine plasmatique active. L’aliskiren a inhibé l’ARP, alors que l’énalapril a augmenté celle-ci. L’aliskiren à une dose de 160 mg a inhibé l’angiotensine II dans la même mesure que l’énalapril : à 640 mg, l’aliskiren a été plus puissante que l’énalapril. Dans une étude à double insu avec un comparateur actif menée chez des patients atteints d’hypertension légère à modérée, 226 sujets ont été assignés au hasard à l’aliskiren à une dose de 37,5-300 mg ou au losartan à une dose de 100 mg par jour pendant 4 semaines. L’aliskiren a produit une réduction dépendante de la dose de la tension artérielle systolique (TAS) ambulatoire diurne pendant la journée et de l’ARP. La modification de la TAS avec le losartan 100 mg n’était pas différente de celle observée avec l’aliskiren 75, 150 et 300 mg. Dans une étude multicentrique randomisée à double insu, contrôlée avec placebo menée avec un comparateur actif pendant 8 semaines chez des patients atteints d’hyper-tension légère à modérée, l’effet antihypertensif de l’aliskiren 150 mg était comparable à celui de l’irbésartan 150 mg. L’aliskiren aux doses de 300 et 600 mg a réduit la tension artérielle dans une mesure significativement plus grande que l’irbésartan 150 mg, comme le démontre cette diapostive. Dans toutes ces études comparatives, l’aliskiren a été extrêmement bien toléré. En résumé, malgré le succès de l’inhibition de l’ECA, les patients atteints d’hypertension et d’insuffisance cardiaque présentaient un risque élevé d’événements cliniques indésirables pouvant être en partie lié au blocage incomplet du SRAA avec les agents conventionnels. De plus, un nombre considérable de patients ne peuvent pas tolérer les inhibiteurs de l’ECA. Chez les patients ayant subi un IM, l’ARA le valsartan est une autre option thérapeutique possible qui fournit une protection cardiovasculaire équivalente à celle des inhibiteurs de l’ECA. L’association de l’inhibition de l’ECA et de la rénine ou l’association d’un ARA et d’un inhibiteur de la rénine représente une nouvelle approche intéressante qui est actuellement activement explorée.