Réunion préparée avec Jean-Pierre Delpech Désir Réunion préparée avec Jean-Pierre Delpech et Michel Rumeau. 1. Étymologie / Définitions 2. Notions / Concepts : Petit tour d’horizon (Platon, Aristote, Epicure, Spinoza, Freud) 3. Questions / Discussion : 3 questions, 20 mn environ par question. 4. En guise de conclusion
Étymologie et définitions Le verbe “désirer” vient du latin « desiderare ». « Sidus », « sideris » c’est l’astre. « Considerare », c’est contempler l’astre. « Desiderare » c’est regretter son absence. L’étymologie nous indique déjà deux présupposés : l’objet du désir est merveilleux (brillant, illusoire ?) il est absent : le désir est manque. Définitions : Le Robert : Tendance qui porte à vouloir obtenir un objet connu ou imaginé (aspiration, envie) Tendance consciente aux plaisirs sexuels. Eprouver du désir pour quelqu’un. Dictionnaire de philosophie Godin : Action d’aspirer à la possession d’un bien dont on croit qu’il nous donnera une jouissance.
Petit tour d’horizon Platon (428-348 av JC) estime que le désir est manque : « Quand on ne croit pas manquer d'une chose, on ne la désire pas. ». On notera que Sartre (1905-1980) partage la même conception. Aristote (384-322 av JC) pense que le désir est en nous l’unique force motrice : « Il n'y a qu'un seul principe moteur : La faculté désirante. » « L’intellect ne meut manifestement pas sans le désir, alors que le désir peut mouvoir en dehors de tout raisonnement. » Epicure (342-270 av JC) distingue les désirs naturels et les désirs vides : les désirs naturels sont soit nécessaires, soit non nécessaires. Les désirs vides ne sont ni naturels, ni nécessaires. Spinoza (1632-1677) définit le désir en tant que tendance consciente de son objet ou appétit conscient et le distingue du besoin physiologique d’une part et de la volonté d’autre part, parce que cette dernière inclut une dimension intellectuelle et rationnelle que le désir n’a pas. Freud (1856-1939) estime que le désir n’est pas la visée d’un objet réel externe mais d’une sorte d’hallucination interne correspondant à une satisfaction originaire ayant laissé dans le psychisme une trace mnésique qui serait à l’origine du principe de plaisir. Le désir : Unique force motrice ou manque / puissance ou impuissance ? S’il est bon de désirer; tout désir est-il bon ?
QUESTIONS Le désir est-il signe de puissance ou d’impuissance? Désirer est-ce vouloir ? Le désir est-il utile ou nuisible au bonheur ?
Le désir est-il signe de puissance ou d’impuissance ? Animation Jean-Pierre Delpech Qu’est-ce que la puissance d’être ? Le désir : signe de manque ou puissance même de l’être ?
1. Le désir est-il signe de puissance ou d’impuissance ? La puissance est une force qui s’exerce (puissance en acte : energia) ou qui peut s’exercer (puissance en puissance : dunamis ) Pour Spinoza, la puissance c’est l’être même en temps qu’il est puissance d ’être (conatus, force, énergie) : « exister, c’est persévérer dans son être ». Nietzsche voyait dans la volonté de puissance « l’essence la plus intime de l’être » : vivre c’est dominer, surmonter son être, manifester sa puissance et l’accroître. Pour l’un comme pour l’autre, il ne s’agit pas seulement de résister à la mort, mais d’exister, d’agir et de se réjouir le plus possible : dangereusement pour Nietzsche, plus sagement pour Spinoza. La puissance d’exister et d’agir, n’est-elle pas l’essence même de l’être ? Deux conceptions du désir : Le désir-manque de Platon : Désirer c’est manquer : « Quand on ne croit pas manquer d'une chose, on ne la désire pas. » . Je désire manger parce que je manque de nourriture (j’ai faim ). L’insatisfaction ou la souffrance sont à l’origine du désir. Le désir-puissance d’Aristote, Spinoza et Nietzsche : Désirer, c’est avoir de l’appétit. Je désire manger parce que j’ai de l’appétit et non parce que j’ai faim. Le désir n’est pas signe de manque ni d’impuissance mais de puissance. Le désir est puissance de jouir ou jouissance en puissance : le plaisir est son acte. Dit en substance ACS Le manque n’est-il pas que la frustration du désir-puissance ? Si, dans la conception platonicienne le désir est plutôt négatif et signe d’impuissance, il est tout à fait positif et l’expression même de la puissance de l’être chez Aristote, Spinoza et Nietzsche. Si ne plus rien désirer c’est déjà mourir un peu, le désir ne serait-il pas plutôt signe de puissance ?
Désirer est-ce vouloir ? Animation Michel Rumeau Vouloir, volition, volonté ? Peut-on vouloir sans désirer ? Peut-on désirer sans vouloir ? Peut-on vouloir sans faire ?
2. Désirer est-ce vouloir ? Vouloir / volition / volonté ? La volition est l’acte de vouloir. « On ne peut vouloir que ce qui dépend de soi et à condition de le faire. » dit ACS La volonté est la faculté de vouloir : l’acte en puissance ou la puissance en acte. « Une volonté qui n’agit pas n’est plus une volition, ni même tout à fait une volonté : c’est un projet, un vœu, ou une lâcheté. » dit ACS. Vouloir c’est faire ou agir. Peut-on vouloir sans désirer ? Pourquoi voudrais-je ce que je ne désire pas ? Vouloir suppose un désir. On peut désirer plusieurs choses contradictoires, mais point les vouloir : parce qu’on ne veut vraiment que ce qu’on fait. La volonté est une certaine espèce de désir : c’est un désir dont la satisfaction dépend de nous., de ce que l’on décide. « Toute volonté est puissance de choix : c’est le pouvoir déterminé de se déterminer soi-même » dit ACS Vouloir suppose un désir, mais ne s’y réduit pas : « toute volition est désir, tout désir n’est pas volition » dit ACS Vouloir c’est désirer en acte. Si vouloir c’est faire ce que l’on désire et parce qu’on l’a décidé, n’est-ce pas parce que le désir est instinctif (du corps) et que la volonté est à la fois pensée et raison (de l’esprit) ?
Le désir est-il utile ou nuisible au bonheur ? Bonheur = Joie = Plaisir = Satisfaction des désirs ? Quel type de désir pour le bonheur : puissance ou manque ? Si le désir est nécessaire au bonheur, est-il suffisant ?
3. Le désir est-il utile ou nuisible au bonheur ? Le bonheur ? On peut appeler bonheur tout laps de temps où la joie est perçue. L’aptitude à résister à la souffrance, à ce qui ne dépend pas de soi, n’est-elle pas tout autant nécessaire au bonheur ? Le bonheur ne serait-il que l’écrin de la joie ? Pour être heureux ici et maintenant ne faut-il pas avant tout cultiver son aptitude à se réjouir et à résister à la souffrance ? Joie / Plaisir / désir ? La joie n’est-elle pas réjouissance, comme une jouissance ou un plaisir en plus spirituelle ou spiritualisée (re-jouissance) ? Comme le plaisir, toute joie n’est-elle pas inhérente à la satisfaction d’un désir ? Mais de quel désir s’agit-il : de désir-manque ou de désir-puissance ? Si le désir est manque comment pourrait-on en être satisfait ? Si en revanche, le désir est la puissance d’être avec pour acte le plaisir / la joie qui accompagne en nous l’expansion de notre puissance d’exister et d’agir, comment pourrait-on s’en passer pour être heureux. Si le désir-puissance est utile au bonheur, est-il pour autant suffisant ? Dépendre de ses désirs au point d’en être esclave ne prouve-t-il pas que le désir n’y suffise pas ? La volonté en tant que moyen de contrôle des désirs n’est-elle pas tout autant nécessaire ? Si le désir est manque, comment le bonheur ne serait-il pas manqué ? Mais si le désir c’est la puissance d’exister, comment pourrait-on s’en passer pour être heureux, même s’il n’y suffit pas ?
Comment pourrais-je l’être si je ne désire que ce qui me manque ? En guise de conclusion « Le plus grand secret pour le bonheur, c'est d'être bien avec soi. » dit Fontenelle Comment pourrais-je l’être si je ne désire que ce qui me manque ?
Toutes les informations et documents sont disponibles sur : Prochaines réunions mardi 9 février : « Jugement » et choix des sujets du 2em trimestre. mardi 9 mars : « Orgueil » Toutes les informations et documents sont disponibles sur : http://www.cafe-philo.eu/ 12
Bonne et heureuse année 2010 !