vendredi 31 mars 2017 20:55 . Le monde d'Aurélie
Aurélie, notre petit Elfe, Aurélie, notre Mascotte, nous livre ici, en un texte sur des diapositives, mais surtout par de courtes phrases, tout ce qui fait son monde intérieur. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore Aurélie, je vous la présente : C’est une jeune fille trisomique et autiste, qui a maintenant 21 ans, et qui, grâce à la « communication facilitée » a pu exprimer toute la richesse de son âme, car elle ne parle pas et ne peut écrire. Vous y apprendrez beaucoup de choses !
Grand mur de silence en moi. Moi, je suis cette pionnière de la défense de vous tous, homme et femme, enfant et bébé, qui êtes sans parole. L’homme se croit un être intelligent, mais en fait, il a bien des domaines de compréhension à découvrir. Nous avons bloqué la porte de notre dire, ou nous avons été privés d’en trouver la clé. Mais, derrière cette porte, notre intelligence, notre discernement, nos ressentis sont là, intacts et bien vivants. Il y a bien des violences, des souffrances sur cette terre. tant que l’homme ne s’ouvre pas à notre trésor bien gardé en nous. C’est mon voile, c’est mon petit handicap. Mais ma foi est grande, mon amour pour la vie sur cette terre est infini. …/…
…/… Je ne suis pas venue parmi vous pour revêtir l’aube et le voile de la vocation, je suis venue avec mon petit compagnon, mon handicap. La souffrance te fait peur, tu joues à l’éviter chaque aube qui naît. La souffrance est une initiation, qui fait venir la douleur au creux de chacune des cellules de notre corps, mais qui permet la présence de l’être face à son éternité, à son invulnérabilité, s’il s’en remet aux mains de l’amour pour se laisser guider et pour trouver là sa grandeur d’âme.
Petite mère,ma petite maman, grand cœur en son être, son chemin est tout fleuri, son chemin est orné de toutes les roses du monde. Chemin de mille couleurs, chemin de mille senteurs. Elle va vaillante, sa petite flamme ne vacille pas, son feu intérieur est alimenté par la confiance qui naît chaque jour plus grande en son cœur.
La vie dans toutes ses émotions n’est que jaillissement, l’homme est l’enfant de l’univers. Bien souvent il se pense puissant et maître de ce qui survient en sa vie. Or, faute de confiance, d’assurance, de réflexion, faute de lâcher prise, sa position fait exploser l’inexplorable, et réduit en miettes ce qui, inopinément, pointe à l’horizon.
Mon monde n’a pas de limites, de plus en plus, je suis Mon monde n’a pas de limites, de plus en plus, je suis. Je ne vogue pas dans un monde voisin au vôtre. Je suis là, j’existe dans toute ma dimension d’être. Cavalier seul, non, je ne suis pas. Je suis le lien, je suis la messagère. Je suis l’absence de couleur de vie ? Non ! Je suis toutes les couleurs à la foi. Je suis dans le silence des mots ? Non, je suis tous les mots de l’univers. Je suis, j’existe. Mon absence de pouvoir dans la vie me fait reine de cœur, me fait reine de richesses de vie.
Miroitement de l’eau. L’eau réfléchit l’image de celui qui se penche vers sa surface. La nature offre mille façons de se découvrir. L’existence est une recherche effrénée du trésor le plus précieux, du trésor appartenant à chacun en propre, le trésor qui permet de lever le voile sur sa propre découverte,lever le voile sur sa propre vérité. Le voile, moi, je ne peux pas le soulever, le voile c’est mon mutisme. Le voile est le seuil de ma demeure, où tout est, où tout vit au-delà des mots, où tout chante, ou tout est.
Me mettre dans le hamac de l’amour. Là est bien mon refuge pour pouvoir vivre mon quotidien. Mon statut bien particulier, mon statut hors norme, interroge les autres et leur raison. Moi, je suis le sage qui interroge. Moi, je suis le sage qui fait parler. Moi, je suis le sage qui fait dans sa pleine liberté. Je ne suis nullement rattachée aux lois de votre société. Ce monde, je le respecte, mais je ne participe pas à sa grosse machine productive.
Je suis femme. Je suis femme de lumière, d’amour, de prière. Je vis ma vie cloîtrée, je vis derrière la clôture, j’en suis rassurée. Mon Maître de Cœur habite parmi les anges, il les gouverne, il les accompagne. L’oraison éclaire ma vie, la prière conduit mes pas, la méditation me met dans le sourire de la vie. Abdiquer en Jésus, c’est n’occuper aucune place indue. Je regrette l’égoïsme du monde, qui privilégie les nantis aux dépens des orphelins et des frères isolés.
Féerie des visages, dialogue avec le regard… La communication est vaste, belle, immense, le regard discute, dialogue, interpelle. Moi, je vis bien au-delà de mon corps, ma vie est une, ma vie est dans un monde qui est loin d’être le vôtre. J’y ai mon fonctionnement propre, j’y ai une grande autonomie. Aussi, quand je suis parmi vous, je ne livre rien de moi-même, cela passe par un autre canal, je suis dans une autre dimension, mais pourtant je suis là, je partage toutes vos joies.
Front de mer, grande promenade le long du sable fin, grand cheminement des sentiments. Il est bon de goûter l’air frais du matin, d’entendre la musique des vagues, de se sentir propulsé en avant tout en gardant la conscience des pas qui se posent. Alors, le cœur reste dans la joie et la sérénité, le soleil l’éclaire et le réchauffe. La marche peut se poursuivre, plus facile et plus aisée. La solitude disparaît, et la liberté ouvre à de grands espaces. Petit galet au fond de l’océan, petit galet sur le sable, petit galet d’une merveilleuse couleur, petit galet qui est là, inatteignable, petit galet loin d’une main. Voilà… Je vis ma vie comme lui, hors de portée de tous…
Parlons de moi : mon chemin est grand, immense. Ma mon fonction sur terre au creux de la Vendée est profonde, profonde dans les profondeurs de l’être. À mon contact, la personne plonge dans ses terres intérieures, et c’est pour cela qu’il m’a été fait le cadeau de ce handicap profond, couplé d’un mutisme. Ainsi mon aide à l’autre est au delà de vos frontières. Je vis dans la cohérence, je vis dans le lieu de vos profondeurs, c’est ainsi que je suis là. Il ne peut pas en être autrement.
Lavandière je suis : prendre le linge sale, le plonger dans l’eau transparente et chantante, frotter, mettre toute mon ardeur pour faire venir au soleil la blancheur du linge, tout en parlant, tout en chantant, voilà mon merveilleux métier. Jamais dans l’isolement. À la tâche, et à la lumière du soleil.
Texte : Aurélie Connoir, autiste et trisomique Musique : Bach : concerto pour deux violons Photos : prises sur le Net Jacky Questel – Juin 2007 questelj@aliceadsl.fr