Les multiprocesseurs Jusqu’à maintenant, nous avons parlé longuement des microprocesseurs. Nous allons maintenant étudier les multiprocesseurs, comment ils fonctionnent, quels sont les problèmes particuliers qui apparaissent.
Les multiprocesseurs Périodiquement, depuis les années ’60, on a prédit la fin des uniprocesseurs, au profit des multiprocesseurs On parle souvent de la vitesse de la lumière comme d’une limite proche d’être atteinte: C = 3 X 10 ^ 8 m/s – » 15 cm / 0,5 ns (2 GHz) On dit que des architectures nouvelles (multiprocesseurs) devront être utilisées pour continuer d’améliorer la performance Mais… depuis 1985, l’augmentation de performance des processeurs est la plus importante depuis la fin des années ’50!
Les multiprocesseurs – pourquoi En supposant que les microprocesseurs demeurent la technologie dominante pour les uniprocesseurs, il semble naturel d’imaginer en connecter plusieurs ensemble pour augmenter la performance Il n’est pas clair que le taux d’innovation au niveau de l’architecture pourra se continuer longtemps Il semble qu’il y ait des progrès constants dans les 2 domaines où les machines parallèles ont le plus de difficulté: le logiciel et les interconnexions
Les types de multiprocesseurs Taxonomie proposée par Flynn dans les années ’60: SISD (Single Instruction Single Data): uniprocesseur SIMD (Single Instruction Multiple Data): plusieurs processeurs, qui exécutent en parallèle les mêmes instructions sur plusieurs données MISD (Multiple Instruction Single Data): pas d’exemple connu MIMD (Multiple Instruction Multiple Data): plusieurs processeurs qui opèrent de façon indépendantes ou semi-indépendantes sur leurs données
Types de multiprocesseurs utilisés Les premiers multiprocesseurs étaient du type SIMD, et cette architecture est encore utilisée pour certaines machines spécialisées Le type MIMD semble être la cible de choix de nos jours pour des ordinateurs d’application courante: Les MIMD sont flexibles: on peut les utiliser comme machines à un seul utilisateur, ou comme machines multi-programmées Les MIMD peuvent être bâties à partir de processeurs existants
Au centre des processeurs MIMD: la mémoire On peut classifier les processeurs MIMD en deux classes, dépendant du nombre de processeurs dans la machine. Ultimement, c’est l’organisation de la mémoire qui est affectée: Mémoire partagée centralisée (centralized shared memory) Mémoire distribuée
Architecture possible des multiprocesseurs Mémoire partagée centralisée (UMA) Mémoire distribuée Espace d’adressage unique (NUMA) Espace d’adressage privé (multi-ordinateurs) Basée sur l’espionnage (bus) Cohérence de la mémoire cache Basée sur un répertoire Write invalidate protocol Write update protocol Write-through (mémoire centrale) Write-back (mémoire centrale)
Mémoire partagée centralisée
Mémoire partagée centralisée La mémoire partagée centralisée (centralized shared memory) est utilisée par des machines d’au plus une douzaine de processeurs en 1995 On utilise un bus qui connecte les processeurs et la mémoire, avec l’aide de mémoire cache locale. On appelle ce type de structure de mémoire le Uniform Memory Access (UMA).
Mémoire distribuée
Architecture possible des multiprocesseurs Mémoire partagée centralisée (UMA) Mémoire distribuée
Mémoire distribuée La mémoire distribuée est utilisée dans des machines utilisant « beaucoup » de processeurs, qui requièrent une bande passante trop grande pour une mémoire unique « Beaucoup » tend à diminuer avec le temps, puisque la performance des processeurs continue d’augmenter plus rapidement que celle de la mémoire Avantages de la mémoire distribuée: il est plus facile d’augmenter la bande passante de la mémoire si la plupart des accès mémoire sont locaux. La latence est aussi améliorée lorsqu’on utilise la mémoire locale
Modèles de mémoire distribuée Il existe deux modèles de mémoire distribuée: Espace d’adressage unique, accessible par tous les processeurs, mais distribué parmi les processeurs. On dit de ce système qu’il est Non-Uniform Memory Access (NUMA), parce que le temps d’accès à la mémoire dépend de l’endroit où se trouve la région qui est adressée (locale ou distante) Espace d’adressage privé, où chaque processeur a un accès exclusif à la mémoire locale. On appelle parfois ces systèmes des systèmes multi-ordinateurs (multi-computers) Pour ces deux modèles, le mode de communication diffère: Pour la mémoire partagée, la communication se fait de façon implicite, en écrivant/lisant la mémoire. Pour la mémoire privée, on doit utiliser des messages explicites entre les processeurs pour passer l’information de l’un à l’autre, d’où leur nom de machines à passage de message (Message Passing Machines)
Architecture possible des multiprocesseurs Mémoire partagée centralisée (UMA) Mémoire distribuée Espace d’adressage unique (NUMA) Espace d’adressage privé (multi-ordinateurs)
Avantages et inconvénients des mécanismes de communication Mémoire partagée: Mécanisme bien connu Facile à programmer (et facile de bâtir des compilateurs) Meilleure utilisation de la bande passante (protection de la mémoire au niveau du matériel, et non au niveau du système d’exploitation Possibilité d’utiliser des techniques de caching Message-passing: Matériel simplifié Communication explicite, exigeant l’intervention du programmeur
Paramètres de communication Bande passante: Limitée par l’interconnection ou par les processeurs eux-mêmes? Temps de latence Temps de préparation de l’envoyeur + temps de vol + (taille du message) / (bande passante) + temps de réception. Élimination apparente de la latence (latency hiding) Comment minimiser l’impact de la latence? Impact au niveau du logiciel
Limites de la programmation parallèle Loi de Amdahl: Speedup = 1 _____________ Fraction(améliorée) + (1 - Fraction(améliorée) Speedup(amélioré) Soit un speedup désiré de 80 avec 100 processeurs. Quelle portion de l’application peut être séquentielle? Fraction(parallèle) = 0.9975 --> 0,25% maximum peut être séquentielle
Limites de la programmation parallèle (II) Importance de la latence: Dans les machines parallèles d’aujourd’hui, l’accès à de l’information sur un autre processeur peut prendre entre 50 et 10,000 coups d’horloge. Soit une machine qui prend 2,000 ns pour un accès mémoire à distance, une horloge de 10 ns, et un CPI de base de 1.0. Quelle est l’impact sur le CPI si 0,5% des instructions font un accès mémoire à distance? Accès à distance = 2,000 / 10 = 200 coups d’horloge CPI = 1.0 + 0,5% X 200 = 2.0
Les systèmes à mémoire partagée centralisée Dans ce qui suit, nous allons maintenant étudier comment faire un système parallèle MIMD qui utilise de la mémoire partagée centralisée
La cohérence de la mémoire – qu’est-ce que c’est? Comme pour les uniprocesseurs, il est essentiel pour la performance des multiprocesseurs que le temps d’accès à la mémoire soit raisonnable L’utilisation de mémoire cache est donc encore de première importance Puisqu’on est en présence de plusieurs machines, il se peut qu’une adresse mémoire utilisée par une machine « A » soit modifiée par une machine « B ». Il faut s’assurer que les données gardées dans les mémoires caches soient les mêmes pour tous les processeurs. C’est ce qu’on appelle la « cohérence » de la mémoire
Exemple du problème de cohérence de cache Temps Événement Cache du CPU A Cache du CPU B Contenu de la mémoire, adresse « X » 1 CPU A lit X 2 CPU B lit X 3 CPU A écrit 0 dans X
Définition de la cohérence de la mémoire Définition 1: Chaque lecture de la mémoire retourne la valeur écrite le plus récemment Cette définition traite de 2 concepts: La cohérence (est-ce que la lecture retourne la bonne valeur) La consistence (quand est-ce qu’une valeur écrite devient visible?)
Définition de la cohérence La mémoire est cohérente si: Un read par le processeur P à l’adresse X qui suit un write à l’adresse X par le processeur P, sans qu’il n’y ait eu d’écriture par d’autres processeurs, retourne toujours la valeur écrite par P Un read par P à l’adresse X qui suit un write par Q à l’adresse X retourne la valeur écrite par Q si les 2 événements sont assez distants dans le temps Les écritures au même endroit sont sérialisées Les écritures par deux processeurs P et Q à l’adresse X sont vues dans le même ordre par tout processeur du système
Fonction de la mémoire cache La mémoire cache a deux fonctions: La migration: On transporte les valeurs dans la mémoire cache locale pour diminuer le temps d’accès La réplication: Lorsqu’une donnée est modifiée, toutes les caches qui la détiennent doivent être infformées
Dans un système à multiprocesseur, comment connaître l’état des différentes caches? Il existe deux classes de protocoles de cohérence de cache: Basé sur un répertoire (directory based): l’état de partage des adresses de la mémoire est conservé dans un endroit unique, le directory Basé sur l’espionnage (snooping): chaque mémoire cache est branchée sur un bus de mémoire commun, et écoute continuellement ce qui se passe
Architecture possible des multiprocesseurs Mémoire partagée centralisée (UMA) Mémoire distribuée Espace d’adressage unique (NUMA) Basée sur l’espionnage (bus) Cohérence de la mémoire cache Basée sur un répertoire
Méthodes de maintient de la cohérence Il y a deux façons de s’assurer de la cohérence des caches: Obtenir l’accès exclusif de l’adresse mémoire visée Mettre à jour les autres copies L’usage exclusif de la mémoire est appelé le protocole d’écriture invalidante (write invalidate protocol). Le principe est le suivant: suivant l’écriture d’une donnée, toutes les autres copies de cette donnée sont marquées comme étant invalides. La mise à jour des autres copies est appelée le protocole d’écriture et mise à jour (write update protocol, aussi appellé write broadcast protocol). Ici, chaque écriture est suivie de messages de mises à jour pour les autres versions de la même donnée.
Architecture possible des multiprocesseurs Mémoire partagée centralisée (UMA) Basée sur l’espionnage (bus) Cohérence de la mémoire cache Write invalidate protocol Write update protocol
Méthodes de maintient de la cohérence (II) Les deux protocoles d’opération ont des caractéristiques différentes qui infuencent leur performance: Dans le cas d’écritures multiples au même espace mémoire, sans lecture intermédiaire: Le protocole de mise à jour utilisera de multiples appels aux autres machines Le protocole d’usage exclusif n’utilisera qu’un seul accès d’invalidation. Il est possible de regrouper les mots mémoire pour le protocole d’usage exclusif, et ainsi diminuer le nombre d’invalidations nécessaires lors d’écriture à des adresses adjacentes (on invalide toute un bloc de mémoire) Cette possibilités n’existe pas pour le protocole de mise à jour.
Méthodes de maintient de la cohérence (III) Le délai nécessaire entre l’écriture d’une donnée et sa lecture sur une autre machine est habituellement plus petit avec un protocole de mise à jour Le protocole d’usage exclusif est maintenant le plus utilisé dans les machines multiprocesseurs
Implémentation du protocole d’usage exclusif Comment réaliser ce protocole? Sur un multiprocesseur à petite échelle, on utilise le bus comme moyen privilégié de synchronisation. Pour pouvoir écrire dans la mémoire, un processeur doit d’abord obtenir le contrôle du bus. Ensuite, l’adresse de la mémoire modifiée est envoyée sur le bus. Tous les autres processeurs sont continuellement à l’écoute. Si une écriture est faite à une adresse mémoire qui est dans leur cache, cette adresse est invalidée.
Implémentation du protocole d’usage exclusif (II) Pour la lecture, s’il y a un “cache miss”, le processeur va demander la donnée sur le bus. Ici, il y a 2 possibilités: Si la mémoire centrale est continuellement mise à jour (write-through), alors elle peut fournir la valeur demandée. Si au contraire on utilise l’écriture avec délai (write-back), il se peut que ce soit un processeur qui détienne la valeur la plus récente. Pour ce type de machine, les processeurs doivent écouter le bus pour la lecture aussi, et fournir la valeur demandée en interrompant la lecture de la mémoire centrale.
Architecture possible des multiprocesseurs Mémoire partagée centralisée (UMA) Basée sur l’espionnage (bus) Cohérence de la mémoire cache Write invalidate protocol Write update protocol Write-through (mémoire centrale) Write-back (mémoire centrale)
Implémentation du protocole d’usage exclusif (III) On peut ajouter de l’information dans la mémoire cache locale pour améliorer le rendement du système (write-back). On utilise alors un bit de partage: Lors de l’écriture d’une adresse mémoire, on met le bit de partage à 0. Lors d’écritures subséquentes, on n’informe personne de l’écriture si le bit de partage est toujours à 0. Si un autre processeur lit cette adresse mémoire, le bit de partage est mis à 1, et une écriture subséquente va donc générer une invalidation. Note: comment permettre l’accès efficace de la mémoire cache à la fois par le processeur et par le système de surveillance du bus? On peut tout simplement dédoubler l’information de partage. Une façon de faire est d’utiliser des caches multi-niveaux.
Protocole « write-invalidate »
Protocole « write – invalidate » unifié
Architecture possible des multiprocesseurs Mémoire partagée centralisée (UMA) Mémoire distribuée Espace d’adressage unique (NUMA) Espace d’adressage privé (multi-ordinateurs) Basée sur l’espionnage (bus) Cohérence de la mémoire cache Basée sur un répertoire Write invalidate protocol Write update protocol Write-through (mémoire centrale) Write-back (mémoire centrale)
Gestion de la mémoire pour des machines à beaucoup de processeurs Lorsqu’on désire utiliser beaucoup de processeurs, la méthode de mémoire partagée centralisée ne fonctionne plus: les délais deviennent trop importants Solution: utiliser de la mémoire partagée distribuée Problème (toujours le même): cohérence des mémoires cache. Solution possible: on défend d’utiliser de la mémoire cache pour les données partagées! C’est la solution adoptée entres autres par le Cray T3D. Chaque nœud possède une mémoire cache uniquement pour ses données privées (locales).
Problème de cohérence de cache pour des machines à beaucoup de processeurs Solution possible: gestion logicielle (simplifie le matériel), mais… Pas de mécanismes efficaces pour « passer » le problème au compilateur, et faire gérer le problème de cohérence sans l’intervention du programmeur On ne peut accéder à des adresses adjacentes de façon efficace. Meilleure solution: utiliser un système matériel qui assure la cohérence des caches
Mémoire partagée distribuée: le répertoire, un protocole plus efficace que l’espionnage Au lieu de faire de l’espionnage (snooping), du bus de connexion des processeurs, on peut utiliser un répertoire qui indique l’état de la mémoire. En particulier, le répertoire peut indiquer l’état de chaque bloc de mémoire qui peut se retrouver dans la mémoire cache. On y indique par exemple quelles mémoires cache ont des copies de quels blocs de mémoire, et si la mémoire a été modifiée (dirty bit) ou non.
Mémoire partagée distribuée: le répertoire Problème avec le répertoire: La quantité d’information à emmagasiner est proportionnelle au nombre de blocs de mémoire multiplié par le nombre de processeurs. Pour plus de 100 processeurs, on peut avoir un problème d’espace requis pour le répertoire… Autre problème: le répertoire lui-même peut devenir le goulot d’étranglement (trop de requêtes). Solution: Le répertoire lui-même peut être distribué de concert avec la mémoire
Système multiprocesseur à répertoire distribué
Protocole de répertoire simple Pour fonctionner correctement, le système doit pouvoir gérer 2 types d’opérations: Les lectures manquées (« read miss ») Les écritures dans un bloc de mémoire partagée Pour ce faire, le répertoire doit contenir l’information suivante pour chaque bloc de mémoire: Mémoire partagée (un ou plusieurs processeurs utilisent ce bloc mémoire, qui est à jour) Mémoire non en cache (aucun processeur n’utilise une copie de ce bloc mémoire) Mémoire exclusive ( un et un seul processeur utilise ce bloc, qui a été écrit et donc qui n’est plus à jour) Il faut savoir quels processeurs utilisent le bloc mémoire s’il est partagé. On peut utiliser un vecteur de bits par bloc mémoire pour gérer cette information
Protocole de répertoire simple (2) On suppose que la machine contient un grand nombre de processeurs. Il n’est plus possible d’utiliser le bus pour résoudre les problèmes d’accès simultanés. De plus, on suppose que la communication se fait de point à point (pourquoi?)
Protocole d’utilisation de répertoire
Protocole d’utilisation de répertoire