Droit à la terre et aux territoires Alexis Tiouka Agadir
A. Droit à la terre & Nations Unies
1. Un droit autochtone problématique Un consensus des délégations gouvernementales Nations Unies : Les Peuples autochtones entretiennent une relation particulière avec leurs terres & territoires Exemple : le Canada Reconnaît la nature collective du rapport à la terre des Autochtones Reconnaît que les PA ont le droit de posséder, administrer & utiliser leurs terres et leurs ressources Mais une solution bancale : -Droit de propriété reconnue sur certaines terres -Sur dautres : droit dutilisation mais pas possession des terres Mais un droit problématique : Comment établir un équilibre entre : -Droits des PA -Souveraineté de lEtat
2. Deux articles qui font débat Article 26 « Les peuples autochtones ont le droit de posséder, de mettre en valeur, de gérer et dutiliser leurs terres et territoires, cest-à-dire lensemble de leur environnement comprenant les terres, lair, les eaux, fluviales et côtières, la banquise, la flore, la faune et autres ressources quils possèdent ou quils occupent ou exploitent traditionnellement. Cela inclut le droit à la pleine reconnaissance de leurs lois, traditions et coutumes, de leur régime foncier et des institutions dexploitation et de gestion de leurs ressources, ainsi que le droit à des mesures de protection efficaces de la part des Etats contre toute ingérence ou tout aliénation ou limitation de ces droits. » Article 27 « Les peuples autochtones ont droit à la restitution des terres, des territoires et des ressources quils possédaient ou quils occupaient ou exploitaient traditionnellement et qui ont été confisqués, occupés, utilisés ou dégradés sans leur libre consentement, donné en connaissance de cause. Lorsque cela nest pas possible, ils ont droit à une indemnisation juste et équitable. Sauf décision librement exprimée par les peuples concernés, lindemnisation se fera sous forme de terres, de territoires et de ressources équivalents quant à leur qualité, leur importance et leur statut juridique. »
3. Exemple de réaction : lAustralie Sinquiète du fait que ces articles prévoient des droits exclusives sur les terres & ressources Craint que lapplication rétrospective de ce droit ne donne lieu à une demande dindemnisation Des craintes partagées par de nombreux Etats
B. La situation guyanaise
1. Evolution de la situation foncière en quelques dates Une question qui évolue depuis deux décennies Accélération du problème foncier : Beaucoup de questionnement portant sur le droit au sol dans les communautés autochtones Une des causes : Le renouveau démographique amérindien
Le territoire de lInini Jusquen 1968 Les territoires wayana, wayampi et teko sont regroupés sous le qualificatif « territoire de lInini » Administration par le sous préfet de Saint-Laurent Des droits particuliers : Sur ce territoire les populations dites « tribales » ont le droit de vivre selon les règles de leur droit coutumier Programme de francisation (Sénateur Vignon & Conseil général) Aboutissement : décret du 17 mai 1969 qui crée 5 communes (Maripasoula, Papaïchton, Grand-Santi, Saül & Camopi) En parallèle : réaction des chercheurs Nécessité de la reconnaissance dun statut particulier & du droit foncier pour les autochtones. Pas de réaction des instances politiques locales ou nationales.
Mission de lAssemblée nationale en collaboration avec le chercheur Jean Hurault Aboutissement : projet de statut -Projet Ploux déposé le 9/05/72 à lAssemblée nationale (n°2320) -Article 4 : « le groupement tribal possède des droits éminents sur les terres constituants son domaine coutumier dactivité. Ces terres sont dans la limite des périmètres de protection définis par arrêté préfectoral, indisponibles et inaccessibles. » Septembre 1973 La secrétaire détat auprès du ministre de léducation, Mme Ploux, signale à lAssemblée nationale que le projet heurte les élus locaux Janvier 1974 Le préfet Delaunay est daccord sur le fond mais pas sur la forme Le projet est finalement égaré suite à la disparition du Président Pompidou Le « Projet Ploux »
Les scientifiques continuent dessayer dobtenir un statut spécifique pour les PA Pas dintérêt de la part de lEtat La politique gouvernementale est focalisée sur : -Activités agricoles -Exploitation forestière (fabrication de pâte à papier) En parallèle : Des négociations avec le Surinam pour que les colons surinamais puissent sétablir sur le territoire des Wayana. Une alternative à cette colonisation des territoires autochtones : Création dun Parc national (Ministre Dijoud) Opposition des élus locaux
Situation pour les PA à cette époque Développement du tourisme sur le Maroni Conséquences néfastes pour les Wayana du point de vue culturel Terres attribuées aux Palikur (Bas-Oyapock) sont insuffisantes pour leur survie alimentaire Amorce de dénutrition Pas de possibilité de leur accorder dautres terres (toutes les concessions ont déjà été attribuées à des particuliers ou à des entreprises) Les territoires kalina sont intégrés dans les communes de Mana, Iracoubo & St-Laurent Début des revendications pour la jouissance de leurs propres territoires Les Wayampi et les Teko demandent que soit renversé le processus de concentration imposé par ladministration : Ils veulent créer des villages éloignés les uns des autres Pour pallier : -Appauvrissement des sols -Envahissement des fourmis maniocs occasionné par la sédentarisation de leur habitat
Le groupe de réflexion de Paul Dijoud Le ministre Paul Dijoud met en place un groupe de réflexion Aboutissement : Rapport de synthèse de Jean Aribaud (Sous- directeur des affaires sociales – Secrétariat détat des DOM-TOM) : -Nécessité de la mise en place dun statut juridique -Dénonciation de la ratification du traité de 75 avec le Surinam (colonisation des terres autochtones) -Rédaction du décret du 01/10/78 (Préfet le Direach) portant sur la création de réserves foncières pour les Autochtones -Accélération de la procédure visant à créer un Parc naturel (incluant les terres autochtones) -Nécessité de préparer un arrêté préfectoral pour limiter les activités touristiques dans lintérieur Le rapport souligne aussi que les décisions sont aux mains des élus locaux Or, à lépoque, elles ne sintéressent pas vraiment à la question autochtone
Les directives du rapport Poursuite des démarches en vue de la création dun parc naturel Restriction de laccès aux villages du Haut-Maroni et du Haut- Oyapock Préparation dun décret portant sur lattribution de concessions foncières aux groupements dits « tribaux » (incluent les Autochtones mais aussi les Businenge) Mise en place dun statut juridique pour les terrains occupés par les Autochtones Création prioritaire de réserves territoriales pour les Palikur Déconcentration de lhabitat et création de nouveaux villages Suspension du projet de la DDE de construire des carbets au titre de logements sociaux en territoire autochtone Cette dernière mesure ne sera pas suivie par le nouveau gouvernement (1981), la DDE poursuivra ses constructions
Effets de la politique de décentralisation : Augmentation du pouvoir des collectivités locales Aucune modification de la situation pour les PA, voire accentuation de leurs problèmes Proposition dun projet de loi par Survival International en faveur des Autochtones : Présenté en novembre 84 au Secrétariat dEtat aux DOM-TOM Discours de Félix Tiouka face aux élus locaux & aux représentants de lEtat Naissance du mouvement autochtone en Guyane Première prise de parole dun Autochtone (ce ne sont plus les scientifiques qui sexpriment) Conséquence : Création dun comité de coordination, par le Préfet de la Guyane, en faveur des Amérindiens de GF.
Situation actuelle Les droits territoriaux des autochtones en Guyane sont toujours régis par le décret n°87267 du 14 avril 1987 Reconnaissance des droits des « communautés tirant traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt ». Les sujets dactualité Limplantation de Cambior La création du Parc national
Etat du foncier A lheure actuelle13 terrains ont été attribués relevant du droit dusage : 11 ont été attribués à des PA 1 a été attribué à des PA et à des Businenge 1 a été attribué à des Businenge Toutes les autorisations datent davant 1996.
Droits traditionnels reconnus N°CommunautéDemandeSuperficieCommuneDate arrêté 1Kalina haAwala-Yalimapo09/03/92 2Kalina haKourou17/09/91 3Wayampi16/11/ haCamopi-3 Sauts03/03/94 4Teko-Wayana-(Aluku)26/12/ haMaripasoula22/05/95 5Kalina11/03/ haSaint-Laurent15/02/93 6Arawak15/06/ haRoura09/06/95 7Palikur25/06/ haKourou03/03/94 8Kalina26/11/ haSaint-Laurent22/05/95 9(Aluku-Ndjuka)06/03/ haSaint-Laurent03/03/94 10Wayampi-Teko11/10/ haCamopi08/12/94 11Arawak1994 (oral)3.710 haSaint-Laurent22/05/95 12Palikur25/07/94 (oral) haRoura09/06/95 13Teko12/02/94 (oral) haCamopi-Maripasoula22/05/95
7 demandes en cours Des demandes gelées depuis 1996 N°CommunautéDate demandeSuperficieCommune 1Kalina11/03/ haMana 2Palikur19/08/ haRégina 3(Paramaka)12/10/ haMontsinery 4Kalina01/12/ haIracoubo 5Arawak04/07/ haMana 6Wayana-(Ndjuka-Aluku)Juillet 96 (oral) haMaripasoula-Papaïchton-Grand Santi- Apatou 7Palikur27/07/ haSaint-Georges
2. Analyse des documents nationaux
Certains PA de Guyane arrivent à avoir gain de cause Mais seulement en sappuyant sur le droit français Pas en sappuyant sur un « droit autochtone » 1989 : reconnaissance de la spécificité de trois villages (Awala, Yalimapo et Coswine) Dissociation de leur territoire par rapport à la commune de Mana Création dune nouvelle commune Mais cela ne résout rien : le territoire de la commune appartient à lEtat Obtention dun droit dusage hectares font lobjet dun arrêté préfectoral de droit dusage (1992) Confère aux représentants de la communauté une certaine autorité mais ne signifie pas la possession du territoire par celle-ci Le décret de droit dusage
Le code du domaine de lEtat Deux articles du code du domaine de létat (R , R ) et le décret D.34 reconnaisse un statut personnel aux Amérindiens de Guyane. Ils distinguent la « tribu » ou « communauté » de lassociation et de la société et lui attribuent des droits en propre Ces droits ont un caractère collectif Mais ladoption récente de lordonnance n° du 2 septembre 1998 modifie le code du domaine de létat Une ordonnance souhaitée par certains élus locaux Elles constitue une menace pour le droit à la terre Elle ne permet la cession du domaine privé de létat au profit quau profit des personnes physiques Cela exclut les Autochtones en tant que collectivité même si en tant quindividus ils peuvent acheter les terres