De deux choses l’une … Dans une de ses trois ‘consolations’, Sénèque écrit à Polybe, affranchi de l’empereur Claude, pour le consoler de la perte de son frère (et pour se rappeler à son bon souvenir alors qu’il croupit en exil). Il évoque la célèbre alternative liée à la mort : « mors aut finis aut transitus » (la mort est une fin ou un passage) et en tire quelques enseignements philosophiques … 28/11/2018
De deux choses l’une … Si nullus defunctis sensus superest, evasit omnia frater meus vitae incommoda et in eum restitutus est locum in quo fuerat antequam nasceretur, et, expers omnis mali, nihil timet, nihil cupit, nihil patitur. Quis iste furor est, pro eo me numquam dolere desinere, qui numquam doliturus est ? super-esse,sum : rester, subsister furor,furoris (m) : la folie (développé par evadere aliquid : échapper à qqch la P2 infinitive qui le suit) restituere,o : remettre en place, replacer dolere,eo : souffrir nasceretur : le subj est fréquent en subordonnée desinere,o : cesser dans la langue des écrivains de l’époque impériale doliturus est : il est sur le point de souffrir, expers + génitif : dépourvu de, sans il est destiné à souffrir 28/11/2018
De deux choses l’une … Si est aliquis defunctis sensus, nunc animus fratris mei, velut ex diutino carcere emissus, rerum naturae spectaculo fruitur et humana omnia ex loco superiore despicit ; divina vero, quorum rationem tam diu frustra quaesierat, propius intuetur. Quid itaque eius desiderio maceror qui aut beatus aut nullus est ? Beatum deflere invidia est, nullum dementia. (Pol,IX, 2-3) velut : comme, pour ainsi dire vero : mais, quant à diutinus,a,um : qui dure longtemps ratio,nis (f) : l’explication rationnelle carcer,ceris (m) : la prison frustra : en vain e-mittere,o : envoyer, faire partir de prope : de près frui,or + ablatif : profiter de intueri,eor : regarder attentivement de-spicere,io : regarder d’en haut desiderium,ii (nt) : le regret macerare,o : miner, consumer, ronger de-flere,eo : pleurer sur, se lamenter sur de-mentia,ae (f) : la folie, le manque de bon sens 28/11/2018
De deux choses l’une … [Si nullus defunctis sensus superest], evasit omnia frater meus vitae incommoda et in eum restitutus est locum [in quo fuerat] [antequam nasceretur], et, expers omnis mali, nihil timet, nihil cupit, nihil patitur. Quis iste furor est, [pro eo me numquam dolere desinere], [qui numquam doliturus est] ? COND RE REL DET P2 TEMP P2 INF REL DET 28/11/2018
De deux choses l’une … [Si est aliquis defunctis sensus], nunc animus fratris mei, velut ex diutino carcere emissus, rerum naturae spectaculo fruitur et humana omnia ex loco superiore despicit ; divina vero, [quorum rationem tam diu frustra quaesierat], propius intuetur. Quid itaque eius desiderio maceror [qui aut beatus aut nullus est] ? Beatum deflere invidia est, nullum dementia. COND RE REL DET REL DET 28/11/2018
beatum deflere invidia est, nullum (deflere) dementia (est). Memento grammatical LES CONDITIONNELLES si + indicatif = REELLE (même avec futur) si + subj pr/pft = POTENTIEL (si jamais …) si + subj I/pqp = IRRELLE PRESENT OU PASSE (si … mais tu ne l’as pas fait) LES RELATIVES - attention à bien identifier l’antécédent - attention aux relatives introduites par des génitifs ou ablatifs (in quo : dans lequel / quorum rationem quaesierat : dont il avait recherché la cause) NOMINALISATION : omnis mali / humana omnia / divina / beatum / nullum CONSTRUCTIONS ELLIPTIQUES beatum deflere invidia est, nullum (deflere) dementia (est). 28/11/2018
Les traductions … Si aucune sensation ne reste aux morts, mon frère a échappé à tous les ennuis de la vie et il est reparti vers ce lieu dans lequel il était avant qu’il naisse et, libre de tout mal, il ne craint rien, ne désire rien, ne souffre rien. Quelle est cette folie que je ne cesse jamais de souffrir pour celui qui ne souffrira plus ? Si une sensation reste encore aux morts, maintenant l’âme de mon frère, renvoyée comme d’une prison de longue durée, profite du spectacle de la nature des choses et voit toutes les choses humaines comme d’un lieu supérieur ; quant aux choses divines, dont il avait en vain cherché l’explication pendant si longtemps, il les contemples de plus près. Pourquoi donc je me consume du regret de celui qui soit est heureux, soit n’est plus rien ? Pleurer un bienheureux, c’est de la jalousie, (pleurer) quelque chose qui n’existe pas, (c’est) la folie. Ou les morts sont privés de tout sentiment, et mon frère, échappé à toutes les disgrâces de la vie, se retrouve aux mêmes lieux où il était avant de naître, libre de tout mal, sans crainte, sans désir, sans souffrance aucune. Quelle est alors ma démence, de nourrir une douleur sans fin pour qui n'en éprouvera jamais? Ou le trépas nous laisse encore quelque sentiment, et ainsi l'âme de mon frère, renvoyée comme d'une longue prison, jouit du spectacle de la nature; et tandis qu'il regarde d'en haut les choses de la terre, il contemple aussi de plus près les célestes mystères, dont il a si longtemps et si vainement cherché la clef. Pourquoi donc me consumé-je à regretter un frère qui est heureux, ou qui n'est plus rien? l'envie seule pleurerait son bonheur; pleurer le néant est folie. 28/11/2018