Eugène Christophe
Le damné de la route
C’est la seule fois que vous allez voir cet homme en couleur
Sa vie et sa carrière se sont toujours écrites en noir et blanc : il perdit une femme, deux enfants et trois Tour de France
Mais il est entré dans la légende à tout jamais le 9 juillet 1913 dans une forge à Sainte-Marie de Campan
Il venait de franchir le Tourmalet en leader virtuel lorsque sa fourche se brisa à des lieues du village. Il partit donc à pied…
Il marcha 2 heures avant de trouver la forge de Joseph Bayle. Il se mit seul à la tâche, sous le regard des commissaires intraitables
Le règlement interdisait toute aide. Sans se plaindre, il forgea 2 heures
Intraitable, le directeur du Tour, Henri Desgrange, voulait que ses coureurs soient…
… exemplaires et aillent jusqu’au bout d’eux-mêmes, quitte à finir à pied
C’est ainsi que Cri-Cri forgea sa légende et celle du Tour
Il enleva d’autres courses : il était bien « Le Crack de Malakoff »
Il était notamment imbattable en cyclo-cross
Longtemps porteur de moustaches à la Vercingétorix, Eugène Christophe avait été surnommé «le vieux gaulois»
« Le Vieux Gaulois », sobriquet qu’il conserva jusqu’au bout
Le Belge Philippe Thys et son « pays » Louis Mottiat,
mais aussi Firmin Lambot et Henri Pélissier étaient ses grands rivaux
Le Tour n’était pas comparable avec celui d’aujourd’hui
Ses champions se disputaient les stylos pour signer les feuilles de contrôle
Aussi incroyable que ça paraisse, on pesait les coureurs à l’arrivée à Paris
Pas de caravane mais de rares voitures de presse
Monter les cols relevait de l’alpinisme, comme ici au Lautaret
Eugène Christophe faisait partie des rois de la montagne (ici au Galibier)
Il fut aussi le premier porteur du maillot jaune
On le voit ici pour la première fois avec ce précieux maillot (à droite)
L’incident se produisit à Raismes, sur les pavés du Nord, à ce passage à niveau
Mais sa fourche le trahit une fois de plus à deux jours de l’arrivée alors qu’il comptait 28 minutes d’avance sur le belge Firmin Lambot
Le Vieux Gaulois aux yeux tristes ne resta pas longtemps abattu. A 37 ans, il enfila à nouveau le maillot jaune à la surprise générale
Mais il fut encore trahi par sa fourche
C’était à Valloire, dans la descente du col du Galibier. Il marcha à nouveau pendant 6 km…
Cette année-là le règlement lui permit d’emprunter des vélos, dont celui d’un curé et il monta ainsi trois cols, sur 200 km !
Sa devise était en effet : « On n’abandonne jamais un travail qu’on a commencé. » Il alla au bout et perdit son 3ème Tour
Il força ainsi l’admiration du public et celle des plus grands (ici Bobet et Anquetil)
Amoureux de la petite reine, il la pratiqua toute sa vie et ne passa jamais le permis auto
Il mourut à 80 ans et demanda à être enterré avec ce maillot jaune dont il avait le premier porteur
Un diaporama de Jean-Paul Rey
Jean-Paul Rey est aussi l’auteur de « Eugène Christophe le damné de la route », 252 pages, illustré de photos inédites provenant de la collection personnelle d’Eugène Christophe lui-même. 25 euros Cairn éditions