QCD et la transition de phase La physique des ions lourds ultra relativistes Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Motivation La propriété de liberté asymptotique de QCD implique qu’à suffisamment petite distance ou grand moment transféré la dynamique des quarks et gluons est décrite par un couplage faible : Formation d’un plasma de quarks et de gluons à haute température, Test de l’interaction forte à l’échelle QCD (T » LQCD = 200 MeV ; e > GeV/fm3 ). La dynamique de QCD brise spontanément la symétrie chirale : Restauration de s, Origine de la masse des hadrons. A petite valeur de Bjorken-x (< 10-4), la fonction de distribution des gluons dans le nucléon et le noyau est saturée : Nouvelle forme de matière : couplage faible, champ de couleur fort, QCD dans le régime classique, étude des aspects non linéaires de QCD. Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
L’approche empirique Créer, par collisions d’ions lourds, de la matière à haute température (T > 1012 K) et densité d’énergie (e > 1 GeV/fm3) dans un volume macroscopique. Étudier la dynamique du système : Équilibre chimique, thermique ? Équation d’état, transition de phase ? Degrés de liberté : hadrons ou partons ? En variant les paramètres de contrôle : T(s, b), V(A, b) Propriétés de la voie d’entrée, II, IF : p+p : collision élémentaire dans le vide ; p+A : modification nucléaire dans l’état initial et final ; O(A+A) = O(SN+N) + (phénomènes cohérents). Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Thermodynamique température pression glace vapeur liquide point critique point triple H2O 100°C 0°C 760mm Transition de phase signalée par une discontinuité dans la variation des paramètres thermodynamiques : 1er ordre : discontinuité dans DS, DV, (dérivé 1 de fonction thermodynamique), chaleur latente, coexistence de phases; 2ème ordre : discontinuité dans Cp,kT (dérivé 2 de fonction thermodynamique) ; Au-delà du point critique, plus de discontinuité (crossover) : les variables thermodynamiques varient rapidement. Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Thermodynamique de la matière nucléaire Paramètres de contrôle : Température (T[MeV]) Énergie (e[MeV/fm3]) Potentiel chimique baryonique (mB[MeV]) ou densité baryonique (r[baryons/fm3]) Potentiel thermodynamique : W(T,V,m) = E-TS-mB (grand potentiel) B: nombre baryonique r(T,m) = B/V : densité baryonique (dépend de EOS) Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Diagramme de phase de la matière nucléaire LHC RHIC SpS Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
QCD régime non perturbatif QCD sur réseau mB = 0 : température de la transition Limite Stefan-Boltzmann pour un gaz de particules libres 2 saveurs : mu = md 3 saveurs : mu = md = ms 2+1 saveurs : mu = md ms > mu,d saveurs lourdes µ exp(-mc,b,t/T) Karsch et al. N.P. B605 (2001) 579 Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
QCD régime non perturbatif QCD sur réseau mB = 0 : T > 3Tc ~ gaz parfait Limite Stefan-Boltzmann pour un gaz de particules libres 2 saveurs : mu = md 3 saveurs : mu = md = ms 2+1 saveurs : mu = md ms > mu,d saveurs lourdes µ exp(-mc,b,t/T) Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
QCD régime non perturbatif QCD sur réseau mB = 0 : symétrie chirale 0LR + RL0 0 Nombre de paires qq par unité de volume dans le vide QCD L exp(-fq/T) ; fq énergie libre Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
QCD régime non perturbatif Augmentation rapide de e(T) à Tc » constante Changement de phase sans discontinuité Tc=173 ± 15 MeV, ec = 0.7 – 3 GeV/fm3 Stable avec le nombre de saveurs T < 3Tc (RHIC) ~ 50% de SB T >> Tc (LHC) gaz parfait de quantas QCD (as ~ 0) Symétrie chirale restaurée à même Tc mB 50 MeV influe peu sur la valeur de Tc Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
20 ans d’exploration expérimentale Collisions relativistes d’ions lourds LHC (2007)) 5500 GeV RHIC (2000) 200 GeV SPS (1990) 18 GeV AGS (1980) 2 GeV Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
20 ans d’exploration expérimentale Ordre de la transition : mB ~ 0 : sans discontinuité mB > ? : 1er ordre (GSI/CBM) Points expérimentaux: conditions thermodynamiques au moment du gel des interactions entre hadrons Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
L’ère des collisionneurs Plus chaud et B 0 (QCD/réseau), Plus dense (gaz parfait de quanta QCD) , Dans un volume plus important, Plus longtemps, Nouvelles sondes: jets, g, Q, Z, W Un domaine en x inexploré (QSA1/3/xd, CGC) <0.2 ~0.5 ~1 t0 (fm/c) 4-10 1.5-4.0 <1 tQGP (fm/c) 2x104 7x103 103 Vf(fm3) 15-40 3.5 2.5 e (GeV/fm3) 3-8 x103 650 500 dNch/dy 5500 200 17 s(GeV) LHC RHIC SPS Central collisions ALICE Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Dynamique de la collision Gel des collisions à Tf; rB 0 à y1 y rB -1 +1 Hadronization par création qq rB= 0 à y=0 Thermalisation des partons libérés pz pT Libération de partons dans collisions inélastiques NN Noyaux aplatis par la contraction de Lorentz Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Les sondes Sondes molles formées par hadronisation : p, K, p, n, f, L, D, X, W, …. Uniquement après gel des collisions inélastiques (chimique), élastique (thermique) Sondes de la phase thermalisée : Photons réels (g) et virtuels (e+e-, m+m-) Etats liés des quarkonia Sondes dures de la phase initiale : Photons réels (g) et virtuels (e+e-, m+m-) Partons (q, g) diffusés à grand pT (jets) Saveurs lourdes Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Evolution spatio-temporelle de la collision K f Gel thermique t 100 fm/c Tf 100 MeV L m QGP t 0.5 fm/c g e jet Pre-équilibre Temps g e Hadronisation t 5 fm/c Gel chimique; Tc 170 MeV Expansion espace A Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Les observables Caractéristiques globales de l’état formé Mcharge(b), dN/dh, ET(b), B/B . Thermalisation ? Anisotropie azimutale Spectre en impulsion transverse Diagnostique de l’état formé Sondes pénétrantes Degré de cohérence, densité d’énergie, dynamique de formation. Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Collision centrale Au+Au à sNN = 130 GeV STAR Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
60 << 62 Une collision : Pb+Pb @ 5.5 TeV dN/dy = 8,000 Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Multiplicité: nombre de particules chargées Multiplicité moyenne par événement évolue monotonement avec s de SpS à RHIC (5.000 @ 120 GeV, 6.200 @ 200 GeV) ! Production de particules augmente plus rapidement que la loi d’échelle du nombre de participants : Effets de milieu cohérents ? Processus mous (Nparticipants) + durs Ncollisions ? Propriétés de la voie d’entrée (saturation des gluons) ou dynamique dans l’état final ? s LHC = 27,5 * s RHIC : extrapolation hasardeuse (1500-6000) Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Rapidité : dynamique de la collision 0-5% 5-10% 10-20% BRAHMS Au+Au @ sNN = 200 GeV hfaisceau = ± 6 Production à mi-rapidité forme un plateau : invariance par transformation de Lorentz (limitée à |h| < 2) ~ Conforme avec une expansion hydrodynamique longitudinale (modèle de Bjorken) Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Energie transverse : densité d’énergie initiale Bjorken pR2 2ct0 e (t=t2-z2) = 1/(2ct0) pR2 dEt/dhh=0 e = 5.5 GeV/fm3 Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Energie transverse : densité d’énergie initiale e = 5.5 GeV/fm3 RHIC De la matière est formée au-delà des conditions critiques Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
p et p : origine des baryons BRAHMS 1.01 ± 0.04 0.95 ± 0.05 0.75 ± 0.04 A mi-rapidité (y=0) la plupart (75%) des protons (anti-protons) sont créés par la collision : les noyaux ne sont pas encore transparents; le milieu n’est pas exempt de B ; mb 0. Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
p et p : origine des baryons Le rapport protons sur anti-protons approche l’unité quand s augmente : B = 0, comme il y a quinze milliards d’années ! Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Equilibre thermique : spectres en impulsion transverse Distribution de Maxwell-Boltzmann (Tgel) modifiée par l’expansion radiale (bT) de la source : énergie cinétique plus importante pour les particules plus massives. Tgel (fin des diffusions élastiques) = 110-120 MeV, <bT >=0.5-0.6. 4 expériences et résultats identiques. Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Equilibre chimique : production relative des hadrons Les hadrons sont en équilibre chimique (fin des diffusions inélastiques) à une température qui tend asymptotiquement vers ~175 MeV (SpS T = 165 MeV) Le potentiel baryonique chimique décroit avec s (mB = 270 MeV @ 18 GeV, 29 MeV @ 200 GeV) Tc = 175 MeV !!! Formation explosive des hadrons ? Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Et après ? avant ? Rechercher des traces de l’état initial dans l’état final : Écoulement collectif Distillation d’étrangeté Fluctuations Exploiter des sondes produites dans l’état inital (processus durs) : Atténuation des jets Cassure des états des quarkonia (J/, ) Quarks lourds (c, b) Energie transverse totale Les hadrons sont formés Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Un baromètre de l’état initial x z y Anisotropie spatiale dans l’état initial, Par interaction des constituants s’établit un gradient de pression. Expansion transverse rend le système isotrope. L’anisotropie spatiale est transmise à la distribution en impulsion des hadrons dans l’état final (écoulement collectif). S I S I temps Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Écoulement elliptique y hadron Détermination du plan de la réaction, Distribution de l’angle azimutal, L’intensité de l’anisotropie est mesuré par le 2ème coefficient du développement de Fourier F = atan(py/px) x Hydrodynamique central STAR Anisotropie en impulsion suit l’anisotropie spatiale (b) Amplitude sature les prédictions des modèles hydrodynamiques : Équilibre thermique atteint très tôt, T > Tc Suivi d’une expansion hydrodynamique.et hadronisation Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Hadrons de grand pT : jet ? 99.5% Quasiment toutes les particules produites à petit pT dans le secteur non-perturbatif A grand pT, apparition des jets (particules dominantes de la fragmentation) : diffusion élastique de partons à grand Q2. Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Identification des jets Collision Au+Au (jet?) Jet dans collision e+e- Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Corrélation azimutale des hadrons Les jets sont visibles ! Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Perte d’énergie des q,g dans le milieu hadrons Particule dominate Particule dominante Observables : perte d’énergie des particules dominantes désalignement des jets opposés Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
L’observable Section efficace nucleon-nucleon <Nbinaire>/sinelp+p AA AA Normal : RAA < 1 secteur non-perturbatif RAA = 1 à grand pT , processus durs Suppression : RAA < 1 à grand pT dur AA mou Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Perte d’énergie des particules dominantes Origine(s) : ralentissement des partons dans champ de couleur shadowing nucléaire de PDFnucléaire modification Dzmilieu Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Perte d’énergie des particules dominantes SPS RAA 1 : effet nucléaire dans l’état final (effet Cronin) Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Désalignement des jets opposés near side away side peripheral central Suppression des corrélations opposées par rapport à pp : jet quenching ? Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Effets nucléaires d+Au sNN = 200 GeV : p0 (h++h-)/2 d+Au sNN = 200 GeV : La suppression observée dans Au+Au n’est pas due à un effet nucléaire. Augmentation interprétée par interactions dans l’état initial (effet Cronin). p0 PHENIX préliminaire Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Hadrons de fragmentation Jets au LHC 30-50 GeV 50-80 GeV pT > 2 GeV/c 80-120 GeV 120-170 GeV Hadrons de fragmentation 170-230 GeV 230-330 GeV Fond sous-jacent 330-440 GeV 440-600 GeV Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Grand pT augmentent plus rapidement que le fond thermique jet g Collision axis Jets au LHC Grand pT augmentent plus rapidement que le fond thermique Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Nouvelle énergie implique potentiel de découverte. pp & pA avec ALICE ALICE exploitera ses atouts : Identification des particules sur une large gamme en impulsion, Détermination avec une bonne résolution (< 10%) de l’impulsion entre 100 MeV/c et 100 GeV/c, Identification des vertex secondaires (d < 100 mm). Pour : Des données de référence pour la compréhension de AA (pp vide QCD, pA milieu QCD froid), Événement sous-jacent, « bruit de fond » des processus durs rares, Fonctions de structure dans un domaine inexploré de Bjorken-x. Nouvelle énergie implique potentiel de découverte. Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
pp & pA : données de référence Liste non exhaustive : Multiplicité PDF, shadowing, saturation à petit x, Fonction de fragmentation perte d’énergie des partons dans le milieu, Spectre en pT effets collectifs (écoulement transverse), Taux relatif de production des hadrons : interactions dans l’état final, équilibre chimique, Calibrer toutes les sondes : étrangeté, quarks lourds, quarkonia, di-leptons, photons Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
La physique accessible 14 TeV Luminosité limitée à 1030 cm-2s-1 (empilement dans TPC) 10 mois en mode pp (107 s) Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
PDF et PDFnucléaire à petit x Production de photons, quarks lourds et quarkonia dominée par PDF des gluons. Saturation des gluons (QSA1/3/xd) nouvel état de la matière : couplage faible, champ de couleur intense, dynamique non-linéaire (régal des théoriciens !) Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz
Conclusion Au SpS, « un nouvel état de la matière a été formé à haute densité d’énergie et qui présente les caractéristiques d’un plasma de quarks et de gluons » Au RHIC, l’annonce de la découverte du plasma de quarks et de gluons ne va pas tarder. De la matière hadronique est formée en équilibre chimique à Tchimique ~ 175 MeV, les collisions sont gelées à Tgel ~ 100 MeV, et se dilate avec une vitesse transverse égale à 55% de la vitesse de la lumière. Les gradients de pression, responsables de l’expansion hydrodynamique, se développent très vite après le début de la collision. La matière initiallement formée est en équilibre thermique et elle est opaque. Au LHC, les conditions seront réunis pour l’étude optimale d’un gaz parfait de quanta QCD. ALICE se trouvera au carrefour de la physique nucléaire, la physique hadronique et la physique des particules. Grenoble 5 Juin 2003 Yves Schutz