TC Économie du développement - IHED Le schéma de Lewis Arthur Lewis, citoyen britannique originaire de l’île de Ste Lucie dans les Caraïbes. Prix Nobel d’économie en 1979 pour ses travaux sur l’économie du développement. TC Économie du développement - IHED 9e séance
Objectifs de la présentation Raisonner sur la dynamique de l’emploi en situation d’excédent de main d’œuvre (modernisation) Connaître le modèle de référence dans ce domaine : le schéma dualiste d’Arthur Lewis L’explosion démographique dans les pays du Sud a mené dans un grand nombre de cas – notamment mais pas seulement en Asie - à des situation d’excédent de main-d’œuvre dans différents secteurs dits traditionnels.
Plan de la présentation À quoi sert cet outil ? Comment fonctionne cet outil ? Quelles questions soulève cet outil ? Exemples d’application Conclusion
À quoi sert cet outil ? Établit une théorie de la dynamique de l’emploi En situation d’excédent de main d’œuvre dans le secteur traditionnel (modèle dualiste) En lien avec l’investissement dans le secteur moderne Et avec l’augmentation de la productivité du travail dans les secteurs moderne et traditionnel Secteur traditionnel : services domestiques, tout petit commerce, emplois de fortune, agriculture (cf. texte de Lewis dans recueil de textes TCE p. 338). Exemple île Barbade 16% population dans services domestiques Inde : ¼ au moins de la population agricole en excédent par rapport aux besoins (de travail) Rare en Afrique et en Amérique latine mais se répète en en Chine, Indonésie, Egypte et maints pays d’Europe orientale Surpeuplement dépend des techniques à un moment donné puisqu’elles déterminent la main-d’œuvre nécessaire. Secteur moderne : industrie et part des services nouveaux, dirigés vers l’industrie (transports…) ou vers l’augmentation du niveau de vie (loisirs…) Secteur traditionnel et moderne opposés dans la théorie de Lewis par la logique des rémunérations
Comment fonctionne cet outil ? (1) On s’intéresse tout d’abord au secteur moderne de l’économie Hypothèse 1: le capital est rare alors que la main d’œuvre est excédentaire. À capital donné, la productivité marginale du travail décroit jusqu’à devenir nulle Tout d’abord raisonnement statique à un moment dans le temps sur les caractéristiques du secteur moderne. Dans le cas du secteur agricole, Lewis (cf. texte recueil partie I.b) envisage même que la productivité marginale du travail devienne négative à cause des « dégâts environnementaux » (perte de fertilité du sol…) quand le nombre de travailleurs devient trop élevé. Productivité marginale du travail Niveau d’emploi
Comment fonctionne cet outil ? (2) Hypothèse 2 : mode de production capitaliste et concurrence entre les travailleurs du secteur moderne le salaire est égal à la productivité du dernier travailleur engagé Le taux de salaire est égal à la productivité marginale du travail Hypothèse d’un mode de production capitaliste et de concurrence entre les travailleurs : A niveau d’emploi donné, le taux de salaire est égal à la productivité marginale du travail. En effet : 1) le capitaliste recrute des salariés tant que ce qu’il lui coûte (salaires) est inférieur à ce qu’ils lui rapportent (productivité) (mode de production capitaliste par opposition à un mode d’exploitation familial où on cherche à faire travailler tout le monde). 2) vu la concurrence, c’est le taux de salaire du plus mal payé, correspondant à la productivité du dernier travailleur employé qui détermine le salaire de tous les autres. (on ne dit pas à ce stade pourquoi le salaire ne pourrait pas être encore plus bas que la productivité marginale du travail… mais on voit ensuite qu’il descend jusqu’au salaire minimum institutionnel). Cette logique prévaut donc dans le secteur moderne, mais pas dans le secteur traditionnel (salaire de subsistance = salaire institutionnel). Taux de salaire Niveau d’emploi
Comment fonctionne cet outil ? (3) Hypothèse 3 : le taux de salaire ne peut cependant pas descendre plus bas que le taux de salaire institutionnel w. N Profits des capitalistes Taux de salaire P w Salaires des travailleurs E0 Niveau d’emploi
Comment fonctionne cet outil ? (4) Le taux de salaire institutionnel w détermine donc : Le niveau d’emploi E0 La répartition entre les profits des capitalistes et les salaires des travailleurs On peut ensuite raisonner sur la dynamique dans le temps du système
Comment fonctionne cet outil ? (5) Hypothèse 4 : les capitalistes réinvestissent les profits dégagés, ce qui permet d’augmenter la productivité du travail => Déplacement vers la droite de la courbe de productivité marginale du travail Le niveau d’emploi dans le secteur moderne augmente de E0 à E1 Il y a un accumulation du capital. Remarque : on suppose que les investissements augmentent la productivité marginale du travail quelque soit le niveau d’emploi, ce qui correspond graphiquement à une translation de la courbe vers la droite. On peut toutefois imaginer que les investissements fassent que jusqu’à un certain niveau d’emploi, les investissements rendent la productivité marginale du travail plus grande, mais qu’ensuite cette productivité soit plus petite qu’elle ne l’était initialement parce que les machines rendent le travail moins nécessaire à partir d’un certain seuil (niveau d’emploi). On aurait alors une nouvelle courbe déformée, au-dessus puis en-dessous de la courbe initiale [mon interprétation]. Taux de salaire w E0 E1 Niveau d’emploi
Comment fonctionne cet outil ? (6) Hypothèse 5 : dans le secteur traditionnel, le taux de salaire est égal à un taux de subsistance s, inférieur à w. Conséquences : Lorsque le niveau d’emploi dans le secteur moderne augmente de E0 à E1 (investissements), une partie de la main d’œuvre du secteur traditionnel (E1- E0) accepte de s’y employer parce que le salaire y est plus élevé Le différentiel de salaire w-s couvre le « coût de la migration » (aussi psychologique, culturel…) De plus, s exerce une pression à la baisse sur w : maintien de bas salaires dans le secteur moderne Réponse à la question : d’où vient la population E1-E0 ? La différence de rémunérations entre les secteurs (s < w) est due : Au « déclin de l’agriculture » À l’excédent de main-d’œuvre dans le secteur agricole Et éventuellement à l’augmentation de la productivité agricole, lorsqu’elle est plus rapide que celle de la demande de produits agricoles par tête. Remarque : pour que le transfert de main-d’œuvre puisse se faire, une élévation de la productivité agricole de manière à nourrir la population non agricole est nécessaire. Si elle n’est pas suffisante, Lewis envisage l’importation de denrées alimentaires – et l’exportation des produits manufacturés du secteur moderne ne trouvant pas de débouchés sur le marché intérieur (cf. texte du recueil p. 341).
Comment fonctionne cet outil ? (7) Pression à la baisse Transfert de main d’œuvre du secteur traditionnel vers le secteur moderne Taux de salaire w s E0 E1 Niveau d’emploi
Comment fonctionne cet outil ? (8) En résumé : Le réservoir de main d’œuvre dans le secteur traditionnel permet de maintenir de bas niveaux de salaires dans le secteur moderne Ceci permet aux capitalistes du secteur moderne de dégager des profits, qu’ils réinvestissent, ce qui entraîne une augmentation de la productivité du travail dans le secteur moderne Progressivement, une part croissante des travailleurs du secteur traditionnel peuvent être employés dans le secteur moderne : il y a transfert de main d’œuvre du secteur traditionnel vers le secteur moderne : c’est la « modernisation » Conclusion inverse de celle de Higgins qui prévoyait un reflux du secteur moderne vers le secteur traditionnel. Lewis propose (plus qu’il ne constate) un modèle vertueux.
Exemple d’application Planification en Chine Années 1950-60 : salaire urbain supérieur au salaire rural, mais politique d’investissements dans le secteur agricole, d’industries rurales et mesures coercitives pour empêcher le transfert de population. Années 1970 : nouvelle politique visant à réduire l’excédent de main d’œuvre rurale : investissements dans le secteur urbain, création d’emplois urbains, rendant par ailleurs nécessaire l’importation d’aliments. Pour éviter un nouvel excédent de main d’œuvre rurale : politique antinataliste et ralentissement de la mécanisation agricole. Années 90 : ralentissement de la croissance de la main d’œuvre excédentaire, mais non de son volume. -Années 50-60 : d’abord pas de problématisation de la démographie, « révolution plus production », prise de conscience du « frein démographique » lors du recensement de 1953 mais pas de politiques antinatalistes efficaces jusqu’au début des années 1970. Par contre politique anti migrations rurales. 1970 : Importation d’aliments illustre le fait que la productivité du secteur agricole n’a pas augmenté assez vite. Ralentissement de la mécanisation agricole : permet de diminuer le surpeuplement par l’effet des techniques. Années 1990 : montre l’inertie du problème démographique, met des décennies à évoluer.
Quelles questions soulève cet outil ? Critiques méthodologiques communes à l’ensemble des modèles dualistes Opposition discutable entre secteur moderne et secteur traditionnel : informalités ? Des hypothèses spécifiques à examiner : Le secteur moderne est-il concurrentiel ? Les salaires dans le secteur moderne sont-ils bas ? Les profits sont-ils réinvestis et non consommés ? Y a-t-il toujours excédent de main d’œuvre dans le secteur traditionnel ?
Conclusion Un outil de référence pour analyser les relations entre investissement, population, emploi et productivité du travail Peut servir à élaborer des politiques publiques Mais des hypothèses fortes, à vérifier au cas par cas