Le triple autoportrait Histoire des arts Le triple autoportrait De Norman Rockwell
En guise d’introduction Titre : Le triple autoportrait, de Norman Rockwell Domaine : Art du visuel Problématique : Art et représentation de soi : Pourquoi se dire ? Pourquoi se peindre? Comment se dire ? Annonce du plan : Présentation de l’œuvre ( artiste, contexte); description; analyse qui nous permettra de mettre ce Triple autoportrait en relation avec d’autres œuvres.
I- Présentation de l’univers de Norman Rockwell Le style « Rockwell » Les caractéristiques principales de l’œuvre
Norman Rockwell (1895-1978) Norman Rockwell est un peintre et dessinateur américain. À seize ans, il illustre son premier livre, Tell me why, Stories, et commence une longue collaboration avec le mouvement des boy-scouts des États-Unis en illustrant la revue Boys' life. C'est à 21 ans qu'il propose sa première couverture illustrée pour le magazine The Saturday Evening Post. Il devient le peintre de l'Américain moyen et peu à peu son nom est identifié à cette revue dont il réalise les plus célèbres illustrations et couvertures jusqu'en 1960.
A 30 ans il illustre les romans de Mark Twain, comme Tom Sawyer. En 1943, il participe à l'effort de guerre en publiant l'affiche The Four Freedoms distribuée dans le monde entier. Dans les années 1950, il est considéré comme le plus populaire des artistes américains. Il travaille également pour le magazine « Look » pendant 10 ans. Il meurt à l’âge de 84 ans dans sa maison de Stockbridge, Massachusetts.
Un style artistique particulier Le style de Norman Rockwell est souvent qualifié de narratif. Chaque peinture raconte une histoire et tous les détails ont leur importance et leur raison d’être.
Son style précis et méticuleux rapproche ses œuvres de la photographie en en faisant des peintures fidèles de la réalité. À partir de 1930 le peintre se sert d’ailleurs de la photographie comme point de départ de son travail. Il évite ainsi les poses très longues nécessaires à ses modèles. Par sa technique, il annonce ainsi l’hyperréalisme.
Le travail de Maurizio Cattelan Bus Reflecting, de Richard Estes L’hyperréalisme L'hyperréalisme est un mouvement/courant artistique américain des années 1950-1960. Il est aussi nommé aux États-Unis photorealism ou superrealism. L’hyperréalisme se caractérise par une interprétation quasi photographique du visible, avec ou sans intention critique : il s’agit de donner (en peinture ou en sculpture) une image aussi exacte et fidèle que possible du réel. L’hyperréalisme reprend la tradition du précisionnisme de E. Hopper et d'autres peintres du xxe siècle. En théorie, il ne privilégie aucun thème spécifique. C'est à chaque artiste de se créer une image de marque personnelle. Chuck Close se spécialise dans la photo d'identité immensément agrandie ; Malcolm Morley, dans la carte postale géante ; D. Hanson, dans les sculptures-moulages. Le travail de Maurizio Cattelan Mark, de Chuck Close Bus Reflecting, de Richard Estes
Cet hyperréalisme conduit Rockwell à dépeindre le cadre de vie et l’existence des classes moyennes de la société américaine plutôt que des scènes historiques. Son art devient le reflet de la vie quotidienne des Américains, comme ici avec The football hero.
À ce respect du sujet s’ajoute enfin le regard de l’artiste, ou plutôt son clin d’œil teinté d’humour : ses illustrations ont en effet parfois un caractère caricatural, qui apporte de la légèreté aux actualités de l’époque. Ce réalisme teinté d’humour est devenu la représentation emblématique d’une vision de l’Amérique des années 30 à 60. Before the shot
Notre œuvre : carte d’identité Titre : Le Triple autoportrait Auteur : Norman Rockwell Quand : 1960 Quoi : Huile sur toile. Peinture pour la couverture du Saturday Evening Post du 13 février 1960. Elle est la 308ème couverture réalisée par l’artiste pour ce journal. A cette époque , N. Rockwell est très populaire et le Post décide de publier en feuilletons la biographie écrite par l’illustrateur et son fils « My Adventures as an Illustrator ». Format : 113,5 X 87,5 cm
Problématique Nous verrons avec cette œuvre que se pose la nécessaire question du rapport à la réalité dans la peinture de soi.
Description détaillée Analyse de la construction du tableau II- Description Description détaillée Analyse de la construction du tableau
Description détaillée
Analyse de la composition
III- Analyse La signification de la mise en abyme Autodérision Pastiche de Maëster, en hommage à son ami Zep. III- Analyse La signification de la mise en abyme Autodérision Une réflexion sur l’art
La signification de la mise en abyme La mise en abyme est un procédé artistique ou littéraire qui consiste à enchâsser récit dans un autre récit, une scène de théâtre dans une autre scène de théâtre, ou encore comme ici, un tableau dans un autre tableau. Quelle signification donner à cette mise en abyme ?
De par sa place centrale et sa taille, c’est le portrait posé sur le chevalet qui attire d’abord l’oeil du spectateur. C’est le portrait le plus important, « officiel », celui que le peintre a signé. Il est la façon dont il veut que le spectateur le voie : - Stylisé et amélioré (rajeuni, pipe droite) - Mais insuffisant car encore inachevé : sans couleurs Ce portrait pose ainsi plusieurs questions : La sincérité est-elle possible quand il s’agit de se peindre ? Toute représentation de soi est-elle nécessairement inachevée ? -
Le portrait dans le miroir : N Le portrait dans le miroir : N. Rockwell se représente dans ce reflet tel que lui se voit. - Physique moins flatteur : traits marqués, cou fripé, pipe qui pend, lunettes… - Opacité des lunettes : comme si l’artiste continuait de nous cacher sa vérité. Image inévitablement insaisissable : Vérité masquée Image inversée, reflet
Vérité possible dans l’instantanéité ? Portrait de dos : - Le seul qui nous parvienne directement, sans artifice, sans être le reflet de quelque chose. - Mais de dos - Attitude quelque peu désinvolte (chiffon qui dépasse, jambes arquées)…
Par ailleurs, Rockwell représente quatre autoportraits de peintres maîtres du genre : Dürer, Rembrandt, Van Gogh et Picasso, dans son propre autoportrait. - C’est aussi une mise en abyme. - Filiation et hommage à ses prédécesseurs - mais aussi affirmation de son identité grâce au pygargue, emblème de son pays, qui l’identifie en tant qu’ Américain.
Autodérision à l’oeuvre On pourra souligner l’autodérision et le clin d’œil humoristique présents dans la toile : Se montre vieillissant dans une posture peu flatteuse : La pipe fonctionne comme une métaphore du sexe masculin. Il se montre ainsi dans une virilité beaucoup plus triomphante dans le portrait « idéalisé ». Met en scène le mensonge qui est au cœur de toute représentation de soi. Les éléments du domaine militaire (aigle, casque), comme dans les portraits des grands généraux, contrastent avec le reste du décor en désordre : poubelle fumante, pinceaux et tube de peinture, éparpillés au sol, verre de ce qui semble être du Coca Cola en équilibre sur un livre ouvert. Le casque, qui vient comme une référence à la peinture « pompier » en vogue à l’époque Clin d’oeil, jusque dans le détail de cette poubelle fumante qui fait référence à l’incendie de 1943 dans son studio d’Arlington dans le Vermont, provoqué par une pipe mal éteinte ayant mis le feu à des chiffons dans une corbeille, qui entraîna la perte d’un grand nombre de ses objets personnels et travaux.
Une réflexion sur l’art Une toile qui montre le travail de l’artiste, avec de nombreux éléments qui dressent comme un champ lexical de l’atelier du peintre : les tubes de peinture, les nombreux pinceaux au sol, le chiffon et la petite trousse dans la poche du peintre, les esquisses, le livre d’art posé sur la chaise comprenant plusieurs marque-page et les autoportraits de peintres célèbres. Cette réflexion sur l’art est aussi présente dans cette toile dans laquelle il met en scène (dans un procédé de mise en abyme) une œuvre du peintre Pollock.
La réflexion sur l’art passe par un réinterprétation de la mise en abyme comme principe de construction : Les Époux Arnolfini (Jan van Eyck, 1434, 82 × 60 cm, peinture sur bois, National Gallery, Londres) est un exemple fameux dans lequel un miroir convexe reflète l’ensemble de la scène (y compris le miroir lui- même, et ainsi de suite).
Cette réflexion sur l’art est aussi présente dans le casque de pompier Cette réflexion sur l’art est aussi présente dans le casque de pompier. Il est une référence à ce qu’on appelle « l’art pompier ». L'art académique aussi nommé art pompier, est un mouvement artistique qui, après le néoclassicisme et après l'apogée du romantisme, dominent la peinture occidentale du milieu du XIXe siècle.
Une réflexion poussée sur l’histoire de la peinture et de l’autoportrait : Van Gogh, Durer, Picasso, Rembrandt, quatre autoportraits célèbres de style différent illustrant, rapidement certes, l’évolution de l’art et de la manière de se représenter.
Conclusion Une sorte d’exercice humoristique sur le thème de l’autoportrait. Les différences entre les trois portraits invitent le spectateur à s’interroger : quel est l’autoportrait le plus juste, le plus fidèle à la réalité ? Toute représentation n’est-elle pas toujours mensongère ? Y-a-t-il impossibilité de se dire ?
La nécessité d’un pacte ? Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi. Moi seul. Je sens mon cour et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien fait ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu. Que la trompette du Jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : "Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon, et s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire ; j'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus ; méprisable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime, quand je l'ai été : j'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même. Être éternel rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables ; qu'ils écoutent mes confessions, qu'ils gémissent de mes indignités, qu'ils rougissent de mes misères. Que chacun d'eux découvre à son tour son cour aux pieds de son trône avec la même sincérité ; et puis qu'un seul te dise, s'il l'ose : Je fus meilleur que cet homme-là. Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions.