Charles Baudelaire Le chat Nanou et Stan
Dans ma cervelle se promène Ainsi qu'en son appartement, Un beau chat, fort, doux et charmant. Quand il miaule, on l'entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret ; Mais que sa voix s'apaise ou gronde, Elle est toujours riche et profonde. C'est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre Dans mon fonds le plus ténébreux, Me remplit comme un vers nombreux Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux Et contient toutes les extases ; Pour dire les plus longues phrases, Elle n'a pas besoin de mots.
Non, il n'est pas d'archet qui morde Sur mon coeur, parfait instrument, Et fasse plus royalement Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix, chat mystérieux, Chat séraphique, chat étrange, En qui tout est, comme en un ange, Aussi subtil qu'harmonieux !
De sa fourrure blonde et brune Sort un parfum si doux, qu'un soir J'en fus embaumé, pour l'avoir Caressée une fois, rien qu'une.
C'est l'esprit familier du lieu ; Il juge, il préside, il inspire Toutes choses dans son empire ; Peut-être est-il fée, est-il dieu ?
Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime Tirés comme par un aimant Se retournent docilement Et que je regarde en moi-même
Je vois avec étonnement Le feu de ses prunelles pâles, Clairs fanaux, vivantes opales, Qui me contemplent fixement.
Le chat de Charles Baudelaire I) Présentation Les Fleurs du Mal regroupent quatre poèmes sur le chat : un vante la puissance et la beauté du chat, un autre la beauté de son « chant » et encore un autre pour l’assimilé à un objet érotique. Celui qui nous intéresse est issu de la première section du recueil, Spleen et Idéal, il a un rôle important car il permet au poète de proposer à travers l’animal, une métaphore de la femme. Ce poème suit la structure traditionnelle du sonnet en ce qui concerne la succession strophique des deux quatrains et des deux tercets mais opère un bouleversement dans la structure des vers et des rimes. L’alternance d’un décasyllabe et d’un octosyllabe, parallèlement à l’éclatement partiel du schéma rimique (ABBA.ABBA.CDCDCC) font de ce sonnet un texte particulier entre héritage et innovation. II) Analyse L’animal « Chat » est une métaphore de la femme, nous le voyons à trois niveaux : - Les éléments du sonnet référant à l’animal réel : Il faut partir du premier terme « chat » qui permet ensuite la description : « Les griffes de ta patte », « Tes beaux yeux », « Caressent ». Cela renvoie à l’activité de l’homme sur l’animal les termes sont évocateurs de la figure du chat. - L’humanisation du chat : Nous avons un processus comparatif. On peut dire que le chat fait l’objet d’une humanisation. Il est en fait comparé à la femme du poème. « Son regard/comme le tien ». - Le chat est porteur de rêves. Le chat est l’objet de désir à deux niveaux : Il suggère l’érotisme (rapport charnel) et la sensualité. III) Le message du poète De manière analogique, le regard du chat est assimilé à celui de la femme : « Je vois ma femme en esprit. Son regard, comme le tien, aimable bête, profond et froid, coupe et fend comme un dard. » L’aspect insaisissable de la femme parfois fourbe est ainsi mis en évidence, la femme tel le chat sait être fuyante, fourbe, froide voire même dangereuse, « Un dangereux parfum ». Symbolisme animalier : dénonciation des vices et des défauts humains Nanou et Stan le 02/04/2017 Récitant : Gilles Thibaut, ( pseudonyme de Lucien Thibaut, né le 21 septembre 1927 à Paris et décédé le 8 août 2000 à La Hauteville (Yvelines