PHARMACOLOGIE DES ANTIDEPRESSEURS 1 Marie-Clémence Verdier, Service de Pharmacologie DFGSM2, UE 20 Système Neurosensoriel 2018-2019
INDICATIONS Episode dépressif caractérisé, selon définition DSM-5 ou CIM-10 Trouble de l'humeur marqué par de la tristesse pathologique et le ralentissement psychomoteur et durant plus de 2 semaines. Mais aussi (AMM pour certains) Troubles anxieux (HAS 2006) Les phobies sociales Les troubles obsessionnels-compulsifs (T.O.C) Les attaques de panique L’anxiété généralisée Troubles du comportement alimentaire Certaines douleurs chroniques (neuropathies) L’énurésie chez l’enfant
L’épisode dépressif caractérisé = modification pathologique de l’humeur, Constellation de symptômes, variables : tr affectivité, ralentissement psychomoteur/agitation + idéations suicidaires; fatigue; tr sommeil; tr appétit; tr cognitifs … 11% ♂, 22% ♀ (prévalence vie entière) Associé à risque suicidaire majeur A tout âge (1er épisode souvent ≤30 ans) Quel que soit contexte social, ethnique, éducatif Coûts importants directs et indirects 30 à 50% des TS font suite à épisode dépressif Perturbation affectivité : dévalorisation, culpabilité, anhedonie Tr psychomot/agitation : ralentissement idées, rumination + ralentissement mvts, discours
NEUROBIOLOGIE DE LA DEPRESSION Plusieurs hypothèses, peu de certitudes. Baisse de l’activité des systèmes de neurotransmission monoaminergique (années 60) - noradrénergique - sérotonergique - dopaminergique Mode d’action de tous les médicaments antidépresseurs (stimulation) Simpliste, mais pas mieux pendant 40 ans Aujourd’hui : pathologie de la plasticité neuronale et de la résilience cellulaire, rôle des facteurs trophiques (Brain-derived Neurotrophic factor BDNF), rôle de la neurogénèse dans l’hippocampe; rôle des neuro- hormones (cortisol) La région hippocampique echange des informations avec les structures limbiques, incluant le cortex pré-frontal et l'amygdale, qui régulent l'humeur ainsi que les fonctions cognitives. L'altération de la neuroplasticité entre ces différentes aires cérébrales semble jouer un rôle primordial dans l'initiation et la maintenance de la symptomatologie dépressive ainsi que dans la vulnérabilité des patients face à des événements de vie stressant.
UN (tout petit) PEU D’HISTOIRE 1930 : électrochocs, efficaces et toujours utilisés aujourd’hui (sismographie) 1951 : iproniazide, antituberculeux «améliorant l’humeur», lié à un effet IMAO 1957 : imipramine, dérivé de la chlorpromazine, mauvais neuroleptique, mais succès ++ dans la mélancolie Découvertes fortuites 55
Classification pharmacologique 1/ Les inhibiteurs de recapture Les antidépresseurs tricycliques ou imipraminiques (1ère génération) Inhibiteurs non spécifiques de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine imipramine (IRN > IRS) Tofranil® 1962 amitriptyline (IRN > IRS) Elavyl®, Laroxyl® 1963 clomipramine (IRS > IRN) Anafranil® 1967 amoxapine (IRN>> IRS) Défanyl® 1988 dosulépine (IRN, IRS) Prothiaden® 1984 doxépine (IRN>> IRS) Quitaxon® 1972 trimipramine (IRN > IRS) Surmontil® 1961 Apparentés (tétracycliques) maprotiline (IRN>> IRS) Ludiomil® 1974
Classification pharmacologique Les antidépresseurs tricycliques ou imipraminiques (1ère génération) Propriétés pharmacologiques principales : Inhibition de la recapture - de la noradrénaline - de la sérotonine Propriétés pharmacologiques latérales : Antagonisme des récepteurs histaminergique (H1) cholinergique (muscarinique, M1) adrénergique ( effets indésirables Indications : dépression + énurésie, TOC, algies rebelles
Classification pharmacologique Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRSS ou SSRI) Traitement de 1ère intention en ambulatoire, les + prescrits, mieux tolérés fluvoxamine Floxyfral® 1986 fluoxétine Prozac® 1989 paroxétine Déroxat® 1992 citalopram Séropram® 1994 sertraline Zoloft® 1996 escitalopram Séroplex® 2002 Le seul vraiment sélectif : le citalopram
Classification pharmacologique Les propriétés pharmacologiques latérales concourent à l’effet thérapeutique, ou peuvent être à l’origine des effets indésirables. Elles expliquent le profil particulier de chaque molécule Stahl SM, Psychopharmacologie essentielle, Médecine-Sciences, Flammarion
Classification pharmacologique Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) Dits « dual », bloquent les deux transporteurs, plus efficaces que les inhibiteurs spécifiques milnacipran Ixel® 1996 venlafaxine Effexor® 1994 duloxetine Cymbalta® 2007 Pas d’affinité pour les récepteurs cholinergiques, histaminergiques, dopaminergiques, adrénergiques (?) Mêmes mécanismes mais autres indications : Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline (IRN) atomoxétine Strattera® (développé pour l’hyperactivité de l’enfant) Les inhibiteurs de la recapture de la dopamine et de la noradrénaline (IRND) bupropion Zyban® 2001 (sevrage tabagique uniquement) TDAH ; tr déficitaire de l’attention, avec ou sans hpyeractivité
Classification pharmacologique 2/ Les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) Irréversibles, non sélectifs (IMAO-A+B) (inhibition dure 15 j environ) Plus beaucoup utilisé, efficace mais maniement délicat, interactions, effets indésirables ++ iproniazide Marsilid® 1959 Réversibles, sélectifs IMAO-A moclobémide Moclamine® 1990 Plus efficaces aux doses où ils perdent leur sélectivité
Classification pharmacologique 3/ Les atypiques, qui agissent directement sur des récepteurs antagonisme des récepteurs 2 pré-synaptiques inhibiteurs + effet antagoniste 5-HT2A, 5-HT2C, 5-HT3 et H1 = conséquence principale [5-HT] et [ NA] moins d’EI agitation, anxiété, mais sédation ++ miansérine Athymil® 1978 tianeptine Stablon® 1987 mirtazapine Norset® 1997 Action sur récepteurs à la mélatonine: agoniste MT1 et MT2, antagoniste 5- HT2C agomélatine Valdoxan® 2010
MECANISMES D’ACTION :
MECANISMES D’ACTION : mirtazapine 3 2 1 4 Blocage recepteurs alpha2-adré pré-synaptiques des fibres noradré augmentation libé NA dans fente synaptique stimulation des récept sur fibres serotoninergiques libé 5-HT dans fente synaptique stimulation recept 5-HT1 post-syn + pptés anti 5-HT2 et 5-HT3 + effet anti-H1 5
LE DELAI D’ACTION DES ANTIDEPRESSEURS Observation clinique : Il faut au moins un délai de deux semaines pour qu’un traitement antidépresseur agisse down-regulation Activation synthèse BDNF 2 1
MECANISMES D’ACTION CHRONIQUE CREB : c-AMP Response Element Binding protein BDNF : Brain-Derived Neurotrophic Factor
LES EFFETS INDESIRABLES 1/ Prévisibles, liés aux effets pharmacologiques, principaux ou latéraux Liés aux effets thérapeutiques recherchés ( NA, 5-HT) - réactivations anxieuses ou délirantes - inversion de l’humeur, voire état maniaque - majoration du risque suicidaire par levée de l’inhibition (majoré chez le jeune?) - syndrome sérotoninergique (IRSS en association) - paroxysmes hypertensifs : « cheese effect » ou interactions médicamenteuses (IMAO non sélectifs) - abaissement du seuil épileptogène - prise de poids - dysfonctionnements sexuels Liés à la stimulation de certains récepteurs sérotonergiques - 5-HT3 troubles gastro-intestinaux, nausées, vomissements - 5-HT2 agitation, akathisie, troubles du sommeil Cheese effetc: du à potentialisation de l’effet de la tyramine apportée par l’alimentation (tyramine formée par IMAO)
Le syndrome sérotoninergique Manifestations cognitivo-comportementales Manifestations neuromusculaires Manifestations neuro-végétatives
Le syndrome sérotoninergique Manifestations cognitivo-comportementales Anxiété, impatience Irritabilité, agitation Confusion, troubles mnésiques État hypomane, hallucinations
Le syndrome sérotoninergique Manifestations cognitivo-comportementales Manifestations neuromusculaires Tremor Myoclonies Akhatisie Tr de la coordination Hyperreflexie, tonus musculaire Clonies oculaires (oscillations) Manifestations neuro-végétatives
Le syndrome sérotoninergique Manifestations cognitivo-comportementales Manifestations neuromusculaires Manifestations neuro-végétatives: Sudation Hyperthermie (jusqu’à >40°C) Tachycardie, HTA Nausées ou vomissements, diarrhées
Le syndrome sérotoninergique Manifestations cognitivo-comportementales Manifestations neuromusculaires Manifestations neuro-végétatives: Si évolution défavorable : hyperthermie ++, défaillance multiviscérale; hypotension et état de choc; coma; acidose lactique, IH, IR, CIVD…
Le syndrome sérotoninergique Manifestations cognitivo-comportementales Manifestations neuromusculaires Manifestations neuro-végétatives Si évolution défavorable Diagnostic différentiel Delirium tremens Syndrome malin des neuroleptiques (syndro extrapyramidal hypertonie, bradykinésie) Hyperthermie maligne induite par les anesthésiques gazeux halogénés (uniquement si anesthésie) Syndrome anticholinergique (peau et muqueuse sèches)
LES EFFETS INDESIRABLES Liés aux propriétés anticholinergiques - syndromes confusionnels (sujets âgés) - sécheresse buccale - constipation - mydriase - rétention urinaire - effets cardiovasculaires : arythmies, troubles de la conduction, tachycardies : risque létal en cas de surdosage
LES EFFETS INDESIRABLES Liés aux effets antihistaminiques - sédation - prise de poids Liés aux effets 1 adrénolytiques - hypotension orthostatique - tachycardie réflexe 2/ Non prévisibles Hépatites cytolytiques graves (iproniazide)
CONTRE-INDICATIONS La prescription d’un imipraminique est contre indiquée en cas de glaucome par fermeture de l’angle d’hypertrophie prostatique d’insuffisance cardiaque d’antécédents cardiovasculaires L’association IRS-IMAO est formellement contre indiquée (syndrome sérotoninergique) IMAO : C-I avec anesthésiques, les tricycliques PRECAUTIONS D’EMPLOI Virage maniaque Patients épileptiques
L’INTOXICATION AIGUE La dépression est une pathologie potentiellement mortelle (15 % de suicides réussis) = idées suicidaires + médicaments dont le surdosage est mortel (imipraminiques et IMAO) Le surdosage en tricycliques est particulièrement sérieux et provoque : Troubles neurologiques - troubles de la conscience, coma - convulsions - signes pyramidaux Troubles cardiaques ++ - troubles du rythme - troubles de la repolarisation - troubles de la conduction déficit circulation cérébrale Signes pyramidaux: hypertonie spastique, perte mouvements fins, perte reflexes osteo-tendineux, Chute brutale tension
CHOIX D’UN ANTI-DEPRESSEUR Pas de différence d’efficacité entre les différentes classe, en ambulatoire. 1ère intention : ISRS, IRSN ou « atypiques » car mieux tolérés. 2è ou 3è intention : IMAO Épisodes avec caractéristiques psychotiques (mélancolie délirante …) asso. antidép + antipsychotique Délai d’apparition de l’amélioration des symptômes : quelques jours pour l’anxiété et le sommeil 1 à 2 semaines pour le ralentissement psychomoteur et les idées suicidaires 2 à 4 semaines pour l’humeur proprement dite. Si ttt inefficace : s’assurer de la bonne observance augmenter la posologie (+/- vérifier concentration) vérifier les interactions médicamenteuses changer de classe
Inhibiteurs du Recaptage de la Sérotonine Effets digestifs . Classe ou molécule Nature de l'effet Gravité Fréquence Pour en savoir plus Inhibiteurs du Recaptage de la Sérotonine Effets digestifs . Nausées, vomissements et à un moindre degré constipations Anorexie + Insomnie Céphalées Accès hypersudatifs Baisses de la libido ++ Syndrome de sevrage rare Règle de la décroissance posologique lorsqu'on envisage d'arrêter le traitement Syndrome sérotoninergique Association d'un ensemble de symptômes d'ordre digestifs , végétatifs, moteurs, neuropsychiques Elévation de la pression artérielle Oedème de Quincke +++
Classe ou molécule Nature de l'effet Gravité Fréquence Pour en savoir plus Inhibiteurs de la MonoAmine Oxydase Hypotension orthostatique ++ fréquente Accès hypertensifs soudains rare En cas de prise alimentaire de tyramine Hypotension provoquant des vertiges et évanouissements Survient après un changement postural Syndrome sérotoninergique + Après administration d’un IMAO et d’un médicament sérotoninomimétique direct ou indirect Gain pondéral Dysfonctionnement sexuel Survenue d’épisodes maniaques Inhibiteurs du recaptage de la Sérotonine et de la Noradrénaline Nausées +++ Vertiges Somnolences Vomissements Tremblements Hypersudation Troubles de l’érection
Antagonistes alpha 2-noradrénergiques Prise de poids ++ . Classe ou molécule Nature de l'effet Gravité Fréquence Pour en savoir plus Antagonistes alpha 2-noradrénergiques Prise de poids ++ . Somnolence + Dans les premières semaines du traitement (antagonisme H1) Effet sédatif Hypotension orthostatique Accès maniaque Convulsions Tremblements Myoclonies Oedèmes Avec prise de poids associée Exanthème rare Sécheresse de la bouche Arthralgie Avec prise de mirtazapine
Manifestations neurologiques . assez fréquentes tableau 4 Classe ou molécule Nature de l'effet Gravité Fréquence Pour en savoir plus Imipraminiques Manifestations neurologiques . assez fréquentes tableau 4 Hypotension liée ++ + Action au niveau sympathique Sueurs abondantes Surtout nocturne Sécheresse de la bouche +++ Effet atropinique Troubles gengivodentaires rare Tachycardie et une arythmie prolongation de QT, surveillance ECG surtout si antécédent Effets gastrointestinaux pouvant aboutir à un véritable iléus paralytique Troubles génito-urinaires Diminution de la libido Perte de l'érection Troubles de la vison
Classification clinique Classification pharmacologique Classe Molécules Classification clinique Classification pharmacologique effets latéraux anticholinergiques effets latéraux antihistaminiques effets latéraux α-adrénolytiques Imipraminiques (tricycliques) amitriptyline sédatifs non spécifiques 5HT>NA ++ surtout sur les 1ers tricycliques (amitriptyline) ++ doxépine maprotiline spécifiques Naq imipramine intermédiaires + clomipramine ISRS citalopram spécifiques 5HTq pas ou peu d'effet anticholinergique pas ou peu d'effet anti-histaminique pas ou peu d'effet adrénolytique escitalopram fluvoxamine paroxétine sertraline fluoxétine stimulant ISRSNA milnacipran venlafaxine duloxétine IMA IMAO non séléctif: iproniazide désinhibiteurs Non spécifiques: DA, NA, 5HT… IMAO sélectif A: moclobémide Autres Tianeptine intermédiaire glutamatergique miansérine non spécifiques 5HT=NA mirtazapine agomélatine mélatoninergique